Le monde est un assassin - Plume_de_Louve [CDN]
Eventuel lecteur paumé, je tiens juste à t'informer que la nouvelle de Louve (et donc ma critique, par extension) aborde des sujets assez sensibles (harcèlement, mutilation, suicide).
Avant tout je tiens à préciser que ceci n'est qu'un avis subjectif, mais j'espère qu'il saura t'aider. Également, toutes les remarques que je fais ici ne veulent pas dire que j'ai enlevé des points : si une critique me semble vraiment subjective, je l'écris quand même au cas où ça te semble pertinent mais je ne retire pas de points pour ça. Une fois les barèmes parus, je pourrai t'indiquer les remarques qui t'ont coûté des points. Si tu n'es pas d'accord avec ce que j'ai dit, si tu as des précisions à apporter ou des questions à poser, n'hésite pas à commenter !
La couverture est vraiment magnifique, mais elle ne me semble pas vraiment adaptée à l'histoire, je n'ai pas l'impression qu'elle soit particulièrement liée au thème du harcèlement. Elle pourrait être adaptée à n'importe quelle histoire parlant de mort, je trouve ça un peu dommage. J'ai de plus une suggestion : peut-être que la police du titre pourrait être une écriture manuscrite, pour mieux coller à l'idée de lettres.
Pour le titre et le résumé, j'ai un peu la même remarque : je les trouve vraiment beaux l'un et l'autre, et j'aime la façon dont le résumé reprend le titre. Le poème du résumé est très bien écrit, la fin est saisissante je trouve. Ils annoncent bien l'histoire (le résumé plus que le titre, le titre pourrait une nouvelle fois parler de beaucoup de choses). Mais ils ne me semblent pas assez reliés à elle, la forme de l'histoire est très différente... Avec un résumé poétique, j'aurais imaginé que des poèmes seraient glissés dans l'histoire, que Papillon en ajouterait de temps en temps à ses lettres (ce ne serait pas une mauvaise idée d'ailleurs, je pense ; ça pourrait renforcer le côté « lettre »).
Mais en tout cas, les trois éléments remplissent bien leur fonction en donnant envie de découvrir l'histoire.
Pour ce qui est de la mise en forme, je n'ai pas grand-chose à redire, elle est globalement correcte, les paragraphes sont bien coupés, ni trop longs ni trop vides. Il faudrait juste, je pense, mettre les numéros des lettres en toutes lettres (septième lettre au lieu de 7ème). Je trouve que les guillemets qui encadrent chaque lettre sont inutiles, ce n'est pas comme s'il y avait une séparation à marquer.
L'orthographe est parfaite, j'ai relevé cinq trucs qui sont plus ou moins des fautes : lorsqu'elle évoque son souvenir à la lettre 2, au lieu de « jupe longue noire » je mettrais « longue jupe noire », en général les adjectifs de taille/grosseur se mettent avant le nom ; à la lettre 3 je pense qu'il faudrait mettre « j'ai atteint le maximum de ce que je pouvais supporter » et non juste « j'ai atteint le maximum que je pouvais supporter » ; à la lettre 4 lorsqu'elle parle de sa prof de philo, « elle n'est jamais à l'heure » convient mieux que « elle est jamais » (on pourrait comprendre que certains « ne » sautent puisqu'elle écrit un équivalent de journal intime, pas une dissertation, mais ici le ton reste très soutenu donc juste cet oubli, ça fait bizarre) ; au début de la lettre 5 elle dit « Je me suis rendue compte que je ne te saluais même pas quand je t'écris », c'est « je me suis rendu compte » (« me » est complément d'objet indirect, j'ai rendu compte à moi) et je pense qu'il faudrait conjuguer au même temps « saluais » et « écris » ; enfin dans la dernière partie, lorsque l'ange dit « Vous n'avez aucune idée de ce qu'elle a vécue », il faut écrire « vécu ».
Il y a aussi deux fois où le vocabulaire employé m'a semblé étrange : tu dis à plusieurs reprises (deux il me semble) « x m'a insultée de y », je pense que « traitée » conviendrait mieux (je crois qu'« insulter de » ne se dit pas). Lorsque Louve défend Papillon, tu dis qu'elle « elle les a fâchés », ce serait plutôt « elle s'est fâchée contre eux » (fâcher quelqu'un c'est le mettre en colère).
Enfin, plus au sujet de reformulations que je te suggère, à la lettre 1 tu dis « qui espéraient m'entendre au moins une fois ouvrir la bouche », je trouve que le « au moins une fois » alourdit la phase, je te conseille d'enlever le « une fois » dont je ne vois pas l'utilité. Lorsque Papillon envisage pour la première fois de se scarifier à la lettre 3, la répétition de « Mais » (« Mais ce n'est pas loin » suivi de « Mais en même temps ») m'a un peu dérangée, peut-être que tu peux enlever le deuxième ?
Voilà, désolée pour le passage relou, je me suis dit qu'il y avait suffisamment peu de fautes pour que je puisse faire un retour détaillé. Désolée aussi si on te les a déjà signalées, j'ai fait ma première lecture en hors ligne par souci d'égalité avec les premières histoires jugées donc je n'ai pas pu voir.
Bref, j'espère que cette entrée en matière ne t'a pas donné l'impression que je n'avais pas aimé l'histoire, parce que ce serait vraiment faux. Il y a beaucoup de détails de l'histoire que j'ai aimés. Tu réussis à rendre Papillon attachante. Le fait qu'elle vive des choses aussi dures aurait pu freiner l'attachement pour des lecteurs comme moi qui n'ont rien vécu d'aussi terrible, puisqu'il aurait été difficile de s'identifier à elle... Mais la première lettre laisse paraître une sorte de légèreté dans la façon dont elle s'adresse à son ange au début et à la fin, une sorte d'espoir. Personnellement c'est grâce à cela que je l'ai trouvée touchante, ça n'a rendu sa détresse que plus marquante, c'est comme cela que je me suis attachée à elle. Même si dans les lettres suivantes, on en vient à supposer que cette légèreté n'était qu'une façade, un mensonge à elle-même, l'attachement demeure. Et puisque l'optique de ton livre, si je me fie à l'introduction, est de dénoncer, l'attachement au personnage me semble fondamental (je veux dire qu'en soi, on sait presque tous rationnellement que le harcèlement est destructeur, mais c'est autre chose que de voir un personnage auquel on est attaché le vivre).
Je dirais donc que, dans l'ensemble, ta nouvelle atteint brillamment son but de dénonciation. Je pense néanmoins qu'améliorer certains points pourrait la rendre plus efficace. (Bien évidemment mes pistes d'amélioration ne sont jamais que des pistes, c'est toi qui sais au final ce qui convient le mieux à ton histoire.)
Premièrement, je dois dire que contrairement aux neuf lettres, je n'ai pas trop aimé le dernier chapitre. Le passage avec la mère est vraiment bien (même si je dois avouer m'être demandé si elle pouvait vraiment trouver la « force » d'écrire une lettre à l'ange de sa fille si peu de temps après sa mort, au final chacun avance dans son deuil à sa manière) et le fait que l'ange réponde était vraiment inattendu. Mais la discussion avec les camarades m'a un peu refroidie. J'ai trouvé leurs réactions un peu... forcées ? Je ne sais pas, j'avais l'impression de trop sentir la présence de l'écrivain derrière. Et la réponse que leur a faite l'ange m'a fait le même effet. Elle était très dure, peut-être même trop.
Au final, j'ai eu l'impression que ce dernier chapitre n'apportait rien par rapport aux neuf premiers, et qu'au contraire il les desservait... D'abord en atténuant le choc dû à la mort de Papillon, en finissant l'histoire sur une note moins brutale ; ensuite, parce que j'ai eu l'impression que tu y explicitais ce que tu nous avais montré dans les chapitres précédents. Alors que les neuf lettres de Papillon nous faisaient ressentir à quel point le harcèlement était destructeur, l'ange se contentait de l'expliquer, ce qui pour moi est beaucoup moins marquant.
Ensuite, la première chose qui m'a frappée après ma lecture (bon, passé le moment de « maiiiiiis pourquoi t'as fait çaaaa et ta mamaaaaan alooooors », je te l'accorde), c'est que le côté « lettre » n'était pas vraiment exploité.
Le format des chapitres ne se distingue pas de celui d'un livre normal, alors que tu pourrais davantage jouer sur le fait que c'est ton personnage qui écrit (un peu comme tu le fais au dernier chapitre d'ailleurs, avec plusieurs « écrivains »). Papillon peut par exemple écrire des choses et les barrer, laisser des phrases incomplètes... (Et ça peut vraiment donner des choses intéressantes vu son état psychologique.) Le fait qu'elle écrive à son ange peut aussi être exploité : elle peut lui demander son avis, s'énerver parfois contre lui (si c'est son ange gardien, la qualité de son travail est discutable...), le rendre en quelque sorte plus acteur... D'ailleurs l'idée du signe à la lettre 2 est vraiment bien trouvée, peut-être que cela peut se poursuivre dans la nouvelle, qu'elle peut trouver d'autres « signes », positifs ou négatifs ?
De plus, j'ai parfois trouvé certains passages incohérents dans les dernières lettres : il arrivait souvent qu'elle annonce une action, en disant « je fais x truc », mais si elle est en train de la faire, elle ne peut pas l'écrire. Il faudrait utiliser le passé composé dans ce cas. Et si parfois ça reste anecdotique (une incohérence de temps peut être dans ce cas une facilité d'écriture pour Papillon), à d'autres moments, c'est plutôt crucial dans la scène. Ainsi je ne vois pas comment la scène de la lettre 8 peut se dérouler. Je dois dire que pendant la scène, une partie de mon attention était perdue à essayer d'imaginer comment on peut à la fois se scarifier et écrire une lettre... D'autant que Papillon a l'air vraiment dans un état second ; je la vois mal, après chaque « coup de pinceau », se poser pour recopier le message qu'elle vient de lire et écrire sa réaction. Qu'elle l'écrive après coup, peut-être, mais la scène ne semble pas être racontée après vu la suite, on a vraiment l'impression de la lire au présent...
Un peu après, lorsqu'elle s'effondre, j'ai vraiment du mal à voir comment elle peut trouver la force d'écrire. Si ses jambes ne peuvent plus la soutenir, est-elle vraiment capable de se concentrer suffisamment pour formuler les mots, de tenir un stylo et de le bouger avec autant de précision ? D'autant que la scène semble vraiment racontée au présent : « Je finis par m'écrouler au sol ». Peut-être, si c'est cohérent pour toi, qu'elle pourrait perdre connaissance, se réveiller plus tard et reprendre l'écriture ?
Enfin, dans la dernière lettre, j'ai du mal à faire coïncider le temps de la fille et le temps de la mère. Si j'ai bien compris, la dernière lettre suit immédiatement la huitième ? (Dans le cas contraire j'aurais du mal à croire que la mère de Papillon lui laisse à nouveau l'opportunité de s'enfermer dans sa chambre...) Dans ce cas, d'un côté, Papillon a le temps de réaliser qu'elle s'est trompée (« Je n'ai compris que trop tard... »), de planifier sa mort, et d'écrire une lettre pas si courte que ça... De l'autre, sa mère ne peut que s'acharner sur la porte. Je pense pourtant que le temps que sa fille fasse tout cela, elle aurait dû pouvoir au moins trouver de quoi démonter la serrure (je n'y connais pas grand-chose mais je pense que ça peut se faire avec une perceuse, quitte à juste essayer de faire un trou dans la porte), sinon d'appeler les pompiers. D'autant que sa fille lui chuchote un truc vachement flippant par la porte, et a ensuite le temps d'écrire un paragraphe assez long.
Une autre chose qui me semble un peu incohérente, c'est la façon d'écrire de Papillon. Je la trouve vraiment... égale. Il y a plus de points d'exclamation et d'entrain dans la cinquième lettre, la seule où elle est plus ou moins heureuse, mais globalement le ton reste très uniforme. Je ne pense pas que j'écrirais de la même façon la première lettre adressée à mon ange gardien, et celle dans laquelle je lui annonce mon suicide... Le ton employé relève pour moi davantage de la narration, il me semble souvent un peu trop impersonnel pour une lettre (par là je ne veux pas dire que c'est mal écrit ou que ça ne dégage aucune émotion, c'est tout le contraire ; simplement j'avais l'impression de sentir la présence d'un narrateur, l'impression qu'on me racontait une histoire... or ici Papillon ne raconte pas d'histoire, elle écrit à quelqu'un).
C'est pour ces raisons que je me demande si le format de lettres est vraiment adapté à ton histoire. D'un côté, l'idée d'écrire à son ange gardien est vraiment belle, et apporte beaucoup d'originalité à l'histoire. De l'autre, j'ai l'impression que des passages comme celui de la lettre 8 seraient difficile à écrire en « format lettre » sans incohérence... et le modifier serait vraiment dommage, c'est pour moi le passage le mieux écrit et le plus poignant de la nouvelle (et ce n'est pas peu dire...). (Bon, avec ce paragraphe j'ai vraiment l'impression de me substituer à toi et de te dicter ce que tu dois faire. Ce n'est pas du tout mon intention, je ne fais qu'exposer mes réflexions dans l'espoir que ça t'aide, mais je veux pas décider de ton histoire évidemment (je me demande comment je ferais d'ailleurs).)
Je trouve aussi, et c'est un peu en lien avec mes remarques sur le ton de ses lettres, que tu pourrais davantage décrire ses émotions. Étrangement, j'ai trouvé qu'on n'y avait pas si accès que ça, même si dire que les lettres restent factuelles serait exagéré. Papillon explique qu'elle a commencé ces lettres pour extérioriser ce qu'elle ressent, je m'attendais donc à ce qu'elle développe davantage ses émotions, qu'elle les analyse peut-être, au lieu de simplement les énoncer. Au cours de ma lecture, j'ai compris que Papillon était triste, qu'elle se dégoûtait, qu'elle était furieuse, je l'ai ressenti aussi. Mais j'aurais aimé que ces émotions soient plus développées.
Le manque d'estime de Papillon pour son corps est un exemple assez marquant, je trouve. Elle répète plusieurs fois qu'elle se trouve moche, horrible, mais... on n'en sait jamais plus, si bien que ce sujet m'a semblé traité de manière trop superficielle. J'ai eu l'impression que tu l'avais traité parce qu'il fallait en parler, sans vraiment plonger dedans. Contrairement au reste de l'histoire, ce qu'elle écrivait dessus semblait pouvoir s'appliquer à n'importe qui, c'était trop générique... Peut-être pourrait-elle être plus précise, se décrire selon son point de vue ; quelles parties de son corps trouve-t-elle repoussantes, pourquoi ? Je pense que cela nous plongerait davantage dans son esprit, qu'ainsi on ressentirait vraiment ce dégoût d'elle-même.
En y réfléchissant, je réalise que cette impression que j'ai ressentie de « on en parle parce qu'il faut en parler » vient aussi du fait que Papillon n'écrit pas « je suis moche » mais « je me trouve moche », du moins la plupart du temps. Cela fait qu'elle m'a semblé vraiment consciente du fait qu'elle se sous-estimait. Je ne dis pas que c'est impossible qu'une personne se trouve laide tout en sachant que c'est une impression biaisée, mais dans ce cas je pense qu'il aurait fallu ajouter un paragraphe dessus, qu'elle se demande pourquoi... (Je ne sais pas du tout si ce passage est clair, n'hésite pas à me signaler si ce n'est pas le cas.)
(Une autre remarque, mais qui me semble bien plus subjective : le personnage de Papillon est attachant, mais j'ai eu l'impression qu'on ne la voyait que par son harcèlement, qu'elle ne se définissait que par rapport à ça. D'un côté c'est assez réaliste de se dire que le harcèlement l'a en quelque sorte rongée jusqu'à l'os. De l'autre, ce serait peut-être bien de montrer qu'elle n'est pas réduite à cela, en parlant d'une passion qu'elle avait avant, de quelque chose qu'elle aime faire... Je ne sais vraiment pas, ne vois pas ça comme une critique mais comme une remarque en passant.)
D'une manière générale, je pense que la nouvelle gagnerait en profondeur si Papillon s'interrogeait davantage sur ses émotions, si elle tentait de les comprendre.
J'ai d'ailleurs beaucoup aimé les passages où elle le faisait, surtout dans la sixième lettre, quand elle évoque son « rêve » de voler (« Dis, cher Ange [...] partout où elle va »). Je ressentais vraiment son désespoir, son besoin de se raccrocher à quelque chose.
Je pense également que la structure pourrait être améliorée. J'ai eu du mal à voir où on allait avec les trois premières lettres, qui semblaient presque totalement indépendantes les unes des autres. Il n'y a qu'à la quatrième lettre, avec l'arrivée de Louve, que l'intrigue se profile ; finalement Louve n'occupe même pas la moitié des lettres alors qu'elle joue, malgré elle, un rôle crucial dans l'histoire. Elle pourrait intervenir plus tôt dans l'histoire, là les choses semblent aller trop vite, surtout dans la septième lettre où on apprend d'un coup que Papillon a embrassé Louve, que Louve est partie et qu'une vidéo de Papillon tourne sur les réseaux sociaux. Cela fait vraiment beaucoup pour une lettre, en y repensant je me dis que ça a dû la plonger encore plus dans la dépression mais sur le coup ça ne se sentait pas, tout allait trop vite. Peut-être que tu pourrais insérer une autre lettre, plus optimiste comme la cinquième, dans laquelle Papillon et Louve s'embrassent, et ne raconter le départ de Louve que dans la suivante ?
Peut-être que tu pourrais faire évoluer plus lentement la relation entre Papillon et Louve. On sait que Papillon l'admire beaucoup, mais on ne sait pas vraiment pourquoi, je n'ai pas eu l'impression d'avoir « rencontré » Louve. Je te conseille de la décrire physiquement, et de retranscrire une ou deux interactions qu'elle a eue avec Papillon, pour qu'on la connaisse un peu mieux. Je n'ai pas compris au final si Papillon était vraiment amoureuse de Louve ou si, inconsciemment, elle espérait sa protection. Peut-être cela serait-il plus clair en insistant sur les qualités qu'elle prête à Louve dans le premier cas, sur la sécurité qu'elle ressent en sa présence dans le deuxième... Après c'est probablement un mélange des deux, auquel cas cela mériterait d'être creusé, je pense.
Au sujet de cette relation, si j'ai bien interprété la « peinture sur la peau » comme de la scarification (en même temps plus l'histoire avançait, moins le doute était permis), est-ce vraiment réaliste qu'elles en discutent aussi vite ? La façon dont c'est raconté donne l'impression qu'elles en sont encore à faire connaissance quand elles échangent cette information, mais une personne qui se scarifie n'aurait-elle pas tendance à ne pas en parler, par honte ou par peur qu'on la force à voir un psy ou a arrêter ?
Bon, là on part sur de très petits détails, mais j'ai trouvé que certaines idées étaient mal liées au reste de l'histoire ou se contredisaient.
Ainsi Papillon parle de son père dans la lettre 1, du fait que même si c'est un (ahem) individu peu respectable, elle ne peut s'empêcher de l'aimer, et on n'en entend plus parler ensuite. Cela m'a donné l'impression que l'anecdote ne servait qu'à donner à Papillon un passé encore plus dramatique (même si c'est sans doute pas le cas, elle en a pas besoin la pauvre). Je pense qu'il faudrait y faire quelques rappels dans le récit, montrer l'influence que cela a sur la Papillon d'aujourd'hui...
Le souvenir qu'elle évoque au chapitre 2 m'a fait un peu l'impression inverse, dans le sens où l'on comprend son impact sur l'histoire, mais il semble sortir de nulle part au moment où il est raconté. Pourquoi Papillon pense-t-elle précisément à ce souvenir, pourquoi veut-elle l'évoquer ? Peut-être pourrait-elle davantage le lier à sa situation actuelle, après l'avoir raconté.
Je pense aussi que tu pourrais mieux amener l'idée de la scarification. Y pensait-elle de plus en plus depuis un certain temps, ou le besoin a-t-il surgi brusquement ? Et dans ce deuxième cas, d'où vient-il ? (Ça peut sembler une question idiote mais je veux dire, qu'est-ce qui a changé ? La formulation donnait l'impression qu'elle y avait déjà réfléchi par le passé, peut-être pourrait-elle préciser ce qui a changé.)
J'ai également relevé des passages qui me semblaient contradictoires dans la narration. Dans la deuxième lettre, en évoquant le calme inhabituel de ses harceleurs, Papillon dit d'abord qu'ils ont peut-être décidé de la laisser tranquille, puis avoue être inquiète. Je conçois qu'en écrivant la première phrase, elle pourrait s'être dit que c'est illusoire, mais je pense que cela pourrait davantage être explicité, qu'elle se dise peut-être qu'elle est trop naïve...
Lorsqu'elle parle pour la première fois de scarification, Papillon dit « Si je décide de ne pas me faire de mal, j'aurais l'impression d'avoir toujours un minimum de contrôle sur ma vie ». Le « de ne pas me faire de mal » m'a fait tiquer puisqu'elle dit avoir déjà réfléchi à la scarification, donc elle a déjà envisagé de se faire du mal et déjà renoncé... donc déjà décidé de ne pas se faire du mal. Je pense que « Si je décide de me faire du mal » ou « Si je décide de l'intensité de ma douleur » serait plus adapté. (Oui, c'était vraiment du chipotage, celle-là.)
À la lettre 4, lors de l'arrivée de Louve en cours de philo, je n'ai pas compris le « je crois qu'elle a vu ce qui m'arrivait », qui est « elle » ? Louve ou la prof ?
Bon, voilà, ce ne sont que des détails, mais j'ai pensé que c'était pas plus mal de les signaler.
Les points qu'il me reste à soulever sont vraiment beaucoup plus subjectifs. Je ne peux que te livrer mon ressenti mais je ne sais pas dans quelle mesure il est généralisable ; peut-être que cela fera écho à d'autres remarques que tu as reçues ou à des doutes que tu as toi-même, sinon je ne pense pas que ça vaille quelque chose.
Papillon vit des moments très durs et au bout d'un moment, c'est devenu « trop gros » pour moi. Pas « trop gros » au sens « pas crédible », non (le harcèlement fragilise beaucoup donc je suppose qu'après en avoir vécu un dans une école, la probabilité qu'on redevienne une cible n'est pas négligeable...), ni au sens « trop difficile à supporter »... En fait, au contraire, c'est plutôt que mon empathie n'a pas suivi.
C'est là qu'intervient la grosse part de subjectivité parce que ça tient à la façon dont je vis mes lectures, et je sais pas dans quelle mesure elle est partagée ; mais j'ai constaté que quand je lis et que le personnage s'enfonce petit à petit dans le désespoir, je vais compatir avec lui, essayer d'imaginer comment il peut s'en tirer... jusqu'au point où c'en est trop, je ne peux plus suivre, plus m'imaginer dans cette situation. Alors j'ai l'impression de me détacher du personnage, je deviens passive et j'attends la fin. C'est ce qui m'est arrivé au cours de ma lecture, assez vite (je ne saurais pas dire où exactement).
Et au départ c'est plutôt un point positif, puisque ça veut dire que l'histoire était suffisamment prenante pour me mettre dans cet état. En général, lorsque cela m'arrive, c'est plutôt positif pour le livre en question. Sauf que jusqu'ici, dans les livres qui m'avaient provoqué cette impression, j'avais d'abord suivi le personnage dans sa routine, appris à le connaître, avant de le sentir peu à peu sombrer. Ici, j'avais beau trouver Papillon attachante, je ne la connaissais pas vraiment, je n'avais pas vraiment de raison de « lutter avec elle », et ça a accéléré le point de rupture.
Je pense que ce qui m'a manqué dans la descente aux enfers de Papillon, c'étaient des lueurs d'espoir. On dit souvent, pour les histoires qui se terminent bien, qu'il faut un peu avant la fin mettre les personnages dans une telle impasse que leur défaite semble inéluctable, enfoncer le lecteur dans le désespoir ; cela rendra la fin heureuse plus précieuse, moins convenue. J'ai tendance à penser que l'inverse est vrai aussi, que pour les histoires qui se finissent vraiment mal, il faudrait faire espérer le lecteur. Bien entendu, il est un peu compliqué dans ce contexte d'enfoncer le lecteur dans l'espoir... mais tu pourrais laisser croire que, peut-être, la fin ne sera pas si horrible que ça. Pour ça tu peux allonger la période entre le baiser de Papillon et Louve et le départ de Louve, laisser Papillon espérer de temps en temps un avenir heureux avec sa mère et Louve, la faire penser à ce qu'il se passerait après le lycée... Bien sûr ce ne sont que des suggestions, cette remarque est vraiment subjective et je ne sais pas si tu partageras mon opinion.
Sinon, il y a des idées que j'ai vraiment aimées dans ta nouvelle, comme le fait de nommer les personnages par des noms d'animaux, ça a un petit côté « fable ». C'est original et bien exploité, surtout avec Abeille. L'idée qu'elle écrive à son ange, plutôt que ce soit un simple journal intime, est vraiment bonne, surtout avec l'irruption de l'ange à la fin, c'était inattendu.
J'ai aussi aimé que le personnage de Papillon ne soit pas parfait, tu montres avec réalisme les conséquences du harcèlement sur elle, par exemple lorsqu'elle se persuade que les commentaires compatissants sont forcément hypocrites... Le fait que, sans vouloir utiliser Louve, elle espère se rapprocher d'elle pour obtenir sa protection est réaliste, ça la rend plus humaine.
En résumé, j'ai trouvé des choses à redire mais j'ai vraiment beaucoup aimé ta nouvelle... Pour moi elle atteint clairement son but de dénonciation.
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