32. Frank : Un dernier espoir.

Nico avait les mains qui tremblaient. Ce n’était pas la première fois que Frank le remarquait, pas non plus la première fois qu’il lui faisait une réflexion. Mais, quelques minutes à peine après, ses mains tremblaient de nouveau, sans même qu’il s’en rende compte, tant et si bien que le fils de Mars avait fini par garder pour lui ses commentaires. Pourtant, à certain moment, ça devenait tellement contraignant qu’il était difficile de faire mine de rien. Comme là.

- Tu es sûr que c’est bien attaché ? demanda doucement Frank.

Pinçant les lèvres, Nico grogna :

- Bien sûr que non, ce n’est pas bien. Donne-moi encore un instant.

Il entreprit d’attacher l’armure du guerrier avec une résolution nouvelle, comme si cette pièce de bronze céleste pourrait à elle seule lui faire gagner le combat. Mais il tremblait toujours, comme à chaque fois qu’il passait du temps avec quelqu’un d’autre que Will, et surtout avec Frank. Difficile de faire comme si de rien n’était quand on voyait une peine similaire en face de soi, et le fils d’Apollon était le seul à réussir totalement à revêtir son visage du médecin que rien n’ébranle. Frank, lui, n’avait plus rien, ni sur le visage, ni dans la voix. Il savait que ça inquiété ses amis, mais c’était plus fort que lui. Huit jours. Ça faisait seulement huit jours. Pourtant, pour Frank, c’était une éternité qui était passée depuis qu’elle était partie. Hazel. Sa belle Hazel, sa lumière dans l’obscurité et sa musique dans le silence. Hazel, la seule femme qu’il ait jamais aimée. L’astre de ses nuits, celle qui le soutenait, réduisant ses peurs à néant, était partie. Et il n’arrivait pas à se faire à l’idée. Il savait que ce n’était pas sain, mais il se comportait exactement comme si elle était partie en voyage et qu’il allait bientôt la retrouver. Seuls ses yeux laissaient voir à quel point il se sentait perdu maintenant. Pour Nico, c’était différent. Il n’y avait même pas besoin de le regarder, sa présence elle-même dégageait sa peine et sa détresse par vague. Quand on le voyait, on voyait un enfant perdu, brisé, incapable de réagir et de faire quoi que ce soit sans qu’on le lui dise. Il venait souvent voir Frank, comme si sa sœur était avec lui. Comme s’il ressentait sa présence à travers l’âme perdue qu’elle avait laissé derrière elle. Comme s’il en avait besoin pour ne pas se sentir trop seul. Comme si ça allait changer quelque chose au fait qu’elle soit partie.

- Les lanières glissent, murmura le fils d’Hadès, et il baissa la tête.

- Eh, Nico, le secoua gentiment Frank en posant une main sur son épaule. Ça va aller, d’accord ?

- J’ai l’impression d’avoir échoué partout, avoua le jeune homme. J’ai l’impression de l’avoir ramenée uniquement pour qu’elle meure encore. Je me sens… je me sens si… si…

- Je sais, coupa le préteur. Je sais.

Il enlaça son ami de son bras vaillant, attirant son petit corps tremblant contre lui en une vaine tentative de réconfort. Un simple moyen de lui rappeler qu’il n’était pas seul dans son deuil.

- On va s’en sortir, d’accord ? Parce qu’elle ne voudrait pas l’inverse.

Le fils d’Hadès hocha maladroitement la tête, retenant un sanglot :

- On va s’en sortir, répéta-t-il.

Lorsqu’il acheva d’attacher l’armure et l’attelle du guerrier, ses mains ne tremblaient plus.

***

- Je veille sur lui, souffla Will à Frank en regardant Nico.

Réuni sur le pont, tous se préparaient à rejoindre les tunnels, dans lesquels Eve sentait, tout près, les livres. Frank avait un peu peur pour le fils d’Hadès, mais il avait confiance en Will, et le laisser sur le navire avec lui lui inspirait plus de confiance qu’il n’en avait ressentis depuis longtemps.

- Tu veilleras aussi sur Reyna et Eve pour nous, d’accord ?

- Bien sûr, approuva le jeune médecin.

Il s’éloigna de quelques pas, et l’un de ses bras entoura la taille de Nico, l’autre les épaules d’Eve. Ils avaient décidés, après de nombreuses discutions, de laisser la jeune bénie à bord. Grâce aux Flammes de la connaissance, elle était désormais une boussole humaine pour les guider vers les livres, et, s’ils devaient échouer, ce savoir pourrait servir. S’ils échouaient, d’autre devraient réussir, parce qu’échouer à cette quête, s’était condamner la totalité du monde. Ainsi, malgré ses réticences, la jeune adolescente avait accepté cette tâche, et, les larmes aux yeux et l’inquiétude brulant en elle plus vivement encore que le feu d’Héphaïstos, elle avait dit au revoir à chacun de ses frère et sœurs et confié les Flammes qu’elle avait arrachées aux cauchemars à Noémie. Cette dernière avait convenu, avec Léo, de se charger de bruler les livres pendant qu’il ferait barrage, les autres s’occupant des monstres et divinités présentes. C’était un plan de dernier espoir, et tous en avait conscience. Mais ils étaient malgré tout prêts, autant qu’il était possible de l’être, et c’était résolus qu’ils descendirent dans le labyrinthe.

***

Sur les indications de Jay, ils ne tardèrent pas à rejoindre la grotte dans laquelle les derniers légionnaires de Stilicon s’étaient réfugiés. Las de se cacher, ils n’avaient pas pris la peine de dissimuler leur présence, arrivant aux devants de l’immense armée qui leur faisait face avec peu de peur. Qu’importe qui devrait mourir maintenant, seul importait la destruction des livres. Il ne fallait pas qu’Hazel soit morte en vain. Le cœur de Frank se serra lorsqu’il remarqua l’absence du haut gradé romain. Ainsi sa belle Hazel avait réussi à leur offrir une petite chance… Son regard expert scruta l’amoncellement devant lui. Des spectres, il n’en restait guère plus d’une soixantaine, mais des monstruosités en tout genre venaient garnir leurs rangs. Quelques dieux mineurs et titans étaient là aussi, une quinzaine tout au plus, suffisamment pour leur poser problème. Le plus inquiétant de cette troupe était, prévisiblement, Chionée. Frank espérait de tout cœur qu’Harry ne serait pas trop déstabilisé par sa présence pour se battre et défendre sa vie. Il ne voulait plus voir personne mourir. Cinq cyclopes se tenaient le long des murs, recroquevillés comme pour éviter d’heurter le plafond et faire tomber des débris sur les autres créatures. Pour le reste, le mélange était assez varié, passant de toute sorte de créatures humanoïdes à d’autres, beaucoup moins communes. Une meute entière de loup garou séparait les demi-dieux des livres qui trônaient un peu plus loin, comme pour souligner le fait que leur seule existence déterminait le destin du monde. Cette observation n’avait pris que quelques secondes au fils de Mars, qui se prépara aussitôt à combattre, attrapant sa grande épée dans sa main libre.

- Êtes-vous prêts ? demanda Noémie avec résolution.

- Autant que possible, rétorqua Percy avec toute sa haine à l’égard des créatures dans sa voix.

Ces dernières, les remarquant, se mirent à hurler, mugir, grogner, gémir et émettre tous les bruits de défis possibles à leurs égards, et Frank surpris quelques éclats de peur dans leurs yeux quand ils remarquèrent la torche qui brulait allégrement dans la main de la bénie de Poséidon.

- Alors faisons la peau à ses monstruosités, proposa Gwen.

Sans plus attendre, tous chargèrent.

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