L'Arrache-Coeur - Imaginadream [Mélodie Boréale]
Quelques points que j'aimerais rappeler :
- Cet avis n'est justement qu'un avis, avec toute la subjectivité que ça implique. N'hésite pas à le croiser avec ceux d'autres lecteurs.
- Si je ne suis pas claire, n'hésite pas à me demander de préciser un truc ! De même, si tu n'es pas d'accord, sens-toi libre de protester ; et s'il te reste des questions, ou s'il y a des points que tu aurais aimé que j'aborde, je serai ravie d'y répondre.
- Toutes remarques que j'ai faites ne veulent pas dire que j'ai enlevé des points sur le barème. Notamment, si une critique me semble trop subjective, je la formule au cas où elle puisse t'être utile, mais je n'enlève rien pour cela.
- Les suggestions que je fais sont de simples suggestions, je ne vais pas t'ordonner de modifier ton texte ou je ne sais pas quoi : je ne fais que souligner une possibilité.
Voilà voilà, passons à l'avis !
Globalement, ta couverture est très réussie ! L'idée d'y mettre un cœur littéralement brisé est pertinente, ça aiguille à la fois sur le fait que ta nouvelle est centrée sur l'amour et sur l'interprétation littérale que se fait Dorian de l'expression « mon cœur t'appartient ». Tu as eu une idée excellente pour cette couverture !
Néanmoins, j'ai relevé quelques défauts dans l'exécution. Je trouve que la couverture semble un peu trop brouillonne, ce qui pourrait lui nuire. En effet, la forme du cœur me semble un peu trop floue ; si le regard est tout de suite attiré par lui, on ne comprend pas instantanément ce que c'est. Je pense que tu aurais pu faire quelque chose de plus net, d'incisif. De plus, je n'ai pas vraiment compris ce que représentaient les éraflures blanches sur la couverture, ni les lumières rouges. Si ces éléments n'ont pas d'utilité particulière, je te conseille de les enlever : ils détournent l'attention de la glace brisée à l'intérieur du cœur, c'est un peu dommage. La couverture reste très belle, mais elle semble faite un peu trop vite et les éléments pourraient être plus rapidement reconnaissables si le cœur était clairement dessiné et mis en valeur.
Le titre est écrit dans une police plutôt pertinente, elle est jolie et ne détonne pas avec l'histoire. Je pense toutefois que tu pourrais l'agrandir en plaçant « Cœur » une ligne en-dessous : comme la couverture est assez vide en-dehors du cœur, autant prendre le plus d'espace possible. De plus, si la police est globalement lisible, l'apostrophe me semble placé bien trop bas et le « h » un peu trop allongé peut paraître un « f », si tu as du temps à perdre je te conseille d'y remédier. Pour ce qui est du nom d'auteur, j'apprécie le fait qu'il ne prenne pas trop de place par rapport au titre tout en gardant une taille assez grande, mais je pense que tu aurais pu choisir une police plus nette et lisible, quitte à reprendre celle du titre ; je dois dire que je ne vois pas l'intérêt d'une police complexe pour cet élément.
Bref, ta couverture est belle et bien pensée, mais je pense qu'elle souffre d'un problème de lisibilité qui la rend un peu brouillonne, c'est dommage car l'histoire mérite qu'on s'y intéresse !
Ton titre emporte en revanche mon adhésion complète. (Allez, pour râler un peu : le « œ » n'est pas bon dans le titre « écrit » (je veux dire le titre à côté de la couverture, où tu as mis « oe ».) (Deuxième parenthèse : je ne sais pas si la ressemblance avec L'Attrape-cœurs est voulue puisque je n'ai pas lu ce livre ; après avoir lu le résumé sur Wikipédia j'y vois peu de ressemblances mais n'hésite pas à me dire si c'était intentionnel.)
Déjà parce qu'il donne vraiment envie de lire : il intrigue, la juxtaposition de la violence et de l'amour aiguille sur le type d'histoire qu'on va lire et attise l'intérêt. De plus, je trouve qu'il y a quelque chose de puissant dans l'idée d'« arrache-cœur », qui évoque des sentiments et des actes extrêmes et laisse présager une histoire intense, chargée d'émotions et de tension. On sent poindre une lecture passionnée, avec des personnages qui vont jusqu'au bout de leurs actes et de leurs sentiments.
Ensuite parce qu'il correspond vraiment bien à l'histoire. Littéralement pour ce qui est de Margot, mais aussi métaphoriquement pour Dorian dont le cœur a en quelque sorte été arraché par ce qu'il a vécu. Ce que j'aime particulièrement est qu'on trouve très vite une justification au titre, en pensant par exemple que l'amour déçu de Dorian et sa vie pendant la guerre l'ont écorché au point de lui arracher le cœur ; mais il prend, au fil de la lecture, un sens plus inquiétant qui confirme les angoisses des personnages, jusqu'à l'apothéose finale.
Bref, ton titre est très bien choisi !
Sur la forme, le résumé ne contient aucune faute. Il y a juste une répétition de « retrouver », je pense que « Mais Dorian n'est plus le même » conviendrait tout aussi bien. Pour plus d'impact j'aurais isolé la troisième phrase avec un point ou un point-virgule (« plus le même. Le vent » ou « plus le même ; le vent ») mais ça reste assez subjectif.
Ton résumé est efficace, il donne les grandes lignes de l'histoire d'une façon qui attise la curiosité. La première phrase nous laisse entrevoir les retrouvailles, on devine déjà que les choses seront plus complexes que prévu et que l'amitié ne reprendra pas aussi vite. Et la deuxième phrase le confirme en nous révélant que l'ami d'enfance a changé et en suggérant, avec l'idée de peur, qu'il n'est plus si amical que ça. La dernière phrase, si elle n'est pas fondamentalement utile en elle-même, confirme l'idée que Dorian inspire désormais la crainte et conclut le résumé de façon percutante.
C'est donc pour moi un résumé très pertinent qui correspond bien à l'histoire et donne envie de la découvrir.
Sur la forme, j'ai repéré très peu de fautes d'orthographe/grammaire, j'ai signalé celles qui n'avaient pas encore été relevées. En revanche j'ai trouvé certaines phrases un peu mal tournées (j'y reviendrai). De plus, la concordance des temps était parfois un peu floue. Puisque tu écris au passé, pour les actions antérieures il faut utiliser le plus-que-parfait (il avait fait ceci). Cela rendait certains passages un peu flous en brouillant les repères temporels.
Pour les nationalités, il faut mettre une majuscule lorsque le mot est utilisé comme un nom (« New York », « la Canadienne ») mais une minuscule lorsqu'il est utilisé comme adjectif ou lorsqu'il désigne une langue et pas une personne (« je suis canadienne », « j'apprends le français »). De plus, « new-yorkais » (avec ou sans majuscules) prend un tiret.
Pour les dialogues il faudrait utiliser les tirets cadratins (—), ceux que tu utilises actuellement sont les tirets du 6 (-).
Enfin, je suppose que c'est involontaire mais les symboles que tu utilises pour les ellipses ne sont pas centrés mais alignés à gauche.
Je vais dans le détail pour râler, mais bon, ta mise en forme est presque impeccable ce qui rend le texte très propre et lisible.
Je dois dire que le lien au thème ne me semble pas assez exploité. Le vent fait de nombreuses apparitions dans la nouvelle, mais il reste en arrière-plan ; la nouvelle ne changerait pas beaucoup si tu supprimais ces occurrences. J'ai vu en commentaires que tu utilisais cette métaphore du vent pour souligner l'impulsivité des personnages, mais je pense que cela aurait pu être davantage ancré dans le récit, qu'on sente vraiment que leur impulsivité est importante dans la nouvelle, et que le lien au vent n'est pas rajouté à la dernière minute pour correspondre au thème, mais apporte réellement quelque chose à l'histoire. Par exemple, tu aurais pu attribuer à chaque personnage un type de vent qui corresponde à sa personnalité et y faire régulièrement référence pour expliquer ses actions (je ne sais pas du tout si ce que je dis est clair, n'hésite pas à me demander de préciser).
La contrainte, en revanche, est parfaitement respectée. Tu nous proposes le point de vue de trois personnages différents et tu l'exploites bien : chacun est utile à l'histoire, elle n'aurait pas pu être narrée toujours par la même personne. L'ordre des points de vue est de plus bien choisi : Dorian lance l'histoire en nous faisant sentir peu à peu quelle direction elle va prendre ; Margot fait le lien avec Pierre, il aurait été étrange de basculer sur un inconnu après le point de vue de Dorian ; Pierre est le seul à pouvoir conclure.
L'intrigue de cette nouvelle est bien pensée, j'aime beaucoup l'idée de la folie de Dorian, le fait qu'il veuille littéralement lui prendre le cœur était glaçant. Néanmoins, certains éléments m'ont empêchée d'accrocher entièrement à l'histoire.
J'ai parfois trouvé tes phrases un peu maladroites. Je pense que c'est en partie une conséquence de la précipitation (notamment car je ne trouve pas que ce soit le cas dans tes avis de juge). Il y avait souvent de longues phrases, seulement ponctuées par des virgules ; j'en ai relevé certaines au cours de ma lecture. Cela ne rendait pas la lecture aride car il y avait assez de signes de ponctuation, mais un peu laborieuse par moments.
Exemple pris un peu au hasard : « Elle s'y assit, tremblant intérieurement, elle avait écrit son article sur un coup de tête, tenant la rubrique des informations ménagères elle estimait qu'elle ne pouvait pas tomber plus bas. » Ici on a trois phrases distinctes simplement juxtaposées par des virgules, donc trois idées différentes dans la phrase : elle s'assit en tremblant/elle a écrit l'article sur une impulsion/elle tient la rubrique ménagère et n'aime pas ça. Lire la phrase entière est donc assez laborieux : alors qu'on s'attend à ce que la phrase finisse, tu repars sur une nouvelle phrase sans qu'on comprenne tout de suite le rapport.
Je te conseille donc d'utiliser d'autres signes de ponctuation que les virgules pour séparer ces trois phrases. Les points sont naturellement une possibilité mais si tu veux qu'elles restent tout de même liées, tu peux (avec parcimonie) utiliser des points-virgules, qui servent d'intermédiaire entre la virgule et le point : ces deux phrases sont distinctes, mais elles sont tout de même liées. Les deux-points sont aussi une éventualité si tu veux indiquer un lien de cause à effet ; tu peux aussi utiliser des mots comme « en effet » pour reprendre la phrase précédente, ce qui te permet de ne pas les détacher complètement.
Si tu veux conserver certaines virgules, je te conseille d'ajouter des mots de liaison. Ça ne marche pas toujours – difficile d'en enchaîner plusieurs sans obtenir un texte trop lourd – mais cela peut te permettre de relier deux phrases, par exemple « Elle s'y assit, tremblant intérieurement car elle avait écrit son article sur un coup de tête. » (En l'occurrence ça ne me semble pas sonner très bien, mais ça n'est qu'un exemple.)
Cette remarque n'est pas des plus passionnantes, mais je dois dire que c'était assez récurrent et que ça a un peu gêné ma lecture. Je te conseille donc, si tu fais une réécriture, de te pencher sur tes phrases longues en te demandant s'il n'y a pas là, en réalité, plusieurs phrases juxtaposées.
Je te conseille pour cela de relire ton texte à voix haute, c'est vraiment efficace pour détecter ce genre de chose et les autres coquilles de formulation qu'il peut y avoir.
Au niveau de l'intrigue, j'ai vraiment été séduite par l'idée et par la plupart du développement, mais il y a quelques éléments qui m'ont semblé moins bien gérés.
Je dois dire que ce qui a trait à l'ami espion de Pierre, Gabriel, me laisse un peu dubitative. Pour un agent secret, il n'a honnêtement pas l'air très doué. Je pense qu'il ne devrait pas paniquer autant juste parce que son ami l'appelle en pleine nuit, même sur un téléphone réservé aux urgences. Certes, il tient à lui et venant d'un citoyen normal cette réaction aurait été très naturelle. mais c'est un agent secret, entraîné par l'expérience et, on peut l'espérer, par sa formation à réagir froidement, à ne pas se laisser déborder par ses émotions. S'il était confronté à un évènement vraiment sidérant, comme – à tout hasard – un fou qui arrache le cœur d'une femme sous ses yeux, sa réaction serait compréhensible. Mais là, il entend sonner un téléphone qu'il a lui-même installé dans ce but... Une brève réaction de panique ne serait pas illogique, mais tu mentionnes quand même qu'il faut pour le calmer les efforts conjugués de Pierre et de son coloc.
Je ne comprends pas pourquoi Pierre a besoin d'un mois pour venir aux États-Unis : en 1947, les bateaux mettaient moins d'une dizaine de jours à faire la traversée et les premiers vols transatlantiques réguliers avaient commencé. Il me paraît donc peu crédible qu'il attende autant, d'autant que je ne vois pas l'intérêt que cela a pour l'histoire.
Enfin, le plan conçu par Gabriel et Hansel me semble vraiment trop naïf, il a beaucoup de chances de mal tourner comme ils le disent eux-mêmes, alors que d'autres stratégies auraient été bien plus efficaces. Ils auraient déjà pu demander un soutien policier, Margot et Pierre pouvant témoigner que Dorian les a menacés – et même si la police aurait refusé face à des citoyens ordinaires, Gabriel en tant qu'agent secret doit avoir des relations... De plus, pourquoi ne pas avoir fixé le rendez-vous à un endroit qu'ils connaissaient, par exemple chez Margot, chez Pierre, ou – s'ils ne veulent pas révéler leurs adresses dans l'hypothèse où Dorian s'enfuie – dans le café de Pierre ? On parle tout de même d'une personne contre quatre, dont deux agents a priori entraînés... Un plan aussi hasardeux nuit à la crédibilité des personnages, je pense vraiment qu'il faudrait remédier à ça. Cela ne t'empêcherait pas cependant de faire en sorte que l'histoire finisse mal, même si cela demande plus d'inventivité. On peut par exemple imaginer que Margot se réveille après qu'ils aient mis au point leur plan et, sans en aviser Gabriel ou Hansel, qu'elle sorte dans l'idée d'aller acheter de quoi petit-déjeuner ; Pierre pourrait alors s'inquiéter et la suivre, sans penser à prévenir les deux agents. Ce n'est qu'un exemple, naturellement, mais j'espère qu'il illustre ce que je veux dire.
Sans doute ces incohérences étaient-elles aussi dues en partie à la précipitation, je suppose que cela t'a empêchée de te poser pour définir ton intrigue. Si jamais tu veux réécrire cette histoire, je te conseille de résumer, sur une feuille à part, l'intrigue vue par chaque personnage, pour t'assurer que tous agissent d'une manière qui soit cohérente avec leurs compétences et leur personnalité. Je pense qu'il est plus facile ainsi de corriger les problèmes, en se demandant comment tel personnage réagirait en se basant sur les précédents évènements.
Je trouve de plus qu'on perd de vue l'intrigue dans le chapitre 2. Lorsque Margot a rencontré Pierre au chapitre 2, je me suis dit en voyant s'allonger leur interaction « bah, où est passé Dorian ? » Les deux intrigues se rejoignent finalement, mais sur le moment on a du mal à voir où tu veux en venir avec Pierre et cela donne l'impression que la nouvelle part dans tous les sens. Une nouvelle se caractérise notamment par le fait qu'elle présente une seule intrigue, ne se disperse pas en intrigues secondaires. Pierre finit par être si lié à la destinée de Margot qu'il n'est pas qu'une intrigue secondaire, certes, mais c'est l'effet qu'il fait jusqu'à ce qu'il soit mêlé à l'histoire avec Dorian. Jusqu'à la toute fin du chapitre 2, j'avais l'impression de lire une toute autre histoire.
Certes, Dorian était mentionné plusieurs fois, mais c'était fait en coup de vent, sans approfondir ; pour caricaturer, ses interventions ressemblaient un peu à « il faudrait que je me rapproche de Pierre... et que je règle le problème Dorian. Bon, je vais donner rendez-vous à Pierre » : Dorian n'était évoqué qu'en passant, comme pour éviter qu'il ne disparaisse complètement du chapitre.
Je te conseille de développer les mentions de Dorian, de vraiment montrer Margot s'inquiéter à son sujet. Tu peux par exemple évoquer un de leurs souvenirs communs, qui nous le montrerait sous un autre jour, pour que Margot puisse comparer avec le Dorian actuel et remarquer à quel point il a changé. N'hésite pas à pousser Margot à revenir sur leur interaction du chapitre 1, à analyser ses expressions et ses gestes, à se repasser ses dernières paroles en se demandant quel est leur sens...
Le moment où, pour la première fois, elle revoit Dorian m'a également semblé trop vite traité. C'était présenté d'une manière presque anodine : elle se sent observée et oh tiens, oui, c'est lui. Je pense que tu aurais pu faire davantage monter le suspense : elle se sent observée, se retourne, voit un jeune homme qui lui rappelle quelqu'un... et réalise avec un coup au cœur que c'est Dorian. Pareil, le moment où il sourit avant de s'en aller me semble passer trop vite. Certes, objectivement, il ne dure peut-être que quelques secondes ; mais il pourrait être bien plus long dans la tête de Margot. Si vraiment elle ne s'attendait pas à le voir ici, la sidération peut allonger considérablement le temps. N'hésite donc pas à détailler ses émotions pour faire durer le moment, à décrire peut-être Dorian de son point de vue... Ainsi, la réapparition de Dorian serait bien plus impactante.
Enfin, plutôt que de dire simplement « plus le temps passait, plus elle avait l'impression de voir Dorian », tu peux détailler davantage ces apparitions, dire par exemple d'abord qu'elle revoit Dorian en un autre lieu, puis enchaîner sur autre chose, et revenir plus loin sur le bilan global et donner simplement quelques exemples de lieux où elle l'aurait vu (là encore si ce n'est pas clair, n'hésite pas à me le signaler). De plus, lorsque tu dis qu'elle confond le vrai et le faux, tu peux justifier cela en donnant un exemple de moment où elle a cru voir Dorian pour se rendre compte que ce n'était qu'un passant qui lui ressemblait vaguement.
Toutefois, tu peux renforcer le lien avec Dorian sans le faire directement apparaître. Par exemple, lorsque Margot rencontre Pierre, elle pourrait être toujours en partie occupée à penser à Dorian (ce n'est pas tous les jours que votre ami d'enfance perdu de vue vous déclare son amour et agit de façon totalement flippante) ; on pourrait sentir que Pierre lui offre, au départ, une échappatoire à son inquiétude au sujet de Dorian. Elle peut également se surprendre à les comparer, involontairement. Cela te permettrait d'intégrer la citation en média au texte, de nous faire davantage sentir sa pertinence : qu'est-ce que Pierre lui apprend que Dorian ne lui apportait pas ?
Petit point sur les citations, d'ailleurs : je trouve celles des deux premiers chapitres très pertinentes car elles complètent bien le chapitre. La première laisse très vite penser que Dorian va mal tourner mais ça ne me semble pas très grave, d'autant qu'en contrepartie elle est intéressante et correspond bien à Dorian (même si l'idée que son jugement moral a été abîmé par la guerre n'y est pas représentée, ce qui est un peu dommage). La deuxième est vraiment intéressante en tant que telle – on entend souvent le contraire – et semble coller au chapitre, Pierre étant plus stable et « normal » que Dorian. (En revanche, il aurait fallu en mentionner l'auteur, ou « Anonyme/inconnu » s'il n'y a aucun auteur connu.) La troisième citation, en revanche, n'a pas beaucoup d'intérêt à mes yeux. C'est une phrase assez banale qui, certes, correspond au chapitre mais n'y apporte pas une lecture particulière contrairement aux deux premières. Elle semble un peu mise ici en remplissage.
De plus, je pense que tu pourrais les intégrer au texte (les mettre en début de chapitre et pas seulement en média) pour ceux qui lisent en hors-ligne, et je te conseille surtout de les traduire ; même si elles ne sont pas écrites dans l'anglais le plus compliqué qui soit, devoir traduire la phrase peut demander un effort conscient qui casse la fluidité de la lecture.
J'en arrive à un point du texte qui me semble assez important : le personnage de Dorian. Globalement, il est bien imaginé, l'idée de l'amour qui tourne au vinaigre est bien représentée en lui. Mais je pense qu'il y a un gros décalage entre le Dorian du chapitre 1 et celui de la fin du 3. Un décalage qu'il me semble difficile de justifier.
À la fin du chapitre 1, on voit Dorian figé de colère par le refus de Margot, décidé à la forcer à l'aimer. On pourrait l'imaginer poussé par la volonté impulsive de détruire ce qu'il ne peut pas « posséder » ; qu'il ait sur le coup un acte violent, quel qu'il soit (par acte violent j'entends aussi bien un viol ou un meurtre que des agressions moins... extrêmes). Mais je pense que tuer/violer/violenter quelqu'un sous l'impulsion d'un éclat de colère n'est pas du tout la même chose que de fomenter un plan tordu pour lui arracher le cœur.
Le truc, c'est que dans le chapitre de Dorian on ne le sentait pas fou. Pas à ce point. On comprenait bien que la guerre l'avait transformé, qu'il n'était plus lui-même, mais il semblait avoir un comportement relativement classique, n'avait pas de pensées spécialement violentes...
Je pense qu'il aurait fallu nous montrer dès le début son instabilité. Tu nous dis qu'il est froid et cruel, mais ce n'est pas du tout ce qu'on voit de lui. Il se présente au début comme une personne normale : il est émerveillé par la ville dans laquelle il vient d'arriver, remercie son chauffeur de taxi, ... N'hésite pas à le montrer directement froid, colérique et torturé, en le représentant ainsi dans ses interactions avec les autres. Il peut aussi revenir sur ses souvenirs, avoir des pensées cruelles ou ironiques envers ceux qu'il aimait auparavant, Margot peut-être mise à part... Bref, se présenter comme un personnage plein de colère, écorché par son passé.
Il aurait peut-être été aussi pertinent de montrer que le rejet de Margot l'enfonce davantage encore dans cet état d'esprit, si c'est le cas. Cela demanderait de finir le chapitre un peu après, mais je pense que ça vaudrait le coup. Tu peux par exemple le montrer sombrant dans des rêveries de plus en plus sanglantes, perdre totalement la notion du bien et du mal.
Bref, ce n'est certes pas évident – d'autant que plonger dans l'esprit d'un personnage comme Dorian doit être fascinant, mais pas évident –, pourtant je pense que cela apporterait beaucoup à l'histoire de le montrer aussi plongé dans la colère et la violence. Ainsi son geste final nous semblerait choquant, mais il ne sortirait pas de nulle part, on aurait pu le voir venir.
J'ai trouvé, comme quelques autres lecteurs, la fin un peu précipitée. Je pense que tu aurais pu profiter du point de vue de Pierre pour décrire la scène plus en profondeur, même si encore une fois c'est une scène qui ne donne pas envie d'être explorée en détail. Que ressent Pierre en voyant Dorian dépecer Margot ? Je te l'accorde, c'est assez glauque de se demander cela mais je pense qu'ainsi ta fin sera vraiment prenante. Cela n'exige pas forcément des descriptions insoutenables, je pense que tu pourrais obtenir un impact satisfaisant en te concentrant sur les réactions de Pierre plutôt que sur ce qu'il voit. Quoi qu'il en soit, je te conseille de décrire davantage le moment en lui-même.
Je pense aussi que tu aurais pu insister davantage sur le fait que Dorian emporte le cœur de Margot. Un peu comme ce que je te conseillais lorsque Margot revoyait Dorian pour la première fois : Pierre pourrait d'abord remarquer qu'il tient quelque chose entre ses mains, un objet sanglant, un cœur... celui de Margot. Étant donné que c'est le titre, que c'est un élément que tu nous annonces depuis la menace de Dorian à Pierre, je pense que cela mériterait d'être mis en valeur.
Le paragraphe décrivant l'après aurait mérité aussi d'être un peu plus développé. Tu nous dis simplement que Dorian « s'enfuit loin », la formulation est très vague ce qui rend le texte un peu maladroit. Pour s'enfuir il doit passer par l'entrée que Gabriel et Hansel viennent de libérer ; comment fait-il ? Sont-ils si sidérés qu'ils le laissent fuir ? Il faudrait décrire un peu sa fuite. Quant à Gabriel et Hansel, ils sont mentionnés très vite, on nous dit juste que leur état est « inconcevable », ce qui me semble un peu facile. C'est sans doute exact mais, en tant que lecteur, ça ne permet pas de se projeter en eux. Je pense donc que tu pourrais davantage décrire, même si retranscrire l'émotion qu'ils éprouvent frise l'impossible ; une description, même imparfaite, sera plus parlante que ce genre de formule. Enfin, les émotions de Pierre auraient elles aussi mérité plus de développement, sans forcément t'étendre sur des dizaines de lignes, mais développer un peu, peut-être en retranscrivant rapidement un souvenir ou une raison pour laquelle il l'aimait, m'aurait semblé pertinent.
J'ai une dernière remarque, qui est plus un regret qu'une critique : je pense qu'il aurait été intéressant de développer davantage le contexte autour des personnages.
Tout d'abord, je pense que tu aurais pu exploiter davantage la ville de New York. La majorité de ton lectorat, puisque l'histoire est en français, risque de ne jamais y avoir mis les pieds, si bien qu'on attend un peu d'une nouvelle qui s'y situe nous y emmène. Je pense que tu aurais davantage pu ancrer ton histoire dans la ville en y insérant des noms de lieux, en essayant si tu y es déjà allée de retranscrire son ambiance.
Ensuite, la guerre mériterait à mon avis plus de place dans l'histoire. C'est elle qui a transformé Dorian mais on en entend très peu parler, je pense que l'explorer – peut-être au moyen des souvenirs de Dorian – nous aurait permis de mieux le connaître. De plus, c'est quelque chose que Pierre aussi a traversé, il aurait été intéressant de montrer comment elle les a affectés d'une manière différente. Ç'aurait de plus été intéressant de développer cela au niveau du contexte historique.
Il y a malgré tout de nombreux aspects que j'ai appréciés dans ton histoire. J'ai déjà évoqué l'intrigue vraiment bien trouvée, la psychologie à la fois délirante et glaçante de Dorian. De plus, j'ai beaucoup aimé le développement de la relation entre Pierre et Margot ; elle ne semblait pas aller trop vite, je ne me suis jamais dit « déjà ? ». En peu de mots tu arrivais à développer une relation crédible et touchante – on sentait vraiment vers la fin le réconfort qu'ils trouvaient dans la présence de l'autre.
De plus, tu as une belle plume qui transmet très bien les émotions des personnages. J'ai beaucoup aimé la fin du deuxième chapitre à ce sujet : en quelques mots, de façon plutôt subtile, tu nous transmettais leur abattement et leur angoisse, le fait qu'ils partageaient ce fardeau renforçait leur amitié. J'ai aussi trouvé le « Puis plus rien. Le chaos était fini » juste après que Dorian avait tué Margot très fort. Cela transmettait vraiment bien l'impression de calme après la tempête, cela avait quelque chose de glaçant tout en étant, quelque part, un soulagement. J'avais vraiment l'impression d'être dans la pièce avec les personnages, de sortir de la violence pour trouver un calme déplacé. Ce n'est qu'un exemple ; ta plume m'a vraiment transportée dans l'histoire.
En résumé, tu as eu une excellente idée pour cette nouvelle et je trouve que globalement tu l'exploites bien. Il y a quelques détails qui, pour moi, auraient pu être améliorés pour maximiser l'impact, mais globalement j'ai beaucoup aimé, et je peux t'assurer que ce que tu m'avais dit sur ta nouvelle n'est absolument pas fondé. Tu as de quoi être fière de toi avec ce texte.
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