Chapitre 6: Les Adieux
...Ou ne serait-ce qu'un au revoir ?
Seul l'avenir pourrait nous le dire...
Devenant une fontaine d’eau incandescente ambulante, Tianna sortit comme une folle hors de la pièce pour rejoindre sa chambre, ignorant le salut heureux des passants.
Dayan arriva tout juste à ce moment là. Il fixa d’un air interrogateur la personne qui précédait leur invitée de marque. Nero Keldunk avait un sourire satisfait sur le visage, avant de disparaître, comme il le faisait toujours. C’était louche, très louche même, se disait le premier conseiller de la Bête.
- Je dois prévenir Madame et Manao…, se dit-il, expressément , animé par un mauvais pressentiment.
Quelque chose se tramait dans l’ombre, quelque chose capable de compliquer les desseins de la Bête ; et cela, ce n’était vraiment, vraiment pas favorable pour la suite des événements…
Tianna, pleurant toujours à chaudes larmes, commençait à rassembler ses affaires dans un petit sac de toile, à la hâte. Pas bien nombreuses… Une poignée de vêtements, une couverture, des vivres seront à ajouter plus tard, quelques souvenirs, notamment un joli petit caillou bleu de forme ovale, cadeau de Rikúl… ignorant totalement la planche de bois gravée d'une rose.
D'ailleurs, ce dernier débusqua du trou de souris, abasourdi.
Il n'en croyait pas ses oreilles ! Il courut et sauta, galérant grandement pour monter sur le lit. Il faisait de grands gestes, terriblement inquiet, ne comprenant pas ce qui était en train de se dérouler.
- Mais ! Tianna ! Qu’est-ce que tu fais ?! Quel est le problème ?! Pourquoi tu pleures ?! Tu t'en vas ?! Nan !! Ne me laisse pas !
La gorge de Tianna faillit se perdre, se serrant crescendo.
- Rikúl, je m'en vais… souffla-t-elle, lasse.
- Tu vas où ?! Tu retournes chez les Humains ?! Chez toi ?!
- Oui, je retourne chez moi… un lieu que je n'aurais jamais dû quitter, pour seul motif la phobie de mes engagements…
- Je veux venir avec toi !!
- Non… reste ici, c'est bien trop dangereux…
- Maiiis allez ! Ça peut être bien, ensemble ! Allez, j'ai toujours voulu aller chez les « Hu-mains » ! En plus, je ne prendrais pas beaucoup de place… dit le minuscule gobelin bleu en riant ses propres blagues.
- Je… je suis navrée. C'est impossible. S'ils te trouvent, ils te tueront ou te tortureront. Les humains ne rigolent pas avec ce qu'ils ne connaissent pas…
- Mais toi tu es Humaine et tu rigoles bien avec moi pourtant, pointa Rikúl, innocemment.
Tianna allait prononcer une bêtise : « Mais moi je ne suis pas humaine… » Fort heureusement, elle eut le temps de se rattraper. Le petit Rikúl arrivait à lui donner envie de sourire alors qu'elle n'en avait aucunement envie.
- Mais je ne… je ne suis pas comme la plupart des humains, il y a des exceptions. Très peu, mais il y en a. Ils peuvent être considérés comme des héros mais la plupart du temps, ils sont plus considérés comme des marginaux laissés à l’écart, ou encore, des fous, persécutés par les Hommes.
- Alors je veux rencontrer toutes ces exceptions avec toi ! Et on pourrait toutes les ramener au Château pour les préserver des méchants « Hu-mains » !
Tianna, malgré les larmes, ses yeux bouffis et ses joues rouges, échangea un sourire avec Rikúl.
Malgré son langage plutôt élaboré pour son âge, c’était dans ce genre de moments qu’elle remarquait son innocence enfantine. Elle faisait chaud au cœur, mais d’un côté, cette naïveté face à la dure réalité lui faisait mal. Il ne comprenait pas le problème et la gravité de la situation et de celle des Hommes, et… c’était peut-être mieux ainsi.
- Alors, on a un arrangement ? réitéra celui qui ne perdait absolument pas le Nord.
- Non, gloussa Tianna. J’ai dit non. Toi, tu restes ici, chez toi. Et moi, je retourne chez moi.
C'était mort, maintenant qu’elle prenait cela à la rigolade. Malgré son objection, elle ne pourrait plus lui refuser.
Cependant, elle ferait tout pour ne pas l'emmener, ayant bien trop peur que les humains s’en prennent à lui. La petite chose la plus importante à ses yeux.
Rikúl et Tianna s'endormirent l'un à côté de l'autre, profitant de cette dernière nuit à ses côtés…
***
Le lendemain, à l’aube, Tianna, son sac en toile sur les épaules, vivres préparés, avait convoqué toute la Cour de Tiersek dans l’imposante salle de Bal au centre du Château.
Évidemment, le Seigneur Nero Keldunk appartenait au mouvement des premiers arrivants !
Suivi de près par les cinq conseillers de la Bête !
La Bête, quant à elle, peu radieuse, était arrivée parmi les derniers. En sachant que Tianna l'avait fuie toute la matinée.
La jeune Noble était angoissée à l’idée de prendre la parole devant autant de monde. Elle sourit et réunit ses forces pour être en confiance… mais tout ceci n’était que pure façade – toujours dans l’optique d’assurer le Personnage.
Les gobelins ne l’avaient jamais vue pleurer – sauf Nero Keldunk, Rikúl, et la Bête. Et ce n’était pas ce jour-ci qu’elle ne se montrerait pas forte. Non, en public, elle se montrerait toujours sous son plus beau jour. Ou du moins, elle essayerait.
- Comme vous le savez, des centaines de guerriers et de chasseurs sont sur mes traces, espérant pouvoir me retrouver. Hélas, s'ils me trouvent, ils découvriront le Château également. Par conséquent, ils vous trouveront aussi, donc vous traqueront, jusqu’au dernier. Et cela, je ne peux pas me le permettre. Vous comptez tous énormément pour moi. Et je ne tolérerai absolument pas que l’on s’en prenne à ne serait-ce qu’à l’un d’entre vous. Parce que… la plupart des humains n’apprécient pas les choses qui ne leur ressemblent pas.
» Les bruits courent, les menaces s'amplifient jour après jour, toujours un peu plus, au fur et à mesure que les chasseurs se rapprochent du Château…
» Alors, suite aux menaces qui pèsent sur vous, je préfère mettre les voiles. Je suis dans l’incapacité de rester, hélas. Ma présence vous met tous en danger.
» Je vous remercie énormément pour m’avoir fait grandir, d’avoir été ma bulle d’oxygène, de m’avoir fait vivre des expériences enrichissantes, d’avoir pu me sentir bien entourée et aimée… Merci mille fois. Mais, je dois partir, je ne veux pas que les chasseurs vous trouvent. Et la seule manière d’éviter ce drame, c’est que je me rende. Adieu.
» Alors s'il-vous-plaît ! ne me retenez pas ! Telle est ma décision ! Soyez plutôt heureux que je décide de voler de mes propres ailes et retourner dans mon monde, ma vie que j’ai laissée en suspens en m’installant ici…
Un silence pesant s’abattit dans l'immense et radieuse salle de Bal. S’ensuivit un brouhaha de contestations désordonnées.
La Bête, au visage sombre et fermé, frappa ses deux puissants poings sur la table pour faire taire la foule.
Une grande secousse retentit dans toute la salle. Les fantômes hurlèrent de leur voix sidérante, face au séisme provoqué par les coups dans l’univers auquel ils étaient pris au piège. Le silence pesant, comme si tout le monde retenait son souffle, signa son retour, comme s’il n’était jamais vraiment parti.
- Bien. Merci. Un peu de calme, s’il-vous-plaît. Tianna Dracosky de RoyCaponi, telle est votre décision, nous la respecterons. Tous. Nous vous souhaitons bon voyage, et beaucoup de courage pour y parvenir. Nous sommes tous très heureux d’avoir fait votre connaissance, votre départ nous attristera tous, mais sachez que les portes du Château de Tiersek vous seront toujours ouvertes.
» En ce qui concerne le départ, nous apporterons toute l’aide que nous pourrons, ne serait-ce que pour rassembler vos bagages ainsi que pour traverser la sombre forêt afin d’échapper à la menace Sombryx. Pour retrouver vos Humains, conclut la Bête, qui tâchait de dissimuler au mieux sa déception accablante.
Elle ravala sa salive ; et attendit que tout le monde retourne à ses activités.
Après cela, la Bête attrapa la jeune blonde par le bras et l'emmena dehors, sans nulle délicatesse, loin des regards indiscrets.
Les arbres avaient pris leurs couleurs d’automne avec un feuillage fauve. Les saisons étaient bouleversées ici…
La Bête désirait prendre la Belle à part avant son grand départ.
- Oh ! Mais qu'est-ce qui te prends ?! Comment peux-tu t'en tirer, comme ça ? Me faire ça ? Me laisser de nouveau sombrer dans la solitude…? demanda la Bête, n’essayant même pas de dissimuler sa profonde tristesse.
- Depuis que je sais ce que tu aimais chez moi – c’est-à-dire, être uniquement la clé pour tous vous libérer de la Malédiction, contra Tianna, fermement. Je pensais réellement compter pour vous, pour toi, mais au final, non, je n’étais que cela… Je n’étais qu’un espoir pour vous délivrer…
- Mais non… alors tu es au courant, sans nul doute par ce Nero Keldunk… Mais, il t'a manipulée ! Ce n'est pas vrai ! Il m'a toujours jalousée ! Il a toujours été contre mon pouvoir !
- Je ne sais pas, je ne sais plus quoi penser… souffla Tianna, baissant la tête, retenant ses larmes.
La jeune Noble commençait à se retourner. La Bête la retenait de la main, sans pour autant se retourner.
- Non ! Tu ne peux pas m'abandonner de la sorte ! Je t'aime Tianna ! Tu ne peux plus me laisser ! Plus maintenant… ton absence me ferait bien trop souffrir… avoua la Bête, déchirée.
- Je… je suis désolée… je ne sais plus… il faut que je m'en aille… j'ai besoin de réfléchir, loin de tout cela… répondit Tianna, sur un ton dramatique. Je suis complètement perdue…
Une fois ses fragiles paroles prononcées, elle rejoignit les autres.
La Bête et les gobelins déblayèrent la route de la Forêt bordant le Château de Tiersek, repoussant les Sombryx grâce à sa force et leur nombre.
Ils étaient désormais à l’orée de la Forêt de Verseck, entre la partie éclairée et la partie profonde.
Tianna reconnut de loin nettement sa mère, habillée d’une une robe pourpre moulante, entourée de deux grands et robustes guerriers. Des troupes de chasseurs grappillant autour d'eux.
La Belle Noble lança un ultime regard vers la forêt sombre, plus particulièrement en direction des gobelins et de la Bête, se disant que Rikúl faisait sûrement partie de l'un d'eux. Les yeux brillants de larmes.
Elle les abandonnait…
Non. Elle ne devait pas se dire ça.
Elle les sauvait. C'est ça, Tianna leur sauvait la vie…
Elle inspira grandement, réaffirmant sa décision, puis courut.
- OH ! IL Y A UN MOUVEMENT ICI-BAS ! C'EST MA FILLE ! J’EN SUIS PERSUADÉE ! JE LE SENS, JE LA SENS ! JE SAVAIS QU'ELLE ÉTAIT ENCORE VIVANTE ! INDIQUEZ LUI QUE NOUS SOMMES LÀ, MAINTENANT ! s'écria Jeanne en hurlant, terriblement rassurée.
La jeune blonde aux yeux bleus accourut à toute vitesse et enlaça sa mère.
Elles pleurèrent en chœur, heureuses de se retrouver après tant de jours séparés.
Tianna Dracosky de RoyCaponi revenait sur ses terres seigneuriales, la Bête hantant toujours ses pensées les plus profondes…
L'histoire de la Belle Tianna Dracosky et de la Bête n'est pas encore terminée, elle ne fait même que commencer...
À Suivre...
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