- Léo, sort s’il te plait ! s’écria Nyssa avec colère depuis le bungalow.

Le jeune homme, planqué dans sa pièce sensé être secrète, maudit encore une fois l’isolation. Chaque nuit ou il bricolait, il y avait toujours quelqu’un pour se plaindre du bruit, et il ne pouvait pas rester tranquille sans que quelqu’un ne l’appel pour une chose aussi futile que les repas ou la stupide soirée des talents organisée par les Niké, qui voulaient encore prouver qu’ils étaient les meilleurs. Léo soupira, et il augmenta le volume de sa musique. Il écoutait beaucoup de rock en ce moment, noyant les mots de ses frères et sœurs dans l’instrumental violant des groupes.

- Léo !!! hurla sa sœur d’une voix qui couvrit le son.

Il soupira. Elle devait avoir bricolé un mégaphone, ce qui,  ici, ne leur prenait que quelques dizaines de secondes. Résigné, il jeta sur son établit le métal qu’il avait commencé à faire fondre, et sorti enfin de son antre. Pendant un  bref instant, la lumière du jour l’éblouit. En bas, il ne se repérait qu’à  la lueur des flammes et à la présence des machines, mais ici… le soleil du soir qui se déversait dans son bungalow lui donnait mal aux yeux. Mais Nyssa ne lui laissa pas l’opportunité de retourner dans sa tanière : elle s’accrocha à son T-shirt, anticipant son envie de fuir :

- Hors de question, mon petit monsieur ! s’écria-t-elle. Tous les soirs maintenant tu nous fais le coup ! Tu n’as même pas mangé ce matin et ce midi, tu as encore loupé le repas, alors tu vas te dépêcher de venir avec nous pour la soirée des talents !

Léo gémit :

- Mais pourquoi ?! J’ai tout ce qu’il me faut en bas ! Pas besoin de prouver aux autres bungalows qu’on est les plus talentueux, on le sait !

Nyssa pris une expression compatissante :

- C’est quoi, cette fois ? Une dispute avec Calypso ? Tes cauchemars ? Le fait qu’on ait perdu à cause de toi à capture l’étendard ?

- C’était pas ma faute ! protesta avec humeur le demi-dieu.

- Si tu veux. Viens nous encourager.
Le jeune homme soupira, mais il suivit sa sœur aînée.

Depuis qu’il était revenu à la colonie, après la mort de Gaïa, Léo n’avait presque plus bougé du détroit de Long Island. Il faisait des cauchemars, et chacun des Héphaïstos s’étaient mis en tête de l’aider et de lui rendre sa bonne humeur plus souvent. Néanmoins, bien que  leurs petites intentions lui faisaient plaisir, il ne leur facilitait pas les choses. Il était tellement mieux seul au milieu de ses machines, c’était tellement plus simple d’oublier ses traquas en travaillant… Nyssa, plus particulièrement, était résolue à ce qu’il ne loupe aucun repas et profite de ses amis, dorme correctement et des dizaines d’autres choses qui étouffait son frère. Mais il obéissait toujours, finalement, parce qu’il aimait quand même leur compagnie.

- Tu ne devineras jamais ce que tu as loupé, décréta la jeune femme en le trainant vers l’amphithéâtre.

- Quoi encore, bougonna le jeune homme. Clarisse a finalement étouffé Travis avec une pomme de terre pendant le dîner ?

- Non, monsieur ronchon, protesta sa sœur. Jason et Piper sont revenu de leur mission. Ils ont ramené les cinq nouveaux à la colonie.

Léo senti une pointe de culpabilité, qu’il se hâta de refouler. Il avait totalement oublié cette prophétie, et surtout la quête de ses meilleurs amis…

- Tout le monde va bien ? demanda-t-il avec culpabilité.

- Tu leur demanderas, rétorqua Nyssa en tentant de cacher sa gêne.

Peu doué avec les gens, Léo n’y vis que du feu.

***

Lorsqu’ils arrivèrent à l’amphithéâtre, les yeux du jeune homme cherchèrent par habitude les cheveux bruns dorées de sa petite amie, qu’il ne trouva nulle part. Elle était surement encore dans son jardin… Elle y passait de plus en plus de temps, puis se plaignait que Léo passait tout son temps dans son atelier. Sans commentaire… Il repéra ses frères et sœurs, sous leur bannière marquée d’un marteau enflammé. Le petit Harley piétinait d’impatience, pressé de montrer sa nouvelle trouvaille aux autres pensionnaires, et Léo senti un sourire étirer ses lèvres. Il avait oublié la participation de son petit frère. Plus que tous les autres, il cherchait l’approbation de Léo, le prenant pour une star. Finalement, Nyssa a eut raison d’insister, pensa-t-il. Il ne voulait pas décevoir ce petit génie. Il se redressa, tenta de mettre un peu d’ordre dans sa chemine tachée et brulée, puis, avec un grand sourire malicieux, il se dirigea vers les membres de son bungalow :

- Salut les gens !!! s’écria-t-il avec entrain.

- Léo !!! cria Harley.

Le petit garçon abandonna les autres et couru se jeter dans les bras de leur conseiller en chef. Ce dernier le réceptionna en riant :

- Doucement, hermano, s’écria-t-il. Tu commences à prendre de la masse musculaire, je vais bientôt  plus pouvoir te porter !

- C’est vrai ? s’écria le petit garçon en exhibant fièrement ses biceps quasi-inexistant.

- Vrai de chez vrai ! répondit son frère.

Il adressa un clin d’œil malicieux à tous les autres, sous leur regard moqueur et le sourire un peu exaspéré des plus vieux. La corne de bronze raisonna dans l’air, et tous prirent place tandis que les conversations diminuaient jusqu’à ce muer en un murmure quasi silencieux. Discrètement, Léo s’assis parmi les siens, prenant l’enfant contre lui. Il chercha ses amis des yeux et repéra Jason, seul sous la bannière des Zeus. Le jeune homme lui adressa un grand sourire, heureux de le voir, et Léo lui rendis. Son regard dévia vers leur reine de beauté, fièrement à la tête de ses frères et sœurs. Elle semblait un peu soucieuse, mais souriait aux siens, ce qui fit chaud au cœur de son ami. Il regarda ensuite Annabeth, droite et calme, comme à l’ordinaire. En surprenant son regard, elle lui adressa un petit  signe de la main et un regard d’excuse, que le jeune homme ne compris pas, mais il lui rendit son signe. Ensuite il regarda Percy, qui a sa grande surprise était accompagné d’un jeune garçon et de trois jeunes filles. Surement les mortels de la prophétie, compris le jeune homme sans chercher d’avantage. Son regard dévia vers les Déméter, bungalow qui avait accueilli Caly aux vus de son amour pour le jardinage. La jeune femme n’y était pas, et Katie Gardner, surprenant son regard, esquissa une légère grimace. On se dispute quand même pas si violement, songea le garçon avec agacement. Il en avait plus qu’assez que toute la colonie se permette de juger sa vie amoureuse. Espérant obtenir une distraction à son irritation, il se tourna vers sa sœur et demanda :

- Dit, Nyssa… Ils arrivent quand, les romains ?

Frank, Hazel et même Reyna lui manquaient.

- Le 18, répondit la jeune femme.

- Heu… ça fait quand… ?

- Tu ne sais même pas quel jour on est ? gloussa Harley contre lui.
Léo hocha les épaules, mal à l’aise face au regard inquiet de Nyssa.

- Ça va, j’ai juste un peu perdu la notion du temps...

- On est le 13, révéla sa sœur. Ils arrivent dans cinq jours.

- J’ai oublié la date, mais je sais encore compter ! grimaça Léo pour amuser Harley.

Son regard, en revanche, soufflait : Merci.

- Bon ! s’écria Laurel Victor, et tous les murmures se turent. Bienvenue à notre cinquième édition des concours de talents !

- Comme vous le savez maintenant, chacun des pensionnaires de la colonie peut tenter de prouver son talent et gagner le magnifique trophée de la victoire ! poursuivit Holly. Les juges sont Chiron, Rachel et les représentants de chaque bungalow, à condition qu’ils ne participent pas.

- Que le meilleur remporte la victoire ! s’écria Laurel, déclenchant une pluie de confettis partout dans l’arène.

Léo et plusieurs autres grommelèrent : quelques malchanceux allaient passer le reste de la soirée à nettoyer… Un aspirateur exclusivement pour les confettis, voilà qui vaudrait une belle place, songea le jeune homme avec un brin d’ironie. Néanmoins, chacun retrouva bien vite son entrain. Selon le fils d’Héphaïstos, le concours tenait plus  d’un cirque magique que d’un concours de talents. Les Arès se battaient, les Déméter faisaient pousser le plus de plantes possibles et les Apollon jonglaient entre la musique (ce qui, pour certains, était vraiment un très mauvais choix, jugea Léo) et le tir à l’arc. Certain participants, néanmoins, se démarquaient, notamment les Hécate, Percy et Jason. Les Héphaïstos, selon leur commandant, méritèrent tous de gagner : chacune de leur invention reflétait leur originalité, et il leur mettait à tous  huit ou neuf. Pourtant, quand ce fut le tour d’Harley, le jeune homme tomba des nues : son petit frère avait perfectionné sa propre invention du manuscrit holographique avec la balise qu’il avait jadis créé pour permettre à son frère de le retrouver.

- Le principe est simple, expliqua le jeune garçon sous les regards attentifs. Chaque manuscrit correspond à une fréquence qui permet d’établir une forme de message Iris avec un autre. J’ai travaillé avec les nymphes des vents et la déesse est passée me voir. Elle m’a assurée que chacune de nos communications passerons en priorité, sans aucunes drachmes si chacun des utilisateurs s’engagent à lui bruler une part de nourriture bio à chaque repas !

Les yeux du jeune homme pétillaient, et Léo comprenait pourquoi : les demi-dieux ne pouvaient pas utiliser de téléphone car les ondes attiraient les monstres. La seule forme de communication sans danger pour eux, c’était les messages Iris. Pouvoir en créer n’importe quand, avec n’importe qui, même les quelques inconvénient de l’affaire ne les rebutait pas. Ça serait incroyablement pratique lors de futures quêtes… Inutile de contempler les flammes immenses du feu de camps pour voir que l’idée plaisait. Le jeune Harley reçu un dix de pratiquement tous les membres du juré, mais il ne regardait que Léo, qui lui sourit fièrement en lui montrant la note maximale. Finalement, sous les grimaces des Niké, dégoutés de leur défaite, le jeune Héphaïstos reçu le trophée de la victoire.

- Félicitation à Harley pour sa magnifique invention ! déclara Rachel. Je ne doute pas que ça sera très utile à tous ceux qui…

Elle s’étrangla, et de la fumée verte surgie de sa bouche, provoquant des murmures paniqués. Tout le monde était au courant que Jason et Piper étaient partit chercher de nouveaux pensionnaires, mais aucun n’avait entendu parler de leur statut de mortels ou de la prophétie. Pour eux, c’était la première prophétie depuis deux ans. Pour les autres… eh bien, deux prophéties en deux jours, c’était… mauvais signe. Très, très mauvais signe. L’oracle récita alors :

Cinq retourneront au début du chemin
Cherchant pour leur vie les écrits du destin
Les Sept d’une ancienne prophétie
Combattrons celui qui a failli
Chacun se trouvera lié
Par les mots qui furent prononcés
Luttant sans répit contre les cauchemars
Seule une perte apportera la victoire

Un grand silence accueillit cette intervention. Le pauvre Harley, debout seul au centre de l’amphithéâtre devant Rachel, ne savait pas quoi faire. Léo décida alors d’aller le chercher : enjambant la rambarde, il prit son petit frère par la main pour le tirer vers les tribunes sans prêter attention aux murmures qui commençaient à s’élever tout autour de lui. Mais Harley ne bougea pas, tremblant et presque en pleurs :

- Léo, gémit-il.

- Vient, hermano, souffla Léo en s’accroupissant à son niveau. Il est temps qu’on bouge.

- Est-ce que tu vas encore partir ? demanda le petit garçon avec les larmes aux yeux.

Léo eut l’impression de recevoir un poignard en plein cœur. Il détestait voir pleurer les gens qu’il aimait. Pourtant, avec cette prophétie…

- Vient, Harley, murmura-t-il.

- Je veux pas que tu partes, gémi l’enfant en l’entourant de ses bras.

Léo le serra contre lui et se leva, berçant son petit frère en rejoignant les Aphrodite, à quelques mètres de là. Lorsqu’il arriva, l’enfant ne voulait pas le lâcher, mais comme il l’avait escompté, quelques paroles douces et rassurantes de Piper le convainquit de desserrer sa prise sur son cou. La jeune femme rassura le petit garçon, mais ses yeux étaient plein de détresse. Comme Léo, elle ne voulait pas d’une nouvelle quête. Elle craignait pour leur vie.

- Il faut que j’aille expliquer la situation à Caly, soupira le  demi-dieu. Dit Pip’s, tu sais où elle est ?

La jeune femme regarda Léo avec inquiétude :

- Léo…

Pris d’un doute affreux, il demanda :

- Où est-elle ?!

- A l’infirmerie, révéla son amie. Elle nous a accompagné chercher les cinq mortels, et elle a été blessée sur le retour. Mais elle va bien, ne t’inquiète pas…

Léo sentit son cœur sombrer dans sa poitrine. Elle était partie, avait quitté la colonie sans même l’avertir, elle était rentrée blessée et elle n’avait même pas demandé à ce qu’on le prévienne… Elle savait pourtant bien ce qu’elle risquait ! Il senti la colère et le désespoir monter en lui. Sans un mot, il partit rejoindre celle qui hantait jadis ses pensées.

***

La vue de sa petite amie dans un lit blanc lui avait serré le cœur. Mais après quelques banales paroles échangées, la conversation avait vite tourné en dispute. Léo savait qu’il se le reprocherait plus tard, mais pour l’heure, seule la peur parlait. Il avait vu trop d’horreurs au-delà  de la barrière, et Calypso s’entêtait à ne pas vouloir comprendre. Le ton montait, mais aucun des deux ne voulaient céder, énervés comme jamais.

- Tu n’as pas à me dire ce que je dois faire ! hurlait Calypso.

- Et toi tu n’as pas à quitter la colonie sans m’en avertir ! rétorqua le jeune homme.

- Tu n’as pas à savoir tout ce que je fais ! Je suis assez grande pour décider toute seule !

- La preuve, ça t’a bien réussi !

- PARDON ?! hurla la nymphe.

- TU N’EN FAIS TOUJOURS QU’A TA TÊTE ! rétorqua Léo sur le même ton.

Il inspira à fond :

- Tout ce que je veux, c’est te protéger…

- TOUT CE QUE TU VEUX, C’EST M’ENFERMER COMME UNE DE TES STUPIDES MACHINES !!!

- AH OUI ? EH BIEN EN ATTENDANT, MES MACHINES NE ME PRENNENT PAS LA TÊTE COMME TU LE FAIT !!!

- ALORS VAS LES RETROUVER, QU’EST-CE QUE TU ATTENDS ???

- PARFAIT !

- PARFAIT !!

- PARFAIT !!!

Il quitta l’infirmerie d’un pas énervé, maudissant encore une fois toutes ces disputes qui leur faisaient mal. Mais peu importe ce qu’ils décidaient, ils n’étaient jamais d’accord. A croire que malgré tout ce qu’il avait fait pour eux,  les dieux étaient contre eux…