Chapitre 5: Le Stratagème du Traître
...Ou lorsque les ennuis commencent à pointer le bout de leurs nez !
Ou pas... Enfin, vous verrez bien !
Les jours qui suivirent furent encore plus radieux pour Tianna Dracosky de RoyCaponi.
Les gobelins et les fantômes avaient tous des petites attentions à son égard. Mais, en réalité, elles n'étaient que des tests de leur part, faisant tous référence à l'Amour de façon très subliminal... sûrement un peu trop pour l'innocente Tianna.
La Bête lui offrait énormément d'attention, des compliments par-ci, des jeux de complicité par-là.
Rikúl, qui ne disait que le tiers de la vérité à la Bête, conseillait Tianna lui aussi de son côté. Lorsqu'elle se posait des questions sur elle, notamment au sujet de ses ressentis...
Oui, également, le petit gobelin bleu facilitait les actions de la Bête, que Tianna essayait d'appeler Érin, son véritable nom plutôt que « la Bête de Tiersek ». En effet, grâce à sa position et ses actions, Rikúl couvrait les « flop » de la Bête. Ses faux pas, ses loses, quoi !
À ce jour, Tianna et la Bête s'étaient avouées des choses intimes, qui auraient pu être les prémices de leur union.
La jolie blonde s'endormait avec le sourire aux lèvres, Rikúl et la Bête habitant ses rêves, ainsi que Jeanne et Trevor, sa mère et son père...
Tianna avait ouï-dire que Jeanne Dracosky de RoyCaponi avait lancé des recherches sur sa fille disparue. Les chasseurs inspectaient la forêt activement, mètre carré après mètre carré, branche par branche, pierre par pierre. Rien n'aurait pu outrepasser leur vigilance accrue.
***
Une nuit après ces jours heureux, au sein de l'Antre de la Bête, un grand gobelin noir, en tunique rouge, attendait la Bête dans son propre « lit ».
Lui, les Oreilles et les Yeux de Tiersek, lui qui voyait et entendait tout – vraiment tout – n'allait sûrement pas laisser cette idylle passionnelle apparaître au grand jour... Cette idylle prochaine, qui le dégoûtait, contrecarrait complètement ses desseins.
Le Seigneur Nero Keldunk, un représentant dont la Bête avait relativement confiance par son titre, ne laisserait pas Tianna faire voler en éclats la Malédiction. Cela ne lui était pas suffisamment profitable...
Avouons-le, la Bête fut surprise d'être attendue, surtout dans un tel lieu. On l'attendait, chez elle, son endroit personnel, son territoire.
- Maîtresse de Tiersek, ici le Seigneur Nero Keldunk. Excusez-moi de vous importuner en ces heures tardives...
- Oui ? Qui-a-t-il, mon Maître de l'Espionnage ?
- Je suis sincèrement désolé. D'effroyables nouvelles me sont parvenues, interceptées par mes services..., expliqua le grand gobelin aussi noir que les ténèbres, autant serviable que dévoué.
La Bête répondit à son salut de manière silencieuse, tendant l'oreille, attendant qu'il lui dévoile les informations qu'il détenait.
- Je le crains, hélas, Tianna n'est pas celle que vous croyez. Vous vous trompez. Enfin, Rikúl vous manipule. Il vous raconte des choses favorables pour ne pas vous décourager... Oui, par loyauté pour vous, il juge préférable d'aller dans votre sens pour mieux vous préserver... mais c'est uniquement pour vous cacher la vérité. Ne punissez pas ce petit bonhomme, il croit bien faire pour ne pas que cela affecte votre grandeur.
» Vous n'êtes pas l'élue de son cœur. Elle lui avoue que vous êtes d'une laideur abominable, que vous êtes effrayante, et surtout infréquentable.
» Mais également, ses confidences la trahissent : Elle fait semblant d'être heureuse avec vous pour ne pas vous vexer, pour ne pas subir votre colère. Elle fait semblant pour se protéger de vous...
» En outre, Rikúl vous ment également parce que... Tianna est, en réalité, amoureuse de lui ! Mais pas de vous ! expliqua Nero Keldunk, sur un ton révélateur. Ô Maîtresse, je suis si navré de vous apporter des nouvelles aussi désastreuses, vraiment. Cependant, je ne pouvais point les garder pour moi, ma loyauté et ma fraternité sont bien trop importantes envers vous...
La Bête fronça des sourcils, accumulant les informations, incrédule. Tout en tâchant de passer outre les insultes qu'elle venait d'entendre, ces insultes qu'elle traînait comme des boulets depuis la Malédiction...
Elle avait du mal à y croire. Ces mots lui paraissaient complètement faux, hors contexte.
- J'entends bien. Cependant, excusez-moi, mais j'ai vraiment du mal à y croire... Sachant que le petit gobelin est un enfant... ça ne serait pas très éthique, et Tianna n'a jamais montré d'intérêt pervers envers lui...
Mais est-ce qu'un potentiel amour entre une bête et un humain était éthique, d'abord ?!
Ah, oui, pardon, c'était une humaine transformée dans un corps animal. Excusez-moi, parfaitement autre-chose, complètement viable !
- Pourtant, c'est la stricte vérité. Bien des gobelins sont au courant de leur idylle secrète, bien des gobelins pourraient témoigner de mes révélations, en l'occurrence les petits amis du petit gobelin qui s'amusent à se vanter de cet exploit. Comme cet autre jour...
Le Seigneur Keldunk, mystérieux et sombre, raconta des anecdotes pour appuyer ses propos, en insistant suffisamment sur certains détails troublants pour vérifier leur authenticité. Évidemment, les témoins de Nero Keldunk n'étaient d'autres que des gobelins noirs, des êtres à la peau aussi noire que les ténèbres, constituant une minorité parmi l'entièreté du peuple gobelin.
Les sourcils de la Bête se froncèrent encore plus, comme si la « véracité » de ses propos arrivaient à la faire douter. Légèrement.
Nero avait réussi à lui mettre le doute. Intérieurement, il était terriblement satisfait.
La Bête frappa furieusement son poing contre le mur, laissant une trace de l'impact et cracha :
- Dayan, Manao, les autres, et les Fantômes-Espions seront missionnés de la surveiller. Chacun de ses faits et gestes, chacun de ses mouvements, encore plus intensément qu'à son arrivée. La veille va reprendre, j'en suis contrainte : L'avenir de Tiersek, intimement lié au mien, en dépend. Rikúl sera interdit d'accès aux convocations, et d'approcher Tianna s'ils ne sont que tous les deux. Puisque, lui, au contraire, serait davantage susceptible d'être attiré par celle que je convoite. Mis sous une étroite surveillance également. Je dois avoir le cœur net sur toutes ces révélations, décréta la Bête, sombrement.
Le Seigneur Nero Keldunk disparut instantanément une fois ces ordres annoncés, sans ne laisser aucune trace.
La Bête frappa sur son mannequin pour se défouler, au lieu de détruire ses murs. Sinon, le Château serait déjà qu'un tas de ruines si elle n'utilisait pas les mannequins et les Sombryx. La nuit allait être longue, très longue, pour elle, hantée par des doutes futiles...
***
Deux journées plus tard, la situation n'avait pas grandement changé entre la Noble et la Bête. Ni même entre le minuscule gobelin bleu et la Noble. Au contraire, elle s'était même améliorée, leurs liens s'étant amplifiés.
Persekus, Percus et Tierus n'avaient trouvé aucune preuve pour donner raison à Nero Keldunk. Pire encore pour lui, encore mieux pour elle, Dayan et Manao avaient trouvé des informations entièrement contradictoires, soulageant la Bête. Elle contenait difficilement son euphorie, indéniablement ravie.
Par ailleurs, au-delà de l'observation, le premier des conseillers a même mené l'enquête directement. Dayan avait demandé directement à Tianna ce qu'elle pensait de Rikúl, indirectement ce qu'il représentait pour elle.
Elle avait spontanément répondu : « Rikúl, c'est un spécimen particulier ! Je l'adore, cet enfant ! Il est adorable et attachant ! Je le considère comme mon petit frère, celui que je n'ai jamais eu, même si c'est un gobelin. J'ai envie de le protéger alors je lui enseigne la vie grâce à mes expériences ! Pour ne pas qu'il essuie les mêmes peines que moi ! »
***
Les plans du Seigneur Keldunk avaient été déjoués... Mais il n'avait pas dit son dernier mot, au contraire ! Comme ses menaces ne marchaient pas du côté de la Bête, il allait se pencher davantage sur l'innocente et ignorante Tianna.
Cette fois-ci, Nero avait largement mieux préparé sa stratégie. Il n'y voyait qu'une faible probabilité d'échouer, et donc, une immense pour réussir.
Une menace pesait sur le Château de Tiersek...
Les humains étaient toujours à la recherche de Tianna Dracosky de RoyCaponi, et s'ils découvraient le Château, ils découvriront les gobelins, les fantômes, la Bête... Mais même avant ça, en entrant dans la Forêt très profonde de Verseck, les humains feront la rencontre des Sombryx qui ne devraient laisser personne passer – comme vous le savez, ils suivent la doctrine du « Rien ne rentre, rien ne sort ».
Oui, vous y venez, je le sens, la découverte du Domaine était une véritable menace. Encore plus lorsque cette menace s'approchait de plus en plus, comme un avenir de plus en plus proche... Et, elle serait totale. Une menace pour les humains comme pour les habitants si Tiersek venait à être découvert.
Sans surprise, l'arrivée des chasseurs arrivait à point nommé. Un argument infaillible permettant au Seigneur Keldunk de reprendre la route vers ses sombres desseins...
Il avait demandé à consulter Tianna, seul à seule, au sein d'une petite pièce épurée, composée simplement d'une table, deux chaises, et évidemment, deux tasses de thé vert.
Tianna portait une magnifique robe blanche et argentée, avec plusieurs couches de tissu, accompagnée d'une capuche et d'un imposant ruban rosé-doré dans le dos. Les manches étaient si amples que ses mains s'y noyaient dedans.
Nero Keldunk portait un fantastique costume noir de Noble, brodé d'or au niveau de la ceinture et autour du col plongeant, donnant sur une espèce de chemise blanche de l'époque, avec une cape d'un rouge caractéristique qu'il pouvait transformer en tunique à sa guise.
- Dame Dracosky, si je vous ai quémandé un peu de votre temps, en privé, c'est pour... commença Nero, très cérémonial.
- ...pour me demander ma main ? gloussa Tianna, dont le sérieux venait entièrement de s'envoler de son corps.
- Non, trancha Nero, glacial, tournant négativement la tête.
Le grand gobelin noir n'était pas là pour rigoler...
La froideur de Nero ne perturbait en aucun cas l'euphorie de Tianna.
- Donc, je disais, si je vous ai quémandé de votre temps, c'est pour vous avouer quelque chose de la plus haute importance. Cette chose que personne ne veut vous parler. Comme si cette chose était taboue ! J'ai décidé de ne plus respecter le Pacte du Silence, et vous ouvrir la connaissance, la vérité. Je vais vous révéler le mystère de... la Zaubercys ! exposa Nero Keldunk, d'une voix fortement animée.
- Enfiiin ! une personne qui veut bien m'en parler... Cher Nero, je vous écoute, je suis toute ouïe, s'exclama Tianna, ravie qu'on assouvisse enfin sa curiosité la plus profonde.
Elle allait enfin être satisfaite depuis le temps, enfin...
- Comme vous le savez déjà, le Domaine de Tiersek a subi une malédiction, changeant la totalité des sujets les plus proches de notre Maîtresse, dont les domestiques et les gardes personnels, en monstres hideux. Mais, nous vous avons caché, volontairement, un léger... petit détail... ou plutôt un détail de la plus haute importance.
» Pour libérer le Château de sa malédiction, il faut trouver l'Amour d'un voyageur pour la Bête, telle est la clé pour notre délivrance... Que quelqu'un fasse fondre le cœur de glace de la Bête en devenant son amant, ou plutôt que la Bête use de stratagèmes sophistiqués pour enchanter celui ou celle pouvant sauver le Domaine. (Nero fit une pause:) La Zaubercys est un sablier, le temps nous est compté... Plus les jours passent, plus la Zaubercys s'éteint. Et si la Zaubercys vient à s'éteindre, le Domaine de Tiersek restera à jamais maudit et figé dans le temps.
» Les gobelins resteront gobelins, les fantômes resteront fantômes, la Bête restera Bête, les Sombryx hanteront toujours autour de l'endroit et ça... pour l'éternité.
» Les visiteurs sont d'une immense rareté... Les êtres maudits ont peur d'être prisonniers de ce corps pour toujours... Les êtres du Château font tout pour vous rendre toutes les deux amoureuses l'une de l'autre.
» La Bête a vu en toi comme une porte de sortie, elle croit qu'en étant aimable et attentionnée avec toi, elle arriverait à libérer tous les autres de la Malédiction et se délivrer elle-même. La Bête se sert de toi pour tous nous sauver. Tu es son objet, elle t'utilise, raconta Nero, d'une voix lugubre, entrant dans une ambiance de film d'horreur.
- Vous... Vous voulez dire que la Bête ne m'aime peut- être pas vraiment pour qui je suis mais parce que je peux lui rendre forme humaine, et rendre forme humaine à tous les autres ? Une parmi les malchanceux qui se sont perdus ici...? C'est horrible ! Je suis manipulée depuis le début ! Par tout le monde, sans exception ! s'écria Tianna, désorientée et terriblement blessée de s'être fait duper.
Elle pensait vraiment être importante pour eux.
Cependant, elle l'était. Mais elle voulait l'être pour eux pour ce qu'elle était en tant que personne et non pas simplement pour objet libérateur, capable de lever la Malédiction.
Le grand gobelin noir quitta son apparence froide et consola Tianna qui vint à s'effondrer, en pleurs.
Pssssst hypocrite...
- Je suis désolé Dame Dracosky, mais pour le respect que j'ai pour vous, je me sentais obligé de vous avouer cela... Je ne pouvais vous laisser périr dans un mensonge, une fausse réalité...
Tianna apprécia l'étreinte chaude que lui procurait Nero Keldunk.
Elle siffla entre ses dents, les yeux noirs:
- À l'aube, je partirai. Mon devoir de Noble m'appelle. Cela a été une erreur, une terrible erreur, de venir ici...
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