Rose des Vents - Leila850 [Mélodie Boréale]
Quelques points que j'aimerais rappeler :
- Cet avis n'est justement qu'un avis, avec toute la subjectivité que ça implique. N'hésite pas à le croiser avec ceux d'autres lecteurs.
- Si je ne suis pas claire, n'hésite pas à me demander de préciser un truc ! De même, si tu n'es pas d'accord, sens-toi libre de protester ; et s'il te reste des questions, ou s'il y a des points que tu aurais aimé que j'aborde, je serai ravie d'y répondre.
- Toutes remarques que j'ai faites ne veulent pas dire que j'ai enlevé des points sur le barème. Notamment, si une critique me semble trop subjective, je la formule au cas où elle puisse t'être utile, mais je n'enlève rien pour cela.
- Les suggestions que je fais sont de simples suggestions, je ne vais pas t'ordonner de modifier ton texte ou je ne sais pas quoi : je ne fais que souligner une possibilité.
Voilà voilà, passons à l'avis !
Pour ce qui est de la couverture, je pense qu'elle pourrait être améliorée. Dans l'idée, je la trouve très pertinente : une rose des vents, des fleurs prises dans la tempête, une silhouette brouillée par le vent, et un peu « dédoublée » avec les couleurs décalées : les principaux éléments de la nouvelle et son ambiance se retrouvent sur cette couverture. Il y a quelque chose de brutal dans le fond blanc vif qui évoque un flash. Sur le fond, ton idée est donc vraiment bonne : la couverture intrigue quand on la regarde de près, on voit tout de suite qu'elle correspond à l'histoire grâce à la rose des vents, et après la lecture on y découvre encore de nouveaux éléments. En revanche, l'exécution me pose un peu problème. Je ne la trouve pas très lisible, à vrai dire. La silhouette en arrière-plan est déjà un peu « tordue » au naturel avec les « fils » qui en partent ; si on ajoute l'effet de flou avec le vent, plus le décalage de certaines couleurs, elle devient plus difficile à identifier : on comprend, mais au premier coup d'œil elle n'est qu'une forme floue. Alors si en plus tu mets le titre sur sa tête... elle est bien moins identifiable. Je trouve cela dommage qu'on doive s'attarder sur la couverture avant de comprendre ce qu'est la forme au fond : ça donne un effet brouillon qui ne rend justice ni au travail sur la couverture, ni à celui sur l'histoire tout entière. De plus, je pense que la lisibilité du titre pourrait être améliorée. « Rose » pourrait être mis en noir, afin de mieux contraster avec la silhouette (la première fois j'ai lu le « des vents » avant de lire « Rose »). La police de « des vents » le rend également difficile à lire, je pense que tu pourrais prendre la même que pour « Rose », ce qui donnerait de plus un peu d'unité au titre (il semble vraiment scindé en deux, décousu ; si tu voulais isoler les deux parties, je pense que la différence de placement suffit). La lisibilité de « des vents » est de plus compromise par les fleurs. Je dois dire que leur présence me semble un peu superflue ; elles apportent quelque chose esthétiquement, mais pourraient être moins nombreuses aux emplacements du textes sans nuire à l'harmonie de la couverture, je pense. (Oh, et c'est un détail, mais je te conseille aussi de mettre ton pseudo Wattpad dessus).
Pour le titre, je n'ai qu'une chose à dire, et c'est à peu près « waahjrhgvjhezgh ». De manière plus... constructive, c'est vraiment, vraiment, vraiment un excellent choix. Il colle incroyablement bien au thème imposé, à ta nouvelle en elle-même et à l'ambiance que tu y transmets. Et pour ne rien gâcher, je trouve qu'il dégage beaucoup de poésie. C'est un beau titre, parfaitement adapté.
Au sujet du résumé, il est efficace et précis, on peut comprendre ce qu'on va lire ou en tout cas en avoir une petite idée, et la première phrase réussit très bien à accrocher le lecteur. Je pense cependant que dans la troisième phrase, les caractéristiques citées pourraient mieux correspondre aux diverses personnalités de Rose : pour Foehn, « extravertie et joyeuse » collait bien, mais on perdait cela pour les autres. C'est un détail mais ça donnerait des informations plus pertinentes sur l'histoire, je pense. Dans la dernière phrase, je pense que tu pourrais mettre une virgule avant « tapie au fond de son cœur », pour améliorer la lisibilité. De plus, « cacher la part la plus sombre d'elle-même » me semble un peu maladroit : cela laisse penser à une part d'elle-même malintentionnée, alors que Mistral est surtout le réceptacle de ses souvenirs. Bien sûr, cela en dévoilerait trop de dire que les diverses personnalités servent à cacher les souvenirs ; mais quelque chose comme « cacher la souffrance » passerait mieux pour moi ; ou alors remplacer « sombre » par « tourmentée », par exemple ? Mais bon, tout ceci n'est vraiment qu'un détail : ton résumé est vraiment bon.
J'ai relevé très peu de fautes d'orthographe/grammaire (faut dire que la lecture prenante m'aidait pas à les repérer). La mise en page est très propre, le texte aussi ; je te conseille juste d'utiliser des tirets cadratins pour les dialogues (obtenus en appuyant sur le tiret du 6 sur téléphone, en cherchant dans les symboles/en appuyant sur Windows + point/en copiant-collant depuis Internet et en définissant un raccourci clavier sur ordinateur). Il faut également mettre des espaces après les tirets de dialogues. Je dois dire que j'ai parfois été gênée par le style d'écriture assez oral : oubli de virgules, reprises de sujet (« Foehn elle aime » au lieu de « Foehn aime ») ;je reviendrai là-dessus. Tu utilises le plus-que-parfait pour les souvenirs alors que la narration est au présent ; tu peux te contenter du passé composé, ce serait correct et moins lourd à lire.
Le thème du concours est vraiment bien respecté, l'idée d'une rose des vents représentant le TDI est vraiment originale. J'aime beaucoup ce que tu as fait, c'est si bien trouvé, tu traites le thème d'une façon très intéressante... et la contrainte encore plus ! L'idée de « trois points de vue ? oh bah ça va être trois dans le même corps, tiens » est intelligente, elle te permet d'utiliser la contrainte, de la développer, au lieu de juste la respecter. Bref... Bravo !
Pour la question de réflexion... je suis plus mitigée. Elle a assurément été prise en compte, mais j'ai l'impression qu'en f ait d'y répondre, tu l'as illustrée. Avec le TDI, avec la mère puis la fille qui se détruisent le corps et l'esprit à coups de drogue, avec Amont qui fugue la nuit. Tu as donné de nombreux exemples de situations où la question pouvait s'appliquer, mais tu n'en as pas tiré une réponse à la problématique. En lisant ta réponse à mon commentaire, j'ai eu l'impression que tu partais sur un franc « l'esprit est plus libre que le corps ». J'aurais aimé voir cette réponse dans le texte ; je ne veux pas dire écrite noir sur blanc en toutes lettres, mais un peu plus explicite.
Ça ne te surprendra sans doute pas si je te dis que j'ai beaucoup aimé ta nouvelle. Je pense que mes borborygmes en commentaires exprimaient bien mon saisissement à certains passages. Globalement ta nouvelle a atteint son but, j'ai été emportée par tes mots et l'atterrissage était brutal, même si elle se finissait bien. Ce n'est pas le genre de nouvelle qu'on peut lire pour passer à autre chose deux secondes après (du moins, moi, j'en suis incapable).
Je me permets donc d'insister sur le fait que, dans ce qui va suivre, la plupart des conseils visent à apporter quelque chose « en plus » plutôt qu'à corriger des points qui m'auraient dérangée dans l'histoire (puisqu'il y en a peu), et que ces rares points ne sont pas d'une importance démesurée, bien au contraire. (Je m'autorise cet avertissement parce que je sais que j'ai tendance à me centrer davantage sur le négatif, puisqu'il y a (selon ma façon de faire, hein) plus de choses à dire sur « pourquoi et comment améliorer telle chose » que sur « pourquoi telle chose est bien faite ». Bref, je ne veux pas que ça te donne une mauvaise impression sur mon avis, qui est très positif.)
Pour commencer par les détails les plus simples, j'ai eu un petit moment d'incompréhension au chapitre 2. En effet on lit « Lorsqu'elle et Amont s'embrassent, Aval détourne les yeux. Au début elle laissait faire »... puis, deux paragraphes plus loin, tu nous décris la réaction violente d'Aval lors de leur premier baiser. Je n'appelle pas ça « laisser faire »... Est-ce que tu voulais dire « au début de leur relation » ? Si oui c'est un peu maladroit de l'avoir mis juste après l'évocation du baiser. Bon, ça n'enlève rien à la qualité de l'histoire, mais ça m'a un peu perturbée au cours de ma lecture.
Un peu dans le même genre, je pense que le basculement qui fait revenir Mistral « à la vie » mériterait que tu y consacres davantage d'attention. On nous dit que c'est une photo, mais sans plus d'explications ça me semble assez improbable que ce soit la première fois qu'elle voie une photo de sa sœur depuis sa mort, dont la narration laisse penser qu'elle date de plusieurs années. Peut-être qu'un autre évènement déclencheur serait plus judicieux : une lettre envoyée par son père (il existe sans doute en prison des thérapies qui passent par l'envoi d'une lettre aux victimes), une affaire semblable dont on parlerait dans un journal, une demande de libération du père, ... Bien sûr la photo peut elle aussi déclencher cette réaction, mais je pense qu'il faudrait alors justifier que ça n'ait pas été le cas les autres fois, ou que ce soit la première fois que Mistral voit une photo de sa sœur.
Enfin, que faisait Émilie dans le cimetière ? Ça paraît un peu gros qu'elle soit là pile au bon moment ; je pense qu'elle pourrait expliquer en quelques mots la raison de sa présence, pour l'instant cela semble un peu facile. De plus, l'explication pourrait te permettre de rendre Émilie plus réelle, solide.
Il y a, à vrai dire, une seule chose qui m'a réellement dérangée pendant que je lisais (je veux dire par là que j'ai beaucoup buté dessus, même si aux moments les plus forts je cessais d'y penser). Je veux parler des reprises du sujet (des phrases comme « Aval elle est protectrice et naturellement méfiante »). Je ne sais pas s'il y avait une raison derrière cela (n'hésite pas à me dire si c'était le cas !), mais je dois dire que sur moi, ça a surtout eu l'effet de rendre le texte plus bancal et brouillon qu'il ne l'aurait été sans, comme si ces phrases étaient prononcées sur un ton plus maladroit, moins assuré que le reste du texte.
Cela serait passé, je pense, si le ton avait été uniformément enfantin (ce qui aurait été un choix compréhensible pour certains chapitres, j'y reviens bientôt (ouais, structurer mon discours, pas toujours évident)). Si, en-dehors de ces phrases, les expressions employées, les descriptions des émotions, la naïveté des pensées avaient contribué à donner l'impression qu'un enfant nous parlait, je n'aurais pas été gênée par ces phrases que j'évoquais. Ce n'est pas tant leur maladresse que leur décalage avec le reste du texte qui m'a dérangée. Ça et le fait de ne pas comprendre l'intérêt de les formuler ainsi, je ne voyais pas ce que tu essayais de faire passer à travers ces phrases. Je pense donc qu'il serait intéressant de te pencher sur le ton que tu veux donner au texte, et de choisir en fonction la façon de formuler tes phrases.
Ce qui m'amène à une deuxième remarque, qui elle est plus du côté « points qui pourraient apporter quelque chose à l'histoire » que « points qui m'ont posé problème » : le narrateur s'exprime toujours de la même façon, quelle que soit l'alter qu'il décrit. Cela présenterait un intérêt s'il avait une personnalité particulière, s'il était par exemple l'un des alters de Rose, or je n'ai pas repéré d'indice qui aille dans ce sens : le narrateur ne semble pas avoir d'existence propre dans l'histoire. Il décrit juste les évènements, il n'a donc pas de « voix » personnelle ; il peut donc s'adapter à celles des alters de Rose, en adopter une qui corresponde à la personnalité propre de chacun d'entre eux, afin de nous immerger plus profondément encore dans l'histoire.
Ainsi le chapitre de Foehn pourrait être écrit sur un ton plus léger, joyeux, avec beaucoup d'emphase sur les émotions positives, quand celui d'Aval se composerait de phrases plus fermées, brèves et sèches – bien sûr ce n'est qu'un exemple, quelque chose que « je verrais bien », ça veut pas dire que je considère ça comme la seule ni la meilleure option, c'est juste celle qui m'est venue en premier. Et c'est là que j'en arrive au ton qui pourrait être enfantin. En effet (c'est une simple théorie, il se peut que je raconte n'importe quoi), j'ai l'impression que Mistral, qui a récupéré tous les mauvais souvenirs, est restée « bloquée » à cette période, qu'elle n'a pas évolué depuis puisqu'elle n'est jamais revenue aux commandes du corps de Rose. Il me semblerait donc logique qu'elle soit « restée une enfant », puisqu'elle n'a pas eu l'occasion de grandir, donc qu'elle s'exprime de manière plus maladroite et naïve, montrant des émotions plus brutes. Cette piste me semble intéressante car elle te permettrait, lorsqu'Émilie réconforte Mistral et lui permet de se libérer de sa peine, de montrer son évolution en adoptant un ton plus mature, puisqu'elle semble à la toute fin avoir grandi (elle envisage la situation avec un regard neuf, plus ouvert).
Et tant qu'on parle des alters, je me pose une question. (Et là, c'est une vraie de vraie, j'ai pas du tout la réponse – ce n'est d'ailleurs pas à moi de l'avoir – donc évidemment je n'ai ni retiré ni ajouté aucun point pour cela. C'est une piste de réflexion ; pas un conseil, encore moins un problème de l'histoire.) Bon, c'est vrai qu'avec trois chapitres pour quatre alters, les contraintes du concours ne t'ont pas aidée. (Et les quatre me semblent toutes aussi utiles, aucune n'est supprimable ni fusionnable avec une autre.) Il fallait choisir lequel ne s'exprimerait pas, tu as opté pour Amont. Est-ce que cependant son point de vue ne serait pas plus pertinent que celui de Foehn, dans le premier chapitre ?
Je m'explique. Premièrement, Foehn est très transparente, ses émotions sont facilement lisibles par les autres alors que (du moins j'en ai eu l'impression) Mistral et Aval sont plus secrètes. Son point de vue apporte donc moins d'informations sur elle qu'il ne le pourrait, puisqu'on en connaît déjà beaucoup sur son compte en la regardant « de loin ». Ainsi, son point de vue est moins utile, et même limitant : quand tu nous dit qu'elle ne vit que les moments les plus beaux, ce n'est pas elle qui pense cela et ça nous sort un peu de sa tête (même ce n'est pas très gênant, la focalisation étant assez « relâchée »). En revanche, si un autre alter observait cela à son sujet, ça n'aurait rien d'anormal.
Deuxièmement... Amont. Amont est l'alter relié à Émilie et l'histoire semble tourner autour d'elle : elle tient une place importante dans chaque chapitre, surtout le 2 où on apprend qu'elle fugue et se drogue ; elle semble alors prendre, à l'intérieur même du chapitre d'Aval, une place plus importante que cette dernière. Sa timidité la rend assez impénétrable, on ne la voit que de l'extérieur, or la différence entre ce qu'elle est à l'intérieur et ce qu'elle laisse paraître aux autres alters semble bien plus importante que pour Foehn. De plus, Amont est celle qui est en contact avec Émilie, qui lui parle régulièrement, qui se nourrit de sa présence ; ce lien peut être un moyen de développer le personnage d'Émilie, si l'on est du point de vue d'Amont.
Foehn est (encore une fois, si j'ai bien compris) la part préservée de Rose, celle qui vit les beaux instants, garde les beaux souvenirs. Elle semble jouer le rôle de « l'innocence du groupe », que chaque personnalité cherche à protéger. Cela ne me semblerait donc pas absurde de la voir par intermittence, au fil de ses interactions avec les autres alters, plutôt que de lui dédier un chapitre entier. D'autant que cela te permettrait de développer le personnage d'Amont, ses émotions vis-à-vis d'Émilie, la façon dont elle vit la surprotection d'Aval...
Quitte à me répéter, ce n'est qu'une idée lancée en l'air, je te laisse déterminer si elle peut ou non apporter quelque chose à ton histoire.
Je te parlais il y a quelques lignes de développer le personnage d'Émilie. En effet je trouve que cet aspect a un peu manqué à l'histoire.
Si la nouvelle n'avait pas été ce qu'elle est, je pense que j'aurais trouvé son personnage « vide », trop peu caractérisé, car on ne sait vraiment rien sur elle... Toutefois, ta nouvelle se passe dans l'« intériorité » de Rose, si je peux formuler les choses ainsi ; les personnages principaux sont les quatre alters, et les autres personnages existent moins. Je veux dire qu'Aval, Mistral et même Foehn m'ont donné l'impression d'être repliées sur le système qu'elles forment avec Amont, au point que les autres personnages ne semblaient plus être que des « contraintes physiques », privés de la possibilité d'évolution qui les rendait humains. Ils étaient en fait « figés dans leur rôle » : le père en tortionnaire absolu, la mère en pilier effondré, et Émilie en soutien inconditionnel. Ça ne me semble, en soi, pas condamnable : on a tous tendance à s'imaginer que nos proches ne changent pas et avoir le TDI doit rendre cette impression plus forte encore, puisqu'on a en comparaison les autres alters, qu'on voit pour leur part vraiment évoluer. (Ce n'est qu'une simple hypothèse et je ne sais pas si je suis claire, n'hésite pas à me demander des précisions !) Ainsi, pour la mère et le père, les caractériser pour les rendre plus vivants ne me semble pas nécessaire.
Émilie, en revanche... Le truc, c'est qu'elle est au cœur de certains éléments d'intrigue. Amont est amoureuse d'elle, Foehn l'apprécie beaucoup, Aval s'en méfie ; c'est elle qui réconforte Mistral à la toute fin ; pourtant on en sait très peu pour elle. C'est un personnage récurrent qui a une grande influence sur l'intrigue, je pense qu'elle mériterait d'être mieux développée. Entendre sans cesse parler d'elle sans pouvoir me la figurer me donnait l'impression de ne pas saisir entièrement l'histoire. C'est tout de même la petite amie d'Amont, décrire sa personnalité en dirait autant sur elle que sur les quatre alters de Rose, puisqu'on connaît bien leurs relations et ce qu'elles pensent les unes des autres. De plus, je dois dire qu'en savoir si peu sur elle a, après coup, laissé en moi l'impression d'un vide, d'un manque. Pour toutes ces raisons, je te conseille de mieux caractériser Émilie.
Pour cela, il est vrai qu'un passage d'Amont faciliterait les choses, elle pourrait y expliquer aussi longuement que souhaité les raisons de son amour. Il serait aussi intéressant de savoir ce qu'elle y cherche : l'oubli, l'évasion, ou juste une relation saine ?
Mais même sans Amont, tu peux utiliser les autres alters pour la décrire. Aval peut expliquer ce qui, selon elle, fait d'Émilie une menace, peut-être en racontant quelques anecdotes, pour que le lecteur puisse se faire une idée de sa personnalité. Foehn, à l'inverse, peut expliquer en quoi elle fait du bien à Amont, détailler peut-être ce qui a changé depuis son arrivée ; ainsi, on aura accès à deux versions pour pouvoir s'orienter. Et, enfin, dans le chapitre de Mistral, je pense qu'elle pourrait davantage s'ouvrir au moment où elle console Mistral, par exemple en lui racontant un épisode de sa propre vie, dramatique ou non, qui fasse écho à la situation.
Cela aurait le double avantage de la caractériser davantage, et de faire durer ce moment. J'ai en effet trouvé qu'il allait un peu vite : en quelques lignes, juste parce qu'Émilie lui dit qu'elle n'est pas seule, Mistral abandonne sa colère. Une colère qui, comme on nous l'avait fait sentir au début du chapitre, était profondément ancrée en elle, au point de la définir presque entièrement. Je pense donc qu'elle pourrait retrouver le calme après un peu plus d'efforts de la part d'Émilie ; qu'on sente que celle-ci donne vraiment de sa personne, qu'il se passe quelque chose entre elles.
J'aime beaucoup le sujet que tu as traité dans cette nouvelle, et surtout ta façon de le traiter. Il s'accorde avec le thème d'une façon surprenante et très juste. Les trois personnages se complètent bien, j'ai eu l'impression de plonger peu à peu sous la surface : on part de Foehn qui ne connaît que la facette brillante de son entourage, qui disparaît aux moments sombres et dont la vie entière est heureuse ; puis on passe à Aval, plus encline à voir le côté sombre des choses... et on termine avec Mistral, engluée dans sa douleur, incapable de résister à l'emprise de ses souvenirs les plus douloureux... L'histoire de Mistral, à l'origine de leur dissociation, est bien amenée, on la sent monter peu à peu, on en devine des bribes... Je ne m'attendais en revanche pas du tout à l'évocation d'Anaïs !
Je ne l'ai volontairement pas citée parmi les personnages plus haut parce que je trouve qu'elle est bien caractérisée, pour sa part. Bon, elle est morte, certes, et tu ne t'épanches pas non plus sur elle ; mais la description que tu en fais suffit à lui donner... je ne sais pas trop comment dire, une aura peut-être, en tout cas je l'ai sentie se faire une place en moi. Ce personnage est très bien pensé, et on ne peut que souffrir de ce qui lui arrive.
Cependant, même si leur histoire est bien amenée dans le chapitre de Mistral, je pense que cela apporterait quelque chose de laisser quelques indices dans les chapitres d'avant. Certes, Mistral est la gardienne des souvenirs et les autres alters ont donc tout oublié. Mais je pense que tu pourrais nous transmettre l'impression que quelque chose de dangereux menace de s'en prendre à elles, surtout dans le chapitre d'Aval, avec sa méfiance... Elles peuvent de plus remarquer certains détails, par exemple dans leur maison, qui éveillent en elle de mauvais souvenirs ; si elles peuvent ne pas réussir à relier les points, le lecteur, lui, verra peu à peu l'image se former et sentira l'angoisse monter.
L'absence d'indices dans les parties précédentes, je dois dire, m'a un peu frustrée lorsque j'ai terminé ma lecture ; ce que j'aime dans ce genre d'histoire, c'est relire et me dire « oh mais oui ça j'aurais dû le voir venir » en croisant des indices. En ajouter donnerait au lecteur toutes les clés pour comprendre ce qu'il s'est passé, ce qui serait narrativement plus intéressant.
Enfin, pour finir, je tenais vraiment à saluer ton talent. Tu donnes l'impression d'avoir, dans certaines phrases, un don pour savoir exactement quel mot employer pour maximiser l'impact sur le lecteur, pour lui faire ressentir exactement ce qu'il doit éprouver... C'est cela, surtout, qui m'a embarquée dans l'histoire : ces quelques phrases qui me prenaient à la gorge, qui me forçaient à partager les émotions des personnages.
La fin est à ce titre vraiment prenante, j'ai beaucoup aimé la façon dont elle se déroule, la note positive sur laquelle elle se termine, finalement (je ne m'y attendais pas...). J'ai vraiment eu l'impression de partager l'incrédulité et le début d'espoir de Mistral, lorsqu'elle réalise que finalement, son état n'est pas une fatalité et qu'elle peut se battre pour en sortir. Il se dégage une force saisissante de cette fin, on a envie de prendre la relève, d'accompagner Mistral dans son combat.
(Je dois dire, d'ailleurs, que ces phrases spécialement bien tournées contrastent encore plus avec certaines autres plus maladroites... Raison de plus, je pense, pour essayer de réduire ces dernières...)
La plume est ici plus simple que dans Cent vingt Heures, mais elle a gardé sa beauté et c'était superbe à lire, vraiment.
En bref, j'ai peu de choses à reprocher à ce début d'histoire. Je pense que tu aurais pu améliorer certaines tournures de phrases, mieux caractériser les voix des personnages, donner un peu de substance à Émilie et éventuellement nous fournir quelques indices concernant l'histoire de Mistral, mais ce sont des détails : le thème est utilisé d'une façon géniale et tu transportes à travers tes mots le lecteur dans ton monde.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top