L'Élue - Eternalia85 [La Place Aux Merveilles]
Voici donc mon avis sur ton histoire. Avant tout, je veux simplement insister sur le fait que (même si je tente d'être au maximum consciente des biais qui influencent mon jugement), c'est un avis subjectif. Ce n'est pas pour autant qu'il n'est pas argumenté, mais il se peut que tu ne sois tout simplement pas d'accord et il n'y a pas de mal à ça ! Je suis ouverte au débat s'il y a des remarques qui te semblent incorrectes.
De plus, n'hésite pas si tu as des questions, si tu veux des précisions, ou s'il y a un aspect de ta nouvelle dont je n'ai pas parlé.
Enfin, tu recevras, à la fin de l'édition du concours je pense, un compte-rendu de jugement qui détaillera ma note et mon avis par critère. Il y aura sans doute dedans des choses que je n'aurais pas dites ici, mais globalement cela risque d'être une redite de cet avis en plus court.
Il peut arriver que je donne des liens : je les remettrai en commentaires pour que tu puisses les copier-coller ou cliquer dessus.
LA PRÉSENTATION
Ta couverture est plutôt bien réalisée, les images choisies sont nettes et assez jolies. Mais il y a quelque chose d'étrange avec l'image de la plage, au-dessus de l'épaule gauche de la fille : il y a une sorte de ligne dans les vagues, faite de je ne sais quoi, qui est assez perturbante quand on regarde la couverture de près puisqu'on ne sait pas de quoi il s'agit. Si c'est voulu, je pense que tu pourrais davantage insister dessus – en centrant la couverture sur cette ligne et en la rendant moins floue – afin qu'on comprenne que ça n'est pas juste un défaut de réalisation. Sinon, je te conseille d'y remédier car cela peut détourner l'attention des informations importantes de la couverture.
Il y a deux-trois trucs que tu pourrais améliorer pour ce qui est du texte sur cette couverture. Tout d'abord, je pense que la police d'écriture pourrait être changée pour une police qui évoque directement le genre de la fantasy (c'est d'autant plus important que ta couverture, par ailleurs, n'y fait pas du tout allusion) ; tu peux en trouver sur des sites comme Dafont (www.dafont.com/fr). de plus, avec la police choisie, je trouve que ton titre n'attire pas assez l'attention ; tu pourrais choisir une police plus droite, qui prendrait plus de place et attirerait plus le regard. À voir, mais le mettre en blanc pourrait être une bonne idée. Le sous-titre quant à lui n'est pas très lisible sur la droite de l'image, comprend une faute (* tracé) et pour être honnête je ne le trouve pas très utile. Il ne nous apprend rien sur l'histoire et c'est une phrase d'accroche assez banale. L'idée d'un destin tracé est déjà présent dans l'idée d'« élue » et pour ce qui est de la deuxième phrase, selon l'interprétation de la première c'est soit une contradiction (si son destin est entièrement tracé, il n'y a aucune incertitude sur son avenir donc la question de comment elle va faire ne se pose pas) soit une question inutile car présente dans chaque histoire (elle a un but mais ne sait pas comment l'atteindre... si elle le savait, il n'y aurait pas d'histoire). Plutôt que de te reposer sur un sous-titre pour intriguer le lecteur, je te conseille de miser sur l'image de couverture, qui doit attirer son attention et le pousser à se questionner.
Là, ça n'est malheureusement pas vraiment le cas. Une fille devant une plage, ça n'est pas original ni intrigant, il n'y a aucun élément sur lequel on puisse se poser des questions. De plus ça oriente assez mal le lecteur, en voyant ta couverture je penserais spontanément à une romance, non à une histoire de fantasy. Je te conseille de chercher un lieu ou une scène intrigants dans ton histoire et de les utiliser pour la couverture. Cela peut très bien être la plage – si j'ai bien retenu elle jouera un rôle crucial dans l'histoire – mais il faudrait qu'on sente que ce n'est pas une plage ordinaire, que la couverture y fasse planer une ambiance particulière.
Si la couverture n'est pas explicite sur le genre de l'histoire, le titre en revanche ne laisse aucun doute. L'élue semble correspondre parfaitement à l'histoire puisque c'est ainsi que Jameson désigne Everly et que l'histoire semble tourner autour de cela. Néanmoins, je te conseille d'éviter ce genre de titre car il est devenu un cliché de la fantasy. C'est dommage de donner l'impression dès le départ au lecteur qu'il va lire une histoire peu originale...
Je te conseille de te pencher sérieusement sur la question du titre. Tu n'es bien sûr pas obligée de le faire maintenant, il vaut mieux avoir déjà écrit une bonne partie de l'intrigue ; ainsi tu seras en mesure de déterminer quel élément de l'histoire tu veux mettre en valeur dans ton titre. Je dois dire que, pour l'instant, je n'en ai pas du tout vu assez pour te conseiller ; mais je te conseille de chercher quelque chose, dans ton intrigue ou ton univers, qui rend ton histoire unique.
Il y a quelques fautes dans le résumé : « une organisation * prête à tout », « de * tous les royaumes » et à nouveau « Son destin est * tracé ». De plus, ton résumé commence au passé et finit au futur ; pour la concordance des temps (j'en dis plus là-dessus par la suite), il faudrait choisir un seul temps et t'y tenir. Les résumés sont généralement écrits au présent, je te conseille donc de conjuguer tous tes verbes à ce temps – sauf ceux qui, puisqu'ils expriment une projection dans l'avenir, doivent être écrits au futur (par exemple « comment va-t-elle le réaliser » : pas besoin de changer ici). Écrire quatre en toutes lettres serait plus littéraire. Les fautes restent rares mais je te conseille d'y remédier, dans un résumé ça ne fait pas bonne impression. Sinon ton résumé est fluide et bien écrit, la seule chose qui me dérange est la succession de deux-points dans la troisième phrase. Je pense que tu pourrais mettre « Everly est l'Élue, elle devra [...] » ou « Everly est l'Élue ; elle devra [...] ».
Je pense qu'il y a quelque chose à revoir dans la gestion des informations, assez déséquilibrée à mon avis. Pas mal d'infos que tu donnes sont inutiles dans un résumé : le temps pluvieux, le fait qu'Everly rentre chez elle, le fait que Jameson soit séduisant. En revanche, d'autres sont trop peu développées : que sont les quatre royaumes ? (Tu pourrais préciser qu'ils appartiennent à un autre monde, par exemple.) Quel rapport entre les royaumes et une menace pesant sur la Terre ? Si The Upset Prince veut prendre le contrôle des royaumes, pourquoi la Terre serait-elle en danger ? Quel sera exactement le rôle d'Everly ?
De plus, les enjeux que tu laisses entendre à la fin avec la question dans la dernière phrase sont assez flous : cette phrase n'est pas très utile, j'ai développé cela dans mon avis sur la couverture. Je te conseillerais de chercher les véritables enjeux de ton texte : quel est le but exact d'Everly ? Qu'est-ce qui pourrait l'empêcher de l'atteindre ? En exposant clairement ces éléments dans le résumé, tu poseras à ton lecteur des questions concrètes, qui lui donneront envie de te lire pour en savoir plus. Là c'est trop flou, ce résumé ne nous pose pas de véritable question : on se demande « qu'est-ce que ça veut dire ? » ou « qu'est-ce que c'est que ça ? », mais ce genre de question ne donne pas envie de lire l'histoire, on n'a pas de raison de vouloir connaître la réponse.
Néanmoins ton résumé possède un certain dynamisme, il présente les principaux éléments de l'histoire sans spoiler ; il est tout de même plutôt efficace !
En somme, ta première impression permet de se faire une bonne idée de l'histoire, même si on en sait toujours assez peu sur l'intrigue. Néanmoins, elle manque à mon avis d'une certaine unité : le titre et le résumé ont pas mal de liens entre eux mais la couverture en semble très détachée, aucun élément du titre et du résumé n'y fait écho. C'est un peu dommage car ça donne l'impression qu'ils sont totalement décorrélés, alors qu'ils sont censés représenter la même histoire...
Pour ce qui est de la correction de la langue, ton récit respecte la plupart des règles. L'orthographe est maîtrisée mais il y a quelques fautes en grammaire, je ne sais pas si c'est de l'inattention ou une méconnaissance des règles ; dans le deuxième cas je te conseille le Bescherelle (dans sa version papier ou sur le site www.bescherelle.com qui récapitule les règles notamment grâce à de petites vidéos et qui propose un conjugueur, qui te donne la conjugaison d'un verbe à tous les temps et à tous les modes). Globalement, la plupart des fautes que j'ai remarquées étaient des fautes d'accord, soit entre le sujet et le verbe, soit entre un nom et un adjectif. Si te relire toi-même ne fonctionne pas ou si tu veux gagner du temps, n'hésite pas à utiliser un correcteur grammatical ; celui de Word ne fonctionne pas toujours très bien mais il y en a en ligne (www.scribens.fr par exemple) qui sont vraiment efficaces.
Un point un peu plus dérangeant dans la correction de la langue est la gestion des temps des verbes. Il y a quelques règles à suivre qui permettront une lecture plus fluide de ton récit :
▸ La concordance des temps. Il s'agit de décider si tu écris au passé ou au présent (ou à un autre temps mais il faut alors que ça soit justifié par une particularité de l'histoire, ce qui a priori n'est pas le cas ici) et de t'y tenir. Ça ne veut pas dire que tous tes verbes seront conjugués au passé si tu écris au passé, mais ça veut dire qu'ils seront conjugués de façon cohérente par rapport au temps choisi. Ainsi, quand tu écris au passé, les actions qui ont lieu pendant le temps de la narration sont racontées au passé, les actions qui ont lieu avant sont racontées au plus-que-parfait et les projections dans l'avenir sont racontées au conditionnel. Au présent, il suffit de suivre ton intuition : le présent est raconté au présent, le passé au passé, le futur au futur. Les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients, mais il faut en choisir un, sous peine de perdre le lecteur quand tu changes de temps.
▸ Si tu écris au passé, le choix du temps. Il y a en effet deux temps au passé : le passé simple et l'imparfait. Brièvement, le passé simple permet de décrire des actions ponctuelles, achevées lorsque le narrateur en parle ; l'imparfait, lui, décrit des actions qui s'étalent dans le temps. Les descriptions se feront donc souvent à l'imparfait. (Tu peux utiliser le passé composé à la place du passé simple, mais le problème demeure, il faut de même choisir entre passé composé et imparfait...) C'est quelque chose qui n'était pas toujours maîtrisé (je te l'ai fait remarquer une ou deux fois), je te conseille d'y faire attention car, de même, cela peut perdre le lecteur.
J'ai conscience que mes explications sont très rapides et ne permettent pas de comprendre ces règles en profondeur, mais je t'invite à consulter le site www.plume-escampette.com/quel-temps-utiliser-pour-narrer pour plus de précisions.
En-dehors de ce point je n'ai repéré aucun problème au niveau de la correction du texte !
J'ai relevé quelques erreurs au niveau de la mise en page. Ta façon de faire les dialogues n'était pas tout à fait correcte ; voici les règles standard (qui sont appliquées dans la plupart des romans, tu peux le vérifier !) :
▸ Le tiret du dialogue doit être un tiret cadratin (—) ; tu utilisais des tirets du 6 (-). Pour obtenir les tirets cadratins sur téléphone, il faut appuyer longtemps sur la touche du tiret normal jusqu'à ce que plusieurs tirets s'affichent et sélectionner le plus long. Sur ordinateur, le plus simple est de copier-coller un tiret sur Internet (ou de le récupérer dans les symboles) puis de définir un raccourci qui affiche un tiret cadratin à chaque fois qu'on écrit un certain symbole, par exemple « -- » (je peux te montrer comment faire).
▸ Il n'y a pas besoin d'aller à la ligne avant une incise (ce que tu faisais parfois, par exemple « — Ne te retourne pas ! [retour à la ligne] Me cria-t-il »).
▸ Les incises ne prennent jamais de majuscule. Par exemple, « — Ne te retourne pas ! me cria-t-il » : pas de majuscule même si on suit un point d'exclamation.
▸ Si tu veux intégrer une phrase de narration à une réplique, il faut la mettre entre parenthèses. Et si la réplique ne se poursuit pas après la phrase, mieux vaut aller à la ligne ; par exemple quand Nessa se présente, aller à la ligne après « Moi c'est Nessa » pour distinguer dialogue et narration aurait été une bonne idée.
▸ Lorsqu'une réplique se poursuit sur plusieurs paragraphes, comme dans leur petit jeu avec « primo – secundo » au début du chapitre 2, il faut trouver un moyen de montrer au lecteur que le dialogue se poursuit même si on va à la ligne ; sans ça on interprète ce qui est à la ligne comme de la narration. On utilise donc des guillemets avant les répliques rejetées à la ligne. Dans l'exemple, cela donnerait : (les [...] correspondent à des passages de ton texte qu'il ne servirait à rien de recopier)
— Alors :
« Primo : [...]
« Deuxio : [...]
Je baissai la tête, [...]
— Tu te moques de moi ! Alors :
« Primo : [...]
« Deuxio : [...]
Une autre remarque que j'aurais à faire est qu'il est conseillé d'écrire les chiffres en toutes lettres, c'est plus littéraire. Il manquait aussi parfois des virgules, ce qui rendait le rythme un peu haché. Je te conseille www.la-ponctuation.com pour connaître les règles de placement de la virgule – quitte à ne pas toujours en mettre à certains endroits lorsque ça ne te semble pas utile, au moins tu seras renseignée. Sinon je n'ai rien d'autre à redire, globalement la mise en page est correcte !
Les paragraphes étaient globalement bien coupés et pas trop longs, il n'y avait pas de gros blocs. Mais j'ai parfois trouvé que tu allais à la ligne à des moments où ça n'était pas nécessaire, je te conseille de faire attention à cela car cela peut donner l'impression que le texte est décousu. Dans les moments où tu as beaucoup de petits paragraphes qui s'enchaînent, je te conseille de te demander si tu ne peux pas en fusionner deux. Mais en-dehors de ce point je n'ai pas repéré de problèmes !
Pour ce qui est de l'organisation du livre, je pense que la préface devrait se renommer « Prologue » : une préface est un texte introductif dans lequel l'auteur présente son roman, explique ses choix... Ce n'est pas le cas ici, ta « préface » est en réalité un texte qui appartient au roman, mais qui en est temporellement détaché (l'action se situe dans le futur par rapport au reste du roman). Il s'agit donc d'un prologue.
Malgré les remarques que j'ai faites à ce sujet, je trouve intéressant d'offrir un support visuel à l'histoire avec les représentations des personnages et surtout des lieux. En les rendant plus harmonieuses, et – pour les personnages – en tentant de faire écho à leur personnalité plus qu'à leur physique (je sais que par exemple fait cela très bien au début de ses fanfictions, si tu ne vois pas ce que je veux dire n'hésite pas à regarder ses chapitres de présentation !), tu pourras obtenir un effet vraiment attractif. Les images en début de chapitres sont une bonne idée, mais je ne vois pas bien leur lien avec l'histoire...
Numéroter tes chapitres et leur donner un nom est une bonne initiative qui permet de se repérer dans l'histoire ! En revanche je trouve que ce nom ne correspond parfois que partiellement au contenu du chapitre (pour le chapitre 2, il n'est pas uniquement centré sur Jameson).
L'HISTOIRE
Passons maintenant à l'histoire en elle-même ! J'ai apprécié certaines de tes idées, mais je dois dire que l'histoire dans sa globalité ne m'a pas vraiment conquise. Je vais expliquer pourquoi mais je tiens à rappeler quelques éléments auparavant :
▸ Ces raisons n'engagent que moi. Il s'agit de mon avis subjectif. Bien sûr, je vais justifier au maximum ce que je dis et j'essaie de limiter l'influence de ma subjectivité, mais mon avis ne sera jamais tout à fait objectif. Il se peut que tu ne partages pas mon opinion, ou que je sois à côté de la plaque puisque je n'ai lu que le début de l'histoire ; n'hésite pas à intervenir lorsque tu n'es pas d'accord pour qu'on en discute.
▸ Même si ce que je dis te semble justifié, les points que je soulève sont potentiellement des obstacles, mais ils ne sont pas infranchissables. Ton histoire mérite d'être racontée, d'être améliorée, et le seul but de mon avis et de t'y aider. Ce qui est remis en question ici, c'est certains aspects de ton histoire, pas l'histoire en elle-même, ni toi en tant qu'écrivaine.
Ceci étant fait... c'est parti !
Tout d'abord, j'ai eu l'impression que l'histoire allait trop vite. Cela venait de plusieurs facteurs, parmi lesquels certains éléments que j'exposerai plus tard ; mais l'un des principaux est pour moi le manque de descriptions.
C'était particulièrement criant dans le deuxième chapitre, où – contrairement au premier qui se situe dans un monde qu'on connaît – on avait besoin de découvrir l'endroit où l'on était, et où l'environnement jouait parfois un rôle crucial. Décrire, dans ce chapitre, est très facile : Everly se trouve dans un monde complètement inconnu, elle n'y a aucun repère ; on s'attend à ce qu'elle regarde autour d'elle, qu'elle tente de comprendre où elle est et que pour cela elle décrive précisément ce qui l'entoure. Tu peux donc à mon avis te lâcher sur les descriptions. D'autant qu'à certains moments, c'est crucial : parfois le décor a une véritable importance. Par exemple, quand le cheval de feu attaque Everly et Jameson, Everly se met à courir « vers une forêt » pour lui échapper. Le problème est que tu n'avais jamais mentionné cette forêt auparavant, ce qui fait qu'on doit refabriquer » notre image mentale de la scène : on s'imaginait au départ une simple plaine violette, sans aucun élément de décor, et soudain on doit y ajouter une forêt. C'est déconcertant, et ce n'est pas le moment de détourner ton lecteur de l'action puisqu'il est censé avoir peur pour Everly...
De plus, faire « apparaître » une forêt au moment où Everly en a besoin crée une impression de facilité : cela donne l'impression que tu interviens artificiellement dans l'histoire pour la tirer d'une situation délicate. À force de facilités de ce genre, on finira par se dire, lorsqu'Everly sera en danger : « bah, pas grave, elle va être sauvée par l'histoire de toute façon ». Pour éviter cela, je pense qu'il est primordial de décrire l'environnement dans lequel se trouve Everly au lieu d'ajouter des éléments en cours de route. (Bien sûr, ça ne veut pas dire TOUT décrire dès le début, seulement les éléments trop gros pour qu'elle puisse ne pas les avoir remarqués avant qu'ils interviennent – comme une forêt. S'il y a une fourmilière à cent mètres, pas besoin de la décrire avant qu'Everly ne la remarque...)
J'ai quelques conseils pour les descriptions de lieux :
▸ Une description doit suivre un ordre logique : par exemple, d'abord décrire ce qui est proche du personnage, puis s'éloigner peu à peu en « suivant son regard » ; ou alors, décrire l'élément qu'il voit en premier, puis les choses qui entourent cet élément, et ainsi de suite jusqu'à avoir décrit tout ce qu'on voulait.
▸ Jouer sur les cinq sens rendra la description plus immersive : avec juste la vue, on regarde une photo. Avec l'ouïe, on est dans un film. C'est en parlant des odeurs que dégage le lieu et – lorsque c'est pertinent – en utilisant le toucher et le goût que tu pourras plonger le lecteur dans la scène, lui donner l'impression d'y être.
▸ Au point de vue interne – celui que tu as choisi, donc –, c'est le personnage qui décrit, pas toi. Cela signifie que la description ne pourra être faite que si le personnage a une raison d'observer le lieu en détail. Le point de vue d'Everly est donc bien choisi pour cela : elle ne connaît pas l'endroit, elle a donc toutes les raisons de regarder autour d'elle... De plus, la description reflète l'état d'esprit du personnage : si le lieu décrit l'attriste, il le verra d'un œil plus sombre que s'il l'émerveille... Au moment de décrire, je te conseille d'avoir en tête non seulement le lieu, mais aussi les émotions d'Everly et la façon dont elles affectent son regard.
▸ Lorsqu'une description ne peut pas être faite puisqu'on est dans un lieu familier du personnage que l'on suit (donc un endroit qu'il n'a aucune raison de décrire), il faut ruser pour donner ay lecteur une idée de la disposition des lieux. Une stratégie classique est la description par l'action : montrer le personnage évoluer dans le lieu et en profiter pour le décrire par petites touches. Par exemple, si tu veux décrire la maison d'Everly de l'extérieur, ce serait quelque chose comme « J'ouvris le portail en fer qui commençait à rouiller, pénétrai dans le jardin et récupérai le courrier dans la boîte aux lettres à la peinture écaillée. Quelques publicités, comme d'habitude. Je remontai l'allée qui serpentait au milieu de la pelouse en veillant à ne pas écarter les plantes qui poussaient au milieu des gravillons. » On découvre les lieux avec le personnage. Une autre méthode, plus tordue, est de trouver une raison pour que le personnage observe ce lieu familier d'un autre œil ; par exemple, il peut imaginer comment un autre le verrait. Ainsi, lorsque Jameson raccompagne Everly chez elle, elle peut imaginer le regard qu'il porterait sur sa maison et la décrire selon ce regard, par exemple : « Je repensai à la splendeur de la maison de Jameson et fixai la mienne, un peu désabusée. Que devait-il penser du délabrement de la façade, du jardin en proie aux mauvaises herbes et du portail rouillé qui grinçait quand on l'ouvrait ? » (Bon, je viens de voir que j'avais mal retenu, Everly vit en appartement, mais t'as l'idée...)
De plus, et c'est pourquoi je pense que même le chapitre 1 et le prologue manquent de descriptions, décrire permet d'instaurer une ambiance, de plonger le lecteur dans l'histoire en lui faisant sentir l'impression que dégagent les lieux. L'ambiance d'une scène dépend des émotions du personnage dont on suit le point de vue, ici Everly, de la nature des évènements qui viennent de se produire, des relations entre les personnages présents... Et c'est à travers les descriptions que tu peux la faire passer. Si tu décris par exemple une rue la nuit, tu n'auras pas la même ambiance en parlant du grincement sinistre d'une porte lointaine, ou de la lueur argentée dégagée par la Lune ; pour autant ces deux éléments peuvent être présents en même temps.
Plonger le lecteur dans une ambiance est vraiment important pour lui faire vivre l'histoire : sans ambiance, les scènes ont beaucoup moins d'impact puisqu'elles ont l'air plus neutres. Je pense par exemple au moment où Everly surprend Clara embrassant Brandon : nous faire ressentir l'ambiance de la scène rendrait le choc d'Everly plus fort. Tu peux par exemple mentionner les autres élèves qui continuent à parler et marcher comme si de rien n'était, les bruits normaux de la vie du collège ; par contraste, l'immobilité d'Everly serait plus frappante encore. Pareil quand elle arrive dans l'autre monde, tu pourrais davantage développer l'ambiance qui règne dans la prairie, nous faire ressentir les différences avec la rue du monde qu'Everly vient de quitter.
Enfin, les personnages mériteraient plus de descriptions. Ça peut venir au cours de l'histoire, bien sûr, il ne s'agit pas forcément de les décrire d'un coup ; tu peux le faire par petites touches, avec l'action – comme je le mentionnais dans les astuces de descriptions de lieux. Mais ils méritent à mon avis d'être décrits d'une manière qui nous permette de nous les imaginer vraiment – pas juste les cheveux et les yeux, qui ne permettent pas de s'imaginer un personnage aussi bien qu'une description de traits plus spécifiques. Tu peux ainsi décrire d'autres traits : forme de la silhouette, longueur des bras, des jambes, forme des mains, traits du visage (forme et épaisseur de la bouche, type de nez, d'oreilles, de joues, hauteur du front, forme des yeux, longueur et texture des cheveux), particularités physiques, ...
Le manque de descriptions était parfois assez déstabilisant, par exemple quand Everly dit qu'elle trouve Jameson séduisant alors qu'on ne peut pas partager son avis puisqu'elle ne nous l'a pas vraiment décrit (d'autant qu'elle nous le répète pas mal...). Les images que tu mets au début de l'histoire ne suffisent pas, déjà parce qu'on ne les retient pas forcément (je t'avoue que je n'ai gardé aucun souvenir de leurs physiques), ensuite parce que ce qu'elles nous fournissent est une vision objective des personnages, pas la vision qu'en a Everly ; la force de l'écriture par rapport aux autres médias est que justement tu peux transmettre très facilement la vision subjective d'un personnage en décrivant de son point de vue.
De même que les descriptions physiques, les descriptions émotionnelles mériteraient plus de développement.
Certaines étaient déjà présentes, par exemple la description des émotions d'Everly lorsqu'elle surprend Clara et Brandon, et c'est une très bonne chose : la scène aurait semblé assez irréelle sans cette description. Mais je pense qu'elle mériterait d'être mieux développée : si l'incrédulité d'Everly ressortait très bien (j'ai eu l'impression de la partager alors que, contrairement à elle, je n'en avais pas grand-chose à faire de Brandon et Clara), sa colère et sa détresse par la suite m'ont paru trop survolées. Pour mieux décrire les émotions des personnages, j'ai quelques conseils :
▸ Jouer sur le rythme des phrases. Un rythme saccadé (phrases courtes, peu élaborées) pourra suggérer des émotions fortes et brusques, comme la colère ou la peur, alors qu'un rythme plus lent correspond mieux à des émotions plus introspectives comme la tristesse. Les points de suspension sont souvent employés pour raconter les rêves, car ils correspondent bien à une atmosphère un peu décousue, confuse.
▸ Comparer l'émotion à d'autres plus accessibles : dans le cas d'une émotion forte que le lecteur aura potentiellement du mal à se représenter, il peut être intéressant d'évoquer une émotion moins forte, mais plus facile à comprendre, puis de dire que ce que ressent le personnage est bien plus intense. Ça ne te sera sans doute pas très utile pour les chapitres que j'ai lus puisque les expériences que vit Everly restent assez communes, mais si par la suite elle vit des choses plus dures, ce conseil pourra trouver son utilité ! (Par exemple, justement, en utilisant la trahison de Clara comme point de comparaison.)
▸ Plus généralement, utiliser des figures de style. Un article là-dessus qui me semble assez pertinent est trouvable sur le site www.lalanguefrancaise.com/linguistique/figures-de-style-guide-complet. Une figure assez utile est l'hyperbole : exagérer un fait pour le rendre plus percutant. C'est, par exemple, dire que notre univers s'effondre quand on apprend une nouvelle sidérante.
▸ Se référer à une sensation physique pour appuyer une émotion. Un exemple de ce procédé qui m'a marquée se trouve dans Hunger Games : l'héroïne, qui vient d'apprendre une nouvelle terrifiante à laquelle elle ne s'attendait pas du tout, affirme éprouver la même sensation que celle qu'elle a ressentie lorsqu'elle a eu le souffle coupé après une chute de plusieurs mètres. De façon plus classique, c'est ce qu'on fait lorsqu'on évoque une douleur qui nous broie le cœur.
▸ Pour insister une douleur physique ou psychologique, « passer un marché » : le personnage préfèrerait subir telle chose plutôt que la douleur en question. J'ai vu récemment un film dans lequel un personnage qui avait subi une amputation affirmait quelque chose du genre : « La douleur est inimaginable, j'aurais accepté qu'on tue sous mes yeux mon père et ma mère pour que cela s'arrête ». C'est percutant, c'est violent ; ça marque.
▸ Utiliser les souvenirs heureux du personnage : pour insister surtout sur la tristesse (le personnage regrette ce qu'il a perdu). C'est un peu ce que tu fais dans la scène avec Brandon en disant « Il y a deux minutes j'affichais mon plus beau sourire » ; la formulation m'a semblé un peu trop détachée pour que cela fonctionne vraiment, mais l'idée est là !
Dans la scène avec Brandon, je trouve que tu gères bien l'incrédulité d'Everly car elle décrit la scène d'un point de vue presque externe, ce qui donne l'impression que le choc l'anesthésie. C'est bien joué !
En revanche, je pense que tu pourrais te dispenser des adresses au lecteur juste avant – « Vous savez », « tenez-vous bien ». Avec ce genre d'interpellation, on a l'impression que le personnage s'adresse à nous, qu'il nous raconte son histoire ; ce qui nous tient éloigné de cette histoire... C'est regrettable dans une scène chargée en émotions où l'on devrait au contraire se rapprocher du personnage. De plus, il faudrait par la suite détailler sa colère et sa détresse, sans quoi elle donne l'impression de ne pas être si touchée que ça ; elle pourrait aussi davantage y repenser par la suite, j'ai trouvé qu'elle acceptait ça trop vite et cessait quasiment d'y repenser, alors que c'est quand même une trahison de sa meilleure amie et un sérieux obstacle à une histoire qui dure dans sa tête depuis des années...
Je pense qu'il y a des moments où, alors que les émotions d'Everly n'étaient pas décrites, elles auraient vraiment dû l'être. C'était assez flagrant dans le chapitre 2. Les seules émotions décrites étaient la gêne d'Everly, d'abord au sujet de sa non-popularité (alors que la remarque là-dessus n'avait pas grand-chose à faire dans la discussion, a priori il n'y a aucun rapport entre sa popularité et le fait que Jameson lui parle du royaume des elfes...), puis de la richesse des parents de Jameson. Ce sont des émotions crédibles, mais pas les premières qui devraient lui venir.
En fait, elle accepte tout beaucoup trop vite. Déjà elle fait très vite confiance à Jameson, le mec l'a quand même transportée dans un autre monde sans son autorisation avant de lui balancer des trucs en apparence complètement incohérents au visage ; je pense qu'une réaction plus plausible serait de paniquer totalement, ou de penser être tombée sur un fou. Ensuite, elle semble s'habituer bien trop vite à l'idée d'un autre monde : elle tente de contrer rationnellement Jameson sur l'existence d'un royaume des elfes, elle accepte sans sourciller tout ce qu'il lui balance au sujet de l'historique du royaume alors qu'elle n'a aucune certitude quant à son existence... Il faudrait bien plus développer ses émotions à ce moment car, si toutes les réactions sont possibles dans ce contexte, un spectateur extérieur comme le lecteur aura du mal à y croire si elles ne sont pas justifiées par les émotions d'Everly. Ici par exemple, elle pourrait être complètement choquée, au point de tout avaler sans discuter (mais il faudrait tout de même qu'à un moment ou un autre elle soit mise face à la réalité) ; elle pourrait aussi véritablement intégrer la vérité, mais il faudrait alors prendre plus de temps, la faire discuter calmement avec Jameson jusqu'à ce qu'elle réalise que tout ce qu'il dit est réel, qu'il n'y a pas d'autre possibilité.
Mais surtout, elle acceptait beaucoup trop facilement ce qui la concernait elle. Au départ c'est une fille normale, elle a reçu une éducation banale, elle n'est pas plus préparée à cela que toi ou moi. Et je pense que si un mec étrange te téléporte dans un autre monde et t'annonce que tu es l'élue, ta réaction ne sera pas juste « OK ». En fait, même si toi en tant qu'autrice ça t'arrange qu'Everly accepte tout et se sente concernée par le devenir du royaume des elfes, cette réaction n'a pas de sens du point de vue d'Everly, il serait bien plus logique qu'elle tente de se soustraire à son « destin » (à moins d'avoir des pulsions autodestructrices, personne n'a envie de se lancer dans une guerre qui ne le concerne pas) et surtout qu'elle veuille rentrer chez elle. Elle devrait à mon avis beaucoup plus remettre en question ce que les autres personnages lui assènent, tenter de les contredire et de comprendre pourquoi ils affirment telle ou telle chose. C'était particulièrement frappant quand les parents de Jameson lui annonçaient qu'elle allait devoir vivre dans le royaume des elfes : il serait plutôt logique qu'elle leur demande pourquoi au lieu d'accepter docilement...
J'ai l'impression que tu as un peu tendance à négliger ce que la cohérence de l'histoire et des personnages imposent, pour parvenir à ce que toi tu veux pour ton intrigue ; certes, le but est bien que les personnages fassent ce que tu veux, mais le chemin à emprunter pour parvenir au but que tu as choisi est parfois assez long et il faut le respecter. Par exemple, ce n'est sans doute pas au deuxième chapitre, alors qu'elle ne sait rien de ce qui l'attend et qu'elle n'a jamais été confrontée ni à Azad ni à The Upset Prince, qu'Everly va dire que le vide n'est rien comparé à cette organisation... Le moment viendra, mais pour que ça soit logique il faut qu'elle ait eu une idée de leur pouvoir de nuisance (pas forcément par une confrontation directe mais elle peut discuter avec quelqu'un qui s'est frotté à eux, par exemple).
Bref, je t'encourage vraiment à creuser les émotions d'Everly car cela permettra au lecteur d'être plus impliqué dans l'histoire, puisqu'il s'attachera à elle ; de plus cela évitera d'apparentes incohérences dans le comportement d'Everly car la connaissance de ses émotions nous permettra de savoir pourquoi elle agit ainsi.
Au-delà de la description de ses émotions, je pense que le personnage d'Everly mérite un plus grand travail de construction. C'est le personnage principal de l'histoire mais sa personnalité ne m'a pas paru suffisamment développée, je n'ai pas l'impression de connaître quoi que ce soit sur elle. Je ne sais même pas si elle est au collège ou au lycée – tu dis l'un et l'autre au cours de l'histoire et du résumé et ses réactions ne me permettent pas d'estimer précisément son âge.
Je pense que tu pourrais creuser davantage son caractère. Une méthode pour cela est de partir d'une information que tu connais à son propos, par exemple « Everly est l'élue », « Everly aime Brandon », « Everly est amie avec X » et de te poser au sujet de cette affirmation des questions dont la réponse se trouve dans le caractère d'Everly. Tu peux te demander pourquoi cette affirmation, ou bien ce qu'elle engendre chez Everly, ou d'autres choses selon le contexte. Ensuite, tu recommences à partir de tes réponses en te posant de nouvelles questions dessus, et ainsi de suite jusqu'à ce que le personnage te semble solide. C'est une méthode que j'apprécie car je la trouve efficace pour avoir un personnage cohérent que l'on connaît bien, sans avoir besoin de renseigner auparavant des tas d'informations inutiles. De plus, ça peut se faire n'importe où, n'importe quand, c'est assez pratique de pouvoir emporter ses personnages partout avec soi. Il y a néanmoins d'autres méthodes, tu peux par exemple créer des fiches personnages (beaucoup de sites de conseils en proposent, je peux te donner le lien d'un exemple si tu veux). Sur la page web www.librinova.com/blog/comment-creer-un-personnage-de-roman-passionnant, une méthode assez intéressante est développée, je t'invite à aller voir.
Une fois le caractère d'Everly bien déterminé, tu pourras le transmettre au lecteur en détaillant ses réactions émotionnelles, mais aussi ses pensées – car c'est quelque chose qui m'a manqué aussi, on ne la voyait pas réfléchir, peser les informations, tenter de comprendre... C'est pourtant essentiel pour entrer en empathie avec le personnage : en le voyant réfléchir à l'intrigue, on comprend sa vision des choses et les raisons de ses décisions. C'est grâce à cela que tu peux créer des personnages qui agissent de façon étrange : si leurs pensées sont suffisamment développées pour paraître réelles aux yeux du lecteur, ce dernier comprend leurs raisons et peut même partager leurs décisions.
Il faudrait à mon avis développer aussi les relations qu'entretient Everly avec son entourage. Au collège/lycée, elle a toute une tripotée de meilleurs amis, plus Brandon dont elle est amoureuse ; cela fait beaucoup de gens, pourtant l'intrigue donne l'impression qu'Everly ne remettra quasiment plus les pieds en cours et que tous ces personnages ne serviront à rien. C'est assez dommage de présenter autant de personnages s'ils ne jouent aucun rôle par la suite ; peut-être pourrais-tu ne mentionner qu'une amie d'Everly (en précisant qu'elle en a d'autres, mais sans donner leur nom pour ne pas donner l'impression qu'elles auront leur importance) ? De plus, développer la relation aux personnages existants serait une bonne idée. On ne sait pas pourquoi Everly aime Brandon (que ce soient des raisons physiques ou morales, peu importe, si pourquoi elle est amie avec toutes ces filles... Connaître la relation entre deux personnages est un bon moyen de les comprendre, mais aussi de les rendre vivants : non seulement on peut les voir agir, mais en plus ils interagissent ! On les voit donc discuter, penser l'un à l'autre... L'idéal pour se les représenter !
Pareil pour les relations à sa famille ; elles mériteraient d'être plus développées, surtout qu'Everly va s'en aller pour elle ne sait combien de temps. Elle devra donc leur dire adieu/au revoir et ce genre de scène est toujours plus poignante lorsqu'on connaît la nature des relations entre les personnages. D'ailleurs, le personnage du père me semble bien construit – même s'il mériterait d'être développé, il m'a paru vrai, assez loin des clichés – le genre auquel on s'attache vite.
Je vais maintenant parler de points un peu plus flous, dont je ne suis pas certaine vu que je n'ai pu lire que deux chapitres, mais ce sont deux enjeux que l'histoire me laisse deviner.
Tout d'abord, la construction de l'intrigue. J'ai pour l'instant l'impression que certains points sont assez flous ; le déroulement de l'intrigue jusque ici me donne l'impression qu'ils n'ont pas été réfléchis. Bien sûr je peux me tromper et il se peut que l'explication arrive plus tard dans l'histoire, mais le fait que ces points aient été abordés sans justifications de la part de Jameson, qu'Everly ne se soit pas interrogée à ce sujet et qu'il n'ait jamais été dit qu'on allait y revenir a engendré chez moi l'impression qu'ils ne seraient jamais expliqués dans l'histoire. Ainsi, j'ai trouvé plusieurs éléments assez étranges :
▸ Jameson dit à Everly qu'elle est l'élue, parce que l'organisation de la Colombe Noire l'a choisie, mais pourquoi ? Sur quoi se sont-ils basés, qu'ont-ils détecté en elle ? Elle ne vient pas de leur monde, elle ne connaît pas les enjeux... pourquoi la choisir elle ?
▸ D'où viennent les pouvoirs que lui prête Jameson, comment les a-t-elle obtenus si elle est originaire du monde des humains ? Et si ce n'est pas le cas, si elle vient du royaume des elfes, que fait-elle dans le monde des humains ?
▸ Pourquoi Jameson – qui est un adolescent et n'a pas l'air spécialement dégourdi vu le temps qu'il met à reconnaître Everly... – a-t-il été chargé de retrouver Everly et de la ramener dans le royaume des elfes ? Pourquoi ne pas désigner un de ses parents, ou un membre de l'organisation elle-même ? À moins que ses parents ne fassent partie de l'organisation, mais dans ce cas pourquoi ne pas l'avoir précisé ?
▸ Pourquoi Everly doit-elle vivre dans le monde des elfes ? Et pourquoi ceux-ci se soucient-ils d'effacer la mémoire de ses parents, qu'est-ce que ça peut leur faire qu'ils se souviennent ou non d'Everly ? Pourquoi effacer leur mémoire et pas celle des amis d'Everly ?
En s'accumulant, ces questions finissent par donner l'impression que l'intrigue a été décidée à la va-vite et non réfléchie en profondeur. Je te conseille donc de réfléchir aux réponses si cela n'a pas déjà été fait, et de les intégrer dans le texte grâce à des questions d'Everly : cela rendra l'histoire plus crédible – tant du point de vue de l'intrigue que de la cohérence des réactions des personnages – et cela te donnera l'occasion d'enrichir ton intrigue.
De plus, je pense que les enjeux de l'histoire mériteraient d'être mieux définis. Empêcher la Grande Guerre, d'accord, mais pourquoi ? Quelles conséquences néfastes cela pourrait-il avoir sur le royaume des elfes, sur Everly elle-même ? Et comment Everly peut-elle le faire, qu'apporte-t-elle au combat contre l'organisation d'Azad ? Bien sûr, tu n'as pas forcément l'occasion en deux chapitres de développer tout cela ; mais à mon avis donner la réponse à une de ces questions, ou la suggérer par des questions que se poserait Everly, rassurerait le lecteur sur le fait qu'il finira par avoir sa réponse.
Le problème de ne pas préciser cela est qu'on ne sait pas ce que va affronter Everly ni quel but elle s'est fixé, si bien que si elle doit prendre une décision, on ne pourra pas vraiment réfléchir avec elle (puisqu'on ne saura pas ce qu'elle veut ni ce qui peut faire obstacle) donc on se trouvera coincé dans un rôle de spectateur incapable de réfléchir à l'intrigue et contraint de la suivre de loin. Or montrer Everly prenant des décisions est vraiment important : si elle se contente de faire ce qu'on lui dit sans jamais réfléchir par elle-même, suivre son point de vue ne sera pas très intéressant... (Je ne dis pas que tu dois la rendre moins docile, hein, c'est un trait de caractère comme un autre pour un personnage ; je pense juste qu'il faut qu'on la voie à plusieurs reprises prendre des décisions cruciales, car en tant que lecteur suivre un personnage passif est frustrant : on finit par vouloir se projeter plutôt dans l'esprit de ceux qui décident.)
De plus, ne pas savoir ce que veut Everly et ce qu'elle risque peut désengager le lecteur de l'histoire : s'il en vient à ne pas comprendre pourquoi les personnages agissent de telle façon, il se sentira moins impliqué dans leurs échecs comme dans leur réussite, pourra ne pas comprendre en quoi tel évènement est une bonne nouvelle ou une catastrophe... Pour que ton lecteur vive l'histoire en même temps qu'Everly, qu'il partage ses moments de joie, de peur, de colère, de souffrance, la description de ses émotions est certes importante, mais la compréhension profonde de l'intrigue aussi.
Bien entendu, n'ayant lu que deux chapitres, je ne peux absolument pas affirmer que cela se produira puisque je ne sais pas quel tour prendra l'intrigue. Mais ces deux chapitres me donnent l'impression que les motivations d'Everly et les enjeux de l'intrigue risquent d'être assez opaques au cours de l'histoire, car c'est ce qu'ils sont pour l'instant.
Le deuxième « point un peu flou » est l'originalité de l'histoire. Je crois qu'on te l'a déjà dit mais pour l'instant peu d'éléments se distinguent. Everly et Jameson se rapprochent des classiques de l'élue aux grands pouvoirs et du mec qui vient la chercher dans son monde (même si Jameson est nettement moins insupportable que pas mal de personnages de son genre, il faut bien le dire...). Les autres personnages ne sont pas vraiment explorés donc ils ne contrebalancent pas cette impression, même si tu tiens un bon début avec le père d'Everly qui semble un peu atypique comme personnage – n'hésite pas à développer cela.
Pour ce qui est des évènements, on ne sort pas vraiment des clichés non plus. La préface nous présente une scène de combat assez classique avec Jameson qui prend le coup pour Everly, les phrases grandiloquentes et les bravades ; dans les deux premiers chapitres, on a la présentation d'une journée de cours d'Everly, la rencontre avec Jameson qui la kidnappe presque – et ce sans qu'elle n'oppose aucune résistance –, la révélation du fait qu'il existe un autre monde, avec de la magie, qu'Everly est « l'élue » et devra se battre pour ce monde contre une organisation qui ne semble pas avoir d'autre but que le contrôle du monde, l'obligation de devoir quitter sa famille...
Pour l'instant, dans les personnages et les évènements, peu de choses se démarquent. Je ne sais pas ce qui adviendra par la suite, il se peut que tu t'éloignes totalement de ce qu'on attend d'une histoire avec ce début ; mais dans ce que j'ai lu, il n'y a pas vraiment d'éléments qui laissent penser cela. Si tu prévois une tournure de l'histoire plus originale, ce n'est à mon avis pas très stratégique de commencer par ce début car les lecteurs en quête d'originalité, qui seraient donc ton public-cible, risquent de cesser de lire avant d'arriver au tournant. Introduire dès le départ des éléments prouvant une intrigue et/ou des personnages originaux serait donc une bonne idée.
Bien sûr, tu fais ce que tu veux et tu n'es pas obligée d'écrire dans le but que ton histoire soit originale. Mais je te conseille tout de même de ne pas faire l'inverse : t'inspirer de Gardiens des cités perdues ne me semble absolument pas un problème (tant que tu ne souhaites pas faire éditer l'histoire, je suppose) mais à mon avis il ne faut pas non plus que cela prive ton histoire de son originalité, de sa personnalité. Quand je dis « personnalité », j'entends tous les éléments qui traduisent que ton histoire vient de toi, qu'un autre n'aurait pas pu l'écrire de cette façon parce que tu y as introduit des enjeux, des personnages, des scènes qui sont importants pour toi, qui correspondent à ce que tu aimes écrire. Et, si l'originalité est un concept assez fluctuant (puisqu'il dépend des autres écrits), la « personnalité » d'une histoire est pour moi un indicateur plus solide – même s'il est bien plus subjectif – et plus intéressant à obtenir, car il signifie que l'histoire sera « véritablement » ta création ; ainsi elle pourra te parler, et parler à tes lecteurs.
J'ai conscience que ce que je dis n'est pas forcément très clair, c'est quelque chose que je trouve assez difficile à expliquer ; mais l'idée est simplement de ne pas brider tes envies pour correspondre à Gardiens des cités perdues (ni aux attentes supposées de tes lecteurs, ni à quoi que ce soit qui ne soit pas une exigence interne à l'histoire comme la cohérence). Il est difficile – voire contre-productif – de se forcer à écrire une histoire qui nous soit propre, mais c'est normalement quelque chose qui vient naturellement lorsqu'on n'essaie pas d'écrire ce que voudrait quelqu'un d'autre. Or ici, je dois dire que cette histoire m'a semblé manquer de cette personnalité. C'est assez difficile à affirmer, mais cela me donne l'impression que tu as trop essayé d'écrire un texte qui correspondrait à d'autres attentes que les tiennes, ou que tu as décidé de ne pas trop te casser la tête pour le début de l'histoire et de t'inspirer de ce que tu voyais ailleurs.
Ce n'est qu'une simple impression, je n'ai aucune idée de si elle est fondée ou non – et d'ailleurs ta façon d'écrire ne regarde que toi, je n'ai pas à la juger. Si j'en parle, c'est parce que cela s'est répercuté négativement sur mon expérience de lectrice : je n'ai pas eu l'impression de lire quelque chose qui t'était propre, je ne voyais pas ce qui distinguait l'histoire de la majorité de celles que j'ai lues/commencées dans le même genre. Le problème est que je me suis donc mise à « combler les trous » de l'histoire par des clichés de la fantasy : lorsque je ne comprenais pas quelque chose, je me disais que l'explication devait venir de tel cliché... Par exemple, quand Everly dans le bus écoute des filles parler de leur soirée pyjama et les regarde « d'un air ennuyé », je n'ai pas compris pourquoi donc je me suis automatiquement dit « OK, le personnage habituel, timide, n'aime pas les soirées ni les filles qui y participent... » C'est un peu dommage de pousser le lecteur à se reposer sur des clichés : certes, c'est donc plus facile de le surprendre, mais cela peur aussi le pousser à se lasser de sa lecture.
Néanmoins, tous les éléments de l'intrigue n'étaient pas attendus et certains me semblent prometteurs. La plage dont tu dis qu'il s'y passe des choses étranges m'intrigue même si je ne l'ai pas encore vue apparaître dans l'histoire, sauf brièvement chez Jameson, et je trouve l'idée bien trouvée, originale. Et j'ai beaucoup aimé l'irruption du cheval de feu ! Même si comme on te l'a dit la scène mériterait d'être détaillée, on voit rarement ce genre d'animal ; cela change agréablement et donne l'impression que tu as réfléchi à ton univers. De plus, j'ai trouvé la fin de la scène, quand le cheval s'éloignait, assez visuelle avec la comparaison de la crinière à un feu de cheminée. N'hésite pas à intégrer d'autres éléments semblables à ton univers.
Il me reste quelques remarques que je n'ai pas su où caser, je te les mets ici en vrac :
▸ Il faudrait à mon avis expliquer un peu mieux pourquoi Jameson ne reconnaît pas Everly. On est en plein jour, il a regardé sa photo pendant tout un trajet en bus la veille et elle est juste devant lui. De plus, qu'est-ce qu'il fait dans son quartier s'il ne s'attend pas à la croiser ?
▸ Au niveau des noms de ton univers de fantasy, je te déconseille les noms en anglais comme « The upset Prince » : voir un nom en anglais dans un autre monde n'est pas très logique puisqu'il n'y a aucune raison que les langues de ce monde correspondent aux langues terriennes, qu'il y ait aussi de l'anglais et du français. Qu'Everly comprenne la langue parlée par Jameson et ses parents, bon, ça n'est pas très cohérent mais c'est quelque chose que l'on peut accepter en tant que lecteur si on n'y pense pas trop ; mais voir surgir un nom en anglais nous rappelle sans cesse cette incohérence en nous poussant à nous questionner sur les langues... Bref, je ne te le conseille pas. En revanche, j'aime bien le nom « La colombe noire » que je trouve assez beau, je me demande comment il a été choisi par tes personnages.
EN CONCLUSION
Je suis consciente que cet avis n'est pas très positif et j'espère qu'il ne te découragera pas d'écrire la suite de ton roman car cette histoire mérite d'être racontée. Elle a certes quelques défauts, mais rien qui ne puisse disparaître grâce à une réécriture ; après tout, tu m'as dit toi-même que tu t'es améliorée dans ta façon d'écrire depuis que tu as écrit ce début (j'espère que mes conseils là-dessus te seront tout de même utiles, d'ailleurs...).
Je te conseille donc de ne rien lâcher et de poursuivre l'écriture de cette histoire (sauf bien sûr si elle ne te parle plus : l'idée n'est pas non plus de se forcer). Pour savoir dans quelle direction aller, tu peux – mais ce n'est absolument pas obligatoire – faire quelques plans sur ton intrigue en essayant d'en déterminer les grandes lignes. Cela ne t'assurera pas de toujours savoir quoi écrire mais te permettra de savoir quels passages sont utiles à l'intrigue, et donc quelles idées de chapitres valent le coup. Pour cela, tu peux noter tout ce que tu sais sur ton intrigue au moment où tu t'es arrêtée, chercher les raisons de chacun des éléments jusqu'à ce que les motivations de chaque personnage soient totalement claires, puis te demander ce qu'ils feraient dans cette situation, avec le but qu'ils se sont fixé et les informations dont ils ont connaissance.
Si tu cherches des conseils plus développés et sans doute plus pertinents (je ne dis pas que les miens sont nuls, mais ils fonctionnent pour moi et je ne sais pas dans quelle mesure ils sont universels), je te conseille le site www.aproposdecriture.com qui propose plusieurs articles assez intéressants. Mais je te conseille aussi et surtout de faire tes propres recherches, tes propres expérimentations, pour comprendre quelle méthode d'écriture te convient.
J'ai cru comprendre que tu comptais réécrire cette histoire et je te souhaite bon courage pour cela. N'hésite pas à revenir vers moi si tu as des questions !
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