Petits Fantômes - PlumeAmethyste [Mélodie Boréale]

Quelques points que j'aimerais rappeler :

- Cet avis n'est justement qu'un avis, avec toute la subjectivité que ça implique. N'hésite pas à le croiser avec ceux d'autres lecteurs.

- Si je ne suis pas claire, n'hésite pas à me demander de préciser un truc ! De même, si tu n'es pas d'accord, sens-toi libre de protester ; et s'il te reste des questions, ou s'il y a des points que tu aurais aimé que j'aborde, je serai ravie d'y répondre.

- Toutes remarques que j'ai faites ne veulent pas dire que j'ai enlevé des points sur le barème. Notamment, si une critique me semble trop subjective, je la formule au cas où elle puisse t'être utile, mais je n'enlève rien pour cela.

- Les suggestions que je fais sont de simples suggestions, je ne vais pas t'ordonner de modifier ton texte ou je ne sais pas quoi : je ne fais que souligner une possibilité.

Voilà voilà, passons à l'avis !



La couverture correspond bien à l'histoire dont elle représente une scène-clé, celle où les trois personnages sont enfin réunis. Mais j'ai quelques petites remarques à faire sur l'exécution : déjà, tu as augmenté la transparence du titre, sans doute pour coller à l'idée de fantômes. C'est une bonne idée mais le problème est que cela le rend moins lisible, d'autant qu'une partie se trouve sur une zone plus lumineuse de la couverture : blanc sur blanc, il y a mieux... Quand je regarde la version miniaturisée de la couverture (sur ton profil, sur la page de résumé), je lis instinctivement « Petits Fatômes ». Alors certes, on devine facilement de quoi il s'agit et le « n » se voit lorsqu'on regarde de près ; mais au premier coup d'œil jeté à la couverture, le titre attire moins l'attention que le pseudonyme (puisque celui-ci n'est pas transparent) et paraît incomplet. Je ne sais pas s'il est possible de décaler l'image de fond pour que le titre se trouve sur une zone sombre ; mais si ça l'est, je t'encourage à le faire.

De plus, l'assemblage des images me paraît assez maladroit... Les silhouettes des garçons semblent vraiment collées sur l'image de la forêt, elles n'ont pas l'air d'en faire partie. Je suis assez mal placée pour te conseiller là-dessus, n'étant pas du tout graphiste, mais il y a un facteur auquel tu peux déjà remédier : l'ombre. Il y a une source de lumière derrière les deux garçons, ils devraient donc avoir une ombre vers le bas de la couverture ; cela les ancrerait déjà dans l'image. Autre remarque : il y a comme une aura blanche autour du garçon assis, on la remarque au niveau des fesses, sur la zone sombre. Je te conseille vraiment d'y remédier : ça le rend encore plus extérieur à l'image. La fille, pour sa part, semble mieux incrustée dans la couverture (il y aurait sans doute quelque chose à travailler au niveau du contour pour qu'elle le soit vraiment, mais ça dépasse de loin mes compétences). En revanche, les détails de son corps semblent flous : ses cheveux se distinguent à peine, de même que ses bras ; son pantalon semble trop uniforme, il manque des variations de couleur pour en distinguer les plis (il y en a en revanche sur son haut). À vrai dire, j'ai l'impression que tu as pris la silhouette d'une fille et que, pour coller à l'ambiance lumineuse de la couverture, tu as changé la teinte de l'image, mais avec un outil pas terrible... Dans tous les cas, je trouve ce manque de netteté dommage, il rend la fille un peu trop floue et ne colle pas avec l'image de la forêt, beaucoup plus nette.

J'ai de plus une remarque beaucoup moins concrète : dans cette couverture tu caractérises le personnage de Ronaldo avec la silhouette de Lydia flottant au-dessus de lui, mais aucune allusion n'est faite au fardeau des deux autres. De même les garçons sont réduits à deux silhouettes, contrairement à Alma. Je dois dire que ce choix m'intrigue. Pourquoi les distinguer ainsi dans la couverture ?

Néanmoins, cette couverture est pertinente, le moment qu'elle représente est sans doute celui qui colle le plus à l'histoire tout entière : les personnages enfin réunis après avoir exprimé leur détresse.


Je dois dire que j'aime beaucoup tes titres, la façon dont ils se reprennent les uns les autres, l'harmonie qui s'en dégage... Après je me pose la question de la pertinence du titre principal. En effet il ne regroupe pas vraiment les trois personnages : il correspond bien à Espe, mais pour Ronaldo, c'est à sa petite sœur qu'il fait référence. Le fait de briser ainsi la symétrie m'a un peu interpellée quand j'ai relu les titres. Quant à Alma, je pense qu'il faudrait pour que ça corresponde insister un peu plus sur l'aspect « âme invisible » que tu mets en valeur dans le texte. L'idée que sa différence l'invisibilise est logique, mais pourrait être plus présente dans son chapitre.

De plus, même si le titre « Petits Fantômes » correspond pas mal à l'histoire, je ne sais pas si c'est le plus adapté : lorsque tu insistes sur ce qui les relie, tu ne mets pas en avant leur lien aux « fantômes », mais leur souffrance et leur solitude. Un titre reprenant ces deux points m'aurait donc semblé plus pertinent ; d'autant que « Petits Fantômes » évoque plus une histoire d'horreur, ou à la rigueur une personne hantée par son passé.

Après ce titre est assez poétique, et colle tout de même avec l'histoire.


Globalement, le résumé est attirant et présente bien l'histoire. On voit tout de suite qu'on va lire l'histoire de trois personnages distincts, on voit ce qui les rassemble ; c'est un résumé prometteur, qui laisse présager une histoire intense.

Néanmoins je pense que ce résumé pourrait être élagué. Le paragraphe d'Alma est synthétique, rien ne pourrait y être supprimé, mais ceux des garçons gagneraient à être retravaillés. A-t-on besoin de savoir comment Lydia est morte ? L'important est que Ronaldo est hanté par la perte de sa sœur, le reste peut se découvrir dans l'histoire. Pour Espe, la phrase est assez tordue et je pense que le fait qu'il se soit lui-même donné ce nom est quelque chose qu'on pourrait découvrir dans l'histoire. Ça n'apporte pas grand-chose de l'avoir en résumé (puisque tu nous dis juste après qu'il « n'est personne ») mais personnellement ça m'a surprise de le découvrir (je n'avais pas lu le résumé avant) et je pense que ça apporte quelque chose au chapitre.

Ensuite, je ne suis pas sûre qu'on puisse dire qu'Espe et Ronaldo, à quinze ans (ou même quatorze) soient des enfants... Pour Alma, ça peut convenir ; mais j'aurais personnellement mis « adolescents », d'autant que les problèmes d'Alma et Espe sont plus caractéristiques de l'adolescence. De plus, « hantés par leurs petits fantômes » ne convient finalement qu'à Ronaldo ; je pense que cette tournure mériterait que tu repasses dessus.

Enfin, de façon plus subjective sans doute, j'aimerais revenir sur l'« étiquette affreuse » que la société aurait collée à Alma. Je comprends que le diagnostic d'autisme ne lui ait rien apporté et lui ait même fait du mal, mais je n'irais pas jusqu'à dire qu'« autiste » est une étiquette affreuse. C'est simplement le nom d'un handicap, dont il peut être utile de noter la présence chez quelqu'un pour mieux connaître ses besoins.

Cela dit, ton résumé reste très efficace, il donne envie de découvrir l'histoire, il intrigue et est bien écrit.


Sur la forme, il y avait quelques fautes de grammaire et le problème des majuscules aux noms de nationalité, mais ça ne dérangeait pas la lecture. Je pense qu'il faudrait que tu fasses un choix sur l'utilisation des abréviations : tu écris une fois « Sr » et « Snr » (pour señor et señora, je suppose), puis la deuxième « señora ». À ma connaissance les deux sont corrects, mais il faudrait te fixer. Sinon, les paragraphes sont bien découpés, le texte est fluide.

J'aurais néanmoins une remarque au sujet des citations en début de chapitre. J'aime beaucoup l'idée d'une citation qui éclaire le texte, et celle de Victor Hugo m'a paru très adaptée. Mais je trouve que les deux suivantes l'étaient un peu moins. Je n'ai pas l'impression qu'elles apportent vraiment quelque chose au texte. Elles lui correspondent, oui, mais j'ai trouvé que ça restait assez superficiel. La citation d'Hugo semblait apporter une réponse à l'exclamation de Ronaldo (il demande à Lydia de revenir, mais d'une certaine manière elle est toujours là). En revanche, les deux autres semblaient simplement reprendre ce qui avait été dit dans le texte, sans y apporter une réponse, un nouvel éclairage...


Le thème « Au gré du vent » est parfaitement respecté puisque le vent est le biais de leur rencontre, il transporte les mots attirent Alma. J'aime beaucoup cette idée, dans « au gré du vent » j'entendais surtout l'idée de dérive, je voyais le destin d'une personne ballotée par le vent ; dans ta nouvelle, ce sont seulement deux cris qui voyagent au gré du vent et cette interprétation est vraiment jolie.

J'aime aussi beaucoup ce que tu as fait de la contrainte. Elle est non seulement respectée mais aussi exploitée : on a trois personnages réunis dans une clairière et on découvre ce qui les a menés là, un par un. L'histoire ne pourrait pas exister sans cette contrainte, je trouve donc que tu l'utilises à la perfection.

Quand aux questions de réflexion... je suis plus mitigée. Pour « L'esprit est-il plus libre que le corps ? », sur laquelle tu as demandée à être notée, j'ai trouvé que tu avais le bon contexte avec Espe qui affirme sa liberté d'esprit bien qu'il ne le soit pas de corps. Mais j'ai trouvé qu'elle aurait pu être plus développée. La contextualisation est parfaite, tu évoques la situation d'Espe puis tu introduis la question à un endroit tout à fait adéquat ; et sa réponse a une incidence très claire sur le reste de la vie d'Espe. Il semble donc parfaitement logique qu'il se pose cette question. En revanche, j'ai trouvé son traitement trop rapide. On a la partie « actuellement, l'esprit d'Espe est plus libre que son corps », mais ensuite j'ai trouvé que le développement s'en éloignait : tu parlais davantage de l'implication d'Espe dans son corps que de la liberté de son corps... si bien que la question en elle-même n'obtenait qu'une réponse partielle. Au vu de la réponse que tu m'as donnée en commentaires, je pense qu'il aurait fallu détailler et justifier davantage le fait qu'Espe n'était pas totalement libre, que son corps l'en empêchait.

Pour « Interprète-t-on à défaut de connaître ? », ce n'est pas vraiment un reproche étant donné que tu n'as pas écrit ta nouvelle mais que tu l'as cochée ensuite, mais je pense qu'il aurait fallu également la développer davantage. Tu nous dis que les autres interprètent le comportement d'Alma à défaut de la connaître, mais cette question n'appelait pas simplement un oui ou un non, mais surtout un parce que ; je pense qu'il aurait fallu que tu nous expliques ce qui se produisait dans la tête de ces enfants, pourquoi ils se contentaient d'interpréter.


Pour ce qui est de l'histoire en elle-même, j'aime beaucoup l'idée que tu as eue, la façon dont tes personnages se rencontrent. C'est original et ça fait bien écho aux thèmes de ta nouvelle. Je pense qu'il y a beaucoup de potentiel dans cette nouvelle, du potentiel qui est sur la plupart des aspects très bien exploité. Mais il y a, je pense, quelques points qui auraient pu être améliorés.


Il y a déjà quelques détails de l'intrigue sur lesquels j'aimerais revenir. Premièrement, le fauteuil de Marco. C'est assez subjectif, mais en lisant « fauteuil » la première fois je me suis forgé l'image d'un fauteuil classique et j'ai essayé de déterminer en quoi il pouvait rappeler l'accident ; j'étais si fixée dans mon idée que j'ai mis très longtemps à réaliser, ça m'a perturbée pendant tout le chapitre. Après, d'un autre côté je comprends que tu préfères ne pas le mentionner pour qu'on le découvre lorsque tu résumes l'accident ; cette remarque n'est pas à prendre comme un reproche, je voulais juste te faire part d'un ressenti possible au sujet de cet élément.

Petite remarque assez anecdotique sur la cohérence : au début du chapitre d'Alma, tu nous dis qu'« aucun des deux garçons ne sut » que leurs cris avaient touché une troisième personne. Ce qui n'est pas exact puisqu'à la fin Alma se révèle à eux. Cette tournure m'a laissé penser qu'elle n'allait pas les rejoindre, qu'elle se contenterait de les observer de loin. Je te conseille de remplacer par « Ce dont aucun des deux garçons ne se doutait », qui me semble plus correct puisqu'il porte sur leurs connaissances à un instant T, alors que « ne sut » sous-entend qu'ils ne connaîtraient jamais la vérité.

Un troisième point enfin : l'internat. Au début, je n'avais pas compris que Ronaldo y était (on avait juste une phrase dans le premier chapitre), je pense que cela pourrait être mentionné plus explicitement – peut-être aussi donner la raison, puisque le personnage vient d'un autre livre je suppose que c'est intervenu là-bas. De plus, je pense que tu pourrais donner des précisions sur le type d'internat. Il faudrait, une justification à ce qu'il accueille à la fois des orphelins et des enfants handicapés (je veux dire qu'en général les instituts accueillant des handicapés ont des dispositifs adaptés à ces handicaps, donc je suppose qu'ils sont spécialisés dedans). Ça ne me semble pas impossible mais je pense que ça mériterait une explication.


Dans le chapitre de Ronaldo, tu nous présentes un extrait de sa vie avant le drame pour nous montrer ce qu'il a perdu, et peut-être pour que l'on s'attache à sa petite sœur. Je dois dire que, pour moi, ça n'a pas fonctionné. L'extrait m'a semblé traîner un peu en longueur – lire le récit de moments joyeux de personnages qu'on ne connaît pas n'est pas très intéressant : il n'y a pas d'enjeu pour tenir le lecteur en haleine – et je l'ai trouvé trop idéalisé. Je comprends que tu recherches un contraste, mais je pense que tu aurais pu montrer tout de même un peu plus de nuance : la scène m'a semblé irréelle tant elle était utopique, je n'arrivais pas à y croire. Même si les personnages sont globalement heureux, il y a des zones d'ombre, c'est inévitable.

Il est possible que ce soit un rêve de Ronaldo et non un véritable souvenir, si je me fie au fait que dans la scène suivante il se réveille. Mais je pense que, dans ce cas, il aurait fallu opter pour une focalisation moins externe. Tu commences le rêve/souvenir en décrivant la famille Cielo d'un point de vue externe, comme si le narrateur n'appartenait pas à la scène. S'il s'agit de Ronaldo, je pense qu'il aurait fallu que sa subjectivité imprègne le rêve : même s'il est possible qu'il revoie la scène de l'extérieur, il en pense forcément quelque chose, il ressent de la douleur, du regret, ...

S'il s'agit d'un rêve, je pense qu'il aurait gagné à être retranscrit simplement en quelques mots : une impression plutôt qu'un souvenir. Quelque chose qui nous fasse ressentir l'ambiance : la chaleur familiale, les rires. Ce n'est que mon avis, mais je pense qu'un bref résumé – qui décrirait l'impression produite sur Ronaldo plutôt que les faits en eux-mêmes – aurait plus d'impact : il transmettrait l'ambiance sans paraître idéalisé, et ne serait pas trop long.


Ces détails mis à part, passons au point central de cet avis : je pense que la nouvelle mériterait, à certains endroits, d'être mieux développée.

J'ai ainsi trouvé que le personnage de Ronaldo manquait un peu de profondeur. On sait d'après le souvenir qu'il est d'un tempérament plutôt calme, on apprend ensuite qu'il protège sa famille et souffre en silence de la perte. Mais on ne connaît rien d'autre de lui. Je pense que tu gagnerais à développer sa personnalité, et pour cela je te conseille de jouer sur le lien avec sa sœur.

En effet, j'ai trouvé leur lien finalement assez survolé. Je pense que, si tu veux nous montrer ce que Ronaldo a perdu, un souvenir heureux sera moins efficace que la description d'une relation. Ce n'est que mon ressenti, mais j'aurais davantage été emportée par l'histoire si tu avais décrit plus en détail la relation qui liait Lydia et Ronaldo. Qu'aimait-il en elle ? Que lui apportait-elle ? Et inversement, pour quel aspect de sa personnalité Lydia l'aimait-elle ? Développer ces questions rendrait, je pense, leur relation plus solide, cela lui donnerait un caractère unique. En tant que lectrice, la perte d'un proche du personnage me déchire vraiment lorsque je mesure ce que cette personne lui apportait – ce qu'il a perdu avec elle.

C'est quelque chose, je pense, qu'il serait intéressant de développer. Ici on a la description des émotions de Ronaldo et certes, c'est poignant à lire, je partage les avis des lecteurs qui ont ressenti sa douleur. Mais, pour moi... ça n'est pas resté. La douleur que j'avais partagée avec lui était née de tes mots, de la façon dont tu présentais l'histoire ; pas de l'histoire elle-même. Si bien que, une fois le chapitre terminé, je ne ressentais plus cette douleur.

Le chapitre d'Espe m'a semblé à cet égard bien plus complet. Je trouve que ce personnage a une vraie profondeur, sa façon de fuir la réalité, de se réfugier dans un monde où il n'est qu'esprit, était bien montrée et m'a beaucoup touchée. Ce personnage semble vraiment solide et construit. D'ailleurs, l'idée de commencer par sa fausse fiche d'identité était vraiment bien pensée, un moyen efficace d'introduire sa situation et sa personnalité. Il y a toutefois deux points dont je pense qu'ils pourraient être plus développés dans cette nouvelle.

Tout d'abord, j'aurais aimé en savoir plus sur sa relation à sa mère (biologique). Il a des propos très durs, qui sont compréhensibles... mais on n'en sait pas plus. Je pense que tu aurais pu tenter de plonger en lui, de l'étudier plus en profondeur. Qu'y a-t-il derrière cette colère – la peur de ne pas être aimé, d'être abandonné... ou au contraire celle de compter pour quelqu'un ?

Ensuite – mais c'est plus quelque chose qui me fait penser « oh, ce serait bien » qu'un truc qui a manqué à ma lecture –, il aurait peut-être été pertinent de donner quelques exemples montrant p quel point Espe refuse de s'intégrer à la réalité ; des scènes du quotidien avec ses camarades, par exemple, pourraient montrer l'impact que cela a sur sa sociabilisation.

Enfin, au sujet d'Alma... j'ai beaucoup aimé la façon dont tu racontais son parcours face à ses parents, aux psychologues et aux autres enfants. Tu montrais vraiment bien son rapport à la différence, mais je dois dire que j'ai quelques réserves sur le moment où Alma, après avoir entendu Ronaldo et Espe, prend conscience que sa différence était une chance. En effet, cela contredit un paragraphe situé un peu plus haut, où elle se réjouit de sa différence (« C'était pour cela qu'Alma aimait sa différence ») : elle en avait déjà pris conscience... De plus, ce moment m'a semblé trop rapide, j'aurais aimé avoir plus de détails sur le cheminement de cette prise de conscience.

Enfin – je sais que ce n'était pas ton intention, et ce n'est que mon ressenti –, j'ai trouvé que le personnage d'Alma disparaissait un peu derrière sa différence, justement. Son chapitre était consacré à la description de son parcours, de sa souffrance en tant qu'autiste, ce qui est plutôt logique. Mais, du coup, elle ne semblait exister que par cela. Je pense que tu aurais pu davantage faire intervenir sa personnalité. Elle aime dessiner, elle associe des couleurs aux concepts ; ces deux aspects n'ont pourtant pas été développés (du moins dans l'histoire ; je veux dire que tu as utilisé la synesthésie pour raconter l'histoire, mais pas pour développer le personnage d'Alma). Je te conseille donc de partir de ces éléments, de développer Alma autour d'eux, de lui forger une personnalité autour de ces deux passions. Pas au point de t'éparpiller, naturellement ; mais quand Alma pense qu'elle aussi existe, que les autres ne la voient pas comme elle est... pourquoi ne nous donnerait-elle pas une idée de ce qu'elle est, justement ?


Passons maintenant à un point qui m'a beaucoup plu : ta façon d'écrire. Je te l'ai déjà un peu dit en parlant de Ronaldo mais sincèrement, tes mots sont poignants, tu sais très bien nous immerger dans la détresse des personnages. J'ai vraiment été emportée par ta nouvelle.

Il y a néanmoins quelques détails que, je pense, tu pourrais améliorer. Tu as souvent tendance à écrire des phrases assez longues, entrecoupées de nombreuses précisions, ce qui peut nuire à la clarté de l'histoire (ici ce n'était pas dramatique, j'ai dû relire deux ou trois phrases mais tant que ce n'est pas toute l'histoire ça ne pose pas problème) et produire un effet de surcharge (ce qui a parfois été le cas pour moi). À force d'ajouter des précisions, on peut en arriver à perdre le sens principal de la phrase. Un exemple : « Et c'est donc au gré du vent que ces mots, contenant une partie de l'âme des adolescents, arrivèrent, par une fenêtre entrouverte, jusqu'aux oreilles d'Alma. » Ici l'idée la plus importante de cette phrase est : « Et c'est donc au gré du vent que ces mots arrivèrent jusqu'aux oreilles d'Alma ». Mais à force de rajouter des précisions, cette idée m'a semblé diluée, moins impactante. Je te conseille donc de te demander en relisant si les précisions que tu fais sont vraiment utiles (ici par exemple, le paragraphe précédent donne déjà l'idée de « contenant une partie de l'âme des adolescents » et la fenêtre ouverte est mentionnée plus loin). Je te conseille de plus, lorsque c'est possible, de varier la ponctuation en introduisant des points-virgules (après lesquels il ne faut pas de majuscule – je viens de le remarquer dans ton texte).

Deux petites remarques rapides : tu t'adresses une fois et une seule au lecteur (« Car, voyez-vous, Ronaldo Cielo culpabilisait [...] »). Je te conseille d'éviter cela si ce n'est pas le style de l'œuvre : ce genre de phrase donne l'impression que le narrateur prend en compte la présence du lecteur, qu'il lui raconte l'histoire. Avec un narrateur interne qui raconte son histoire en même temps qu'il la vit, c'est difficilement réalisable ; et même avec un narrateur omniscient, il faudrait que ce soit récurrent pour que ça ne semble pas étrange. De plus, tu désignes souvent les personnages par des caractérisations alambiquées, comme « l'Espagnol de bientôt seize ans ». Un narrateur interne ne risque pas de se penser ainsi (dans ma tête, je me désigne par mon prénom, pas par ma nationalité, mon âge ou ma couleur de cheveux). Pour un narrateur omniscient, ça pourrait convenir, mais il faudrait que la désignation ait un rapport avec ce qu'il se passe. Ici cette désignation intervient alors qu'il est en train de courir dans la forêt : le rapport est difficilement perceptible... C'était quelque chose d'assez récurrent dans ton texte, et je dois dire que ça m'a souvent dérangée. Je pense de plus que tu n'as pas besoin de faire passer ces informations : on sait qu'ils sont espagnols, et ni leur âge ni leur couleur de cheveux n'ont d'utilité dans l'intrigue...

Tu as peut-être noté que dans le paragraphe précédent, j'explorais à la fois le cas où le narrateur était interne et celui où il était omniscient... En effet je n'ai pas réussi à déterminer ce qu'il en était dans ta nouvelle. Beaucoup de tournures (principalement celles du genre dont je viens de parler) m'ont fait pencher pour l'omniscient, de même que certains passages où le narrateur semblait tout connaître, comme au début du chapitre 3. Mais le narrateur me semblait aussi bien trop subjectif. Ainsi les remarques que j'ai parfois pointées surtout dans le chapitre 2 – sur les propos de Mariella ou sur la mère d'Espe – semblaient énormément subjectives. Or elles étaient inscrites directement dans la narration, comme si le narrateur les avait formulées ; ce qui m'a conduite à suppose que ce narrateur était Espe lui-même, donc un point de vue interne. Si le point de vue est omniscient, je pense que tu pourrais y introduire beaucoup plus de nuance. En tant que lectrice, je comprends qu'un personnage abandonné pense que sa mère est une ordure ; mais je trouverais vraiment réducteur et limite naïf un narrateur qui le penserait lui aussi. Pareil dans le chapitre d'Alma : si le narrateur est omniscient, il serait intéressant d'étudier en quelques mots ce qu'il se passe dans la tête des enfants qui la rejettent.

(J'espère qu'avec ces trois remarques tu n'es pas en train de te dire qu'en fait je n'ai pas du tout aimé ta façon d'écrire, ce serait vraiment faux... Je prends le temps de bien les détailler parce que juste dire « ça j'ai pas aimé, change-le » serait débile et sans intérêt, mais ces points ne m'ont dérangée que ponctuellement.)

La quatrième – et dernière – remarque est bien plus subjective, je la fais pour te présenter un point de vue de plus, mais il se peut qu'elle te semble ne pas convenir à ta façon d'écrire. Au sujet des répétitions « faites exprès », assez nombreuses dans ton texte, je pense que certaines n'étaient pas adéquates. Comme toute figure de style, une répétition est un moyen, pas un but. C'est un outil, parmi d'autres, pour faire passer une idée. C'est pourquoi je pense que, si une répétition alourdit le texte, nuisant à la lecture, il peut être utile de se demander si elle est vraiment nécessaire. Ne peut-on pas la remplacer par une autre figure de style ? L'information qu'on veut faire passer, a-t-elle vraiment besoin de cette insistance pour marquer le lecteur ? (Par exemple, l'idée des mots qui voyagent au gré du vent me semblait assez forte, assez marquante sans que tu insistes dessus.)

Mais, au risque de me répéter : malgré ces quatre points, j'ai vraiment été emportée par ta plume. Il y a des moments que j'ai vraiment adorés, qui étaient très riches en émotion et très révélateurs des personnages... Je crois que mon passage préféré, de toute la nouvelle, est celui où Alma entend le cri d'Espe et le sent se répercuter en elle. Ses émotions étaient vraiment poignantes, et le cri faisait un tel écho à ce que tu nous disais d'elle juste avant...


Une dernière remarque, très subjective elle aussi : je n'ai pas trop aimé les deux phrases finales (« Et c'est ainsi [...] pour toujours »). J'ai eu l'impression qu'elles en disaient trop, qu'elles expliquaient des choses qui étaient montrées par toute la nouvelle. Elles ont le mérite de rappeler le lien au thème mais pour moi, il était déjà très clair. Au final, le « Je suis là » d'Alma me semblait bien plus percutant pour conclure cette nouvelle. Comme tu le disais toi-même, cette phrase a de nombreuses interprétations possibles ; finir sur ces trois mots m'aurait donc semblé bien plus significatif.


Pour conclure, je te félicite vraiment pour cette nouvelle qui était très bien écrite. Il y a quelques détails qui m'ont dérangée, mais j'ai été emportée par tes mots et le personnage d'Espe m'a vraiment touchée.

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