28. Milo : Vol d'Ombre.
- Concentres-toi, ordonna Nico.
Milo ferma les yeux plus fort encore, désireux de réussir enfin cet exercice qui prenait tout son temps depuis maintenant trois jours. Il essayait, comme son mentor lui avait enseigné, de faire le vide dans son esprit et de se concentrer sur les ombres pour y ouvrir une porte, mais c’était plus fort que lui, depuis qu’ils avaient récupéré la Flamme, il n’arrivait plus à songer à autre chose qu’à Clara. Que faisait-elle ? Ou était-elle ? Allait-elle bien ? Ces mêmes questions tournaient en boucle dans son esprit, l’empêchant de se concentrer sur quoi que ce soit d’autre.
- Je n’y arrive pas, bougonna le jeune adolescent.
- Tu y arriveras, assura Nico sans aucun doute. En tant que béni, tu es plus puissant que moi. Ce n’est pas dans ton sang, pourtant il n’y a aucune limite au pouvoir qui fait partit de toi. Si tu n’étais pas humain, tu serais aussi puissant que mon père. Le vol d’ombre est un exercice plutôt simple, quand on s’y prend bien. Tu finiras par y arriver.
Ledit mortel ouvrit un œil et posa son regard curieux sur son mentor. Son teint était plus pâle que quand il l’avait rencontré, et de grandes cernes ornaient le dessous de ses yeux, mais aux dires des autres, c’était une amélioration comparé à l’état quasi cadavérique qu’il avait il y a quelques années. Il était vraiment beau, avec ses cheveux sombres et son regard magnétique.
- Tu comptes me mater encore longtemps ou tu vas te concentrer sur ce que j’essaye de t’apprendre ?
Sans se démonter, Milo ouvrit son deuxième œil et s’affala légèrement sur lui-même, quittant cette position du dos parfaitement droit qui commençait à l’importuner :
- Je n’arrive pas à imaginer ce à quoi pourrait ressembler le seigneur Hadès. Hazel et toi, vous êtes si différents…
Le jeune italo regarda avec plus d’attention encore son élève, légèrement réprobateur, mais surtout troublé :
- Moi, je n’arrive pas à comprendre cette obsession que tu as à vouloir le visualiser. C’est un dieu, il change tout le temps de forme. Point à la ligne, concentre-toi.
- Il a forcément une forme préférée, réfléchit le béni au grand dam de son mentor, qui poussa un soupir contrarié. Je suis sûre qu’il ressemble à n’importe qui, la plus part du temps.
- Alors quoi ? demanda le fils des Enfers. Tu veux savoir s’il ne t’aurait pas observé au fils des années ?
Honteux, Milo baissa la tête. Il savait que parler de la présence d’un dieu dans la vie d’un mortel devant l’un de ses enfants était une mauvaise idée, et pourtant… il aimerait vraiment savoir s’il était digne de ce qu’il avait reçu, si les êtres puissants qui l’avait choisi se souciaient de ce qu’il faisait. Déméter était-elle déçue qu’il ait détruit le champ de fraise de la colonie ? Hadès prenait-il à cœur son échec au vol d’ombre ? Plaçaient-ils en lui des espoirs bien plus grands, espoirs qu’il avait déjà déçus ? Et, surtout, s’il venait à perdre la vie au cours de cette quête qui lui semblait interminable, comment réagiraient-ils ? Seraient-ils triste, déçus ? En colère ? Ou s’éteindrait-il dans la totale indifférence de ceux qu’il voyait presque comme des créateurs ? Un long soupir le tira de ses pensées, et Nico déclara :
- Tu n’as pas à t’en vouloir, Milo. Je comprends tout à fait. Tu n’es pas son fils, mais il t’a choisis, alors je comprends que tu te poses des questions. Nous ne sommes pas si différents, tous les deux.
Le jeune mortel baissa encore d’avantage son regard sur le sol, laissant des mèches châtaines glisser sur sa peau de plus en plus pâle :
- Je n’ai rien en commun avec toi. Je n’arrive pas à utiliser ce pouvoir, je ne contrôle rien, pas même le plus simple. Je sens tout, mais je n’y suis pas lié. Je suis… juste un réceptacle, qui déborde quand mes émotions explosent.
Le béni de Déméter tendit les mains devant lui, admirant les tatouages de lierre sur ses avant-bras. Ses mains se mirent à trembler :
- C’est sous ma peau, je le sens. Mais je n’arrive qu’à utiliser ces armes. C’est comme le mode débutant des jeux vidéo. Je devrais jouer au mode divin, mais je reste bloqué dans le tutoriel. Je suis incapable de faire ce que tu veux m’apprendre, je suis désolé.
Une main froide se posa alors sous son menton, relevant son visage jusqu’à ce que ses yeux sombres croisent ceux, guère plus clairs, de Nico. Le jeune homme avait un sourire un peu triste sur le visage, et surtout une immense compréhension qui réchauffa le cœur de son apprenti :
- Ne dit pas de bêtise, Milo, ordonna le fils d’Hadès. Tu es un élève incroyable. Je sens cette puissance, moi aussi. Et je vais t’avouer un secret.
Le jeune brun relâcha le mortel pour attraper ses mains et le hisser sur pieds :
- Moi aussi, au début, je n’arrivais à rien. La première fois que j’ai utilisé mes dons, c’était sous le coup de la colère. Ma sœur venait de perdre la vie dans une quête, et j’ai tenu Percy pour responsable. Quand il me l’a annoncé, je me suis sentit trahit, et j’ai perdu tout semblant de contrôle. Après, j’ai appris progressivement.
Son regard se fit plus neutre alors qu’il achevait :
- Il faut perdre le contrôle pour apprendre à contrôler, Milo. Tu n’y arriveras pas si tu continu de te mettre des barrières par toi-même. Laisse toi aller, ne pense qu’à ce que tu ressens, et laisse les choses venir. Le reste se fera naturellement.
Le jeune adolescent ferma les yeux, pris d’une nouvelle bouffée d’espoir. Il allait y arriver, il en était maintenant sûr. Et il s’entrainerait jusqu’à ce qu’il puisse le faire sans y penser.
- Je veux essayer encore, souffla-t-il.
- Je reste près de toi, le conforta le jeune homme.
Alors il se concentra encore, plus fort, plus résolu. Il se concentra sur la destination, celle qu’il voulait prendre. Le visage de Clara apparut devant ses yeux, mais au lieu de s’en blâmer parce qu’il le distrayait en faisant monter la peur en lui, il l’accueillit comme il l’avait toujours fait quand ils étaient proche physiquement, avec joie et tendresse mêlé d’un soupçon d’agacement. Des frissons parcouraient le bout de ses doigts comme de minuscules tiraillement, promettant de l’envoyer plus loin, là où il en avait envie, là-bas si près, sous la terre… Comprenant soudain ce qui se passait, Milo ouvrit brusquement les yeux, le souffle coupé :
- Je sais où est Clara, murmura-t-il, osant à peine y croire.
- Qu’as-tu dit ?!
Souriant de toutes ses dents, il hurla :
- Je sais où est Clara !!! Il faut à tout prit y aller !!!
Accompagné de Nico, il s’élança dans le navire, pressé de retrouver enfin sa sœur aînée.
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