Un Noël au gré du vent de décembre - loursonmignon [Mélodie Boréale]
Quelques points que j'aimerais rappeler :
- Cet avis n'est justement qu'un avis, avec toute la subjectivité que ça implique. N'hésite pas à le croiser avec ceux d'autres lecteurs.
- Si je ne suis pas claire, n'hésite pas à me demander de préciser un truc ! De même, si tu n'es pas d'accord, sens-toi libre de protester ; et s'il te reste des questions, ou s'il y a des points que tu aurais aimé que j'aborde, je serai ravie d'y répondre.
- Toutes remarques que j'ai faites ne veulent pas dire que j'ai enlevé des points sur le barème. Notamment, si une critique me semble trop subjective, je la formule au cas où elle puisse t'être utile, mais je n'enlève rien pour cela.
- Les suggestions que je fais sont de simples suggestions, je ne vais pas t'ordonner de modifier ton texte ou je ne sais pas quoi : je ne fais que souligner une possibilité.
Voilà voilà, passons à l'avis !
La couverture est vraiment jolie, l'image reflète l'idée de Noël et est vraiment harmonieuse. Je pense cependant que le titre pourrait être mieux mis en valeur. Sa police d'écriture n'est pas très grande et est lisible moins facilement que celle de ton nom d'auteur, si bien que « loursonmignon » a attiré mon attention avant le titre. Un titre aussi long n'est pas facile à placer sur une couverture, certes, mais il y a des moyens. (Je tiens à préciser que je suis très loin d'être graphiste, je propose des choses mais ce sont principalement des suppositions.) Ici je pense que tu gagnerais à écrire les mots de ton titre avec des tailles différentes, à mettre « Noël », « vent » et « décembre » en plus gros par exemple, et à organiser les lettres du titre autour. La couverture de ce recueil d'avis est un exemple de cette méthode très mal exécutée, mais il doit y avoir de nombreux exemples plus pertinents sur Wattpad. Je te conseille aussi de trouver une police plus droite, plus lisible (la tienne est tout à fait lisible en grand format mais en miniature – sur la page de résumé ou sur ton compte –, elle l'est un peu moins).
La couverture correspond plutôt à l'histoire : on a l'image de fond qui montre un Noël classique : des sapins surdécorés, des illuminations de rue, ce qui semble être des magasins... une ambiance festive, mais pas vraiment chaleureuse ; et, au premier plan mais en transparence, une petite fille. C'est assez pertinent de la montrer quasi-invisible, puisque tu pointes dans la nouvelle le fait que les gens l'ignorent. Je te conseille par contre d'enlever l'image du papillon, qui gâche un peu l'effet « petite fille solitaire ». Cette couverture reflète donc assez bien le premier chapitre, mais je pense que si tu y fais figurer Charlie, Lucien aurait pu y avoir sa place aussi.
Après, c'est assez subjectif mais... je pense que sur cette couverture tu aurais pu te montrer plus explicite. Montrer vraiment la séparation entre les deux mondes, avec par exemple une rue plus sombre, au bout de laquelle on verrait cet univers festif. Ce n'est qu'une suggestion en l'air, mais je pense que ta couverture gagnerait à dire vraiment ce qu'il va se passer dans l'histoire. Une petite fille fantomatique devant un décor de Noël, cela peut avoir pas mal de significations, trop pour vraiment caractériser l'histoire (pour l'anecdote, j'ai écrit une nouvelle qui ne parle pas du tout de la même chose et qui correspondrait totalement à cette couverture...).
Ce flou fait que la couverture ne me semble pas vraiment attirante, car on ne sait pas grand-chose de ce qu'il va se passer dans l'histoire ; après, d'un autre côté, elle est tout de même très belle, et peut attiser la curiosité.
Je dois dire que le titre me semble améliorable. Je n'ai pas trouvé qu'il corresponde tant que ça à l'histoire : certes, ça se passe à Noël, donc en décembre, mais le vent ne jouait pas un rôle prépondérant dans l'histoire. Je pense que tu pourrais trouver des titres plus pertinents. Pour reprendre ta phrase de fin, « au gré de l'amour » semblerait plus pertinent ; après, c'est peut-être un peu niais et cela risque de faire passer ta nouvelle pour une histoire d'amour. À mon avis, tu aurais pu davantage mettre en valeur le fait que ton histoire parle des sans-abris. Après, il y a peut-être une raison à ce titre que je n'ai pas relevée, auquel cas je t'invite à m'en faire part.
D'un point de vue esthétique, le titre est fluide et plutôt joli, même si le « de décembre » peut paraître inutile puisqu'il y a déjà « Noël » (si c'était pour insister sur la froidure, « d'hiver » serait peut-être plus pertinent ?). Cependant, il contient assez peu d'informations par rapport à sa longueur ; je pense que cela m'aurait rebutée si j'étais tombée dessus hors-concours, j'aurais eu l'impression que le titre ne savait pas où il voulait en venir.
Le résumé décrit bien l'histoire, on a le décalage entre les festivités et la réalité des sans-abris, leur invisibilité, et la lueur d'espoir apportée par la rencontre avec Noémie. Il attise de plus la curiosité avec la mention d'une « étincelle de bienveillance » sans plus de précisions : cela donne suffisamment d'informations pour qu'on se pose des questions (quelle sera la forme de cette étincelle ? de qui viendra-t-elle ? suffira-t-elle ?), mais c'est une tournure mystérieuse qui n'en dit pas trop. Je pense que tu aurais pu mentionner, même rapidement, Charlie et Lucien, histoire qu'on en sache un peu plus sur les personnages de la nouvelle. (Mentionner Noémie en dirait trop, je trouve.)
En revanche, il y a quelques tournures qui m'ont un peu dérangée. Je pense que la remarque « Triste mais vrai » était de trop. Jusqu'ici le résumé était assez neutre malgré ce qu'il disait : il laissait le lecteur tirer seul les conclusions nécessaires. Et l'idée de « triste mais vrai » transparaissait bien dans la phrase... Le fait de le préciser donne une existence au narrateur du résumé, qui semble soudain accusateur, comme s'il blâmait le lecteur. (Impression que j'ai trouvée renforcée par le « à nos côtés » plus loin.) En soi ça ne me dérange pas, cela pourrait être un personnage de la nouvelle... sauf que dans ce cas particulier, ce narrateur n'apparaît pas ensuite dans l'histoire (il ne correspond à aucun des personnages). Ainsi, je pense que tu gagnerais à garder un narrateur neutre, qui laisse le lecteur tirer ses conclusions par lui-même.
Ce n'est néanmoins qu'un détail : ton résumé est efficace et donne envie de découvrir l'histoire.
Sur la forme, il y avait pas mal de fautes d'orthographe/grammaire (je t'ai indiqué toutes celles que j'avais repérées). De plus, les paragraphes sont souvent trop longs (je dois dire que, pour commenter, ce n'était vraiment pas pratique). Combinés, ces deux faits donnaient à ton histoire un aspect assez brouillon. Je te conseille d'aller à la ligne plus souvent, dès que tu changes d'idée. Par exemple, si je reprends le premier paragraphe qui m'a semblé trop long (« Maman ne voulait pas me dire [...] »), tu peux aller à la ligne après « n'ont jamais essayé de la retrouver » : à ce moment, le thème change, tu n'expliques plus comment elle s'est retrouvée à la rue, mais pourquoi elle s'y est retrouvée. J'irais aussi à la ligne après « pour qu'il ne la retrouve jamais » : on a ici l'intervention de Charlie qui cesse de raconter l'histoire de sa mère pour expliquer comment elle-même a vécu avec cela. Je te conseille de mener ce genre de réflexion pour les paragraphes un peu trop longs, cela rendrait le texte vraiment plus propre !
La mise en page des dialogues n'est pas conventionnelle (normalement, on supprimerait les guillemets ou alors on les fermerait avant chaque phrase de narration, il n'y aurait pas de phrase comme « Et là, je lui ai tout raconté » entre les guillemets (dis-moi si je ne suis pas claire, je te ferai un exemple)). Mais ça ne m'a pas dérangée, ta mise en page est compréhensible. (Si tu vises l'édition cela pourra être un problème, par contre – je n'y connais pas grand-chose mais il me semble que les éditeurs attendent une mise en page plus classique.) Je te conseille par contre d'utiliser les tirets cadratins (—) qui rendent les dialogues plus visibles. De plus, je te conseille de ne pas mélanger dialogue et narration dans un même paragraphe (« - BONJOUR MONSIEUR, commencé-je à m'énerver. J'aime bien la politesse, c'est Maman qui me l'a appris ») : on a alors du mal à distinguer le dialogue des pensées du personnage. Il faudrait aller à la ligne lorsque tu passes à la narration (ici avant « J'aime bien la politesse », donc). De plus, lorsque tu retranscris des longs dialogues, je te conseille d'aller vraiment à la ligne (je veux dire de faire deux paragraphes distincts, avec l'écartement entre eux (encore une fois, signale-moi si je ne suis pas claire)). Ce serait plus simple pour commenter, et surtout cela aérerait ton texte.
De façon plus anecdotique, il faudrait que tu décides si tu écris « maman » avec une majuscule ou non : les deux sont présents dans le texte.
Je dois dire que je n'ai pas trop ressenti la présence du thème « Au gré du vent ». Tu le reprends à la toute fin mais ça m'a semblé un peu facile : le vent ne joue aucun rôle dans l'histoire, même métaphorique... Je pense qu'il aurait fallu, au cours de l'histoire, nous montrer plus explicitement en quoi Charlie et Lucien vivent au gré du vent. À vrai dire, mon ami Ctrl+F m'a révélé que le mot « vent » n'apparaissait qu'une fois dans l'histoire : à la toute fin, lors de la conclusion. Je pense que Charlie, ou plus probablement Lucien, aurait pu développer la métaphore.
En revanche, la contrainte est respectée et bien exploitée. Les trois personnages ont quelque chose à apporter au récit, un éclairage différent. L'ordre dans lequel ils apparaissaient, avec Noémie en dernier, était bien choisi. Par contre, je pense qu'il n'était pas nécessaire de réécrire plusieurs fois les mêmes dialogues (mais j'y reviendrai).
Concernant l'histoire en elle-même, j'aime beaucoup le sujet que tu as traité et je pense que ton récit a le potentiel pour être vraiment marquant. J'aime aussi le fait qu'il se termine bien, c'est assez rare dans ce genre de cas – je dois dire qu'au début du récit, je m'attendais assez à une fin du style « petite fille aux allumettes », même si l'espoir intervenait assez tôt.
Néanmoins, je n'ai pas réussi à vraiment rentrer dans l'histoire, et je crois avoir identifié quelques raisons à cela.
Il y a déjà les quelques incohérences/détails inexpliqués : le nombre de cadeaux tombés qui changent d'un chapitre à l'autre, l'existence des SMS existent quarante ans plus tôt, le fait que les services sociaux ne soient même pas mentionnés alors qu'a priori ç'aurait été la meilleure solution pour Charlie. Ce n'est pas grand-chose mais cela a un peu perturbé ma lecture (surtout le dernier point, qui m'a vraiment laissé une impression d'irréalisme : il y a plein de raisons qui pourraient pousser la mère à faire ce choix mais il faudrait les détailler).
Dans le chapitre de Charlie, le ton enfantin était la plupart du temps très bien rendu, j'avais vraiment l'impression d'entendre une enfant me raconter son histoire. Son enthousiasme était touchant au début, surtout lorsqu'on le mettait en balance avec sa situation... Les tournures enfantines comme « elle vivait de travers » ou « elle s'est en-allée » étaient attendrissantes.
Mais certains moments m'ont paru un peu dissonants. J'ai trouvé qu'elle employait parfois un ton qui ne correspondait pas. D'après son histoire, il semble qu'elle ait vécu toute sa vie à la rue, ou presque, et qu'elle ait eu peu de contact avec d'autres personnes que sa mère. Or à certains moments elle essayait d'évaluer la normalité de sa situation en se basant sur l'opinion d'une personne « ordinaire » – opinion qu'elle me semble connaître trop facilement.
Lorsqu'elle dit des choses comme « à neuf ans, pendant que tous les autres enfants sont à l'école, c'est possible d'être à la rue », « ça peut être surprenant de voir comment j'arrive à gérer l'argent à mon âge », j'ai eu l'impression d'un décalage. Ces phrases ne me semblaient pas correspondre au début : Charlie me semblait trop mature, trop consciente de l'anormalité de sa situation, par rapport à ce qu'elle nous avait montré auparavant. Je conçois sans peine qu'elle ait pu devenir plus mature que les autres enfants pour ce qui est de la vie quotidienne, de la méfiance vis-à-vis des adultes... mais je pense qu'à neuf ans, elle devrait avoir comme tous les enfants du mal à considérer que sa normalité n'est pas celle des autres. Je pense qu'à cet âge elle devrait avoir développé un excellent instinct, des réflexes de survie affûtés (ne pas traîner dans les rues fréquentées que décrit Lucien au chapitre suivant, ne pas embêter les mauvaises personnes, ...), mais avoir une compréhension encore obscure des raisons derrière ces précautions : par exemple elle peut comprendre que certains individus pourraient lui « faire du mal », sans se faire une idée précise de tout ce qu'il y a dans ce « mal ». D'une manière plus générale je pense qu'à neuf ans on a une notion encore très imprécise de la psychologie des adultes et je ne sais pas si, par exemple, on peut comprendre que « ça ne fait pas bonne image d'avoir une sans-abri dans son magasin ». Comprendre que les gens ne veulent pas la voir, oui, mais je ne sais pas si l'idée « bonne image » est très claire dans leur esprit.
De plus, je n'ai pas eu l'impression de partager vraiment ses émotions, son état d'esprit. Comme je le disais, elle me racontait son histoire : je n'étais pas elle. Or je pense que l'histoire serait bien plus prenante si tu nous immergeais dans la tête de Charlie au lieu de juste la faire parler : on vivrait ses émotions, sa douleur, son espoir. Je te conseille vraiment de prendre le temps, à chaque fois que tu introduis un élément nouveau, à chaque tournant de l'intrigue, de te poser et de prendre le temps de déterminer ce que pense et ressent le personnage à cet instant exact. C'est vraiment grâce à cela qu'on s'identifiera à elle, qu'on partagera ses émotions... C'est ainsi que le message passera. J'aurais aimé partager son angoisse, son espoir à l'idée d'avoir quelqu'un avec qui vivre, sa gratitude, son bonheur, ... Étant donné que c'est quelque chose que tu réussissais bien dans LUNA, je n'en dis pas plus, mais si tu veux quelques conseils à ce sujet, n'hésite pas à me demander !
Dans le chapitre de Lucien, les pensées du personnage étaient bien plus présentes : on savait la plupart du temps ce que la situation lui inspirait. Quelques moments ont cependant manqué pour moi : à chaque fois qu'il cédait, il ne nous expliquait pas sa décision. C'est pourtant dans ces moments-là qu'il aurait été le plus pertinent de nous montrer ce qu'il se passait dans sa tête, les résistances qui cédaient, et sans doute le besoin de chaleur humaine qui prenait le pas sur la peur de l'abandon.
J'ai néanmoins une réserve à ce sujet : ses pensées sont souvent bien montrées, oui, mais ses émotions restent mystérieuses. Je pense que tu aurais pu les développer davantage. Au début elles étaient bien décrites, mais au moment de la rencontre avec Charlie, elles semblaient céder la place à l'action. Pourtant, le voir se dégivrer peu à peu, retrouver goût au contact humain, aurait apporté beaucoup à ta nouvelle.
Je dois dire justement, au sujet du caractère de cochon de Lucien, que je pense que tu aurais pu le pousser davantage. Il cède très facilement à chaque fois, quelques mimiques de Charlie et c'est gagné... Je pense qu'il faudrait davantage faire durer ces moments, y fournir une explication plus logique (après tant d'années à la rue, il a dû en croiser pas mal, des gamins miséreux ; sans plus d'explications je ne vois pas pourquoi Charlie fendillerait aussi facilement sa carapace).
Je me pose également une question au sujet de sa façon de parler. Celle-ci semblait correspondre au personnage dans le chapitre de Charlie ; mais, ensuite, on apprend qu'il est issu d'un milieu privilégié et traditionnel, dans lequel il a passé les dix-sept premières années de sa vie. Ses parents lui auront donc probablement inculqué un langage bien plus distingué. Il devrait parler sur un ton moins familier, voire avoir un langage plus soutenu que Charlie... Le langage parlé dans l'enfance est en effet déterminant, c'est dans cette période qu'on intègre le plus de savoirs. Ensuite, le cerveau étant bien plus figé, nos expériences nous impactent moins... Ainsi, je pense que Lucien devrait avoir conservé le langage plus soutenu de son enfance à l'intérieur de sa tête, même s'il parle pour s'adapter un langage plus familier. Après, cela s'expliquerait s'il avait dû se conformer intensément à cette façon de parler, pour s'intégrer à un groupe par exemple ; mais alors je pense qu'il aurait fallu le mentionner, d'autant qu'il affirme éviter le contact avec les autres sans-abris.
D'une manière générale, je pense que développer sa vie aurait été intéressant. Il a passé plus de quarante ans dans la rue, c'est énorme ; je pense que tu aurais pu poursuivre l'histoire après sa mise à la porte, nous expliquer ce qu'il est devenu, comment il s'est adapté – ce qui a dû être extrêmement difficile, surtout venant de son milieu –, quelles épreuves l'ont conduit à rejeter les autres, ... (Ce qui suit n'est qu'une proposition, absolument pas une critique !) Je pense aussi que tu pourrais faire quelques recherches sur l'évolution de la vie des SDF au cours des dernières décennies, ce qui te permettrait de pimenter la vie de Lucien et d'instruire tes lecteurs, ce qui pourrait te permettre de renforcer le message de l'histoire.
Au sujet de Nono, j'aime beaucoup le personnage que tu as créé, le fait qu'elle soit obsédée par son travail, délaisse sa famille... Elle accumule beaucoup de tension au début de son chapitre, ce qui donne une autre valeur au geste de Charlie, qui l'aide alors qu'elle semble à deux doigts de la rupture. C'était vraiment une bonne idée de prendre un tel personnage pour cette nouvelle !
Mais je pense que ce n'est pas assez exploité. Encore une fois, ce stress accumulé, cette perte de sens... on les voit de l'extérieur avec par exemple l'explosion d'Amaël, mais on ne les vit pas, comme si on assistait à tous les évènements de la vie de Noémie à ses côtés, mais qu'on ne pénétrait que superficiellement ses pensées. Je pense vraiment que tu gagnerais à nous faire ressentir l'angoisse qui la ronge, le fait qu'elle se précipite sans cesse pour une vie qui n'a pas de sens. Cela nous permettrait de mieux la comprendre, de craindre de devenir ou d'être déjà comme elle... bref, de vivre l'histoire.
De plus, son revirement mériterait d'être mieux décrit. Actuellement, l'impression que j'ai de l'histoire, c'est qu'elle est dans sa voiture et que soudain, une révélation divine la frappe. Je ne comprends pas en profondeur ce qui lui a fait réaliser tout cela ; je suis extérieure à la scène. Il aurait été vraiment intéressant, ici, de détailler le mécanisme qui la poussait à réaliser la vanité de sa vie. Qu'est-ce qui l'a fait réagir, chez Charlie ? Quel élément a provoqué le déclic ? Certes, une petite fille à la rue c'est triste et révoltant mais, malheureusement, des choses tristes et révoltantes on en voit un peu trop pour que ça suffise... Je trouverais pourtant vraiment intéressant qu'on nous montre, précisément, ce qui peut faire ainsi basculer quelqu'un. Ce n'est pas facile, ça demande de très bien connaître son personnage, mais le résultat vaut le coup, je pense, car ce genre de scène est vraiment fascinante.
J'ai également trouvé que la nouvelle manquait de descriptions, par endroits. Je ne parle pas d'en faire des tonnes, mais je pense qu'il serait pertinent d'en inclure à certains moments. Lorsqu'un personnage en rencontre un autre, tu pourrais le décrire brièvement. Par exemple pour Lucien, on n'a aucune idée de son âge avant la scène de la tour Eiffel, je pense qu'on pourrait le connaître au tout début, lorsque Charlie essaie de le convaincre de la prendre avec lui : ça aiderait à imaginer la scène. Lorsque tu dis « Un homme surgit de nulle part », tu pourrais ainsi ajouter une courte description, en te basant sur ce à quoi le personnage de Charlie ferait attention en premier. Pareil, en sens inverse, quand Lucien découvre Charlie. Pour Noémie, au lieu de juste dire « une femme à l'air pressé et désorienté » ou « une femme bling-bling », tu pourrais aller davantage dans le détail (il y a moyen de vraiment s'amuser du point de vue de Lucien !).
Je pense en effet que la rencontre entre les trois personnages n'est pas suffisamment décrite. Déjà du point de vue de Noémie comme je l'avais dit ; mais aussi de ceux de Charlie et Lucien. À ce moment-là, il serait pertinent de découvrir l'évolution de leurs pensées, de leur perception de Noémie... N'hésite pas à t'étaler un peu, à décrire rapidement ce qu'il se passe autour... d'ailleurs si on est devant un magasin, il doit y avoir du passage ; comment réagissent les témoins de la scène ? Sont-ils curieux, réprobateurs, indifférents ? C'est aussi ce genre de chose – laisser imaginer ce à quoi ressemble la scène d'un point de vue extérieur – qui fait vivre l'histoire.
Encore une fois je t'encourage à t'inspirer de ce que tu as fait dans LUNA pour enrober cette nouvelle de descriptions, ce qui rendrait les personnages et le décor plus consistants.
Dans la même veine, je pense qu'il aurait fallu développer davantage les dialogues. On a à chaque fois de longs échanges de répliques presque sans incise ; c'est assez déstabilisant à lire, on ne visualise pas la scène puisqu'on n'a aucune indication sur le ton, la posture, les expressions faciales des personnages. De plus, quand il y en a, elles ont tendance à se ressembler un peu trop d'un chapitre sur l'autre (quand tu reprends le même dialogue dans deux chapitres différents, je veux dire). C'est assez déstabilisant, cela donne l'impression que les deux personnages ont la même vision de l'échange ; or ils n'ont pas le même regard, ne font pas attention aux mêmes choses, n'ont pas la même opinion de celui qui parle.
Je pense qu'il manque à tes dialogues un peu de chair. Tu as le squelette, mais cela ne suffit pas à produire une discussion convaincante – vivante. Entre les répliques, n'hésite pas à décrire les expressions et la voix de la personne qui parle, surtout pour des répliques importantes. Il faudrait aussi, je pense, ajouter les impressions des personnages ; encore une fois, se poser la question de ce que ces dialogues éveillent en eux.
Je me demande, à vrai dire, l'utilité de reprendre les dialogues d'un chapitre sur l'autre. Pourquoi ne pas couper le chapitre de Charlie juste avant l'intervention de Noémie ? Un dialogue plus vivant le justifierait peut-être mais là, cela a surtout produit en moi une impression de redite.
Une lectrice t'a fait remarquer que ta fin était « utopiste », et je dois dire que ma première réaction en voyant son commentaire a été « pourtant, théoriquement, tout ce qui est décrit dans cette nouvelle est possible » ; mais je devais m'avouer que, malgré cela, j'avais ce même ressenti. Après réflexion, je crois en avoir identifié la cause (pour mon cas ; je ne voudrais pas parler pour cette lectrice).
Certes, toutes les démarches qu'entreprend Noémie sont réalisables (après il se peut que l'adoption soit compliquée puisqu'il n'y a aucune preuve écrite du consentement de la mère de Charlie, non ?). Mais la nouvelle donne l'impression qu'elles sont faciles, que tout peut se résoudre en un claquement de doigts. Amaël était furieux contre sa femme, méprisant envers ses tentatives... mais on le retrouve le lendemain plein de bonne volonté, prêt à aider Charlie et Lucien. Noémie trouve ses idées et prend sa décision en une nuit. Lors du repas, aucun des convives ne fait la moindre remarque. Cela m'a semblé trop facile, idyllique... En fait, dès l'apparition de Noémie, il n'y a plus vraiment d'enjeu dans la nouvelle : on sait que tout finira bien pour les personnages, on peut deviner la fin. Certes, ce n'est pas un roman mais une nouvelle, et pas de celles qu'on lit pour le suspense ; mais je pense tout de même que tu pourrais nous faire un peu plus douter de la fin, faire en sorte qu'Amaël désapprouve plus longtemps, montrer les hésitations de Noémie, faire hésiter Lucien aussi – leur fera-t-il confiance si facilement ? Bref, montrer que tout n'est pas facile, que les choses vont parfois de travers, et que malgré tout on peut agir. Ce n'est absolument pas une obligation, mais cela serait plus réaliste et ferait sans doute disparaître l'impression d'utopie que peut dégager cette nouvelle.
(D'autant que – c'est un détail, certes, mais cela me semble important – une adoption ne se fait pas sur un coup de tête. Vraiment pas. Il faut s'assurer qu'on est prêt moralement à se lancer dans les démarches, qu'on pourra soutenir financièrement cet enfant jusqu'à sa majorité et même un peu plus, qu'on a les ressources psychologiques pour ne pas craquer devant les difficultés de son éducation (parce que Charlie a de grandes chances d'avoir pas mal de traumas sévères), ... C'est un processus qui ne se règle pas en une nuit. Si les choses ne se passent pas bien par la suite, l'enfant risque d'en souffrir encore plus, et le parent aussi.)
Je dois dire en revanche que j'ai beaucoup aimé la relation entre Lucien et Charlie, on sentait Lucien s'attacher (peut-être un peu trop vite pour que ce soit réaliste, mais vu les contraintes imposées par le format de nouvelle et le fait que ça se déroule en un jour, ça ne me semble pas dérangeant) tout en feignant de la rabrouer, c'était vraiment touchant et drôle !
J'ai aussi aimé que tu commences et termines les trois chapitres de la nouvelle de la même façon : c'était vraiment bien pensé, et les fins étaient émouvantes, surtout celles de Lucien !
Pour résumer cet avis, ta nouvelle a beaucoup de potentiel, et je pense que, mieux développée, elle serait vraiment touchante. Je t'encourage à en améliorer la plume en te basant sur ce que tu avais fait dans LUNA !
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