Tout perdre au gré du vent - Azalea_Writer [Mélodie Boréale]

Quelques points que j'aimerais rappeler :

- Cet avis n'est justement qu'un avis, avec toute la subjectivité que ça implique. N'hésite pas à le croiser avec ceux d'autres lecteurs.

- Si je ne suis pas claire, n'hésite pas à me demander de préciser un truc ! De même, si tu n'es pas d'accord, sens-toi libre de protester ; et s'il te reste des questions, ou s'il y a des points que tu aurais aimé que j'aborde, je serai ravie d'y répondre.

- Toutes remarques que j'ai faites ne veulent pas dire que j'ai enlevé des points sur le barème. Notamment, si une critique me semble trop subjective, je la formule au cas où elle puisse t'être utile, mais je n'enlève rien pour cela.

- Les suggestions que je fais sont de simples suggestions, je ne vais pas t'ordonner de modifier ton texte ou je ne sais pas quoi : je ne fais que souligner une possibilité.

Voilà voilà, passons à l'avis !



Je dois dire que ta couverture me laisse un poil mitigée. Elle est vraiment bien réalisée, mais je la trouve trop sombre, en la voyant rapidement on a du mal à y distinguer autre chose que le titre et la vague forme d'une fille devant une fenêtre. Elle n'attire pas vraiment l'attention et c'est un peu dommage parce que, mieux visible, elle aurait tout pour donner envie de lire !

Il n'y a en effet que deux choses que je puisse reprocher à sa réalisation : la découpe des cheveux de la fille. Sur la gauche, elle semble un peu trop visible, pour caricaturer ses cheveux ressemblent un peu à un gros bloc alors qu'ils devraient être plus fins et laisser voir le ciel derrière (désolée pour cette explication foireuse et peu constructive, je ne suis vraiment pas douée en graphisme). À droite, j'ai l'impression que la lumière qui filtre à travers les mèches est un poil trop intense par rapport au reste de la couverture. Je chipote, ce n'est pas primordial, mais c'est ce qui m'a sauté aux yeux lorsque j'ai agrandi la couverture. De plus, la fille y occupe une place peut-être un peu trop importante, empêchant de bien distinguer l'orage derrière elle.

Cependant, cela n'enlève rien au fait que cette couverture est extrêmement bien réalisée. La scène est à la fois violente et étrangement douce avec le calme de la fille qui observe, on ressent un vrai contraste entre dehors – la violence de l'orage, le ciel sombre – et dedans – le calme, le vent agitant à peine les rideaux, la chaleur et la lumière de la bougie. La couverture est nette, précise, et très harmonieuse, ce qui la rend vraiment attirante et agréable à regarder.

La police du titre est bien choisie, elle apporte un peu de désordre et de vie à la couverture avec ses lettres en désordre, et la façon dont la taille des lettres varie permet de caser plus facilement ce titre un peu long. J'aime beaucoup sa légère fantaisie, particulièrement le « g » ondulé, qui ne l'empêche pas d'être lisible. La police du nom d'auteur est plus simple mais elle est très élégante.

La couverture correspond parfaitement à l'histoire en représentant précisément la scène qui a fait basculer la vie des personnages. Il aurait peut-être été pertinent d'y faire figurer trois ou quatre enfants puisqu'il n'y a pas un personnage plus important que les autres dans l'histoire, mais je conçois la difficulté que ç'aurait représenté, et on peut s'imaginer ce personnage seul comme étant Roxane.

Bref, malgré quelques défauts mineurs, ta couverture donne vraiment envie de lire l'histoire, et elle en représente un moment très bien choisi.


Ton titre est lui aussi très bien trouvé, il reprend le nom du thème mais y ajoute ta touche personnelle. J'aime bien l'espèce de contraste que j'y ressens, entre le côté définitif et brutal de « tout perdre », et la douceur, la liberté que m'évoque « au gré du vent » ; contraste que je relie à la rapidité avec laquelle bascule la vie des protagonistes (mais je ne sais pas si c'était ton intention, j'ai pu constater qu'il y avait beaucoup d'interprétations différentes de ce thème).

Ce titre correspond plutôt bien à l'histoire. On devine tout de suite que l'histoire sera centrée sur un drame et parlera de deuil ; pour ce qui est de la correspondance au « au gré du vent », j'y reviendrai plus tard en parlant du thème. Il donne de plus envie de connaître l'histoire : il soulève des questions et l'intrigue qu'il laisse deviner est vraiment attirante.

Bref, ton titre remplit toutes les attentes qu'on pourrait avoir, c'est parfait à mes yeux.


Je n'ai rien à redire sur la forme du résumé, si ce n'est que je te conseille de sauter une ligne de plus entre le résumé en lui-même et les mentions « Nouvelle pour le concours d'@EquipeCDN », etc. Sinon, tout est bien orthographié et formulé.

Sur le fond, j'aime beaucoup les extraits que tu as sélectionnés : ils sont vraiment pertinents pour résumer le trait dominant des trois personnages vis-à-vis de la situation. Cela dit, je me demande s'il est vraiment pertinent de prendre la phrase de fin de chaque chapitre, je trouve cela un peu dommage de spoiler la fin ; après je dois dire que je n'ai pas d'alternative à te proposer. Mais ce détail n'est pas dérangeant pour le résumé en lui-même. J'ai tendance à me méfier des extraits utilisés en guise de résumé mais ici, je trouve les phrases vraiment bien choisies, elles sont percutantes et on peut déjà deviner un chœur de trois personnages en souffrance, ce qui complète bien le titre.

Je pense toutefois que tu aurais pu inclure une petite phrase de conclusion qui rassemble ces trois personnages. Il manque au résumé quelque chose qui nous indique en quoi ces phrases disparates forment une seule et même histoire. Certes elles sont semblables dans leur construction mais elles semblent émaner de personnages différents et je pense qu'il faudrait nous préciser ce qui les relie, même en restant très vague. Tu peux par exemple préciser qu'ils sont liés par un drame commun, ou qu'ils fréquentent tous le bureau de Mme Ranaud... L'idée serait juste de mettre en avant quelque chose qui fait l'unité de l'histoire (thème, liens entre les personnages, lieu) pour que l'on n'ait pas l'impression que tu as juste regroupé trois courts textes.

Les phrases de ton résumé sont vraiment bien choisies, c'est un début accrocheur et intrigant, mais je pense qu'il ne se suffit pas à lui-même, il faudrait montrer quelque chose qui les rassemble.


Sur la forme, l'histoire est très correcte au niveau orthographique et grammatical, j'y ai vu très peu de fautes. Il y avait de plus quelques erreurs typographiques (Mme sans points, minuscules après les points de suspension) vraiment mineures, quelques virgules manquantes (dans un dialogue il faut toujours un signe de ponctuation avant l'incise, pour rappel) et il manquait parfois une espace devant les points d'interrogation ; c'est tout. Je dois dire qu'un texte aussi propre fait du bien, bravo à toi !

Pour les dialogues, il y avait néanmoins quelques petits soucis de mise en forme. Il faut utiliser les tirets cadratins (—), ceux que tu utilises sont des demi-cadratins, un peu moins longs et utilisés pour donner des précisions, comme avec des parenthèses (par exemple « la psychologue – qui avait par hasard trouvé son diplôme dans une poubelle – répondit »). De plus, il n'y a jamais de majuscule aux incises. Enfin, petit point sur les dialogues au présent et à la première personne du singulier : pour les verbes du premier groupe, quand on essaie de les mettre en incise, ça donne des trucs très laids à prononcer comme « murmure-je ». Pour y remédier, on met un accent sur le -e final : « murmuré-je », peut-être pas très joli à l'écrit mais bien mieux prononçable.

Tu as choisi pour distinguer les souvenirs du présent de mettre les moments présents en italique. Je dois dire que j'aurais fait l'inverse, d'abord parce que tes dialogues (qui se déroulent dans le présent) ne sont pas en italique, les incises (une partie de narration au présent) non plus donc cela semble un peu incohérent ; ensuite et surtout, parce que cela rend la mise en forme plus difficile à comprendre. L'écriture des flashbacks en italique est communément acceptée, si bien que mettre les souvenirs en italique serait immédiatement compris. Là en revanche, comme les souvenirs n'interviennent pas tout de suite, il y a un moment de confusion, on ne comprend pas pourquoi tous les passages de narration au début sont en italique. (De plus, le premier chapitre accentuait la confusion à ce sujet puisque les passages en italique étaient seulement ceux où tu jouais avec les onomatopées : celui où Ayten entre dans le bureau de la psy, comme celui où il en sort, ne sont pas en italique. Ainsi mon interprétation à la fin du premier chapitre était que tout était écrit dans le même type de police à part les pensées d'Aiden... mais dans le chapitre 2 des passages de narration étaient aussi en italique.) Bref, je pense que réserver l'italique aux passages du passé serait plus clair !

Sinon, les paragraphes sont bien formés, coupés aux bons endroits ; le texte est aéré sans être décousu, c'est agréable à lire.


J'en arrive donc au lien au thème, qui me semble pour être honnête trop peu exploré. Je suppose que le lien est fait par la tempête et par le vent qui pousse les rideaux sur les bougies, et je dois dire que j'aime bien l'interprétation que tu fais du thème, à mi-chemin entre une interprétation littérale et métaphorique. Mais à mon sens elle n'apparaît pas dans le texte, je pense que tu aurais pu l'évoquer davantage. L'un des personnages pourrait insister sur le rôle du vent dans l'histoire ; je trouve dommage que l'idée de « tout perdre au gré du vent » ne soit évoquée que dans le titre. Au final le rôle du vent est évoqué au passage dans l'histoire, mais on ne s'attarde pas dessus ; je te conseille d'y accorder plus d'importance.

La contrainte est en revanche parfaitement respectée, on suit trois personnages différents. Tu l'as très bien exploitée en nous montrant trois façons différentes de vivre son deuil, c'est appréciable que tu te sois approprié la contrainte en t'en servant pour développer davantage l'histoire. Les trois chapitres ne sont pas décousus pour autant, le drame qu'ils ont vécu ensemble et le cadre commun donne son unité à la nouvelle. En bref, pour moi c'est totalement respecté !


Concernant l'histoire, j'aime beaucoup le fait de montrer trois façons différentes de réagir au deuil, cela apporte de la diversité à l'intrigue et c'est intéressant à lire. Mais je pense que, sur certains points, cela aurait pu être mieux réalisé.


Tout d'abord, certains éléments d'intrigues auraient mérité d'être mieux expliqués. Pourquoi voient-ils un psy aussi tard ? Pour Gabriel ça peut se comprendre, étant donné son amnésie traumatique, mais ce n'est pas le cas des autres (à moins que j'aie mal compris et qu'ils aient tous les trois fait une amnésie traumatique, mais je dois dire que cela me semblerait assez peu probable, et dommage pour la multiplicité des réactions des personnages qui est l'une des forces de l'histoire). En l'état, c'est incohérent, alors que de nombreuses explications auraient pu être proposées. Je te conseille de décrire davantage leur quotidien actuel, peut-être du point de vue de Gabriel qui semble le moins enfermé en lui-même (ce qui ne rend pas sa réaction plus saine, mais c'est un autre problème...) ; cela permettrait d'expliquer les raisons pour lesquelles chacun s'est retrouvé dans ce bureau.

Peut-être serait-il pertinent de revenir brièvement sur leurs expériences précédentes avec des psychologues, car il me semblerait assez improbable qu'il n'y en ait pas eu, même pour Gabriel. Ne pas le préciser crée un vide dans l'intrigue. Ces expériences n'ont pas besoin d'avoir été concluantes ni vraiment marquantes, je pense que juste mentionner qu'ils ont vu un psy mais qu'ils n'ont pas trouvé les mots/que le psy n'a pas réussi à les aider suffirait à combler ce vide.

Une autre remarque, au sujet de l'incendie : tu mentionnes la fumée présente partout sous la porte, le couloir en feu, si bien qu'il semble tout simplement impossible de sortir de la chambre. Impossible, pas juste extrêmement dangereux. Mais Ayten dit que Roxane « a voulu retourner le chercher dans la maison en flammes », ce qui donne l'impression qu'elle a quitté leur chambre pour explorer le reste de la maison. Et si désespérée qu'elle ait pu être, ça ne colle pas vraiment... Peut-être pourrais-tu mentionner qu'elle le cherche simplement dans la chambre ? Cela ne rendrait pas pour autant sa mort incohérente. Je dois dire que ce n'est pas quelque chose qui m'a sauté aux yeux à la première lecture, mais de mon point de vue cela reste une petite incohérence et je te conseille d'y remédier.

C'est tout ce que j'ai à dire au sujet de la cohérence ; en-dehors de cela je trouve que tu construis vraiment bien ton intrigue, en ajoutant peu à peu de nouveaux éléments, surtout avec le collier. On voit peu à peu l'histoire dans sa globalité se dessiner, c'est très bien fait.


Les personnages sont plutôt réussis, je trouve, dans le sens où ils sont vraiment attachants. En peu de mots, tu parviens à les caractériser aux yeux du lecteur. Pour moi ça n'a pas trop pris avec Gabriel, ce qui est sans doute une conséquence du fait qu'il décrit les choses de l'extérieur, comme le lui a fait remarquer la psy. Mais j'ai trouvé Ayten et Lise vraiment attachants, leur détresse était bien décrite et communicative. On sentait vraiment Ayten renfermé sur lui-même, un peu « dysfonctionnel » comme s'il était effectivement cassé ; Lise se perdait dans ses réflexions, on sentait vraiment sa confusion... Ces deux personnages étaient vraiment bien gérés au niveau de l'attachement.

Cependant, je trouve qu'en regard du thème de la nouvelle – les différentes réactions face au deuil –, ils manquent un peu de développement. De ce genre d'histoire, on attend qu'elle creuse vraiment ses personnages pour nous montrer ce qui se passe en eux, au plus profond, qu'elle nous montre ce qui les pousse à réagir ainsi. En fait, ce que je reprocherais aux personnages, c'est qu'on voit bien comment ils réagissent, mais on ne sait pas pourquoi. Or ce que je trouve intéressant dans ce genre de nouvelle qui explore les émotions humaines, ce n'est pas les émotions en elles-mêmes mais les mécanismes intérieurs qui les provoquent.

Je te conseille donc de questionner les réactions émotionnelles de tes personnages, de te demander ce qui, en eux, dans leur personnalité, a transformé telle chose vécue en telle émotion. Quel processus mental a conduit à la confusion de Lise ? Pourquoi Gabriel, et pas un autre, a-t-il été frappé de cette amnésie traumatique ? Que se passe-t-il en Ayten lorsqu'il se concentre ainsi sur les bruits qu'il entend autour de lui ? Détailler tout cela nous permettrait de plonger un peu au cœur de tes personnages, de découvrir ce qui les anime, et finalement de mieux les connaître. Cela t'amènera peut-être à devoir creuser tes personnages plus qu'ils ne le sont déjà, mais je pense que cela leur serait bénéfique. (Je dis « peut-être » parce qu'il se peut aussi que tu sois dans le cas du personnage très bien développé dans la tête de l'auteur, mais insuffisamment retranscrit dans l'histoire.)

Une fois les personnages davantage développés, il s'agit de montrer cette personnalité dans l'histoire. C'est quelque chose dont on sous-estime souvent la difficulté. Il s'agit de montrer un caractère complexe en peu de mots, sans que cela semble tomber comme un cheveu sur la soupe. Mais le format de l'histoire le facilite, je pense, parce qu'une introspection des personnages semblerait normale dans le contexte. N'hésite pas à creuser les réflexions des personnages au sujet de leurs propres émotions, en prenant comme prétexte la moindre parole échangée avec la psychologue (qui est ton deuxième atout, mais j'y reviendrai – moi et l'organisation...).

Ce n'est pas évident de savoir quand développer, parce que parfois la concision fait la force d'un paragraphe. Par exemple le paragraphe qui suit la remarque « Tu es perdue » de la psy me semble se suffire à lui-même, il contient beaucoup de non-dits, de sous-entendus qu'il serait dommage d'expliciter car ce silence lourd de sens faisait bien écho à l'état d'esprit de Lise. A contrario, d'autres auraient mérité plus de développement, je pense, comme lorsque plus loin elle se compare au poisson rouge en se trouvant perdue. Je pense qu'il aurait alors été pertinent d'expliciter le rapport avec son passé, de nous montrer d'où exactement elle tirait cette impression. En lisant le « Je ne sais plus qui écouter, qui croire, qui suivre, qui fuir », ce que je me suis dit en premier a été « pourquoi ? D'où est-ce que ça vient ? » Et j'ai trouvé dommage que ça ne soit plus abordé.

J'aimerais aussi revenir sur le personnage de Gabriel. Certes, il se sent vide et fade, ce qui explique qu'il soit plus distant du lecteur et qu'on ait du mal à s'attacher à lui. Néanmoins, j'aurais personnellement aimé que tu nous fasses ressentir ce vide. Ce n'est pas facile, j'en suis consciente, mais je pense que cela aurait permis de nous plonger davantage dans l'esprit de Gabriel. Pour cela, je pense déjà que tu aurais pu davantage expliquer ses pensées, pour mieux nous faire sentir, par contraste, l'absence – réelle ou fantasmée – des émotions. N'hésite pas à partager ses impressions vis-à-vis de la psychologue, de ses questions, de son bureau. (Impression qui peuvent être aussi dénuées d'affect que tu le veux.) Ainsi on apprendra mieux à le connaître, même sans que tu détailles ses émotions.


Dans le même ordre d'idée, je pense que le personnage de la psychologue aurait pu être mieux exploité. Son comportement ne me semble pas incohérent (si tout le monde était qualifié pour son boulot, ça se saurait). Mais je pense qu'en la faisant incompétente, tu t'es privée d'un moyen de développer les personnages qui aurait pu t'apporter beaucoup. actuellement, si on voyait les personnages réfléchir seuls dans leur chambre ça n'enlèverait pas grand-chose (leur réflexion ne suivrait peut-être pas exactement le même chemin mais ils n'arriveraient sans doute pas moins loin). Je trouve cela un peu dommage, dans la mesure où le personnage de la psy aurait pu leur permettre de découvrir certaines de leurs failles, de voir les choses sous un angle plus objectif.

C'est quelque chose que tu fais déjà parfois, dans les rares moments de lucidité de la psy, et c'était bien réalisé. Je pense principalement au moment où elle signale à Gabriel qu'il raconte la scène de l'extérieur. Son intervention, quoiqu'agaçante, était crédible et c'était une observation pertinente. (Elle aurait pu déboucher, chez Gabriel, à un certain questionnement, il aurait été intéressant d'expliquer pourquoi il se protège de cette manière.) Avec une psy plus compétente, tu pourrais au moyen de ce genre d'intervention développer davantage les failles des personnages, les contradictions ou les souffrances qu'ils ne s'avouent pas à eux-mêmes. Bref, les explorer un peu, en mettant à jour des éléments qui n'auraient pas pu être dévoilés sans cela (à moins que le narrateur ne nous dise « le personnage croit qu'il fait ça pour X mais en fait il veut Y », ce qui serait assez maladroit).

Malgré tout, tu peux te débrouiller pour rendre ta psy assez perspicace pour percer à jour les personnages, tout en restant incompétente si cela te tenait à cœur. Comprendre et analyser les émotions des patients n'est qu'un bout du travail de psy, il reste à entretenir le dialogue, à pousser le patient à prendre conscience de ce qu'on a découvert. Et sur ce point-là, ta psy peut être notoirement incompétente. Elle peut leur cracher ses conclusions à la gueule sans prendre la peine de bien les amener. Cela te permettrait de développer non seulement les personnages mais aussi la psy elle-même, qui aurait ainsi une certaine caractérisation.


Pour ce qui est du drame en lui-même, j'ai trouvé qu'il était très bien introduit (à un détail près sur l'ordre des chapitres, j'en parle juste après). On découvrait peu à peu la vérité dans toute son ampleur, les évènements de la nuit se dessinaient doucement, gagnant en précision. On visualisait très bien ce qu'il s'était passé cette nuit-là et tu esquissais les relations entre les personnages, avec Gabriel et Roxane en protecteurs de leur jumeau/jumelle, Ayten et Lise qui s'échangeaient des nouvelles de leurs écrits... Bref, tu nous fournissais un aperçu très complet sur la nuit de l'incendie.

Ce qui m'a manqué en revanche, c'est l'impact de l'évènement. L'impact sur les personnages principaux, individuellement, était bien montré ; mais j'aurais aimé avoir un aperçu, même très rapide, de la réaction de leurs parents : colère – injustifiée – contre eux pour avoir déclenché l'incendie ? culpabilité pour les avoir laissés seuls ? dépression ? inquiétude pour les enfants restants ? Les parents sont les grands absents de l'histoire, ils sont peu évoqués et on ne sait pas du tout comment ils prennent le drame, comment ils se comportent avec leurs enfants.

Une autre chose qui m'a manqué est les relations entre les personnages principaux. On connaît pour certains leurs relations avant l'incendie – toutefois, je pense que tu pourrais préciser les relation Ayten/Gabriel, Roxane/Lise et Roxane/Gabriel, elles me semblaient trop peu développées. De plus, on les découvrait beaucoup individuellement, mais très peu entre eux. Je n'ai, avec ce que j'ai lu, qu'une vague idée de la relation actuelle entre Gabriel et Lise (inquiétude du frère, probablement une certaine distance ou un malaise, mais toujours de l'amour et de l'entente) et aucune de celles entre Ayten et ses amis – si Lise n'avait pas mentionné le retour d'Ayten sur la séance, j'aurais pu croire qu'ils ne se parlaient plus. Je pense que cela serait quelque chose à développer, qu'on sente que tout n'est pas comme avant, que quelque chose s'est modifié dans leurs relations ; qu'on découvre aussi si ce drame a renforcé leur amitié ou s'il l'a abîmée.

Bon, cela demanderait sans doute de rallonger un peu le texte, mais je pense qu'une nouvelle comme la tienne qui aborde le deuil de trois points de vue différents mais reliés entre eux sera difficilement à la fois courte et complète. Après ce n'est que mon avis, à toi de voir s'il te semble pertinent !


Bon, ce paragraphe n'est pas vraiment une critique, plutôt une simple remarque, enfin je veux dire par là que c'est vraiment subjectif et que je ne sais pas moi-même quelle me semble être la meilleure option. Je trouve que l'ordre des chapitres que tu as choisi n'est pas forcément idéal. Enfin... ça dépend. D'un point de vue « métaphorique », il me semble assez pertinent : l'évolution entre « cassé », « perdue » et « vide et fade » me semble adéquate. On part d'une réaction classique face à la perte et on arrive vers une réaction qui semble elle aussi logique mais est moins explorée, Lise constituant un bon intermédiaire entre les deux. La réaction de Gabriel est finalement la plus marquante de toutes, elle a quelque chose de tranchant et de définitif, qui fait qu'elle est bien placée pour clore l'histoire.

En revanche, du point de vue de l'intrigue, je pense qu'il aurait été plus pertinent de faire passer Lise après son frère. En effet, le chapitre de Lise est celui qui nous en apprend le plus sur l'incendie, on n'apprend pas grand-chose dans celui de Gabriel (la cause de l'incendie y est explicitée mais ce n'était pas un grand mystère). Ainsi, je pense que conclure sur le chapitre qui révèle le secret à la fois le plus choquant et le mieux gardé serait plus marquant et rendrait ta fin plus cruelle encore (dans un sens positif, bien entendu...). À mon sens cela ferait monter la tension autour de Lise et de sa culpabilité, avec le chapitre de Gabriel où il s'inquiète pour elle. On se demanderait ce qui lui est arrivé, si/pourquoi elle culpabilise...

Bref, je ne cherche pas à te dire de modifier, je ne sais pas trop quoi te conseiller là-dessus pour être honnête, mais je tenais à te partager cette impression au cas où tu n'aies pas envisagé les choses de ce point de vue.


Enfin, j'aurais une petite remarque au sujet des dialogues. Globalement ils sont corrects et se lisent fluidement, mais il y a deux points que j'aimerais soulever. Tout d'abord, je pense qu'ils manquent un peu de précisions et/ou d'incises. Lorsque tu enchaînes plusieurs répliques, au bout d'un moment cela devient un peu aride. Le contexte permet de savoir qui parle sans ambiguïté même pour de très longs dialogues, c'est plus au niveau de la visualisation que ça me pose problème. Quand tu enchaînes de nombreuses répliques sans aucune incise, tu nous coupes complètement de la scène, on ne peut plus visualiser ce qu'il se passe – comment se tiennent les personnages, quelles gestes ils font, quelles expressions ont leurs visages, quelles sont les intonations de leurs voix... Pour une ou deux répliques, ce n'est pas problématique, mais plus les répliques s'alignent plus on a l'impression d'être exclu de la scène, de n'en voir plus qu'une pâle retranscription. (Je parle dans le cas général, hein, certains longs dialogues fonctionnent très bien, par exemple les chapitres de Pierre Bottero sont parfois composés uniquement de dialogues, mais ce sont des cas particuliers : la façon de parler des personnages est révélatrice, les mots en eux-mêmes sont assez marquants pour se passer de description ; il faut dire aussi que le lecteur connaît assez les personnages pour s'imaginer seul le contexte autour du dialogue.) Je te conseille donc de préciser, en incise ou en coupant le dialogue, la position des personnages, le ton de leur voix, leurs expressions ou leurs gestes. Tu peux aussi y intercaler quelques pensées.

La deuxième chose qui a manqué pour moi est bien plus spécifique : j'ai été dérangée par le manque d'uniformité de ton de la psychologue. Elle s'exprimait parfois de manière excessivement académique (« pourquoi ou en quoi es-tu cassé ? »), et à d'autres moments de manière bien plus familière, comme si elle était adolescente, en tout cas – comme l'a souligné une lectrice avant moi – de façon peu professionnelle. Aucune de ces deux manières de s'exprimer ne me semble incohérente vu le professionnalisme de cette madame, mais je pense qu'il faudrait harmoniser, essayer de faire en sorte qu'elle garde toujours le même niveau de langue, la même façon de s'exprimer. Actuellement, ces variations dans le ton la rendent un peu trop changeante, j'ai eu du mal à voir une véritable unité dans sa façon d'être.


Néanmoins, il y a de nombreuses choses que j'ai appréciées dans ta nouvelle. L'intrigue est très bien construite, avec la révélation de Lise qui était, je dois dire, assez glaçante ; on s'imagine aisément la difficulté de vivre après ça...

J'ai trouvé qu'on entrait très facilement dans les pensées d'Ayten, dès le début, avec le jeu sur les onomatopées qui rendait vraiment bien. On se mettait tout de suite à sa place, c'était très efficace. De même dans le deuxième chapitre, tu retranscrivais bien la désorientation de Lise, notamment au début (elle ne sait plus ce qu'elle fait là, perd la notion du temps) et surtout à la toute fin, lorsqu'elle quitte le bureau de la psychologue. Sa culpabilité et sa confusion étaient vraiment poignantes à ce moment.

J'ai aussi beaucoup aimé l'idée du cadre de l'histoire, le fait que tous les personnages voient la même psychologue, cela les reliait bien et permettait de retrouver des éléments d'un chapitre sur l'autre.


Bref, je te félicite pour cette nouvelle bien écrite et bien pensée ; j'y ai trouvé quelques défauts mais j'espère que cela ne te donnera pas l'impression que je n'ai pas apprécié ma lecture, c'est tout le contraire !

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