Chapitre 4: Épisodes émotionnels
...Ou comme vous vous en doutez, les embrouilles devraient arriver incessamment sous peu. Une histoire où tout se passe bien, ça n'existe pas !
Tianna passait de plus en plus de temps avec la Bête, notamment car elle s’était mise en tête de tout faire pour la comprendre.
Elle espérait à la longue pouvoir l’apprivoiser pour que plus jamais elle ne puisse avoir peur d’elle. Notre héroïne pleine de vie lui apprenait ce qu'était le jeu, l’amusement. Des valeurs que la Bête semblait avoir perdues avec le temps.
Elle envoyait ses ondes positives, déployant son innocence comme une arme de métamorphose. Malgré ses origines nobles, Tianna avait su préserver son âme d'enfant, tout en restant pure, entièrement pure.
Avec elle, le Château vivait une véritable renaissance. Le Château devenait encore plus vivant que lors du temps de son âge d'Or. Les rideaux étaient repliés, laissant entrer la lumière si appréciable de l’astre lumineux qui permettait à tous notre survie. Les gobelins faisaient le ménage en chantonnant – même si, avouons-le, ils étaient loin d’être des sirènes ! – et les fantômes animaient, commentaient, divertissaient, activement le Château comme des Voix Off en avance sur leur temps.
Les habitants retrouvaient leur joie de vivre et leur quotidien avait retrouvé ses couleurs d’antan. Le temps où s'ils se muraient dans leur silence et les ténèbres était désormais révolu. Grâce à l'arrivée de Tianna Dracosky !
La Bête s’était métamorphosée, devenue beaucoup plus avenante et… humaine. En effet, au fur et à mesure qu’elle côtoyait notre héroïne, la Bête semblait se rapprocher de plus en plus de son humanité qui tentait éternellement de lui échapper depuis la Malédiction. De manière tout à fait naturelle, Tianna et la Bête devenaient de plus en plus proches, titillant le plaisir croustillant des hôtes du Château.
La Bête lui dévoilait sa personnalité intime, ses secrets enfouis, parlait de moins en moins formellement mais plus personnellement… Petit à petit, la Maîtresse de Tiersek s’ouvrait à son invitée si spéciale.
Tianna Dracosky l'appréciait de plus en plus, au fur et à mesure qu’elle découvrait une couche toujours plus enfouie de la Bête. Sans s’en rendre compte, elle s'y attachait dangereusement.
Durant tout ce temps, la jolie blonde n'avait pas pour autant oublié Rikúl. Au contraire, il avait toujours une place privilégiée dans son lit, correspondant à sa place dans le cœur de notre héroïne, et ces petits instants pour se raconter les potins au moment de l’aurore ou/et du crépuscule.
***
Plus les jours passaient, plus les sentiments entre Tianna et la Bête se concrétisaient, plus le Château abandonnait ses couleurs sombres pour devenir d'une blancheur étincelante.
Comme la première chambre que Tianna avait trouvée lors de sa première nuit au Domaine de Tiersek. La chambre où elle avait élu domicile.
Mais sachez que Tianna était toujours aussi curieuse.
Malgré qu'elle buvait les paroles de sagesse de la Bête et qu'elle découvrait des secrets inimaginables sur le Château tous les jours, elle gardait toujours à l'esprit la mystérieuse Zaubercys dont tout voulait la tenir éloignée…
Aussi étrange et captivant que cela puisse paraître, personne, je dis bien PERSONNE, ne voulait lui expliquer son histoire, son but… Même son nom dans les conversations avait tendance à faire fuir les habitants du Château…
Obligeamment, elle ne pouvait rester tranquille, ses pensées retombaient toujours dessus. Elle n’avait jamais eu des pensées aussi tenaces de toute sa vie.
Tianna se posait énormément de questions à son sujet et sur le comportement des habitants à son propos. Pourquoi y avait-il autant de mystères autour de cet étrange cœur scintillant ? Pourquoi personne ne voulait lui parler de la Zaubercys ? Pourquoi personne ne voulait en entendre parler ?
***
Des jours paisibles passèrent. La Bête tenait précieusement à ce que Tianna voit le lac se trouvant à proximité du Château. Elle l’avait donc invitée à passer l’après-midi au lac, écourtant même sa longue période de lecture essentielle au maintien de sa raison et de son humanité.
Nous étions en plein printemps. Et pourtant, il avait neigé, et le lac avait gelé.
Répondant très favorablement à la proposition de la Bête, sautant sur l’occasion inestimable, Tianna convia la Bête pour patiner sur le lac gelé. Elle était tellement impatiente de patiner avec la Bête !
Tianna se lâcha à cœur perdu sur la glace, avec une légèreté et une grâce hypnotisante, comme si elle en avait fait toute sa vie. Sans vouloir se vanter, elle avait pris des cours de danse depuis qu’elle était toute petite, cela venait forcément de là.
Pour la Bête, ce fut bien plus compliqué… Ça glisse, ça glisse… Ça perd l'équilibre, ça perd l'équilibre… Ça chute, ça chute… Et on recommence !
Alors, afin de mettre fin au ridicule de son amie et éviter un excès de colère inutile, Tianna s’approcha de la Bête bleue et la soutint tout du long. Pour commencer, le mieux, c’était qu’elle tienne debout sur les patins… Ensuite, se déplacer de manière la plus fluide possible, c'est à dire en commençant par arrêter de hurler à chaque perte de contrôle, qui évidemment était plutôt fréquente…
Puis, comme par magie, Tianna et la Bête se mirent à patiner merveilleusement et parfaitement. Les deux êtres s'abandonnaient dans un ballet dansant sur la glace qui recouvrait le lac, en plein milieu de ce paysage blanc en ces temps printaniers. Elles étaient très proches, riant de bon cœur et visiblement ravies de partager ce moment unique.
Des gobelins, équipés de leur violon, jouaient une musique romantique dans le registre classique, en fond, pour amplifier le moment d’évasion des deux amies… ou plus, si c’était plus…
- Bête de Tiersek… commença Tianna, entre deux rires.
- Ne m'appelle pas comme ça, appelle moi plutôt Érin, telle est ma véritable identité, Érin Riscoort, Érin Riscoort de Tiersek pour être plus précise, coupa la Bête, avec douceur.
Ér… Érin, quelle joli prénom ! Quelle magnifique après-midi à tes côtés !
- Plaisirs partagés, Tianna ! Même si ce n’a pas été facile au début !
- Mais comme quoi, tu as persévéré et tu as réussi !
Les efforts paient toujours !
La Belle Noble et la femme prisonnière d’un corps de Bête passaient d'agréables moments, aussi mémorables et épiques les uns que les autres, comme celui qui vint de vous être conté.
***
L'idylle inavouée entre les deux êtres continuait de se concrétiser, pour le bonheur ou l'horreur des sujets du Domaine de Tiersek…
À la nuit tombée, quelque part dans les fins fonds du Château, eut lieu une réunion d’urgence sous l’initiative de Dayan et Manao, les deux conseillers de la Bête, pour parlementer d'un événement qui perturbe énormément les sujets de la Cour de Tiersek.
Ils avaient convié, ou plutôt convoqué, Persekus, Percus et Tierus, les Fantômes-Espions de la Bête, la Bête elle-même, et même Rikúl.
Et aussi, dans l'ombre, le fameux Seigneur Nero Keldunk semblait s’être auto-invité...
Ils étaient réunis dans une petite salle, assis sur des chaises disposées de façon circulaire, sous une faible luminosité.
Oubliant les formalités de complaisance, le Conseiller le plus adroit exposa immédiatement les enjeux de cette entrevue.
- Maîtresse, vous ne trouvez pas que vous êtes un peu trop proche de notre chère invitée, Tianna Dracosky de RoyCaponi, celle qui redonne la joie de vivre à tous les endroits où elle passe ? attaqua Dayan d'emblée, avec une vivacité déconcertante.
- Euh… euh… Mais qu’est-ce que tu veux dire ?! Tianna et moi, nous nous apprécions, en effet. Mais je ne vois pas où est-ce que tu veux en venir, répondit la Bête, d'une voix très lointaine.
- Beeeen… vous voyez ! Vous passez beaucoup de temps ensemble, vous vous cherchez beaucoup, jouez beaucoup… Vous avez l’air incroyablement proches ! renchérit Manao, tout excité, avant d’ajouter plus doucement. Vous ne comprenez toujours pas ?
La Bête roulait des yeux, soit-disant abasourdie, ne croyant pas un mot sur les accusations hypothétiques de son second conseiller.
- Désolée, mais Je ne vois toujours pas où vous voulez en venir. J'apprécie fortement Tianna, c'est vrai. Mais je ne vois pas exactement ce dont vous mettez en cause. Dayan, éclaire ma lanterne, s’il-te-plaît.
Nous voulons en venir au fait que, à cause de la Malédiction, la Zaubercys s'éteint de jour en jour… Et, nous voulons parler du remède contre la Malédiction. Pensez-vous, Madame, que Dame Dracosky serait la bonne personne ? pointa Dayan, allant au cœur de ses pensées, en totale transparence.
La Bête railla, reniant toutes les propositions de Dayan, frappant même du poing d’impulsivité. La Bête s'énervait pour masquer sa gêne, se voilant la face, la stricte vérité…
- Rikúl, toi qui es l’être qui semble le plus proche de Dame Dracosky, peux-tu nous livrer ses confidences, en l’occurrence celles à l’égard de la Bête, s’il-te-plaît, demanda Dayan, calmement, poursuivant sa lancée.
- Majoritairement de la Bête, hein. Le reste n’est pas utile au thème du conseil, renchérit Manao, succinctement.
Dayan, porte-parole des gobelins, attendait patiemment que la Bête puisse trouver l'Amour pour pouvoir enfin lever cette malédiction qui les libérerait tous.
Mais hélas, si la Zaubercys venait à s'éteindre, le Domaine de Tiersek resterait à jamais maudit et figé dans le temps. Amour trouvé ou non.
Rikúl, malgré son côté enfantin et déjanté, était un très bon manipulateur, sous ses faux airs naïfs. Un parfait menteur, dont la doctrine balançait davantage sur : « Plus fidèle à ses amis qu’à sa patrie. »
- Tianna me livre un grand nombre de choses, il est vrai. Elle ne retient que le meilleur de chacun d'entre nous, elle nous est très reconnaissante de l’avoir si chaleureusement accueillie dans nos murs. Elle qui voulait fuir sa société royaliste et restrictive. Elle m'a aussi récemment avoué que, malgré cette apparence repoussante au premier abord, elle avait véritablement rencontré une belle personne en vous, et avait même reconnu qu'elle s'était trompée sur votre compte. Je cite : « Il y a une humaine, un bon cœur, sous cette apparence de bête quelque peu sauvage. »
La Bête sourit de manière parfaitement inconsciente, et se rapprocha de Rikúl, soudainement un peu trop intéressée.
- Et… elle ne t’en a pas raconté davantage ? Pas plus que cela ?
- Euuuh à part dire que Tianna aime passer du temps avec vous, pas grand-chose de nouveau. Mais ne vous inquiétez pas, elle me préfère à vous ! Rien de plus ! s’exclama avec aisance Rikúl, moqueur, se voulant privilégié.
- Grrrrrr, maugréa la Bête, à voix baisse.
Elle ne pensait pas qu'on l'aurait tous entendue. Dommage pour elle ! Les réactions parlaient beaucoup plus que les mots.
- Bien Rikúl, c'est déjà un sacré avancement. Dame Dracosky serait donc plus enclin à éprouver la même chose que la Bête… (Dayan se tourna vers l'intéressée:) Donc, Madame, s’il-vous-plaît, n'essayez pas de la faire fuir. Les visiteurs sont déjà d’une précieuse rareté en temps normal… en sachant qu’ils finissent généralement dévorés par les Sombryx avant de nous atteindre. Alors, disons que nous n'avons pas d'autre chance ! Essayez les messages subliminaux, les moments romantiques... Soyez encore plus proche ! Pour la libération du Domaine de Tiersek ! Notre libération ! s’exclama Dayan, décrétant ses directives.
Même si c'était la Bête qui était la commandante de la majestueuse demeure… cette fois-ci, ce ne fut pas le cas ! Elle allait devoir redoubler d’efforts, sinon ce sera la fin.
La réunion nocturne de la plus haute importance se conclut après quelques débats animés entre les gobelins qui décrivaient ce qu’ils analysaient de loin et tentaient de conseiller, les Fantômes-Espions qui apportaient des détails de leur vision presque omnisciente, Rikúl qui parlait en tant que personne la plus proche de l’intéressée et la Bête qui prenait en compte les conseils et les remarques en essayant d’en placer une et de reprendre vainement le monopole du pouvoir... toujours sous les yeux du Seigneur Nero Keldunk.
***
Une fois achevée, la Bête retourna dans son Antre, lessivée. La Bête se frotta les yeux devant sa plaque de verre d'émeraude, légèrement fissurée, lui servant de miroir, pour essuyer les larmes qu’elle versait sans retenue.
Mais, elle souriait. C'était étrange, elle était triste et heureuse à la fois. La Bête était dubitative, plongée dans l’incompréhension la plus totale.
Cette soirée avait été éprouvante et même si elle ne l’avait pas avoué aux autres convives, cela lui avait permis de prendre conscience du phénomène que tout le monde parle.
En y réfléchissant, son cœur faisait BOUM BOUM BOUM jusqu'à vouloir jaillir de sa poitrine à chaque fois qu'elle posait les yeux sur Tianna, à chaque fois qu’elle apparaissait dans son esprit. Et, c’était elle qui la rendait souriante, heureuse, mais surtout humaine, depuis quelque temps.
Tianna Dracosky, cette petite femme qu'elle dévorait du regard, qui hantait ses pensées, ses rêves, et qui lui procurait un bonheur intense.
Serait-ce vraiment cela… l'Amour ? La Bête pouvait-elle vraiment ressentir autre chose que la haine et un minimum de reconnaissance ?
Elle ne pouvait pas y croire, tellement irréalisable pour elle, mais c’était un fait : La Bête était vraiment tombée amoureuse.
De Tianna Dracosky.
Maintenant qu’elle était tombée amoureuse, elle devait redoubler d’efforts pour faire chavirer le cœur de Tianna, celle dont elle s’éprenait éperdument. Oui, la Bête se devait de la faire tomber dans ses filets, pour qu'elle ressente la même chose qu’elle. Et ainsi, rompre le sortilège. L’avenir des siens en dépendait.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top