33.

Dane à Alibi : 19h36

– La terre des bannis ? répété-je, sans vraiment comprendre. Mais, je pensais qu'Alibi était une terre libre.

– Oh mon très cher, ne pleure pas si vite ! Ici, nous sommes libres. Libre, mais encore sous la coupe de la famille royale. Ou, tout du moins, de la seule femme de sang royale qu'il reste. Il ne faut pas se fier aux rumeurs qui circulent partout autour de toi.

– Non, vous vous trompez, elle n'est pas la dernière, riposté-je, malgré moi, elle ne le sera pas.

Quel saugrenue je fais ! Je suis censé cacher mon identité et voilà que je révèle une information que personne ne connaît, pas même les fidèles de ma chère mère. En disant cela, je pourrais mettre ma sœur Charlène en danger et ce n'est assurément pas ce à quoi j'aspire.

– Voyez-vous ça ! Explique-toi ? De quoi parles-tu donc ?

– De rien, je disais seulement que je ne pense pas que ce soit la dernière. Il y aura forcément un héritier au trône, elle fera de quelqu'un son successeur, je pense que c'est indéniable. Quelqu'un d'autre devra sûrement reprendre les rênes de Gloria.

J'avale difficilement ma salive. Je la sens suspicieuse, fronçant les yeux, elle tente certainement de comprendre où je veux en venir et pourquoi je sors de tels propos.

– Tu n'es pas un simple petit étudiant bas de gamme, lâche-t-elle, d'un coup, tu es différent.

– Absolument pas, je ne suis qu'un élève qui à réussi à s'échapper de Culpa. Que suis-je censé être d'autre ?

– Justement, qui es-tu, Dane ? Dis-le nous, ajoute-t-elle, en pointant le groupe autour de nous deux.

– Personne. Je ne suis personne. Juste un vulgaire étudiant de pacotille.

– Belle répartie. Tu es personne et tout à la fois ?

Elle sourit, penchant la tête de côté. Elle me détaille sous tous les angles, sûrement à la recherche d'un indice me concernant. Je suis dans l'embarras le plus totale. Si jamais elle apprend d'où je viens, je suis certain que mon exil ici prendra fin. Et ce n'est pas du tout ce que je recherche.

– Très bien. Quand tu souhaiteras me révéler qui tu es réellement, tu sauras où me trouver. Je vais te laisser réfléchir. Dans cette contrée, j'exige qu'on soit franc les uns envers les autres, peu importe qui on est et d'où on vient. C'est notre force d'être sincère entre nous.

– Et vous, qui êtes-vous ? Pourquoi vous êtes ici alors que vous êtes une femme ?

– Mon petit, sourit-elle d'un air tendre, toutes les femmes n'adhèrent pas à ce qu'a entrepris Gloria. J'ai décidé de me rebeller, de ne pas accepter les ordres. De rester la femme que je suis et non de devenir la femme que le nouveau système voulait que je sois. J'ai choisi ma voie. Alors la reine s'est interrogée. Elle s'est questionnée sur comment punir les insoumis de la société. Et un jour lui est apparu une idée lumineuse. Créer une émission, avec pour fond de décors des endroits tous plus inimaginables et impensables. J'ai été son premier cobaye. La première à être jetée dans ce bas monde. C'est alors que j'ai découvert qu'il y avait une solution pour se libérer.

– De quoi donc ?

– De son jeu réalité, voyons. The Human Beast.

– Alors, si je comprends bien, cela fait dix ans que vous errez dans cet endroit ?

– Non, l'émission a été créée il y a sept ans. Je suis là depuis tout ce temps. Si je compte bien, c'est la sixième édition. Mais lors de la première, j'ai été envoyée seule ici. Plus les années ont passées et plus il y a eu de participants. Alors, je pense que tu n'es pas le seul à avoir été envoyé dans ce lieu. Nous sommes dix-neuf actuellement. Il y a eu trois garçons à chaque saison. Tu n'as donc pas été l'unique candidat à être envoyé ici. Quelque part dans le coin, à fuir une créature ou tout autre chose, deux hommes sont perdus à la recherche d'une solution afin de sortir de leur calvaire.

– Je pensais avoir été le seul choisi lors de la cérémonie. Je n'ai croisé personne !

– C'est là que tu te trompes, il y a plusieurs cérémonies. Et plusieurs hommes sont lâchés au fil du jeu.

Je tente de digérer les informations qu'elle me lancent au visage. Je ne m'attendais absolument pas à tout cela. Comment peut-on prendre des humains pour du gibier ? Nous ne sommes pas des animaux, nous sommes des créateurs, des travailleurs, nous sommes ceux qui perdurent au-delà de tout. Loin de moi de vouloir rabaisser les animaux, mais une chose nous différencie : c'est la projection dans l'avenir.

– Je ne suis pas un animal qu'on tente de chasser, lancé-je, à bout de nerfs.

– Tu as tout faux. Tu es un animal. Les hommes sont des animaux sans foi ni loi. Moi aussi j'en suis un. On leur ressemble. Ils ont l'instinct de survie Dane et nous l'avons tous. On est peut-être en haut de l'échelle, mais cela ne fait pas de nous des touts puissants. Nous n'avons que la parole en plus, mon garçon et notre technologie, rien de plus. Et ils sont certainement plus doué que nous pour survivre par-delà les années, mais aussi au-delà des crises que nous traverserons dans le futur. Le virus nous a pratiquement tous décimés, mais a-t-il touché les animaux ? Pas le moins du monde. Ce sont des dieux et ils seront ici encore bien après notre extinction.

– Que suis-je censé faire ? capitule-je, pris de court.

– Survivre. Tu n'es plus un homme à présent, tu es une bête. Une bête sauvage et non plus domptée.

Je l'observe longuement. Je comprends sa métaphore. Seulement, je n'arrive pas à me dire que je suis entre la liberté et la domination. Parce que oui, malgré le fait qu'on soit bannis, on n'en est pas moins surveillé. J'ai obtenu mon indépendance, mais cette domination qui reste sur moi, cette main mise que Gloria possède toujours, je dois l'abolir, afin de sauver toutes ces autres bêtes domptées là-bas. C'est mon rôle à présent. Sauver ceux qui sont à Culpa mais aussi ceux qui sont enfermés à Gloria. Dont trois d'entre eux sont mes amis.

– Maintenant très cher, révèle moi qui tu es réellement qu'on soit quitte.

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