L'Article 13 ou l'Auberge du daguet - ZazaofAuffes [Concours d'une feuille]

Bon, faut rappeler que mon avis est tout à fait subjectif, même si bien sûr je m'efforce d'interroger mes ressentis afin de pouvoir formuler des remarques un minimum constructives, donc si tu n'es pas d'accord mets un commentaire pour protester poliment/m'engueuler. Pareil si quelque chose ne te semble pas clair, si tu as des questions, besoin d'un conseil ou que sais-je ! Si tu veux connaître tes notes après l'annonce des gagnants, signale-le et je te les transmettrai !


Les deux titres permettent, en théorie, d'introduire l'ensemble de la nouvelle : d'un côté l'auberge du daguet qui est le cadre dans lequel la majorité de l'action se déroule, de l'autre la répression des migrants avec l'article 13. Le premier correspond très bien à l'histoire, l'auberge en est un élément central et les daguets font d'autres petites apparitions dans la nouvelle comme avec les bois autour de la cheminée ou la chasse dans le premier chapitre. Pour l'article 13, s'il est effectivement lié à l'histoire par la postface, c'est pas évident dès le départ (si je l'avais pas vu et revu dans la cuisine de mamie, j'aurais pas su à quoi il faisait référence). Pour cette raison, je pense que tu aurais pu le mettre en introduction de l'histoire, même s'il fonctionne très bien en conclusion-coup de poing. Chipotage mis à part, c'est un titre qui dégage pas mal de mystère et donne envie de lire l'histoire, ne serait-ce que pour comprendre quel rapport il peut y avoir entre un article et une auberge.

La couverture est très jolie, la photo est belle et les polices choisies s'harmonisent bien avec, surtout celle du titre. Je pense que le titre aurait pu prendre un peu plus de place, il a l'air très secondaire sur la couverture (tout en bas, et on sent qu'il est placé ici pour ne pas gêner l'image) alors que c'est l'un des éléments qu'on devrait voir en premier. De plus, si l'image est belle, c'est le choix de la facilité puisqu'elle était imposée (je critique pas en soi, j'ai fait la même chose, mais ça me semble juste de récompenser chez les autres participants le fait d'avoir fourni plus de travail sur le choix de l'image), et comme l'histoire ne colle pas vraiment au thème, la couverture non plus. Je pense que tu aurais pu choisir une photo qui corresponde mieux comme une auberge, un village un peu caché, un camp de réfugiés... Une image qui représente une scène cruciale de l'histoire ou qui évoque un de ses thèmes principaux.

Le résumé introduit correctement l'histoire, les enjeux sont posés et on sait où l'on met les pieds. Je n'y ai pas vu de fautes, si ce n'est pour chipoter l'absence de majuscule à « État » dans « fonctionnaire d'état », en revanche je pense que tu aurais pu couper le résumé en paragraphes pour mieux l'aérer (aller à la ligne après la première phrase pour qu'elle ait plus d'impact par exemple). De plus, il me semble un peu décousu : on nous parle d'abord de l'Empire de France et de la façon dont il traite ses étrangers, puis d'une inspectrice, puis d'une auberge, sans que ces trois éléments ne soient vraiment liés. Je pense que tu pourrais reformuler la deuxième phrase par quelque chose comme « C'est dans ce contexte que l'Inspectrice Abrasin, fonctionnaire d'État irréprochable est dévouée, est chargée par Le Gard, secrétaire d'Etat chargé de la Sécurité et de la Simplification, d'une mission qui la conduit à l'Auberge du daguet » : sans pour autant donner plus d'informations, le résumé me semblerait ainsi moins décousu. Sur le fond en revanche, les informations données introduisent l'histoire et attisent la curiosité sans trop en dire : pour moi c'est parfait.

Je n'ai presque pas vu de fautes d'orthographe, de grammaire ou de syntaxe, si ce n'est deux-trois erreurs d'inattention que j'ai signalées lorsque je suis tombée dessus. Pour la mise en page, les tirets utilisés ne sont pas exactement les bons, il faut les cadratins (—) pour les dialogues et les demi-cadratins (–) pour les « parenthèses », mais ça n'a pas beaucoup d'importance. Une ou deux fois également, tu utilisais les guillemets anglais au lieu des français, mais encore une fois c'est un détail et en-dehors de cela, je n'ai rien à redire sur la mise en page.

Le lien au thème en revanche me semble trop ténu. L'image apparaît dans une scène du chapitre 1, certes, mais elle n'y joue pas un rôle crucial. Si on enlevait au texte cette scène et toute les mentions d'un daguet, cela ne changerait ni l'intrigue, ni les personnages, ni l'atmosphère dégagée. Pour correspondre au thème, il aurait fallu que l'image ait un rôle important dans l'intrigue ; on pourrait imaginer l'inspectrice croisant un daguet lors de sa filature, qui la mettrait sur la piste ou tenterait au contraire de l'écarter pour protéger le village... Il aurait été aussi possible de jouer sur l'ambiance de l'image pour la retranscrire dans le texte.


Malgré la cruauté de sa fin, j'ai beaucoup aimé cette nouvelle. J'ai trouvé des choses à redire sur deux ou trois points mais dans l'ensemble, je la trouve bien écrite et très bien pensée.


Je pense qu'il manque un peu de lien entre le chapitre 1 et les deux suivants. Dans le 1 on a le témoignage d'un migrant exilé au Niger puis l'intervention d'un type imbuvable ; dans le 3 on change complètement de décor, et a priori on ne se trouve ni au Niger, ni dans la ville de Le Gard. Les seules choses qui font le lien entre ces deux éléments, ce sont les daguets et le traitement des réfugiés – et même, il n'est pas dit dans les deux derniers chapitres que les personnes qui trouvent refuge à la Douve sont des exilés.

Le fait que Le Gard donne des ordres par téléphone et que l'inspectrice Abrasin donne ses informations à sa hiérarchie par le même moyen laisse penser qu'il lui a donné cette mission, bien sûr, mais c'est surtout grâce au résumé qu'on le sait. Plus généralement, pas mal d'informations données dans le résumé ne sont pas mentionnées dans l'histoire ou y sont bien moins explicites. Le titre de Le Gard, par exemple, n'apparaît pas dans la nouvelle. Il serait pourtant intéressant d'y faire figurer ce genre d'informations – j'y reviendrai, mais cela donnerait plus de consistance à l'univers. (Et en général, si une information est pertinente dans le résumé – que ce soit parce qu'elle facilite la compréhension du contexte de l'histoire ou parce qu'elle donne envie de la lire –, elle l'est sans doute dans l'histoire pour la même raison...)

Pour en revenir au lien entre les chapitres, ça me semblerait plus clair de faire apparaître (en personne ou dans les pensées d'un autre personnage) l'inspectrice Abrasin dans le premier (par exemple avec une scène où Le Gard lui explique sa mission, ou choisit de l'engager elle) et/ou à l'inverse Le Gard dans l'un des suivants (par exemple lorsqu'elle lui fait son rapport). En plus de renforcer le lien entre les chapitres, cela permettrait de voir les personnages sur un autre jour, ce qui est toujours enrichissant (la narration pour Le Gard est plutôt interne, ce qui fait qu'on ne sait pas à quoi il ressemble de l'extérieur ; pour Abrasin, on en a une idée plus claire car on la voit surtout de l'extérieur, mais savoir ce que Le Gard pense d'elle serait toujours intéressant et permettrait de mettre ses compétences d'enquêtrice en avant).

J'ai beaucoup moins de certitude sur cette suggestion (de toute façon faut pas trop me prendre au sérieux, je balance des trucs et je te laisse trier le bazar) mais peut-être qu'il serait pertinent de faire lire à Le Gard un témoignage d'un travailleur de l'atelier de l'auberge, plutôt que (ou en plus de) celui d'un immigré envoyé en camp de travail au Niger. Cela permettrait de resserrer l'intrigue en nouant tous les fils, tous les éléments à l'auberge du daguet, ce qui est en général souhaitable dans une nouvelle (définie en partie par le fait qu'on se concentre sur l'intrigue principale au lieu de développer des intrigues secondaires). D'un autre côté, je ne vais pas nier présenter différents destins d'immigrés dans cet Empire de France ; mais la façon dont c'est réalisé est peut-être trop dissymétrique, d'un côté une intrigue entière avec plusieurs personnages, des mystères, une résolution, de l'autre un témoignage de quelques paragraphes...

Je trouve néanmoins que tu as réussi à placer des fils rouges qui assurent que, malgré la « cassure » dans l'intrigue après le chapitre 1, on lit toujours la même histoire. Le traitement des étrangers par l'Empire en était un, mais aussi les daguets qui allaient et venaient dans l'histoire, sans raison apparente. (C'est aussi pour ça que je te conseillais plus haut de leur faire jouer un rôle dans la résolution de l'histoire.) Cela n'empêche pas les cassures dans l'atmosphère, j'ai trouvé ça assez frappant entre les chapitres 1 et 2.


J'ai trouvé le personnage de Le Gard très bien introduit. Le premier paragraphe qui lui est consacré résume sa personnalité en quelques lignes : il sourit en lisant un témoignage horrible, pas par sadisme (il semble totalement indifférent à la souffrance contenue dans le texte) mais plutôt par conscience professionnelle, il peut accomplir sa « tâche » (dont on peut déjà se faire une vague idée) en toute quiétude ; il méprise ceux qui espèrent que son pays est capable d'un minimum d'humanité. On peut déjà supposer qu'il s'est retrouvé là par opportunisme et par une capacité à suivre les ordres sans s'embarrasser de considérations morales.

La suite ne fait que confirmer cette impression : affreusement cynique, avec en plus une bonne dose de vanité. C'est un connard sans nuances, mais on n'a pas franchement besoin de nuances : il est tout à fait crédible dans son rôle. Je vois difficilement quel type de personnalité aurait pu mieux convenir à ce boulot tout en restant réaliste...

Il y a juste un passage qui m'a paru un peu maladroit au niveau de son personnage dans ce chapitre : le moment où il admet tranquillement que les épidémies pullulent et ne s'y attarde pas. Le reste de son discours a sa logique (une logique tordue, qui repose sur des principes immondes et met de côté une grosse partie de la réalité pour ne pas s'effondrer, mais une logique tout de même) ; ici, en revanche, il décèle une faille dans l'ensemble de son argumentation et n'y fournit aucune réponse. Il m'aurait semblé plus cohérent qu'il y soit aveugle (qu'il crie au complot ou se persuade que ça ne durera pas et qu'il faut virer plus d'immigrés pour endiguer les épidémies), qu'il cherche un coupable ou qu'il réponde par une solution, même très bancale, comme il le fait avec les cliniques privées pour contrer la déchéance de l'hôpital public. Que son argumentation ait des failles pour le lecteur, c'est plutôt normal, mais qu'elle en ait à ses propres yeux, ça me semble contraire au personnage.

Mais bon, je chipote pas mal. J'ai beaucoup aimé la façon dont tu construis son personnage, caricatural et réaliste à la fois, et l'ironie qu'on sent tout au long du chapitre. Le moment où il compare la chasse au daguet à sa propre chasse à l'homme est glaçant et s'intègre très bien à sa façon de penser.


Pour Abrasin, on est moins proche d'elle puisque tu ne nous places pas de son point de vue. Cela permet de garder un mystère complet sur son but au début du chapitre 2, et de dissimuler ses intentions jusqu'à la fin du chapitre 3. Cela permet aussi de décrire les scènes d'un point de vue plus général tout en se rapprochant d'Abrasin quand c'est nécessaire ; comme le but n'est sans doute pas la proximité émotionnelle avec elle mais plutôt ce qu'elle découvre, et que montrer sa personnalité de l'intérieur comme tu le fais pour Le Gard n'apporterait pas la même chose (elle n'a pas du tout l'air d'agir pour les mêmes raisons que lui), c'est un choix tout à fait pertinent, d'autant que ça permet d'introduire le chapitre 2 d'une façon amusante et révélatrice à la fois – on sent dès le départ qu'il faut se méfier d'elle.

Je pense que ce mode de narration aurait pu être plus poussé encore. Quitte à ne pas voir les choses du point de vue d'Abrasin mais d'un narrateur extérieur, autant profiter de ce que sait le narrateur et, s'il peut se glisser dans la tête d'un chien, il doit être capable de faire la même chose avec un humain. Pourquoi ne pas montrer ce que les autres randonneurs pensent d'elle ? Est-ce que son kit de la parfaite randonneuse fonctionne ou est-ce qu'il la rend suspecte ? Est-ce qu'elle se fait remarquer à force de regarder autour d'elle sans en avoir l'air ou est-elle assez douée pour passer inaperçue ? Ça ne dévoilerait pas la fin de l'histoire et ça permettrait de rendre la scène plus réelle, on pourrait s'imaginer l'ambiance dans la salle et avoir vraiment l'impression d'être là.

Je pense aussi qu'il serait intéressant d'introduire, dès le chapitre 2, ce qu'elle pense de l'Empire et de son travail. Lorsqu'elle découvre le village, le narrateur nous dit qu'une grande bataille se livre en elle, qu'elle réfléchit vraiment pour la première fois au bien-fondé de son travail. Mais en tant que lecteur, c'est difficile de ressentir ce bouleversement, parce qu'on ne sait pas d'où il commence : avant ce paragraphe, on ne pouvait pas savoir ce que pensait Abrasin de sa mission. On la voyait simplement penser à ce qu'il fallait faire, mais on n'avait accès à aucune émotion de sa part, ni à des pensées plus générales. Avec un narrateur interne qui rapporterait l'histoire du point de vue d'Abrasin, cette absence serait déjà une réponse en soi et suggèrerait qu'elle aurait tout simplement enfoui ses émotions et pensées déviantes. Mais ici, difficile de savoir s'il n'y a vraiment rien ou si le narrateur décide juste de ne pas nous en faire part.

Avec un narrateur de ce type, j'ai tendance à penser que les évènements qui se déroulent autour d'Abrasin, les discussions auxquelles elle participe, pourront donner plus d'informations. Par exemple, le moment où elle visite l'atelier pourrait permettre de constater qu'elle essaie de ne pas penser à ce qu'elle fait si on la voit détourner le regard ou se répéter qu'elle ne fait que son travail ; elle peut pousser un peu plus loin sa réflexion (ou au contraire s'interdire de le faire) lorsqu'elle se dit que pour avoir réussi à descendre la falaise avec des enfants, ils doivent être déterminés ; elle peut participer à (ou simplement surprendre) une conversation entre randonneurs au sujet des agissements de l'Empire ; elle peut évoquer, pour choisir sa stratégie, la façon dont elle s'y est prise pour une autre mission et repenser en même temps à des souvenirs plus désagréables... Le texte ouvre pas mal de possibilités !

Je trouverais intéressant aussi de développer la façon dont elle fait son choix. On nous dit que la Douve touche en elle une corde sensible, mais qu'elle privilégie la loyauté avant tout ; il serait intéressant, pour comprendre jusqu'au bout son dilemme, de comprendre pourquoi – quelle corde sensible, pourquoi la Douve précisément et rien de ce qu'elle n'a vu avant, pour quelle raison la loyauté à des crapules est si importante pour elle... Sans précisions, le dilemme paraît à mon sens un peu trop artificiel : on sent que tout est agencé pour servir l'histoire, qu'en réalité le libre-arbitre d'Abrasin ne joue aucun rôle – et, même si c'est la réalité, l'illusion que les personnages prennent réellement leurs décisions rend l'histoire plus réelle.

Malgré cela, j'ai trouvé intéressant de voir Abrasin hésiter jusqu'à la dernière seconde ; même si on ne comprend pas précisément ce qui l'a poussée à choisir de dénoncer la Douve, les éléments cités plus haut permettent de se faire une vague idée de la réponse. La tension juste avant la fin est vraiment bien maîtrisée, on sent que tout peut basculer au dernier moment et le dernier mot tombe comme un couperet : c'est cruel, mais ça marche très bien.


J'aime beaucoup l'univers que tu crées autour de l'auberge du daguet. On ne s'y attarde pas beaucoup et tu ne donnes que quelques détails, mais ils suffisent à lui donner de la vie. Le chien est pour cela très bien trouvé, il nous introduit doucement dans le lieu. L'anecdote sur le fait qu'il a peur de tout, en plus de renseigner sur Abrasin, rend le lieu d'emblée plutôt chaleureux et accueillant. L'évocation des randonneurs et de l'atmosphère de la salle, plus loin, ne fait que confirmer cette impression et la nature autour la renforce encore : l'auberge du daguet apparaît tout de suite comme un lieu vivant.

J'ai constaté la même chose, en inversé, avec le témoignage au début de la nouvelle : en quelques lignes, on sentait l'impuissance du personnage, l'incertitude pendant qu'il est dans l'avion, le désespoir et la fatalité ensuite. C'était glaçant, encore plus lorsqu'on savait que c'était un témoignage : le fait qu'il soit écrit au présent, avec une telle impression d'immédiateté, donnait l'impression que le personnage revoyait la scène en permanence comme si elle était encore en train de se dérouler, qu'il ne pouvait jamais y échapper. Je ne sais pas si c'était volontaire, mais j'ai trouvé l'effet assez violent en y repensant.

Les deux premiers chapitres jouent finalement pas mal sur les contrastes : le premier avec la rupture entre le témoignage poignant et le point de vue cynique de Le Gard ; le deuxième d'abord avec l'ambiance de l'auberge qui tranche sur la dureté du premier chapitre, ensuite avec cette même dureté qui se rappelle à nous dans l'atelier des travailleurs. Les atmosphères s'opposent, tranchent les unes sur les autres sans nuire à la cohérence de l'ensemble ; encore une fois, je ne sais pas si c'est voulu, mais l'effet est saisissant et permet de faire monter la tension.

C'est quelque chose que je te conseillerais de poursuivre dans le troisième chapitre, avec la description de la Douve : je dois dire qu'elle ne m'a pas trop fait d'effet, je n'ai pas trouvé que le village dégageait une ambiance particulière et, étant donnée sa place centrale dans l'intrigue, ça me semble un peu dommage. C'est un refuge, c'est l'endroit qui fait vaciller les idées d'Abrasin et qu'elle finit par détruire ; il me semblerait pertinent de permettre au lecteur de s'y imaginer, de le rendre vivant lui aussi. Peut-être que le guide parle trop par rapport aux descriptions qui sont faites ; si certains des éléments qu'il décrit à voix haute étaient montrés au lecteur à travers des descriptions du village, il semblerait à mon avis plus réel. Cela permettrait également au lecteur d'être plus proche d'Abrasin lorsqu'elle hésite à dénoncer le village, puisqu'on sentirait mieux l'effet qu'il a sur elle.

Malgré cela, j'ai beaucoup apprécié le travail sur les lieux et les descriptions : le texte est très bien écrit, d'une façon fluide qui permet de s'immerger facilement dans l'histoire, et certains lieux ou ambiances m'ont paru vraiment réalistes, on aurait pu s'y plonger !


Au sujet de la façon dont tu nous montres cet avenir de la France, j'avoue avoir été un peu frustrée par moments, j'avais l'impression que tu nous montrais des fragments d'une image globale que je n'arrivais pas à reconstituer. On sait que le gouvernement renvoie certains étrangers et dissidents politiques dans des camps hors de France, d'autres dans des ateliers français, mais on ne sait pas sur quelle base le tri s'effectue, ni s'il y a d'autres destinations possibles... Cela fait partie du boulot de Le Gard, on suppose que c'est dans le but de stopper l'immigration, mais pourquoi des camps de travail plutôt qu'un assassinat de masse, si le but est de dissuader ? Et pourquoi au Niger si c'est en France qu'ils essayaient d'entrer ou étaient entrés ? Cela reste assez flou et, si on saisit globalement ce qu'il se passe, j'ai eu du mal à comprendre vraiment.

Pareil pour le régime en lui-même : on est passé d'une république française à un Empire de France en seize ans, ce qui suppose tout de même des transformations importantes en peu de temps, mais on n'a pas la moindre idée de comment cela s'est fait et les personnages, qui ont l'air d'avoir nettement plus de seize ans, ne pensent pas à la France d'avant, aucun n'évoque ces bouleversements alors qu'ils ont dû être assez importants pour avoir un impact sur leur vie... Le Gard est secrétaire d'État à la Sécurité et à la Simplification, ça suppose un régime très tourné vers la propagande et son chapitre le confirme, son boulot semble centré sur la censure... Pourtant je n'ai pas trouvé qu'on voyait l'impact de cette propagande chez les autres personnages. Le gardien de l'immeuble semble avoir parfaitement conscience que c'est la disparition des travailleurs immigrés qui a causé tous ces dysfonctionnements et on ne peut pas plus constater ses effets à l'auberge du daguet, où les randonneurs, la patronne et Abrasin n'en parlent pas. La « loyauté » d'Abrasin vient peut-être justement de cette propagande, mais le fait que ce soit présenté comme quelque chose de personnel par le narrateur (c'est une valeur qu'ELLE met au-dessus de tout) m'en fait douter... Encore une fois les choses sont assez floues.

Donner plus d'informations au lecteur lui permettrait de se faire une image globale assez fiable de ton Empire, ce qui le rendrait plus concret et plus facilement imaginable. Je pense qu'il serait intéressant d'en savoir plus sur ses valeurs principales (est-ce que la haine de l'étranger est au cœur de son existence, ou est-ce juste une conséquence d'autres « valeurs » ?). Étant donné la date très proche à laquelle tu le places, il serait peut-être intéressant aussi d'apprendre dans les grandes lignes comment il a été fondé (qu'est-ce qui a bouleversé le pays au point de changer la république en empire ?).

Néanmoins, je dois dire que j'aime beaucoup ce que tu montres des transformations de la société. Déjà le fait que la déportation des immigrés et la fermeture de leur accès aux prestations sociales ne soit pas une mauvaise nouvelle uniquement pour eux, mais aussi pour le fonctionnement du pays tout entier : ainsi, la nouvelle ne contredit pas seulement les théories xénophobes sur le plan humain mais aussi sur le plan logique. Le genre de texte qu'on rêverait de faire lire de force à ceux qui pensent que la santé publique peut fonctionner comme une entreprise ou que les immigrés volent le boulot des Français. Cela m'a d'autant plus marquée que certains propos de Le Gard font violemment écho à des discours qu'on entend aujourd'hui, à l'extrême-droite ou à la droite tout court (je pense surtout au laïus sur les gens qui n'ont qu'à « faire l'effort » d'aller se soigner dans une clinique privée). Bref sur ce point j'ai été entièrement convaincue. La nouvelle m'a semblé d'un réalisme grinçant pour cette partie de notre avenir.


J'ai beaucoup aimé cette nouvelle : la tension est bien gérée, les descriptions rendent vivants la plupart des lieux et des scènes et la vision politique qui y est présentée est beaucoup trop terrifiante pour être fausse. Je pense que certains éléments pourraient être améliorés en retravaillant le texte, mais ça reste une nouvelle très bien menée !

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