Le Ruban de Möbius - OnceUponACavaliere [Mélodie Boréale]
Quelques points que j'aimerais rappeler :
- Cet avis n'est justement qu'un avis, avec toute la subjectivité que ça implique. N'hésite pas à le croiser avec ceux d'autres lecteurs.
- Si je ne suis pas claire, n'hésite pas à me demander de préciser un truc ! De même, si tu n'es pas d'accord, sens-toi libre de protester ; et s'il te reste des questions, ou s'il y a des points que tu aurais aimé que j'aborde, je serai ravie d'y répondre.
- Toutes remarques que j'ai faites ne veulent pas dire que j'ai enlevé des points sur le barème. Notamment, si une critique me semble trop subjective, je la formule au cas où elle puisse t'être utile, mais je n'enlève rien pour cela.
- Les suggestions que je fais sont de simples suggestions, je ne vais pas t'ordonner de modifier ton texte ou je ne sais pas quoi : je ne fais que souligner une possibilité.
Voilà voilà, passons à l'avis !
Concernant la couverture, je la trouve vraiment belle (petitelunebleue si tu tombes là-dessus, je vois passer tes graphismes sur le discord et c'est toujours magnifique). Mais je pense que la qualité pourrait être améliorée, en zoomant dessus on remarque qu'elle est très pixellisée (trop pour que ce soit juste la résolution Wattpad). Ça ne se remarque pas en y jetant un regard rapide, pour le côté « attirer le lecteur » ça ne pose pas de problème ; mais quand on aime regarder en détail les jolies couvertures, ce manque de netteté peut être frustrant. La version partagée par petitelunebleue sur le discord était d'ailleurs bien plus nette. Une autre chose que je trouve dommage sur l'esthétique de la couverture, c'est que l'arrière-plan est assez flou, je n'ai pas réussi à voir ce dont il s'agissait. Est-ce que c'est juste un effet pour rendre le fond moins vide ou est-ce qu'il fallait y voir quelque chose ? Je ne sais pas et ça m'a perturbée. Après ces deux problèmes sont anecdotiques, la couverture est tout de même superbe ! Le lien avec l'histoire est clair, on voit la rose que Malayene dépose sur la tombe de sa grand-mère. Même sans le savoir, une fleur noire pour évoquer la mort est une représentation cohérente. D'ailleurs, pour faire ressortir ce noir, je pense qu'il aurait été pertinent d'inclure des éléments en couleur sur la couverture. Là, il n'y en a aucun, si bien qu'on pourrait aussi bien (pour une raison ou une autre) voir l'image en noir et blanc d'une rose rouge. Le fait qu'elle soit noire serait mieux souligné par un contraste, je pense. Après, c'est encore une fois un détail, la couverture donne énormément envie de lire et correspond à l'histoire.
Pour le titre, je le trouve très poétique et bien trouvé, les explications que tu as données le font correspondre à l'histoire ! Il est de plus plutôt original (il semblerait que l'idée d'un ruban de Möbius comme métaphore d'un cycle éternel ait été traitée par plusieurs romans, mais cela reste rare de voir ce genre de titre) et intrigant (bon, sur ce point je ne peux pas trop juger, puisque je me suis surtout dit « oh, des maths » en le voyant...). Après je trouve qu'il pourrait être mieux expliquées dans le texte. Seul le résumé (avec le symbole de l'infini) m'a permis de comprendre sa signification, sans ça j'aurais été perdue par l'étendue de la symbolique du ruban de Möbius. Je trouve ça un peu dommage qu'il faille lire le résumé pour comprendre le lien ; je pense que tu pourrais glisser la comparaison dans le texte, elle s'intégrerait très bien dans la dernière partie.
Le résumé commence vraiment bien, je pense. Tu pourrais sans doute enlever les guillemets et le « Le ruban de Möbius » au début (mettre juste « Le symbole de l'infini a la forme du Ruban de Möbius. Cette surface a une seule face et une seule arête et possède de surprenantes propriétés lorsqu'on la découpe », directement), mais définir le ruban de Möbius est une bonne idée, cela attise la curiosité. Après, dire « et possède de surprenantes propriétés lorsqu'on la découpe » n'est peut-être pas très utile : ça n'est pas en lien avec l'histoire et ça n'aide pas à visualiser ce qu'est un ruban de Möbius. Je pense que tu pourrais la supprimer sans nuire au résumé. Par contre, savoir à quoi ressemble un ruban de Möbius est utile pour comprendre sa symbolique dans l'histoire ; peut-être que tu peux mettre une phrase du genre « et est obtenue à partir d'une bande de papier, en tordant l'une de ses extrémités d'un demi-tour et en la recollant à l'autre ». Ceci mis à part, cette première phrase est très pertinente. Après, je dois dire que j'ai plus de réserves. L'idée de mettre des citations de l'histoire n'est pas mauvaise en soi, ça peut plonger dans l'ambiance de la nouvelle, mais là j'ai surtout ressenti une impression de fouillis, peut-être en partie liée aux fautes d'orthographe dans les extraits (que je t'ai signalées dans le texte). La première phrase est bien trouvée, on devine peu à peu de quoi parle l'histoire, on comprend qu'on va voir une enfant qui ne comprend pas la mort d'une de ses proches. La deuxième me semble plus discutable. La fin de la mort n'est pas une question réellement centrale dans l'histoire ; de plus, elle intervient à la toute fin, je trouve ça un peu dommage de révéler ce qui sera un des derniers instants de la nouvelle. Si tu veux sélectionner une citation de cette partie finale qui montre le « point de vue de la Mort », je te conseille de choisir « La mort se sent seule », bien plus percutante à mon goût, c'est le genre de phrase d'apparence anodine mais qui en dit beaucoup. Enfin, je pense que le métier de thanatopracteur d'Alexis mériterait d'être évoqué : c'est un aspect important de l'histoire et c'est vraiment original !
Il y a pas mal de fautes de grammaire, surtout des problèmes de conjugaison – j'ai signalées celles que WafaBabin n'avait pas déjà relevées. C'était loin de rendre le texte illisible, et ça ne m'a pas empêchée d'être prise dans l'histoire, mais je te conseille de revoir ça car on arrive au stade où elles sont un peu trop voyantes. En-dehors de cela, je n'ai rien à redire sur la forme. Les paragraphes sont bien découpés, on ne s'essouffle pas sans que le texte soit pourtant trop aéré.
Le thème « Au gré du vent » est respecté d'une manière approximative, je dois dire... Je comprends bien l'explication, et elle ne me semble pas hors-sujet, mais je dois dire que je trouve la façon dont elle est incluse dans le texte un peu légère. Il aurait, je pense, été pertinent de la renforcer en développant la métaphore au moment où elle apparaît, ou en la reprenant à d'autres moments du texte. La troisième partie me semblerait vraiment pertinente pour développer le lien au thème.
La contrainte est respectée elle aussi, on suit chaque fois un point de vue, mais j'ai trouvé le chapitre d'Anna peu clair à ce sujet. En effet ce chapitre nous présente deux points de vue, celui d'Anna puis celui de « la Mort ». Je n'ai pas réussi à déterminer si les derniers paragraphes étaient les pensées d'Anna, si elle se racontait tout cela, ou bien si c'était ton interprétation d'auteur. Je pense qu'il aurait fallu éclaircir cela ; j'y reviendrai.
Il y a beaucoup de choses que j'ai aimées dans ta nouvelle. Elle m'a semblé vraiment réfléchie, on sentait que la plupart des détails n'étaient pas là par hasard, mais pour mener à la conclusion. C'est un aspect que j'ai beaucoup apprécié. Néanmoins, je n'ai pas accroché à l'histoire autant que j'aurais pu, je pense que certains points m'ont empêchée de m'y immerger.
Les deux premiers chapitres sont écrits d'une façon assez particulière, qui est à la fois une force et une faiblesse. Tu nous présentes non pas une narration continue, qui suivrait le personnage pendant quelque temps dans la même scène, mais un enchaînement de situations brièvement esquissées. Cela m'a donné l'impression de dizaines de photos prises de ton personnage à des moments différents.
Cela a de nombreux avantages et je dois dire qu'au début, j'ai apprécié l'ambiance que cela dégageait. Il n'y avait pas de moment de vide, pas de creux : à peine l'essence d'une situation capturée, on basculait sur une autre. Les scènes s'enchaînaient avec efficacité, sans transition, et on était emporté. La tension ne retombait pas. J'ai trouvé cela bien géré, dans la plupart de ces « instants de vie » tu parvenais à capturer les éléments importants de la scène et tu t'en allais tout de suite après. À certains moments, le personnage semblait très passif, par exemple lors de la scène avec sa fiancée ; impression renforcée par le fait d'être balloté de scène en scène par la volonté du narrateur. Dans ce contexte, c'est une excellente idée : cela m'a donné l'impression qu'Alexis (et moi avec) se laissait porter par la vie, qu'il n'essayait plus de décider du cours de son existence. Il prenait simplement les choses comme elles l'étaient, vivait une situation après l'autre sans s'y impliquer vraiment. Venant d'un homme qui vient de subir un deuil, cette sorte de découragement sonnait juste et était très efficace pour nous partager son état d'esprit.
Néanmoins, au bout d'un moment ce rythme m'a semblé un peu trop rapide. J'ai eu l'impression que tu ne parvenais plus à trouver l'équilibre entre la scène trop fouillée au point d'en être lourde et celle trop rapide. Les scènes de fin du chapitre d'Alexis m'ont semblé se dérouler trop vite, ne traiter que superficiellement le problème. Je voyais la situation, mais je n'arrivais pas à ressentir ses émotions.
Ainsi, chez la boulangère, quand il observe que tout le monde évoque le drame, j'aurais aimé savoir un peu plus ce que cela lui inspirait. Certes, cela lui rappelait son deuil, mais – comme tu le dis toi-même – ce souvenir n'est pas de ceux qu'on oublie, donc je doute que ce soit son problème. Qu'est-ce qui, réellement, le dérange dans ces rappels incessants ? Le fait que ces gens cherchent à « s'approprier son malheur », à en faire un fait divers ? Qu'ils prétendent avoir de la peine pour lui alors qu'ils ne le connaissent pas ? Qu'ils n'agissent ainsi que par attirance envers le malheur (comme les gens qui, plus haut, trouvent son métier « mortel ») ?
Dans la scène suivante, j'ai vraiment eu du mal à entrer en empathie avec lui. Déjà à cause du manque de contexte sur la situation : est-il seul ? réagit-il à un article, à une demande, ou est-ce juste l'accumulation ? Ensuite parce qu'on entendait son explosion, mais qu'on n'avait pas accès à ses pensées. Or dans les moments d'intense émotion, on a tendance à penser beaucoup plus qu'on ne dit (le débit de parole est assez limité, quand les pensées peuvent s'emballer comme elles le veulent). Je pense que tu aurais pu retranscrire le tourbillon de ses pensées ; sans, la scène m'a semblé vide, je me sentais distante du personnage, je ne partageais pas sa peine. Je pense que, si tu entres dans une pièce où un quasi-inconnu est en train de hurler de colère, tu auras du mal à aller vers lui, à te mettre à sa place... C'était un peu le cas ici. De plus, décrire ses émotions de manière plus violente pourrait contraster avec le reste du chapitre qui instaurait un rythme assez calme, et retiendrait donc l'attention du lecteur.
Dans le chapitre de Mayalene (très beau prénom au passage !), j'ai trouvé la partie où elle est à l'école un peu longue pour ce qui s'y déroulait. Elle n'apporte rien de fondamental au développement de sa réaction : on a déjà vu qu'elle ne comprenait pas que sa grand-mère était morte, toute la scène semble mener à cela mais finalement il n'y a qu'une phrase qui ne dit rien de nouveau... Je pense que tu pourrais reprendre ce paragraphe en insistant davantage sur la fin, en commençant par exemple avec Mayalene qui court vers sa mère en pensant aux gâteries de sa grand-mère, faire ressortir leur relation passée en y incluant un souvenir par exemple... Ainsi, je pense, la partie ne serait pas juste un paragraphe de plus sur le déni de Mayalene, mais apporterait quelque chose de nouveau en précisant sa relation avec sa grand-mère.
J'ai trouvé que c'était une très bonne idée d'inclure sa question naïve sur qui elle appellerait « mamie », on imagine bien la scène sans avoir besoin de précisions et c'est assez touchant. Néanmoins, n'hésite pas à faire davantage ressortir cette phrase en l'intercalant entre deux paragraphes bien plus longs, pour qu'elle se remarque par contraste ! Je pense que tu peux développer la scène juste avant : encore une fois, nous dire que sa grand-mère lui apportait ses cookies n'est pas une information très importante ; mais si tu ajoutes qu'elle le faisait en cachette de ses parents qui voulaient qu'elle s'alimente bien, que la boulangère et elle se détestaient cordialement, que ce rituel avait démarré après que le crush de maternelle de Mayalene l'ait abandonnée pour sa meilleure amie ou n'importe quelle autre anecdote de ce type, tu donnes de la chair à ce souvenir, tu le rends vivant, si bien qu'on partage la détresse de Mayalene, qu'on se surprend à vouloir nous aussi que grand-mère n'ait jamais été morte...
Par contre dans le chapitre d'Anna... waouh. Il y a des passages que j'ai vraiment adorés. La deuxième partie avec le « plic ploc plic ploc » était tellement bien trouvée, en si peu de mots on avait un aperçu de l'état d'esprit d'Anna. Plus généralement, dans ce chapitre tu exploitais vraiment bien l'idée de cette narration décousue, qui abordaient le deuil en attaquant le sujet par plusieurs angles, explorant plusieurs de ses facettes à tour de rôle... D'une manière générale cette narration est bien choisie, souvent exploitée d'une bonne façon ; je te conseillerais juste de veiller à ce que ça ne t'empêche pas d'aller en profondeur, ce qui était parfois le cas. Même en quelques mots, tu peux esquisser un portrait convaincant des émotions de ton personnage, qui nous fasse compatir à sa détresse.
J'ai trouvé ta plume vraiment travaillée, certains moments étaient vraiment bien écrits (certaines des premières parties d'Alexis et d'Anna, principalement). Il y avait de très belles trouvailles, j'ai beaucoup aimé la rose noire qui « baissait la tête face au soleil » : l'image était à la fois très évocatrice et adaptée au point de vue enfantin de Mayalene.
Néanmoins, j'ai parfois trouvé que tu étais dans l'excès : le travail et la complexité de la plume mènent facilement à une écriture alambiquée, qui en devient difficile à comprendre ou qui donne l'impression d'être trop tordue. Ainsi, à la fin du chapitre 1, désigner Mayalene par « cette personne qui était si chère » ne me semble pas très adapté. Certes, c'est « plus joli » que de dire juste « sa fille », mais cette formulation met pas mal de distance avec le lecteur, je trouve. C'est tout bête, mais on est dans la tête d'Alexis, on partage ses pensées ; utiliser une telle périphrase me semble donc dérangeant, parce qu'il ne va jamais penser ça de sa fille. Je veux dire que la formulation semble destinée à maintenir le suspense sur l'identité de Mayalene (et c'est vrai que ça faisait quelque chose de découvrir qu'il avait un enfant) mais cela se fait de manière très artificielle, car Alexis, lui, sait bien qui elle est... Si tu tiens à insister sur son amour pour elle, je pense que tu pourrais nous le faire ressentir (en montrant ses actes envers elle ou ses pensées) plutôt que de simplement nous dire qu'elle lui est chère. Et pour conserver le mystère sur son identité, peut-être que tu peux simplement la désigner par « elle », sans précision ? Cela me semblerait moins artificiel.
Comme je le mentionnais, j'ai parfois eu des difficultés à comprendre un passage. Je crois te les avoir signalés : le passage d'Alexis au cimetière, avec ce « Le temps de quelques secondes. Le temps qu'Alexis avait » que je n'ai pas compris ; le passage au début du troisième chapitre que j'ai fini par comprendre, mais qui aurait, je pense, pu être clarifié (le lien entre la mort du mari et la culpabilité de Mayalene n'est pas évident, d'autant que ce n'est pas elle qui exerce ce métier). Ces exemples sont rares, mais ils ont pas mal perturbé ma compréhension ; je pense (mais ce n'est que mon interprétation, toi seule sais ce qu'il en est) que ta volonté d'écrire un beau texte, avec des figures de style et des images impactantes, t'a empêchée de remarquer le problème de clarté. C'est assez courant, mais beauté et clarté ne sont pas inconciliables (Pierre Bottero, à jamais dans nos cœurs... oups). Je conçois que ce n'est pas un problème facile à régler, c'est difficile de voir que notre propre texte n'est pas clair ; si tu en as la possibilité, n'hésite pas à demander à un proche ou un lecteur de te signaler les passages plus tortueux.
Toujours dans un souci de clarté, même si ça n'a cette fois rien à voir avec la plume : à la toute fin, tu dis « Cette question n'a pas de réponse. Et elle le savait. » Je n'ai pas réussi à déterminer qui est ce « elle » : Anna ou la Mort ? J'ai d'abord pensé à la Mort, sauf que ça ne collait pas au niveau du temps employé (ce qui m'a fait penser que tout le passage était une réflexion que se faisait Anna, et qu'on concluait à la fin par le « elle le savait »), et ça n'aurait pas été très intéressant de le préciser. Je suppose donc qu'il s'agit d'Anna... Sauf que c'est assez perturbant sachant que son prénom a été mentionné pour la dernière fois 26 lignes plus tôt – oui, j'ai compté. De plus, si c'est une réflexion qu'elle se fait, dire qu'elle le sait ne sert pas à grand-chose (si elle ne le savait pas, elle ne nous le dirait pas). Bref, je pense que ce « elle » gagnerait à être caractérisé !
L'histoire est globalement cohérente, tout semble se tenir. Les réactions des personnages sont (tristement...) logiques : la sidération d'Alexis, sa passivité puis sa colère, le déni de Mayalene, et surtout le sentiment d'injustice d'Anna qui était très bien rendu. Elle était en colère contre le destin et contre sa fille, j'ai trouvé cela vraiment réaliste et touchant. (La cinquième partie d'Anna est vraiment bien écrite, quoique la répétition passe moins bien avec « en voulait » qu'avec « méprisait » et « détestait », peut-être peux-tu trouver un synonyme moins lourd ? J'ai pensé à « blâmer » – « Anna blâmait Mayalene. Elle la blâmait par égoïsme » –, mais je sais pas si ça irait avec le niveau de langue.)
En revanche, au niveau de la réaction de Mayalene, la troisième partie me bloque, celle où elle pleure car sa grand-mère lui apporte habituellement le cookie. Dans les autres parties, elle semble totalement incapable de comprendre ce qu'est la mort, ce qu'est « jamais ». Naturellement, elle doit bien sentir au fond d'elle qu'il y a quelque chose qui cloche ; mais je pense que le fait qu'elle pleure, de manière si soudaine, mériterait d'être expliqué. À ce moment, réalise-t-elle vraiment que sa grand-mère ne reviendra pas ? Pleure-t-elle par mimétisme ?
J'en arrive à la deuxième grosse partie : la fin. Je veux parler du dernier paragraphe, celui qui semble être du point de vue de la Mort elle-même (simple remarque typographique : quand comme ici tu personnifies un concept, je te conseille de lui accorder une majuscule). Un paragraphe qui semble amené par l'entièreté de la nouvelle.
Il est regrettable qu'il soit moins bien travaillé que le reste de la nouvelle au niveau orthographique, même si je comprends bien l'impatience générée par la fin. Je te conseille de le relire, c'est dommage de laisser le lecteur sur une impression qui ne reflète pas le reste de la nouvelle !
Dans l'idée, j'adore cette fin. Le fait d'avoir le point de vue de la Mort est déjà une très bonne idée, et tu y dis des choses qui m'ont semblé pertinentes. L'idée de la Mort qui a besoin de vie, mais qui pervertit tout ce qu'elle approche m'a semblé très bien pensée. D'une manière générale, tout le texte développe une vision de la Mort assez particulière qui m'a bien plu. Je l'ai rarement vue représentée de manière aussi humaine, ressentant des émotions si proches des nôtres – l'idée qu'elle ait une forme de conscience, des remords... Bref, j'aime beaucoup. Mais il y a trois points qui ont fait que, pour moi, cette fin n'a pas été le choc qu'elle aurait pu être.
Le premier concerne simplement l'enrobage, la façon de dire les choses. J'ai trouvé que le style restait assez commun dans ce dernier paragraphe, un peu trop même. Ici, je verrais bien une plume qui s'envole, l'occasion de verser dans le grandiose sans craindre un décalage. On parle de la Mort, tout de même ! Elle mérite un vocabulaire recherché, des métaphores bien pensées.
Ainsi, par exemple, la phrase « la mort est triste, elle s'en veut, elle se déteste » m'a semblé assez creuse. Les mots que tu emploies sont si souvent utilisés qu'ils ont perdu une partie de leur sens et ne sont pas aussi forts qu'ils pourraient l'être. Pareil avec le « Elle hait ça » plus loin, le « ça » pourrait devenir « cela ». N'hésite pas à aller chercher des synonymes, à tenter des figures de style. Je pense par exemple que pour faire passer l'idée de la tristesse de la mort, dire qu'elle est triste (ou n'importe quel autre synonyme) ne suffira pas. Il faudrait nous la faire ressentir. Je me lance dans quelques suggestions (ne me tiens pas rigueur de leur probable nullité, il est 2h du matin ; c'est surtout pour tenter de me faire comprendre) : exploiter les incapacités/différences de la Mort par rapport aux humains peut-être une solution, quelque chose du genre « si la Mort pouvait pleurer, elle se noierait dans un océan de larmes », ou un ironique « Alors la douleur la poignarde ». N'hésite pas à consulter un dictionnaire de synonymes (sur Internet, Crisco est vraiment bien). « Haïr » peut devenir abhorrer, honnir, exécrer, abominer... « S'en vouloir » peut être se maudire, se conspuer (j'ai trouvé « anathématiser » aussi, si tu veux pousser plus loin). Bref, je pense que tu as l'idée : n'hésite pas à augmenter le niveau de langue pour ce paragraphe.
Toujours dans l'enrobage, j'ai trouvé que la fin « retombait » un peu, elle aurait selon moi pu être plus percutante. À mon avis tu tiens ici l'occasion de relier ta nouvelle au ruban de Möbius, en terminant sur une comparaison du genre de « son monde est tordu comme un ruban de Möbius, elle marche toujours sur la même face, sans jamais pouvoir s'arrêter ». Cela te permettrait, je pense, de finir la nouvelle d'une façon plus brutale, qui ne fasse pas retomber la tension. (Ceci est une suggestion de 2h du mat', donc peut-être pourri, mais niveau symbolique ce serait assez fort que la nouvelle finisse avec une phrase semblable à celle du début (bien sûr tu fais comme tu veux, je me contente de suggérer des choses mais c'est toi qui sais ce qui est le mieux pour ta nouvelle).)
Une autre chose qui m'a dérangée est le fait que, dans ce troisième chapitre, on a en réalité deux points de vue. Les parties d'Anna n'ont pas grand-chose à voir avec celles de la Mort. L'histoire aurait été plus facile à raconter en quatre chapitres, je pense ; mais puisque trois étaient imposés, je pense qu'il aurait fallu choisir trois points de vue.
Là c'est le moment où je m'embarque dans une suggestion très subjective, que je formule tout de même au cas où elle te semble pertinente ; mais ce n'est que mon interprétation des choses et ce n'est pas ma nouvelle, donc sois assurée que je ne cherche pas à t'imposer quoi que ce soit.
Pour moi le point de vue d'Alexis est trop important pour être sacrifié (j'y reviendrai) et celui de la Mort, qui clôt la nouvelle, est primordial. S'il fallait en supprimer un, cela se jouerait entre Anna et Mayalene. Or, si je prends le chapitre d'Anna, les informations qu'il contient sont utiles – primordiales même –, il est par moments vraiment bien écrit ; mais le point de vue d'Anna, en lui-même, n'apporte pas grand-chose. On reste toujours un peu en-dehors de sa tête, j'ai eu l'impression que l'on n'avait son point de vue que parce qu'il fallait bien quelqu'un pour rapporter les faits.
De plus, connaître le point de vue de Mayalene est vraiment un point positif ; mais dans son chapitre, j'ai trouvé que finalement pas mal des parties n'apportaient pas grand-chose, qu'elles étaient peut-être un peu trop convenues – c'était ce qu'on s'attendait à entendre d'une gamine ayant perdu sa grand-mère. Les parties qui, selon moi, ont été vraiment marquantes étaient la première, où tu la décris, et celle du cimetière avec la rose noire.
Ajoutons à cela une troisième impression : celle qu'il n'y avait pas assez de lien entre les deux « pans » de la nouvelle : la mort de la mère d'Alexis, et le suicide de Mayalene. Les deux évènements semblaient totalement indépendants l'un de l'autre. Or dans une nouvelle, on s'attend à ce que les évènements mentionnés soient utiles au dénouement : si la mort de la mère d'Alexis n'avait pas servi à amener la conclusion de la dernière partie, à quoi bon la mentionner ?
Ce qui m'amène donc à ma suggestion – extrêmement personnelle, une nouvelle fois – : pourquoi ne pas déplacer la partie d'Anna au chapitre précédent, et la faire raconter par Mayalene ?
En effet, je pense que le chapitre de Mayalene aurait eu bien plus d'impact si on ne l'avait pas vue enfant, mais adulte, après la mort de son mari, sombrant dans la dépression et renonçant finalement à vivre. Je pense que décrire son état d'esprit, la montrer cédant à la Mort, serait pertinent pour plusieurs raisons. Cela te permettrait de revenir à la mort de la mère d'Alexis, de la faire repenser à plusieurs scènes de son enfance en les liant à sa situation présente. Ainsi tu aurais plus de liberté pour expliquer ce qui relie les deux morts. De plus, le suicide de Mayalene – qui, raconté par Anna, reste assez abstrait – deviendrait plus réel, plus touchant. On pourrait réellement comprendre son état d'esprit, ressentir ses émotions, partager sa douleur... Le fait de ne pas connaître sa décision à l'avance rendrait le lecteur actif dans l'histoire (ces moments où tu cries dans ta tête « noon fais pas ça » ou « je le savais ! »). On pourrait enfin mieux comprendre sa décision, restée assez obscure pour moi (le fait qu'elle s'attribue la « faute » du métier de son père par exemple).
Encore une fois ce n'est que mon avis, je ne fais que dérouler une possibilité.
Enfin, je pense que tu aurais pu davantage mettre l'accent sur le métier d'Alexis. En effet, c'est ce qui justifie le suicide de Mayalene, cela devrait, je pense, apparaître comme un point central de la nouvelle. Mais dans le chapitre d'Alexis, l'idée de son métier n'est présente que dans les premières parties, si bien qu'elle apparaît comme un artifice destiné à introduire la mort de sa mère et à montrer son impact. N'hésite pas à insister davantage là-dessus, à montrer qu'il a l'impression de travailler pour la Mort, que cela le ronge... Dans le chapitre de Mayalene, tu peux glisser quelques mots là-dessus : c'est une enfant, elle doit avoir une vision assez imagée et naïve des choses ; il y a sans doute des choses intéressantes à faire avec ce qu'elle comprend du métier de son père. Et cela pourrait laisser présager en elle un malaise qui, peu à peu, la mènerait à son geste.
C'est assez dommage qu'il passe au second plan, car un tel métier apporte pas mal d'originalité à l'histoire. Il permet de faire de nombreux liens avec la situation des personnages ; ce que, d'ailleurs, tu fais très bien dans les deux premières parties d'Alexis.
Pour résumer, il y a dans ton histoire beaucoup d'idées que j'ai adorées : le métier d'Alexis, le fait que la Mort s'exprime à la toute fin, (le ruban de Möbius,) certaines trouvailles stylistiques... Certains éléments ont assombri ma perception de la nouvelle, mais je pense sincèrement que cette histoire a le potentiel pour être captivante et pour faire réfléchir le lecteur.
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