Escape Game au Manoir - Miss_Yaya12 [Mélodie Boréale]

Quelques points que j'aimerais rappeler :

- Cet avis n'est justement qu'un avis, avec toute la subjectivité que ça implique. N'hésite pas à le croiser avec ceux d'autres lecteurs.

- Si je ne suis pas claire, n'hésite pas à me demander de préciser un truc ! De même, si tu n'es pas d'accord, sens-toi libre de protester ; et s'il te reste des questions, ou s'il y a des points que tu aurais aimé que j'aborde, je serai ravie d'y répondre.

- Toutes remarques que j'ai faites ne veulent pas dire que j'ai enlevé des points sur le barème. Notamment, si une critique me semble trop subjective, je la formule au cas où elle puisse t'être utile, mais je n'enlève rien pour cela.

- Les suggestions que je fais sont de simples suggestions, je ne vais pas t'ordonner de modifier ton texte ou je ne sais pas quoi : je ne fais que souligner une possibilité.

Voilà voilà, passons à l'avis !



Commençons par la forme et l'aspect extérieur. La couverture est jolie et plutôt attractive, le titre y est lisible ; je pense toutefois que tu devrais te limiter à deux polices maximum, tu aurais par exemple pu prendre celle de « Escape game » pour ton nom d'auteur. Ce dernier me semble également un peu gros par rapport au titre ; je pense que tu aurais pu diminuer sa police, pour que le titre attire vraiment l'œil en premier. De plus, même si l'image que tu as choisie est belle, je trouve qu'elle ne dégage pas la même ambiance que l'histoire. Elle met l'accent sur le lieu, on s'attend à une histoire d'horreur, ou peut-être à des fantômes ; en tout cas à ce que le lieu joue un rôle important dans l'histoire. On perd la dimension « action » très présente dans ton histoire. Je pense que le lieu n'est pas forcément le point sur lequel insister ici : le fait que ce soit un manoir n'a pas d'influence sur l'intrigue et tu ne transmets pas, dans l'histoire, d'ambiance particulière liée à ce type de lieu. Tu aurais pu plutôt, par exemple, montrer des jeunes filles en train de courir dans un couloir, ou une porte avec un cadenas ; à mon avis l'ambiance aurait ainsi été plus proche de celle de l'histoire.

Le titre est explicite et décrit très bien l'histoire. Le choix d'un titre aussi littéral me semble ici très adapté : l'histoire se centre sur l'action, annoncer les choses de manière aussi « brutale » colle donc parfaitement. Cela évoque pas mal de romans d'aventure ou d'action, c'est un très bon choix pour moi. On pourrait sans doute lui reprocher son manque d'originalité, mais il a le mérite de décrire objectivement l'histoire tout en transmettant son ambiance.

Le résumé est clair dans le fond, mais sa forme pourrait être améliorée, je pense. Il est par exemple inutile de préciser le nom de la prof de maths, ça ne fait qu'alourdir le texte. Au lieu de « Aminata, Raïssa et Delilah », tu peux mettre « trois amies » : ça renseigne finalement plus sur les personnages, tout en étant plus condensé. Commencer la deuxième phrase par « Le lendemain matin » me semble également un peu inutile. La troisième phrase, si elle est utile à l'enchaînement du résumé, n'apporte pas vraiment d'informations ; de plus, elle réutilise la formulation « surmonter des épreuves ». Je pense que ces phrases pourraient être reformulées en quelque chose comme « Ayant raté leur brevet, trois amies acceptent l'étrange marché de leur prof de maths pour passer tout de même au lycée et se retrouvent dans un autre monde, enfermées dans un manoir. Elles ont une heure pour s'échapper et revenir chez elles... Confrontées à des épreuves plus dangereuses les unes que les autres, elles devront faire le bon choix. » La dernière phrase pourrait être dynamisée avec des points de suspension, et peut-être mise dans un autre paragraphe, pour la mettre en évidence ? Tu donnes les bonnes informations dans ton résumé, mais il s'agit aussi de le rendre fluide à lire, et de finir sur un moment de tension (ici la phrase-choc « Le compte à rebours commence » fonctionne, mais il faudrait la mettre plus en évidence).

J'ai vu très peu de fautes d'orthographe. Il y avait quelques problèmes de grammaire, de ponctuation et deux-trois tournures maladroites, mais vraiment rien de grave. Au niveau de la mise en forme, les tirets à utiliser pour le dialogue sont les tirets cadratins (—), mais je n'ai rien retiré pour cela sachant qu'il y a pas mal de bugs Wattpad à ce sujet. Sinon, les paragraphes sont bien espacés, leur longueur est bien trouvée ; ils rendent l'histoire fluide et dynamique. Pour les paroles dans le haut-parleur, le gras permet de les faire ressortir, mais je pense que tu pourrais simplement les mettre comme du dialogue (avec un tiret et non des guillemets) et te contenter de l'italique : elles s'intégreraient mieux au récit. Les ellipses au cours du récit sont bien présentées, on comprend ce qu'il se passe sans que cela nous fasse sortir de l'histoire.

Les contraintes sur la forme sont respectées : il y a le bon nombre de chapitres et de mots, le texte est bien une nouvelle (une intrigue, peu de personnages). Le thème « Au gré du vent » n'a pas pu être respecté mais la contrainte du point de vue différent à chaque chapitre a été suivie, même si je pense que tu aurais pu davantage l'exploiter (je développe plus tard dans l'avis).


Concernant l'histoire en elle-même, j'ai beaucoup apprécié son dynamisme. Les actions s'enchaînent, sans une minute de répit ; j'ai trouvé le rythme très bien géré. Tu ne laisses pas le temps à tes personnages de respirer, on sent que le rythme est vraiment haletant et on est embarqué dans l'histoire à leurs côtés ; malgré cela l'histoire ne va pas trop vite, on a le temps de comprendre ce qu'il se passe, de chercher à résoudre les énigmes ou les problèmes qu'elles rencontrent... Le rythme n'est pas facile à gérer dans une histoire avec autant d'action, mais tu le fais très bien.

J'ai toutefois trouvé plusieurs défauts à cette histoire, qui m'ont empêchée de me laisser totalement prendre par l'action.


Quelque chose qui m'a pas mal dérangée – je pense que tu t'y attends vu ce que tu répondais à certaines personnes en commentaires – est la vraisemblabilité de l'histoire. Une prof qui propose un tel marché à ses élèves, et les élèves qui l'acceptent aussi facilement... ça me semble trop gros pour y adhérer.

Je pense qu'il faut faire ici une distinction qu'on oublie parfois : réaliste n'est pas vraisemblable. Une histoire réaliste, c'est une histoire qui pourrait se passer dans notre monde, sans déranger la moindre de nos lois scientifiques. Une histoire vraisemblable peut poser ses propres lois, parfois son propre monde ; elle peut choisir ses propres règles, mais elle s'y tient.

Quand tu expliques en commentaires que tu veux faire une histoire qui s'éloigne de la réalité, je suppose que c'est donc du manque de réalisme que tu parles, et non du manque de vraisemblabilité. Quand je dis « manque de réalisme », n'y vois aucune critique : c'est totalement normal, sachant que tu as placé une partie de ton histoire dans un autre monde.

Le manque de vraisemblabilité, en revanche, est plus problématique. C'est toutes les incohérences, les faux-raccords qui empêchent le lecteur d'être totalement pris dans l'histoire, en lui rappelant que « regarde, ici ça ne colle pas, donc ça ne peut pas être vrai ».

Dans le cas d'Escape Game au Manoir, ça ne colle pas qu'une prof ait cette attitude, par exemple. Trop de questions demeurent : on ne cerne pas ses motivations, on ne comprend pas comment elle a organisé tout cela, on ne sait pas ce qu'elle aurait fait si jamais les filles étaient mortes... et surtout, les personnages ne semblent pas du tout s'interroger à ce sujet ! Elles sont surprises par la proposition, certes ; mais ensuite elles la traitent comme si elle était parfaitement possible. Elles réagissent comme moi si ma mère m'annonçait qu'elle se présentait aux présidentielles : c'est incongru, ça ne lui ressemble pas, mais ce n'est pas incohérent avec les lois du monde dans lequel je vis ; c'est une idée à laquelle on peut s'habituer sans se poser de questions.

Ici, ce qui m'a posé le plus problème, c'est bien la réaction des trois filles. Il faudrait, je pense, qu'elles se posent beaucoup plus de questions. Quel est le but d'une telle expérience ? Qu'est-ce que ses créateurs (la prof ?) ont à y gagner ? Ça n'a pas été évoqué, c'est assez dommage je trouve.

En-dehors du manque de questionnement des filles, l'attitude de la prof en elle-même me semble toujours un peu trop étrange. J'aurais mieux accepté les choses, je pense, si son comportement avait été vraiment décalé, du genre possession par un démon ou quelque chose comme ça. (Un pacte avec le Diable pour avoir son brevet, cela aurait de la gueule !) Là, elle semble une représentante banale de l'Éducation nationale et son comportement en devient incohérent. Quel est son but dans tout cela, comment s'y est-elle fourrée ?

Je te conseille vraiment de réfléchir à cela : laisser entendre qu'il y a quelque chose qui cloche au niveau du comportement de la prof, et fournir une explication, ou du moins une piste.


Ensuite, toujours au sujet de la cohérence, il y a la façon dont les filles prennent la nouvelle : beaucoup trop bien ! Aminata a l'air limite plus choquée de ne pas avoir son brevet que de se voir proposer un tel marché. N'hésite pas à montrer les filles en pleine incrédulité, à les faire demander à la prof si c'est une blague... Ça peut donner des scènes plutôt comiques qui ne détonneraient pas dans le texte. Tu prends tout un chapitre pour la mise en place de l'intrigue : profites-en !

Le lendemain, la façon dont elles acceptent les choses au réveil m'a là aussi semblé trop tranquille. N'hésite pas à les faire paniquer, croire à un rêve. Bien tourné, cela aurait le double avantage d'être plus vraisemblable et de stresser le lecteur, qui lui est conscient du chrono qui tourne !

Mais surtout, c'est leur réaction après l'aventure qui m'a laissée perplexe. Elles parlent d'un été mouvementé, horrible, comme si elles avaient affronté quelque chose d'effrayant, mais pas si incroyable... Elles se sont retrouvées coincées dans un autre monde ! À leur place, je douterais de la réalité de ce que j'ai vécu, je m'inquièterais pour ma santé mentale... Tu peux profiter du fait qu'elles sont plusieurs pour jouer sur leur incrédulité : l'une d'elles peut demander aux autres si c'était réel, si elles aussi ont vécu ce délire.

Toute cette partie peut se résumer en : si tu veux que le lecteur s'identifie aux personnages, vive leurs aventures avec elles, fais en sorte qu'il les comprenne, que les filles soient « de son côté » : quand le lecteur doute, elles doivent douter aussi, sinon c'est d'elles qu'il finira par se méfier.


Pour continuer avec la cohérence, mais au sujet des évènements cette fois, je dois dire que j'ai parfois été assez dubitative devant la façon dont les choses se déroulaient. J'ai eu quelques problèmes à visualiser certaines actions, dont je t'ai fait part en commentaires ; mais en y repensant, je réalise la difficulté d'écrire ce genre d'histoire en rendant chaque étape compréhensible pour le lecteur, et je me dis qu'il aurait pu y en avoir bien plus. Sur le point de la compréhension donc, l'histoire était la plupart du temps très claire et se lisait vraiment bien.

En revanche, je dois dire que je me suis dit trop souvent « c'est trop facile ». Pas les énigmes en elles-mêmes, mais la façon dont elles étaient résolues.

En général, quand on propose des énigmes à nos personnages, on peut s'en tirer de trois façons. Soit en rendant les énigmes trop faciles, au risque de faire passer les personnages pour des idiots – ce qui me semble la pire voie possible. Soit en rendant les personnages assez astucieux pour discerner des liens qui échappent au lecteur et/ou proposer des solutions qui ne lui avaient pas traversé l'esprit – ce qui me semble l'idéal, même si c'est aussi le plus difficile pour l'auteur.

J'ai l'impression que tu es quelque part entre ces deux extrêmes. Les énigmes que tu proposais n'étaient pas d'une facilité insultante, mais je ne peux pas dire non plus que j'aie été sidérée par le génie des personnages. À vrai dire, j'ai eu deux impressions : qu'elles avaient beaucoup de chance... et que la réalité s'adaptait à elles, plutôt que l'inverse.

Je veux dire par là que lorsqu'on crée une histoire, on définit les règles de notre univers, puis on y place des personnages qui y vivent des aventures, en se conformant à ces règles. Mais on a souvent tendance, au lieu d'adapter les personnages à l'univers, à déformer un peu nos règles pour que nos personnages puissent agir tranquillement. Si ces petits écarts semblent inoffensifs, aux yeux du lecteur, ça dévalorise le personnage : il ne s'en sort pas grâce à ses talents, mais juste par chance, parce que c'est le personnage principal et qu'il doit s'en sortir.

C'est un peu l'impression que j'ai eue en voyant les filles affronter épreuve après épreuve. Non seulement Delilah sait crocheter des serrures juste parce qu'elle l'a vu dans des livres (alors que les gestes des personnages ne sont pas simples à reproduire, et ne sont d'ailleurs souvent pas expliqués en détail), mais en plus elle se balade avec une épingle à cheveux. Le plan de Delilah face aux requins semblait très hasardeux : n'allaient-elles pas se faire renverser par l'eau en tirant la porte ? (Je dois dire que dans ce cas précis, ce n'est pas la seule chose à me poser problème : j'ai du mal à voir comment une quantité d'eau suffisante pour contenir plusieurs requins peut être contenue par une simple porte, à moins qu'elle ne soit en métal ou en béton, ce qu'il aurait fallu préciser.) Confrontée à un code, Raïssa en repère le schéma (jusqu'ici aucun problème) et en déduit direct ce qu'il faut entrer, alors qu'il y a plusieurs possibilités... (À ce sujet, je ne sais pas si le code est très judicieux : ce qu'il faut finalement entrer, 6248, correspond simplement aux différences entre chaque nombre. Pas la peine d'avoir repéré le schéma pour cela...) Au moment des fils électrifiés, c'est quand même très hasardeux de supposer qu'ils ne le seront pas juste parce que l'électricité est coupée dans le bâtiment ; pourtant elles y vont sans se poser de questions, et ça marche. Et à la toute fin, lorsqu'elles rejoignent le portail temporel, c'est un tsunami qui leur permet de l'atteindre à temps...

Pourtant, ces facilités pourraient être évitées. Delilah est une jeune fille aventureuse, qui a l'air souvent partante pour un peu d'action... Sa capacité à forcer des serrures pourrait venir de plus que juste des livres qu'elle a lus ; elle pourrait par exemple s'être renseignée dans l'espoir de vivre un jour une grande aventure, ça collerait au caractère que tu laisses entrevoir. Face aux énigmes, les filles peuvent proposer plusieurs idées, les suivre un peu, se rendre compte qu'elles ne marchent pas... Pour le code Raïssa peut même faire plusieurs essais. Je te conseille vraiment de te pencher sur ces petites facilités dans l'histoire et de te demander comment les rendre plus crédibles. N'hésite pas à exploiter le caractère de tes personnages : cela les rendra plus impliquées dans la résolution, le lecteur pourra se rapprocher d'elles.

De plus, même si c'est anecdotique, les faire passer plus de temps sur la résolution des énigmes pourra te permettre de justifier les durées écoulées entre deux interventions de la voix du haut-parleur, qui semblaient souvent excessives.


Au niveau de la façon de raconter, l'histoire était fluide et se lisait facilement, mais quelque chose m'a manqué dans la narration. Je pense que, sans en faire des tonnes (ce n'est clairement pas le style de l'histoire), tu aurais pu nous donner davantage accès aux émotions des personnages.

Curieusement, la seule fois où les émotions étaient un peu décrites, c'était quand Aminata découvrait qu'elle n'avait pas son brevet. Ensuite, l'histoire basculait et la narration devenait plus distanciée, plus factuelle.

Cela a l'avantage de rendre le texte clair et très compréhensible, puisque la narration se centre sur un seul objectif : nous faire comprendre l'action. Mais le problème est que, si on sait ce qu'il se passe, on a plus de mal à s'y impliquer... Le soutien du lecteur pour les personnages n'est pas acquis. Il faut que ceux-ci se fassent aimer, qu'ils s'ouvrent à lui, le laissent les comprendre... Ici, malgré la narration à la première personne, j'avais souvent l'impression d'être « à côté » du personnage narrateur plutôt que dans sa tête : je voyais ce qu'elle voyait, j'entendais ce qu'elle entendait, mais ses pensées, et surtout ses émotions, m'étaient la plupart du temps inaccessibles. Et comme certaines de leurs décisions étaient parfois incompréhensibles (accepter le marché de la prof) ou hasardeuses (l'épisode des requins), la distance entre nous augmentait encore.

Ton texte n'est pas très long, surtout pour tout ce qu'il s'y passe. Tu as à mon avis largement la « place » d'ajouter des descriptions des émotions des personnages, de nous expliquer comment elles prennent leurs décisions, ce qu'il se passe exactement dans leur tête...

Par exemple, lorsque Raïssa se réveille et réalise la situation, je pense que tu aurais pu t'attarder davantage sur le moment où elle se souvient, détailler ses émotions à ce moment-là. Prend-elle conscience du danger, ou se persuade-t-elle que ce n'est pas réel ? Lorsqu'à la toute fin elles rentrent chez elles, que ressentent-elles vis-à-vis de leur aventure ? Du soulagement, ou au contraire une angoisse rétrospective (à cause de tout ce qui aurait pu mal tourner) ? N'hésite pas à inclure, au cours de la nouvelle, un moment d'abattement où elles croient qu'elles resteront enfermées pour toujours, repensent peut-être à leur famille ou à ce qui leur manquera chez elles...

De plus, si Delilah est décrite psychologiquement (on connaît son goût pour l'aventure, son besoin de vivre des sensations fortes), ce n'est pas le cas d'Aminata et Raïssa. Leurs actions ne disent pas grand-chose sur leur personnalité et comme on ne les voit pas réfléchir/ressentir, elles restent lointaines. Je pense que tu pourrais définir quelques traits de caractère qui leur seraient propres, et pourraient d'ailleurs les aider face aux épreuves (l'une pourrait être la « réfléchie » du groupe, celle qui cherche calmement une solution quand les autres paniquent, par exemple ; tu peux essayer de pousser l'attrait de Raïssa pour les codes, en tirer un besoin de rationnaliser le monde, une envie de tout comprendre ; ...).

Dans un récit court comme le tien, qui se centre plus sur l'action, on n'attend pas un développement important des personnages ; ce n'est pas le but du texte. Mais il est toujours appréciable de les connaître un minimum, d'avoir une idée de ce que ça ferait de les avoir en face de nous. Ce que tu as fait avec Delilah me semble la bonne approche : sa personnalité est bien définie, mais l'explication de son caractère n'empiète pas sur l'intrigue et sert simplement l'action. N'hésite pas à t'en inspirer pour le généraliser aux deux autres !

Ce qui m'amène à une remarque un peu du même genre : la « voix » des personnages. À la première personne, tu nous immerges directement dans les pensées des personnages, sans aucun intermédiaire : ce sont elles qui racontent, personne ne filtre derrière. Par conséquent, ça me semble étrange que toutes les trois aient la même voix. Elles n'ont pas la même personnalité, pas la même façon de s'exprimer ; pourquoi raconteraient-elles leur histoire de la même manière ?

D'autant que tu peux jouer là-dessus pour transmettre innocemment la personnalité du personnage-narrateur. Delilah, par exemple, avec son amour de l'aventure, pourrait raconter les choses de manière épique, exagérant les difficultés, transformant ses amies et elle-même en super-héroïnes... Cela pourrait être amusant à lire, et collerait bien avec l'histoire et le personnage. Ce n'est naturellement qu'une suggestion parmi d'autres possibilités, mais je pense que jouer là-dessus serait bénéfique.


Toujours au sujet de la façon de raconter, je pense qu'il y a quelque chose que tu peux améliorer dans le ton de l'histoire. Il reste en effet assez « plat » : tous les évènements sont racontés avec la même intensité, ce qui donne l'impression que les personnages ne vivent pas l'histoire.

Pour rendre la nouvelle réellement prenante, je pense que tu peux jouer davantage là-dessus. Certains moments gagneraient en relief si tu insistais plus dessus, alors que d'autres ne méritent parfois pas l'attention que tu leur accordes (pas besoin de nous dire deux fois de suite qu'il fait très beau, par exemple, sauf si cela joue un rôle dans l'intrigue...). Lorsque tu veux instaurer de la tension (face à une énigme insoluble ou un danger imminent), n'hésite pas à faire durer le suspense, à montrer les pensées des personnages qui s'emballent, leur certitude que les choses vont mal tourner... Par exemple, au moment où elles doivent pousser la porte pour sortir, il y a un début de tension avec Aminata qui commence à désespérer... et juste après, la porte s'ouvre et la tension retombe. Tu pourrais faire durer le moment, je pense. Aminata pourrait lâcher la porte, convaincue que leurs efforts sont inutiles ; l'une d'elles pourrait même perdre complètement son sang-froid, ulcérée qu'un obstacle aussi évident leur barre le chemin après toutes ces énigmes tordues. Parvenir à se concerter, à rassembler la volonté nécessaire pour continuer à pousser pourrait alors devenir un véritable enjeu, à l'issue incertaine. Et c'est ainsi que l'ouverture de la porte apparaîtrait comme une véritable délivrance. Naturellement, ce n'est qu'une suggestion ; mais je pense que mener cette réflexion lors des « points-clés » de l'histoire pourrait t'aider à créer plus de tension.

À ce sujet, ce que tu as fait juste avant qu'elles entrent dans le passage temporel était vraiment bien, la voix du haut-parleur (d'ailleurs, comment peuvent-elles l'entendre de dehors ?) rythmait bien la scène. La facilité avec laquelle elles s'en sortaient a diminué mon implication, mais en-dehors de ça c'était très bien raconté, les phrases courtes, les dialogues et les pensées du personnage, directement rapportées, donnaient un rythme haché qui exprimait très bien l'angoisse.

J'aimerais aussi insister sur l'importance des fins de chapitres/parties. C'est quelque chose, je trouve, que tu négliges un peu dans cette nouvelle, alors que ce serait un moyen d'instaurer du suspense. Par exemple dans le premier chapitre, la première partie se finit sur une question de Raïssa : « Que te disait madame Leroux ? » Cette question n'apporte pas grand-chose, et conclut la partie de façon assez peu dynamique, trop « banale ». En réalité, à partir du moment où le rendez-vous avec Mme Leroux est fixé, le reste du dialogue ne sert plus à grand-chose. Je pense que tu pourrais donc t'en dispenser afin de finir sur une note plus mystérieuse, par exemple Mme Leroux qui lâche un truc comme « Vous le saurez demain à quatorze heures » (classique, mais efficace). Pareil, à la fin du chapitre 1, la tension instaurée au moment où elles acceptent retombe par la suite, les lignes de dialogue à la fin n'apportent pas grand-chose. Quitte à réorganiser les informations données, tu pourrais finir le chapitre sur l'accord de Raïssa et Aminata : en montrant davantage leur hésitation avant, en les faisant basculer presque entièrement dans un sens puis d'un autre, tu créerais un véritable enjeu qui trouverait donc une résolution rapide à la fin du chapitre. Bien mené, cela pourrait renforcer le besoin de lire la suite, le lecteur ayant été davantage impliqué dans la prise de décision. Encore une fois, cela n'est qu'une proposition, mais n'hésite pas à te poser davantage de questions sur tes fins de chapitres !


N'hésite pas aussi à ajouter quelques descriptions. Je pense à des descriptions de lieu concernant le manoir, peut-être (juste quelques détails de temps en temps pourraient rendre compte de l'ambiance, ce n'est pas nécessaire mais cela pourrait approfondir la nouvelle), mais surtout des lieux/choses qui jouent un vrai rôle dans l'intrigue. L'extérieur du manoir, par exemple, mériterait d'être décrit. Les choses se sont passées de manière assez floue à mes yeux, elles étaient sur la terre ferme, puis elles sont tombées dans l'eau et elles ont nagé, mais je n'avais pas l'impression de visualiser. Tu peux le faire en quelques phrases, l'idée n'est pas, je pense, de s'attarder sur le paysage, mais juste d'en donner une idée. Tu peux par exemple dire, lorsqu'elles sortent du manoir, quelque chose comme : « Dehors, il pleuvait des cordes. Le manoir était cerné par les eaux. La mer d'abord, qui commençait quelques mètres/dizaines de mètres plus loin ; mais surtout l'eau de pluie qui inondait le sol. Circuler à pied était impossible : il nous fallait une barque. »

Une autre chose qui a manqué selon moi de description était le « passage temporel ». Il est seulement décrit comme un rond aspirant, ce qui me semble un peu léger. Les multiples utilisations de vortex/portails en fantasy et en science-fiction ont fait qu'on a tous une image un peu différente de ce genre d'objet. Pour mieux immerger le lecteur dans la scène, je te conseille donc de décrire le tien, même brièvement, de montrer comment il s'intègre au décor.


Pour finir, je voudrais vraiment saluer ton inventivité. Cette histoire est clairement atypique, déjà par son contexte (des épreuves de ce type à la place du brevet, je n'avais jamais vu une idée semblable), ensuite par les épreuves que tu as inventées (je suppose du moins ?). Cela demande beaucoup de créativité, et tu en as assurément fourni dans cette histoire. J'ai beaucoup aimé ce côté déjanté, totalement décalé, qui rend ta nouvelle unique.


En résumé, je pense que la cohérence et la vraisemblabilité de l'histoire sont à retravailler ; c'est le défaut qui accompagne presque inévitablement (presque !) sa principale qualité, qui est son originalité. N'hésite pas aussi à creuser les émotions des personnages, à leur donner leur propre voix et à mieux mettre en valeur tes idées en ajoutant de la tension. Mais on sent que tu as préparé ton intrigue avec soin, et l'idée est vraiment bien trouvée ; il y a beaucoup de potentiel dans cette nouvelle.

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