Le Cerf de la Forêt Bleue - Petit_Myosotis [Concours d'une feuille]

Je tiens à rappeler que, puisque je ne suis à ma connaissance pas un programme informatique, il est entièrement subjectif, même si bien sûr je m'efforce d'interroger mes ressentis afin de pouvoir formuler des remarques un minimum constructives ; tu peux tout à fait ne pas être d'accord, n'hésite pas à réagir dans ce cas ! Pareil si quelque chose ne te semble pas clair, si tu as des questions, besoin d'un conseil ou que sais-je ! Pour le barème, je ne le transmets pas pour l'instant car je me réserve la possibilité de l'ajuster mais si tu le souhaites, je pourrai te le donner une fois que j'aurai jugé tout le monde !


Le titre est simple mais bien trouvé, il fait référence à un élément central de l'histoire : le cerf qui révèle le sens de l'intrigue aux deux personnages principaux. De plus, il est harmonieux au niveau de la sonorité, et assez mystérieux (pourquoi une forêt bleue ? Qu'est-ce qui rend ce cerf si important ?). C'est donc un titre accrocheur, qui aiguille le lecteur sur une partie de l'histoire sans trop lui en révéler. Bon, il n'introduit pas l'aspect science-fiction qui est présent dans la majorité du texte, on peut trouver ça dommage ; mais on ne peut pas non plus tout faire en un seul titre.

La couverture est elle aussi assez harmonieuse, au niveau des couleurs et des formes, même si le cerf me semble un peu trop flou (les arbres sont plus nets que lui alors qu'ils sont moins importants). Le titre est bien disposé sur l'image, les jeux sur la police d'écriture le rendent agréable à lire. Quelques détails nuisent cependant un peu à l'image : il n'y a pas de majuscule à « forêt » (là c'est du chipotage), l'effet néon est peut-être un peu trop présent (les bois du cerf + les deux parties du titre + ton pseudo) ce qui finit par créer un effet de surcharge, et (là aussi c'est un détail, mais ça vaut peut-être le coup de le signaler à Ecrivaine_a_la_lune si elle réalise souvent des couvertures pour les autres) on ne peut pas savoir en regardant la couverture si les deux pseudos signifient que c'est une histoire à quatre mains ou si l'un d'eux correspond à la personne qui a fait la couverture (écrire « couverture par Ecrivaine_a_la_lune » suffirait à dissioer le malentendu). En-dehors de ça c'est une jolie couverture, qui donne à peu près les mêmes informations que le titre et laisse les mêmes zones d'ombre ; c'est cohérent, mais peut-être un peu dommage de ne pas davantage exploiter ces deux moyens d'information différents.

Le résumé comble en quelque sorte ce vide, puisqu'il nous donne pas mal de contexte. Je n'ai pas grand-chose à redire sur les deux premiers paragraphes qui introduisent l'univers de l'histoire, si ce n'est une répétition de « vit/vie » un peu gênante et le fait que tu mets peut-être trop l'accent sur la vie personnelle de Matthias par rapport à l'état du monde (on ne sait pas qu'on est dans un monde futuriste par exemple). Par contre, l'accroche que tu places dans le dernier paragraphe me semble un peu artificielle. Tu y listes finalement des éléments assez génériques (des moments exceptionnels, c'est ce à quoi on s'attend à ouvrir un livre ; plein d'histoires commencent un jour banal pour basculer dans l'inattendu ; les secrets et les personnages qui se dévoilent ne sont pas plus rares...), qui ne correspondent pas particulièrement à TON histoire. D'autant qu'au final, je vois mal à quoi correspond la deuxième phrase (on peut voir le masque que Cassia portait comme « piètre et honteux », mais ce que tu nous montres ensuite de sa véritable personnalité n'a rien d'exceptionnel ; pareil en quelque sorte pour la société dans laquelle vivent les personnages ; ce qu'il se passe dans la Forêt Bleue avec le cerf correspond déjà plus à quelque chose d'exceptionnel, mais pour le coup la Forêt ne portait pas de masque « piètre et honteux »). Une accroche spécifique à ton histoire conviendrait mieux. De plus, le fait que le titre et la couverture d'un côté et le résumé de l'autre mettent l'accent sur des éléments complètement différents du récit font qu'on a du mal à les voir comme un tout. Peut-être pourrais-tu, grâce au résumé par exemple, faire un peu mieux le lien.

J'ai repéré pas mal de fautes d'inattention ou de grammaire, n'hésite pas à utiliser un logiciel ou un site pour te relire si tu n'arrives pas à repérer les fautes par toi-même (ce qui est un mal tristement répandu...), Scribens (je mets le lien en commentaires) par exemple est assez efficace. Je te conseille aussi de faire attention aux temps du récit (je peux trouver des liens qui expliquent comment les utiliser si tu le souhaites !) qui étaient parfois un peu embrouillés. Mais le texte était tout de même assez propre et restait lisible sans problèmes. Les tirets que tu utilises pour les dialogues ne sont pas les bons, on utilise des demi-cadratins (—) au lieu des tirets du 6 (-). Pour les guillemets, ceux que tu emploies sont utilisés dans les textes anglais, en français on utilise ceux-ci « ». Sur tablette, je crois que tu peux obtenir ces symboles en appuyant longtemps sur la touche du tiret ou du guillemet. Sinon la mise en page me semble correcte !

Pour ce qui est du lien au thème, il est clairement présent dans les faits : le cerf sur l'image est présent dans l'histoire et y tient une place cruciale, la consigne en tant que telle est respectée. Au niveau de l'ambiance en revanche, je pense que tu aurais pu rendre la forêt un peu plus inquiétante et mystérieuse, nous faire sentir que c'est un monde étrange pour Matthias, qu'il n'est pas familier ; de même avec l'arrivée du cerf, qui aurait pu déclencher un peu de crainte chez Matthias et Cassia (insister sur les changements de la forêt avant qu'il ne surgisse, comme tu le fais avec le vent glacé et les oiseaux qui s'envolent, peut être pertinent si tu nous fais ressentir ce que ça inspire à Cassia et Matthias). En effet, l'image du thème dégageait une impression de mystère, de surnaturel.


Passons maintenant à l'histoire en elle-même. Je dois dire que je suis assez mitigée, les idées que tu y introduis sont pour beaucoup originales et bien trouvées, mais l'exécution pourrait parfois être améliorée. Je vais développer tout cela !


Je pense tout d'abord que l'intrigue mériterait d'être travaillée avec plus d'attention. Tu as les éléments pour créer une nouvelle captivante (du mystère, des sources de menace et de tension), mais plusieurs éléments nuisent à leur mise en place.

En effet, après ma lecture, je n'ai pas eu vraiment l'impression d'avoir compris ce qu'il s'était passé. Ou plutôt : j'ai compris les éléments qui s'enchaînaient, mais pas ce qu'il y avait derrière. Je n'ai pas compris pourquoi les choses se passaient ainsi. Ma lecture achevée, il me reste énormément de questions concernant l'intrigue :

- Pourquoi Cassia attendait-elle Matthias dans le chapitre 2 ? Comment pouvait-elle savoir qu'il allait arriver ? Et pourquoi s'attendait-elle à ce qu'il fugue ?

- Pourquoi décide-t-elle de tout lui révéler ainsi ? Comment sait-elle qu'elle peut lui faire confiance et pourquoi est-ce à lui qu'elle se confie ?

- Comment Cassia savait-elle que le cerf allait arriver, alors qu'à en juger par ses réactions c'est la première fois qu'elle le rencontre ?

- Comment le cerf s'est-il forgé cette réputation alors qu'il n'a aucune raison d'agir de façon menaçante ?

- Pourquoi Camille met-il autant de temps à contacter des humains ? Et pourquoi a-t-il choisi de s'adresser à eux spécifiquement, et pas par exemple à des adultes qui auraient une plus grande liberté de mouvement ?

- Pourquoi espère-t-il qu'ils réussissent là où lui a échoué alors qu'ils disposent de moins d'informations qu'eux ?

- De quelles informations sur l'ancien monde et sur la transition Cassia et Matthias disposaient-ils avant le récit du cerf ? On sait qu'ils croyaient à un « deuxième réchauffement climatique » et qu'ils pensaient que l'air du dehors était sain, mais on ne peut pas dégager un récit cohérent de ces deux seules informations : qu'est-ce qui, selon le récit des Anciens, a poussé les humains à se réfugier sous terre ? On nous dit qu'ils ne voulaient pas contaminer l'air, mais pourquoi l'auraient-ils fait, et en quoi se réfugier sous terre changerait-il les choses ? (S'il n'y a pas d'air à contaminer sous terre, il n'y a pas non plus d'air pour vivre, non ?)

- Quel intérêt avaient les Anciens de leur servir ce mensonge ?

Ces points ne sont absolument pas des incohérences, on peut imaginer une histoire qui les justifierait tous, mais en se limitant aux informations que tu nous donnes, ils sont inexplicables. C'est dommage car comme tu peux le constater, ça fait beaucoup ; cela fait que je n'ai pas l'impression d'avoir lu une nouvelle complète mais plus les premiers chapitres d'un roman, quand on sait que des explications viendront par la suite. Pour que la fin soit satisfaisante, il faut que les questions que les lecteurs se posent au cours de l'histoire trouvent leur réponse.

(Bien sûr, tu n'es pas obligée de fournir une réponse à chaque question et de ne laisser aucune incertitude, l'ambiguïté est le principe d'une fin ouverte ; mais il faut alors que le lecteur ait les moyens d'opter pour une théorie ou une autre. Construire une fin ouverte est très délicat, si c'était ton intention n'hésite pas à me le dire pour que je développe !)

Je te conseille donc, pour cette nouvelle ou même pour un prochain écrit, de prendre le temps de mettre ton intrigue à plat (avant l'écriture, pendant, après, peu importe) : que se passe-t-il, de quelles informations dispose le lecteur, quelles questions risque-t-il de se poser ? Cela te permet de savoir à quelles questions il faudra répondre à un moment où à un autre, sachant que la réponse n'est pas obligée d'arriver tout de suite : tu peux très bien faire mariner ton lecteur, tant que la réponse n'est pas nécessaire pour suivre ce qu'il se passe et qu'on sent que ce n'est pas une incohérence mais un mystère dont la clé nous sera dévoilée plus tard.

(Par exemple, si tu veux révéler la raison de l'attitude de Cassia au chapitre 3 alors que le lecteur remarque quelque chose d'étrange au chapitre 2, tu peux sous-entendre que ça n'est pas normal en montrant que Matthias s'étonne lui aussi. C'est quelque chose que tu fais avec succès dans la scène où Cassia et ses amis tourmentent Matthias, quand il a l'impression qu'elle est effrayée.)

Il faut dire que tu as énormément d'informations à intégrer dans cette courte nouvelle puisque tu as choisi d'y intégrer de nombreux éléments. Cela ne te facilite pas la tâche pour tout rendre clair pour le lecteur ! C'est pourquoi je te conseille de te concentrer sur les éléments qui sont vraiment utiles à l'intrigue et de ne pas mentionner ceux qui ne modifient pas l'histoire : cela aidera le lecteur à se focaliser sur les éléments importants. Par exemple, est-ce que le fait que Matthias ait une sœur est vraiment utile, alors qu'elle est finalement à peine mentionnée ? C'est un détail, mais le fait que tu dises qu'il souffre de la comparaison avec elle laisse penser qu'elle aura un rôle dans l'intrigue, et finalement non ; c'est une information qui aurait pu être supprimée pour clarifier les choses. Dans un roman, tu as le temps de poser un cadre autour des personnages, de donner des informations pas très utiles mais qui les ancrent dans l'histoire ; dans une nouvelle, où le lecteur a très peu de temps pour intégrer ce que tu veux lui dire et où toutes les informations données entrent donc en compétition pour avoir son attention, mieux vaut privilégier l'essentiel.

Dans le même ordre d'idées, je te conseille de faire attention au rythme, c'est-à-dire à la vitesse à laquelle les évènements se déroulent. C'était bien géré dans la majorité du livre (on ne s'ennuyait pas mais les choses n'allaient pas non plus trop vite), mais j'ai trouvé que ça pêchait un peu aux extrémités. Au début, tu t'étends pas mal sur le cours d'histoire alors qu'il n'apporte pas grand-chose à l'intrigue. Ce serait une bonne scène d'exposition pour un roman, mais ça fait un peu long pour une simple nouvelle ; je te conseille, après avoir écrit une nouvelle, de la relire en te demandant, pour chaque scène, si elle ne pourrait pas être résumée ou raccourcie, voire supprimée, sans que cela nuise à l'intrigue. Ça te permettra de gagner en efficacité ! À l'inverse, j'ai trouvé la fin un peu précipitée : on nous balance sans plus d'explications que Matthias et Cassia vont sauver Evelyn – c'était tellement rapide que je n'ai pas compris s'ils le faisaient ou s'ils se mettaient en chemin. Ici, tu aurais à mon avis pu développer davantage : montrer Matthias et Cassia prendre la décision de sauver le monde et particulièrement Evelyn, et expliquer ce qu'ils comptent faire par la suite...

Dernière remarque au sujet de l'intrigue : je te conseille de faire des recherches un peu poussées sur le dérèglement climatique. Pas pour noyer tes lecteurs sous des tonnes d'informations inutiles, mais pour donner une certaine vraisemblance à l'histoire, montrer que ça pourrait se produire. Je n'ai pas relevé vraiment d'incohérence dans ce que tu as dit, mais j'ai trouvé que la façon dont tu parlais des évènements qui avaient mené à la « fin du monde », les termes employés, donnaient une impression assez brouillonne. À mon avis, ce serait intéressant de faire des recherches pour donner des informations plus précises. Par exemple, si au lieu de dire juste que « brusquement, la température est montée » (ce qui, surtout avec les 3°C, semble difficile à avaler), nommer un élément précis que les scientifiques n'avaient pas prévu mais qui a causé l'augmentation donnerait plus de vraisemblance à l'histoire. Donner une fourchette de températures pour les saisons froides, alors que selon les endroits du monde ça peut être très variable, me paraît aussi assez maladroit. Bon, ce ne sont que des détails, mais mis bout à bout ça rend difficile le fait de croire à cette vision du futur que tu nous présentes, et je trouve ça un peu dommage.


Je pense également que les personnages auraient pu être un peu plus développés. Je parle ici de Matthias et de Cassia, les autres sont plus secondaires et n'ont pas besoin d'être davantage caractérisés vu la longueur du texte.

Pour Matthias : comme c'est lui qui mène la plupart du récit, ses réactions émotionnelles mériteraient d'être davantage développées à mon avis. On ne sait pas toujours ce qu'il ressent, ce qui peut être déstabilisant dans les moments cruciaux. Par exemple lorsqu'il décide de partir de chez lui : c'est une décision très forte, on ne fugue pas aussi facilement qu'on va chercher le pain... Il faudrait donc que cette force se ressente, que tu nous montre ce qu'il se passe en lui pour qu'il parvienne à cette décision. Tu nous l'expliques brièvement en disant que la jauge est pleine et qu'il veut prendre l'air, mais ça me semble un peu léger. Pareil quand il décide de changer de tactique, passant de la honte à la provocation : on comprend pourquoi, mais je ne l'ai pas senti en lui. En plongeant plus profondément dans ses émotions, tu pourrais nous faire sentir qu'une digue s'est brisée en lui, que le ras-le-bol l'a emporté. Pour cela, tu peux évoquer les souvenirs de moments où il a affronté la même situation avec ses parents et où il en a souffert, rappeler les évènements de la journée avec le harcèlement de Cassia et montrer sa détresse à l'idée de ne pas trouver de réconfort même au sein de son foyer... L'idée est d'amener le lecteur au plus proche de Matthias, pour que non seulement il comprenne sa fureur, mais qu'en plus il la trouve logique, qu'il se mette à sa place et s'identifie à sa décision de partir.

En tant que lecteur, on découvre ton univers et on vit l'histoire à travers le personnage de Matthias. Pour que l'on adhère à l'intrigue, il est donc pertinent de développer les émotions de Matthias : cela nous permettra de nous identifier à lui et donc d'avoir l'impression d'être dans l'action, comme lui. Ainsi, n'hésite pas dans les moments cruciaux à te pencher sur ce qu'il ressent et à le faire comprendre au lecteur : cela rendra tes scènes plus captivantes. Par exemple quand il rencontre le cerf, nous faire sentir son émerveillement, peut-être sa peur, donnerait plus de prestance à la scène. À la toute fin, montrer sa détermination et sa colère pourrait rendre la fin plus impactante.

Pour Cassia : on ne suit pas vraiment l'histoire de son point de vue donc décrire ses émotions est moins important. Néanmoins, je pense que lui forger une personnalité cohérente reste primordial, la nouvelle repose sur elle aussi et le fait qu'elle soit moins mauvaise que ce qu'on pourrait attendre marque un tournant important de l'intrigue. Or je dois dire que j'ai eu du mal à cerner ses motivations... Comme je l'ai dit en parlant de l'intrigue, les raisons pour lesquelles elle en attendait tant de Matthias m'ont paru assez floues. C'est aussi le cas des raisons pour lesquelles elle harcelait Matthias... Elle les explique, certes, mais avec beaucoup de mauvaise foi... Tout ce qu'elle dit ne permet pas de justifier qu'elle ait commencé le harcèlement, elle ne justifiait que le fait qu'elle ait continué – et encore, de façon très rapide, ce qui donnait l'impression qu'elle n'avait pas même essayé d'arrêter. Si on ajoute à ça son comportement changeant vis-à-vis de Matthias (agir comme si de rien n'était au début, puis se placer en martyre, puis jouer la complicité), on a du mal à voir où elle veut en venir. Un personnage peut être mystérieux, mais il faut qu'il y ait une raison ; là je dois dire qu'elle m'a surtout semblé incohérente (et pas franchement sympathique). Le fait que Matthias ne remette pas son comportement en question crée un décalage vis-à-vis du lecteur qui peut troubler l'immersion dans l'histoire.

Je te conseillerais donc de réfléchir aux motivations de Cassia et à la façon dont elle devrait agir ou parler en fonction de ces motivations. Cela permettra de rendre son comportement plus cohérent aux yeux du lecteur !

Globalement, c'est quelque chose à quoi je te conseille de faire attention : à l'instant T, que veut chaque personnage ? Que sait-il ? Comment va-t-il logiquement réagir en fonction de son but et des informations dont il dispose ? Ainsi, leur comportement apparaîtra plus cohérent, ce qui pourra éviter de troubler le lecteur. Je pense notamment à certains dialogues du chapitre 3 qui manquent un peu de logique, les répliques s'articulent de façon étrange entre elles. Je l'ai relevé une fois mais j'ai eu également cette impression avec les dialogues du cerf au début du chapitre 3 : le fait qu'il réponde « Je n'ai pas besoin d'être vénéré [...] » à Cassia qui lui disait juste « Vous... » m'a paru étrange et, rétrospectivement, j'ai du mal à voir pourquoi il fait autant de mystère sur ce qu'il est (« Je dirais que c'est compliqué [...] ») alors que la réponse est simple et qu'il n'a pas de raison de les embrouiller. Ce sont des détails, mais les arranger rendra à mon avis le chapitre bien plus fluide !

Enfin, je te conseille pour les personnages de faire attention au point de vue que tu utilises. J'ai eu l'impression dans cette nouvelle que tu oscillais entre le point de vue interne (le narrateur se place dans la tête de l'un des personnages et voit les choses à travers sa subjectivité) et l'omniscient (le narrateur connaît tout, en particulier les pensées de chaque personnage, et révèle ce qu'il veut au lecteur). On n'avait la plupart du temps accès qu'au point de vue de Matthias, mais dans le chapitre 3 on passait parfois à Cassia... Je te conseille de te pencher sur la question et de te tenir au point de vue choisi : ne pas le faire donne l'impression d'une rupture et peut sortir le lecteur de l'histoire. Si tu le souhaites, je peux développer leurs avantages et inconvénients – n'hésite pas à me le dire en commentaires –, mais vu la longueur de l'avis je préfère ne pas t'infliger une digression là-dessus si ça ne t'intéresse pas.

Globalement, l'idée est de te placer du point de vue de ton narrateur : qui est-il ? De quelles informations dispose-t-il ? Comment voit-il les choses, à quoi pense-t-il ? A-t-il conscience de raconter une histoire ou non ? En fonction des réponses à ces questions, tu peux plus facilement déterminer quelles informations donner au lecteur.


Ce point touche plus au fignolage qu'à la construction de l'histoire, mais il me semble important tout de même car c'est à travers lui que tu transmettras certaines informations à ton lecteur : je te conseille de faire attention aux tournures que tu emploies, dans ton texte, pour transmettre une ambiance particulière. Si tu expliques que la forêt est royale ou que le mur du foyer est inaccueillant, ce n'est pas pour autant que le lecteur aura l'impression de se trouver en un lieu royal ou inaccueillant... et c'est dommage, car immerger le lecteur dans l'ambiance de chaque scène lui permet de mieux s'imaginer vivre l'histoire. Je te conseille donc de soigner tes descriptions en réfléchissant à chaque fois à l'ambiance que tu veux y instaurer.

Ainsi, pour la forêt, je te conseille de mieux définir l'ambiance qui doit y régner : tu parles d'une impression « royale » mais, par la suite, pas grand-chose n'y fait référence, à part peut-être la mention des arbres haut ; j'ai plus eu l'impression que tu cherchais à susciter l'émerveillement à travers la description des animaux. La nuance est assez importante : avec « royale » on devrait ressentir la majesté du lieu, Matthias aurait l'impression d'être écrasé par la prestance de la forêt, il y a une idée de supériorité voire de rejet ; au contraire, « émerveillement » crée une impression bien plus chaleureuse, la beauté n'est pas écrasante ou intimidante, elle accueille au contraire Matthias dans cet autre monde qu'est la forêt. Pour le mur, en revanche, l'impression visée me semble assez claire d'après le texte : le lieu doit être inhospitalier, effrayant.

Une fois le but des descriptions déterminé, je te conseille pour les lieux importants d'amener ce but de façon plus subtile qu'en l'annonçant : si tu dis que la forêt est royale ou merveilleuse, le lecteur enregistrera l'information et passera à autre chose. Pour qu'il ait l'impression d'être dans un lieu royal ou merveilleux, suggérer ce sentiment à travers les choix de description et les tournures de phrase sera plus efficace. C'est ce que tu fais en décrivant les animaux que rencontre Matthias : le voir les observer, les guetter crée cette impression d'émerveillement. Tu peux aussi décrire des éléments précis du décor, comme ce que tu fais avec les feuilles des arbres ; mais aussi évoquer des sons, des odeurs, des sensations... Ici, par exemple, il me semblerait intéressant de jouer sur le contraste avec la ville – ce que tu fais en parlant de la luminosité, et qu'il serait à mon avis pertinent de creuser. Montrer l'impact du lieu sur Matthias peut également permettre au lecteur de s'imaginer lui-même vivant la scène : tu peux parler de ses sensations physiques (sa respiration peut s'apaiser s'il ressent la sérénité des lieux, son cœur peut battre plus vite s'il est émerveillé, ...), de ses émotions (il peut sentir sa colère se dissoudre, éprouver le besoin de ne plus quitter ce lieu, ...).

Bien sûr, faire cela pour toutes les descriptions risque de rallonger la nouvelle et n'est pas forcément nécessaire. Tout dépend de l'importance du lieu : s'il a un impact profond sur Matthias, s'il joue un rôle important dans l'histoire, travailler sa description permettra de le rendre plus marquant aux yeux du lecteur. En revanche, s'il est plus anecdotique, simplement expliquer son impact peut suffire. J'ai détaillé sur la forêt car ce lieu me semblait assez primordial dans l'histoire ; de même, pour le contraste, il me semblerait pertinent de détailler une description de la ville. Pour le mur, tout dépend de l'importance que tu veux donner au Foyer ; s'il n'est qu'un élément du décor dans la nouvelle, un simple « inaccueillant » suffit pour que le lecteur sache à quoi s'en tenir.

Cela vaut d'ailleurs aussi pour les émotions des personnages ! Dire que Matthias est furieux, triste ou apaisé n'aura pas autant d'impact que de faire ressentir au lecteur cette fureur, cette tristesse ou cet apaisement. Cela peut passer par des figures de style, mais surtout en plaçant le lecteur dans les conditions qui ont fait naître l'émotion : si Matthias est furieux, rappeler ce qui l'a rendu furieux poussera le lecteur à éprouver à son tour cette émotion. (Je me répète un peu, c'est ce que je disais déjà dans la partie précédente sur les personnages...) Attention aussi au choix que tu fais de tes mots, de tes figures de style, afin de ne pas transmettre la « mauvaise » émotion. Par exemple quand Matthias rencontre Cassia dans la forêt, la répétition de « foutu/foutrement » dans ses pensées, que je suppose voulue, n'a pas tant pour effet d'insister sur sa colère (légitime) que de donner l'impression qu'il se plaint excessivement. Pas la meilleure image à donner de ton personnage, d'autant que son exclamation est fondée...


Je trouve l'univers que tu mets en place dans cette nouvelle vraiment intéressant. J'aime bien l'idée de faire vivre les gens sous terre, même si elle pourrait être mieux motivée : c'est un mode de vie très différent du nôtre et les conséquences sur les personnages sont intéressantes. Le cerf comme hologramme est une façon amusante de voir le thème, l'impression d'irréalité qu'il dégage sur l'image trouve son explication. La forêt dans laquelle il réside est intrigante, j'aime bien le contraste qu'elle fait avec la ville !

Je te conseillerais de jouer davantage sur ton univers, car il semble développé et peut permettre au lecteur de s'immerger dans l'histoire. Par exemple, n'hésite pas à rappeler plus fréquemment que tes personnages vivent sous terre, pas en l'écrivant noir sur blanc mais en montrant la façon dont cela les affecte. Ainsi, tu pourrais t'attarder davantage sur la description de la forêt, expliquer à quoi elle ressemble, comment elle a été créée... Parler de la luminosité était aussi une bonne idée pour cela ! Ce ne sont que des exemples, l'idée générale étant de rappeler au lecteur les spécificités de ton univers (le fait de vivre sous terre, les hologrammes, le Foyer, ...) en en montrant plusieurs aspects : cela le rendra plus réaliste et permettra donc de s'y imaginer plus facilement !


Au final, tu introduis énormément d'idées dans cette nouvelle, si bien que tu n'as pas le temps de les développer, et que la fin donne un effet d'inachevé (on nous largue au moment où l'action commence...). Je me demande donc si l'idée que tu as eue pour cette nouvelle ne serait pas plus adaptée pour un roman. Au niveau de l'univers, il y a de quoi faire, et le passif des deux personnages est original et promet des relations explosives (collaborer avec quelqu'un qui a détruit sa vie, ça doit être une expérience à la fois horrible et troublante...). La plupart des défauts que j'ai trouvés à ta nouvelle viennent justement de son format de nouvelle qui limite ce que tu peux y développer. S'il te prend un jour l'envie de développer cette nouvelle pour en faire un roman entier, n'hésite pas à me prévenir, je serais vraiment curieuse de le lire !

J'espère en tout cas que mon avis t'aura été utile, et je te souhaite une bonne continuation dans le monde de l'écriture !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top

Tags: #bouh