Prologue :

Dans un univers moyenâgeux quelque peu anachronique, suivons le quotidien d'une jeune Noble bouleversé à jamais...
Tianna Dracosky de RoyCaponi, une femme qui cherchait la simplicité à tout prix, avait une longue chevelure d’or avec une frange ainsi que des yeux bleus si magnifiques que quiconque pouvait la rendre coupable de quoi que ce soit. Elle avait tendance à choisir ses précieuses robes en fonction de la couronne de fleurs portée sur la tête. Une femme bienveillante ayant suivi une éducation  plus  qu’impeccable, ne manquant d'aucune nécessité grâce à ses origines sociales très avantageuses. Mais, aujourd’hui, en tant que femme opprimée – pour ne pas dire bouffée – par un manque de liberté et d’amour, notamment d’attention de la part de ses honorables parents, elle désirait une rupture entre elle et le monde où elle a toujours vécu.
Et, avec ce tempérament rebelle et innovateur pour l’époque, ce n’était pas faute d’avoir essayé !

Bien, commençons, cette histoire…

    Quelque part, parmi les sentiers sylvestres de la Forêt  de Verseck…
Dame Dracosky de RoyCaponi, appelée Tianna, se trouvait  avec sa mère Jeanne, une femme qui paraissait beaucoup plus vieille que son âge,  dû probablement à cet air aigri et sévère qu’elle ne quittait que peu, au sein de la calèche royale.

    Elle rentrait d'un festin d'affaires ayant eu lieu dans une  seigneurie voisine. Elle s'y était ennuyée à mourir. En l’occurrence à cause de son lointain cousin, qui la collait un peu trop. Tianna avait passé son temps à repousser ses avances.
    Elle avait donc hâte de retrouver Varennes-et-Milleon, la seigneurie à laquelle son paternel était associée. Consciente des traditions inviolables, elle était persuadée qu’elle n’échapperait point au mariage arrangé. Ces unions œuvraient pour la conservation du patrimoine financier de la lignée Dracosky ainsi qu’au bon développement et  au  maintien des alliances entre les royaumes riverains et lointains. Toujours dans cet optique de préserver la paix et d’étendre l’héritage ancestral…
    La route était calme et paisible sous cette douce chaleur printanière. Les rayons du Soleil traversaient la cime des arbres au beau milieu du chant mélodieux des oiseaux.
    Tianna et sa mère roulaient dans l'immense Forêt de Verseck, appartenant au Domaine de Tiersek, un lieu abandonné, rapidement tombé dans l’oubli. Elles étaient conduites par le Cocher Arystide, un ami de longue date des Dracosky. Sa famille lui accordait une confiance sans faille.
    Tianna tirait sur sa robe violette tout en fixant ses ballerines claires, légèrement à cran face aux remontrances de sa mère sévère : « Fille, tu devrais être plus ouverte et indulgente envers Alphonse. Pour une fois qu'un garçon s’intéresse à toi. Arrête de faire l’inatteignable, enfin ! Cela va bien cinq minutes…! » Et ça n'arrêtait pas.
    Tianna l'écoutait d'une oreille distraite. Elle avait l'habitude. Avec toutes les bêtises - au sens de la Noblesse qu'elle accumulait à longueur de journée.
    Tout se passait pour le mieux... jusqu'à ce qu'un imposant sanglier ne percute la calèche royale.
Tianna faillit se prendre le fauteuil libre d'en face en pleine tête !

- Ahhhhhhh ! Que se passe-t-il ?! hurlèrent les deux femmes en même temps, affreusement surprises.

La calèche bascula sur le côté, tournoyant sur elle- même jusqu’à atteindre le bas-côté de la route… et déferla la pente.
    Instinctivement, Arystide décrocha les chevaux qui se cambraient.
Barricadez tout ! ordonna le Cocher, précipitamment.
    Jeanne bloqua la portière de son côté avec ses poignets de fer. Tianna fit de même, avec ses fines mains munies de trois imposantes bagues.
    La calèche subissait d'importantes secousses, renversant les passagères devenues hystériques.
Les Darcosky se collaient au siège, essayant de se protéger tant bien que mal des violents soubresauts.
    Tianna voyait tantôt le ciel, tantôt le sol, la tête commençant à lui tourner. Mais hélas, sa portière vint à s'ouvrir d’elle-même. Les mains de Tianna, glissèrent progressivement du siège…
…et Tianna fut éjectée hors de la calèche !
    Son corps déferla la pente et se retrouva au beau milieu d’un champ de fougères.
Aie… Ses yeux étaient dans le brouillard, sa cuisse droite la tiraillait, et sa tête tournait si vite qu’on aurait dit une horloge désarticulée.
    La calèche s'abattit contre le sol dans un bruit sourd et bref, plongeant la forêt de nouveau dans un pesant silence.
    Le cheval noir prit la fuite, tandis que la robe du cheval blanc se dessinait encore à l’horizon de la route.
    La mère de Tianna râlait encore, et le Cocher Arystide tentait par tous les moyens d'apaiser les tensions de la sacrée Dame. Il avait du courage, beaucoup de courage.

- Où est ma fille ? Arystide ! Nous devons la retrouver et vite ! grogna Jeanne, en hurlant, agressive pour masquer son inquiétude grandissante.

Tianna entendait distinctement les cris de détresse de  sa mère et du Cocher. Pourtant, elle resta silencieuse et immobile. Parfaitement silencieuse et coite. Sans ciller, elle ne bougeait pas. Elle ne désirait et ne pouvait pas bouger. En même temps, elle souffrait de la chute.
En définitive, sans trop savoir ce qu’elle faisait, Tianna Dracosky prit la soudaine décision de faire la morte.

    Jeanne et Arystide cherchèrent la fille jusqu’à ce qu'au coucher du soleil.
Quand tout à coup, Jeanne se rapprocha du champ des fougères.
Ses pas bruyants s'entendaient à des kilomètres. Tianna comprenait enfin pourquoi Père refusait catégoriquement de l'emmener à la chasse…
Persévérante dans sa décision, la plus grande bêtise de toute sa vie, Tianna roula sur elle-même pour atterrir dans les buissons, hautes herbes et arbres touffus, désireuse d’atteindre la forêt profonde.
    Elle qui se voulait discrète, ce qui n’était pas gagné. Sans s’y attendre, sa mère perçut un mouvement.

- Tianna ?! C'est toi ?! Si c'est toi... montre un signe   de vie... cria-t-elle, d'une voix désespérée. Mère te cherche…

La fille se figea, perdurant dans son mutisme, le temps qu’elle se fasse une raison.

- Ça doit être encore un lièvre ou, encore, un canard, Dame Dracosky… lui chuchota sombrement Arystide.

Jeanne baissa la tête, l’air complètement sonné.

- Dame Dracosky, il fera bientôt nuit. Nous avons encore de la route à faire avant d'arriver à destination. Je suis désolé, mais nous devons partir et reprendre les recherches plus tard. Candid, le plus fidèle des chevaux, nous attend là-haut.

    D’aussi loin qu’elle se souvienne, Arystide a toujours eu cette passion équestre et cette véritable affection pour ses chevaux. Elles se ressentaient pleinement dans sa voix, et il en prenait grand soin, s’en occupant comme les enfants qu’il n’avait jamais eus.
    Une once de culpabilité fendait son cœur comme un liquide destructeur dégoulinant. C’est vrai, Tianna pourrait lever le bras, ou même lâcher un petit mot, une petite onomatopée.
Mais, non. Rien ne sortait de sa bouche, aucun mouvement ne se produisait. Un ordre intérieur lui intimait de ne pas le faire.
La Vie lui offrait l’occasion inestimable qu’elle désirait  depuis tout ce temps. Elle lui offrait sur un plateau d’argent la possibilité unique de renoncer à son destin, cette vie de Noble dans laquelle elle se sentait prisonnière.
Un destin et une vie dans lesquels Tianna n’a jamais été et ne sera jamais heureuse. Jamais, elle ne pourrait s’épanouir dans ses dogmes.
Cependant, les regrets l’animèrent aussi : Elle ne voulait pas abandonner ni ses parents, ni sa petite cousine Priscille auquel elle s’était prise d’une profonde affection…
Tianna réfléchit et puis se dit merde ! : « Cette fois, il faut que je pense à moi, au lieu de toujours penser aux autres avant ! Je n'ai qu'une vie ! La Vie ne me donnera jamais d'autres chances ! »
    Alors, elle glissa sur le ventre jusqu'à la barrière de buisson,  mettant pied dans la forêt profonde, là où les rayons du Soleil peinent à traverser les imposants feuillages.
Tianna lança un regard en arrière, le cœur battant. Elle allait fuguer, c'était décidé !
    Alors, Arystide prit la main de Jeanne, au visage fermé, et la tira jusqu'à Candid.
    Tianna entendit les galops du cheval s'éloigner, soudainement prise d'un léger remords. Ses yeux se mirent à briller. Et si il arrivait quelque chose à sa mère ? Et si elle se faisait dévorer – ou au moins, attaquer – par un loup, ou par une autre bête de la nuit ?

- Tant pis, Tianna, laisse-les, ils font partie de ton ancienne vie, désormais… Maintenant, fuis, survis, assume ton choix ! se répéta-elle pour se donner du courage.

Elle fronça les sourcils, un sourire apparent sur les lèvres, et se mit à marcher sans savoir où précisément.

***

    Au début de sa fuite, l'atmosphère était rassurante, le Soleil caressait sa peau, quelques animaux vivaient paisiblement. D’ailleurs, désormais acquittée de sa tutelle restrictive, Tianna tira sur son corset pour le desserrer afin d’être plus à l'aise. Enfin elle allait découvrir ce qu’était le confort et pourrait délaisser l’élégance et la grâce poussées à l’extrême.

***

    Cependant, le crépuscule s’amenuisant pour laisser place à la nuit, alors qu’elle s'aventurait encore plus profondément dans la Forêt de Verseck, l'ambiance devint soudainement beaucoup plus obscure et le silence devint pesant. La luminosité baissait considérablement. Les ombres des arbres la terrifiaient. Les petits yeux et les petits cris stridents des animaux de la nuit la mettaient mal à l'aise. Les animaux n'étaient plus paisibles, non, ils paraissaient agressifs dans ce secteur-ci. On dirait même qu’ils étaient devenus des ombres aux yeux jaunes.
    Tianna se sentait observée, voire épiée, et elle n'aimait pas du tout cette sensation.
    Une petite ombre se faufila dans le coin de son œil. Puis une autre de l'autre côté. À moins que ce ne soit la même, tournoyant autour d’elle ?
La panique l’anima. Oh non, elle était suivie ! et le danger bien présent ! Elle se mit à courir à toutes jambes sur les chemins boueux de la Forêt.

Rapides, les petites ombres étaient.       Les petites ombres la suivaient.
Les petites ombres la pourchassaient.

Pleurant, apeurée, elle hurlait de terreur en courant. Désorientée, une grosse racine vint lui prendre le pied dans sa course effrénée, la faisant tomber à la renverse dans la boue. Allez hop, bain de boue gratuit pour la bourgeoise rebelle !
    Sa course l’ayant menée vers l’Ouest, elle avait réussi à les semer. Elle était complètement perdue, ne sachant pas où elle se trouvait. Pourtant en réfléchissant, cela lui revint : Elle se situait dans le Domaine de Tiersek, la Forêt de Verseck lui appartenant. Un lieu abandonné que tous avait oublié. Tiersek avait été entièrement effacé des esprits, sa gloire incontestable lors de son âge d’Or est complètement tombée aux oubliettes. Elle s’apprêtait à pénétrer le lieu qui bouleversera toute sa vie.
    Tianna, épuisée, se laissa tomber contre un arbre, désireuse de reprendre son souffle.

- Mais qu’est ce que j’ai fait… Qu'est-ce qui m'a pris de quitter… ma mère ?!

Sa robe était sale et déchirée mais cela lui passait totalement au-dessus, préoccupation complètement secondaire en vue de sa situation actuelle.

Perdue dans ses pensées, plusieurs « CRAC ! » la firent revenir à elle, son cœur oubliant parfois un battement.
    Elle leva les yeux, se transformant en vue panoramique : Un cerf, un hibou, et un sanglier, tous entièrement noirs aux yeux jaunes, partant en fumée sur les extrémités de leur enveloppe corporelle, se postèrent devant elle.

    Tianna sursauta lorsqu'elle rouvrit les yeux, somnolant dangereusement. Non, ils étaient bien réels ! Alors, elle se releva subitement et se crispa atrocement à l'arbre.
    Les animaux foncèrent vers elle, tout en se métamorphosant. Les animaux recouvrirent une forme humanoïde. Ils semblaient… démoniaques.

- Daem'on Killn'uir Ziou'll… murmuraient-ils à l’unisson, d’une voix maléfique.
- M'approchez pas ! Sales monstres ! Me touchez pas ! s'écria Tianna, morte de trouille.

Elle fermait les yeux, mettant ses bras devant elle en guise de modique protection.
    Les humanoïdes noirs se rapprochaient de plus en plus d'elle. Et le moins que l’on puisse dire, c’était qu’ils paraissaient sacrément puissants, en plus d’être horrifiants.
    Elle entrouvrit les yeux lorsqu'elle n'entendit plus les murmures maléfiques des ombres. Elle voulait que tout ceci ne soit qu’un rêve, qu’elle allait ouvrir les yeux sur sa chambre, et prendre conscience qu’elle n’était encore qu’un jeune bambin encore terrorisé par les contes terrifiques des adultes.
Mais, tout ça n’était rien. Elle avait beau se pincer, tout était bel et bien réel. Même ce qui se déroulait devant ses yeux. Une chose imposante et puissante, qui n’avait rien d’humain, était en train de faucher les trois ombres.
    Les trois ombres hurlèrent de douleur, coupées en trois morceaux. Mais cela ne les tuait pas pour autant, comme si elles s’apprêtaient à se régénérer.

    L’énorme chose indescriptible disparut illico presto vers l'Est.
    Tianna savait ce qu’elle devait faire : Fuir, c’était son seul mot d’ordre.
Les ombres se remodelaient progressivement, et allaient reprendre leur activité si elle ne se bougeait pas suffisamment le postérieur !
    Une petite ombre apparut sur sa gauche. Oh, non ! le retour des petites ombres…
    Elle contourna à droite, gambadant comme si sa vie en dépendait.
    Il y avait beaucoup de petites ombres, la forçant à détourner sa course à chaque fois, comme si…elles lui dictaient un chemin. Tianna n'entendit ni ne vit la présence des ombres animales et humanoïdes de la nuit.
    Elle acheva sa course en apercevant cet immense Château aussi noir et violet que les ténèbres, le Château mystérieusement abandonné et oublié du Domaine de Tiersek.

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