Chapitre 10 - Ce qu'il advient de la dépouille de la Bête

Parmi les nombreuses zones d'ombre entourant l'affaire de la Bête du Gévaudan, il faut rajouter celle tenant à la façon dont fut traitée la dépouille de l'animal tué par Jean Chastel.

Il semble que la Bête aurait été décharnée pour en conserver le squelette et il est vraisemblable que ce soit le marquis d'Apcher qui ait gardé celui-ci, laissant la peau mal préparée à Chastel : le chirurgien Boulanger, décidément peu connaisseur en la matière, se serait contenté, selon le témoignage de M. Gibert, domestique du marquis, de retirer les entrailles et de bourrer la peau de paille.

D'autres sources mentionnent que la dépouille aurait été salée.

En tout état de cause, la dépouille va séjourner au château de Besques jusqu'à début juillet au moins afin de satisfaire la curiosité de tous.

La tradition relate qu'elle est ensuite chargée sur un cheval par Jean Chastel afin d'aller la montrer de village en village et quêter, comme il était d'usage à l'époque lorsqu'on avait détruit un animal malfaisant pour les troupeaux.

Cette « tournée » de Chastel avec la Bête est cependant aujourd'hui largement mise en doute par des documents assez récents.

Pendant ce temps, l'animal plus petit qui accompagnait la Bête lorsqu'elle fut abattue est tué à son tour, du moins le pense-t-on en tuant le 26 juin une louve à la Beyssère-Saint-Mary.

Quoi qu'il en soit, approximativement le 15 juillet, le marquis d'Apcher fait enfermer la dépouille de la Bête dans une caisse et confie à son domestique Gibert la mission de la porter à Paris.

Contrairement à la légende, aucun document ne fait mention de la présence de Jean Chastel dans cette expédition : M. Gibert est accompagné par un cavalier de la maréchaussée jusqu'à Clermont-ferrand où il loue un voiturier et une charrette pour poursuivre jusqu'à Paris.

Ironie du sort, le 17 juillet arrivent en Gévaudan 5 gardes-chasse royaux envoyés par le pouvoir central afin de porter secours contre les ravages des loups qui continuaient. Il est bien temps !

La légende prétend que Chastel serait arrivé à Versailles avec la dépouille puante de la Bête et que le roi, incommodé par l'odeur, l'aurait vertement éconduit en le ridiculisant devant la Cour. La dépouille aurait alors été prestement enterrée dans les jardins du château de Versailles.

Or il n'en est rien, nous le savons de façon formelle aujourd'hui. Encore une affabulation à laquelle il convient de tordre le cou !

En réalité, M. Gibert (qui n'était selon toute vraisemblance pas accompagné par Chastel ainsi que je l'ai dit plus haut), est arrivé début août non pas à Versailles (on ne se présente pas de son propre chef à la Cour devant le roi, qui plus est sans tambours ni trompettes !) mais à Paris, à l'hôtel de M. de la Rochefoucault situé rue de Seine, lequel était un cousin du marquis d'Apcher.

Il était porteur d'une lettre du marquis d'Apcher demandant à M. de la Rochefoucault d'informer le roi de la destruction du monstre dont on lui faisait apporter le corps.

Mais le roi était à Compiègne à ce moment là.

Averti, il aurait mandé M. Buffon afin de venir examiner la Bête, dont la dépouille (ou ce qu'on lui en présentait si ce n'était qu'une peau bourrée de paille) était pour ainsi dire pourrie.

Buffon l'aurait examinée néanmoins et aurait jugé que ce n'était qu'un gros loup.

Quoi qu'il en soit, la dépouille puante fut rapidement enterrée, plus que probablement sans avoir quitté l'hôtel de la Rochefoucault, c'est-à-dire dans les jardins de cet hôtel particulier qui fut partiellement détruit par la suite, en 1825. On n'est donc pas près de retrouver de quelconques restes de la Bête, que ce soit à cet endroit aujourd'hui impossible à localiser très exactement, et encore moins dans les jardins du château de Versailles où elle n'a pas été emportée !

Ainsi le roi Louis XV n'aura jamais vu la Bête.

On sait que Jean Chastel toucha une récompense, payée par le receveur des tailles du diocèse de Mende, d'un montant de 72 livres.

Nous sommes bien loin de la fortune promise au vainqueur de la Bête avant l'exploit de M. Antoine !

Le chasseur ayant tué la louve censée être la compagne de la Bête reçut pour sa part 48 livres versées par le syndic M. Lafont.

Aucune attaque n'a plus été à déplorer ensuite de la destruction de l'animal tué par Jean Chastel.

D'après les meilleures sources vérifiées, recoupées et compilées (encore une fois merci à Alain Bonet), au total 284 attaques auront été imputées à la Bête du Gévaudan.

Sur ce nombre, 131 attaques n'ont occasionné aucune blessure, 104 personnes ont été tuées et 49 ont été blessées plus ou moins gravement.

Il ne s'agit là que des attaques recensées.

Le cauchemar aura duré 3 ans.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top