ELLES - Sweety_Cl0ud [Mélodie Boréale]
Quelques points que j'aimerais rappeler :
- Cet avis n'est justement qu'un avis, avec toute la subjectivité que ça implique. N'hésite pas à le croiser avec ceux d'autres lecteurs.
- Si je ne suis pas claire, n'hésite pas à me demander de préciser un truc ! De même, si tu n'es pas d'accord, sens-toi libre de protester ; et s'il te reste des questions, ou s'il y a des points que tu aurais aimé que j'aborde, je serai ravie d'y répondre.
- Toutes remarques que j'ai faites ne veulent pas dire que j'ai enlevé des points sur le barème. Notamment, si une critique me semble trop subjective, je la formule au cas où elle puisse t'être utile, mais je n'enlève rien pour cela.
- Les suggestions que je fais sont de simples suggestions, je ne vais pas t'ordonner de modifier ton texte ou je ne sais pas quoi : je ne fais que souligner une possibilité.
Voilà voilà, passons à l'avis !
La couverture correspond bien au thème de l'histoire (un peu moins à l'histoire en elle-même, paradoxalement, mais je reviendrai là-dessus dans l'avis) : les silhouettes des filles renversées en arrière, comme si elles dansaient ou riaient littéralement à gorge déployée, transmettent une impression d'ivresse, de liberté. Mais je n'ai pas compris ce qu'étaient les taches gris foncé derrière elles – des nuages ? –, cela m'a un peu perturbée et a détourné mon attention des éléments importants de la couverture. Je trouve la présence ces formes floues un peu embêtante, mais je suppose que ça ne serait pas facile à enlever.
Esthétiquement, la couverture est très simple – ajouter ce cadre noir était une bonne idée pour donner une impression un peu plus travaillée. Elle a un charme un peu désuet du genre « vieille photo en noir et blanc » que, personnellement, j'aime beaucoup. Néanmoins... eh bien, pour l'idée de liberté que tu veux faire passer, c'est peut-être justement trop désuet, trop figé, pas assez vivant. Une touche de couleur serait la bienvenue pour rajouter de la vie à la couverture, le ciel aurait par exemple pu être coloré en bleu. De plus, je dois dire que malgré la présence du cadre qui contre un peu cet effet, elle m'a semblé trop vide. L'espace de terre en-dessous des silhouettes des trois filles est occupé par le titre, donc il n'est pas dérangeant, mais le ciel au-dessus d'elle, qui occupe une bonne part de la couverture, l'est un peu plus. Peut-être qu'on pourrait distinguer, au loin, la vague silhouette de l'orphelinat ? Simple suggestion, qui n'est encore une fois pas forcément évidente à mettre en place.
Enfin, la police de ton titre est élégante mais simple, peut-être un peu trop – sur une couverture plus travaillée ça n'aurait pas posé problème mais là, tout semblait trop simple, trop vite expédié. L'effet que tu as ajouté, avec les lettres luminescentes, compense néanmoins le tout sans être trop voyant. Il était judicieux de ne pas le mettre en couleur, je pense, même si ç'aurait donné un peu de vie à la couverture : cela aurait sans doute empêché le titre de s'intégrer vraiment à l'image. Pour le nom d'auteur, il est lisible sans prendre trop de place par rapport au titre, sa police est nette et jolie, mais je pense que le résultat aurait été plus harmonieux si la police avait été moins grasse, quitte à le mettre en noir pour qu'il soit toujours lisible.
Le résultat de tous ces points est une couverture plutôt jolie mais un peu trop simple et terne, je pense qu'il y manque quelque chose pour accrocher le lecteur. Les silhouettes des filles peuvent néanmoins attiser la curiosité.
Le titre ne dit pas grand-chose sur l'histoire. On sait qu'elle va parler de plusieurs filles – trois, peut-on supposer avec la couverture. Et c'est à peu près tout. En fait, il a un aspect symbolique qui cadre mal avec l'histoire, je trouve (oui, je sais, c'est pas clair ; j'explique ça dans le paragraphe sur le résumé).
Je pense que le titre risque d'induire en erreur. Il est si nébuleux qu'on va chercher les informations en se basant non pas sur ce qu'il signifie concrètement de façon terre-à-terre, mais sur la question : pourquoi avoir choisi ce titre, pourquoi avoir mis en valeur ce mot précisément ? Ce n'est peut-être pas très clair, alors voilà un exemple un peu pourri : dans ma bibliothèque j'ai un bouquin qui s'appelle Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire et qui parle, bah, des désastreuses aventures de trois orphelins. Le titre est clair, simple, on sait de quoi ça va parler en détail. Si cela avait été juste Désastre, ça l'aurait été beaucoup moins. En lisant le titre Désastre, je m'attends à une histoire dans laquelle tout bascule suite à un évènement terrible – sans avoir aucune idée de ce que c'est –, et à ce que le malheur y tienne une place importante, que l'histoire aille de désastre en désastre. Je m'attends à ce que, de tout ce qu'il se passe dans l'histoire, ce qui en ressorte soit principalement l'idée de désastre, que cette idée y soit particulièrement bien explorée ; sinon l'auteur ne l'aurait pas choisi. Autrement dit : le titre Désastre, qui est bien plus mystérieux, me pousse à me questionner davantage sur les intentions de l'auteur.
Ton titre entre dans la deuxième catégorie. Elles, ça ne renseigne vraiment pas, si bien qu'on va se demander : qu'est-ce qui peut avoir poussé l'autrice à appeler son livre ainsi ? Pourquoi ce mot est-il important dans son histoire ? Je vais donc m'attendre à un livre qui explore la féminité des trois personnages principaux ; un livre qui évoque le sexisme peut-être, ou alors la différence entre les genres ou encore la transidentité, en tout cas un livre dans lequel le genre des personnages est primordial.
Or, dans le cas de ta nouvelle, ce n'est pas l'aspect qui m'a le plus marquée. Si Charlie, Sasha ou Alizée avait été un mec, l'histoire n'en aurait pas été bien différente. C'est pourquoi je pense que ce titre n'était peut-être pas le plus judicieux. Je te conseille de te demander quels aspects de ton histoire sont à mettre en valeur et de les prendre comme base pour ton titre.
Sur la forme du résumé, il y a juste deux fautes : il manque une majuscule à « un » (« un regard sur ELLE ») et « guidé » devrait s'écrire « guidées » (présent deux fois). De plus, pour la cohérence typographique, si je peux dire les choses ainsi, je pense qu'il faudrait que les « elles » du premier paragraphe soient là encore écrits en majuscules.
Concernant la correspondance à l'histoire, on se retrouve un peu dans le même cas de figure que pour le titre. Factuellement, OK, le résumé correspond à l'histoire (à ceci près qu'on ne peut pas dire qu'elles « dominent » à la fin de la nouvelle, elles se sont juste mises en marge du système dans lequel elles étaient jadis enfermées mais elles ne dominent personne et, même, elles semblent toujours un peu effrayées, si je me fie à leur soulagement final, ce qui laisse penser que finalement elles ne sont pas totalement sorties du rapport de domination) : on a deux jeunes filles enfermées, soumises à une personne peu recommandables, qui vont décider de se révolter et de s'enfuir après en avoir croisé une troisième. Le résumé pourrait donc correspondre.
Mais, tout comme ton titre, ton résumé reste assez symbolique (oui, c'est le moment où tu comprends ce que je voulais dire trente lignes plus haut...). Les personnages ne sont pas désignés par leurs noms ou par un résumé de leur identité (« deux sœurs orphelines » par exemple), mais par un simple ELLES. Les actions ne sont pas décrites clairement, on ne connaît que leur impact sur les personnages : tu nous dis par exemple que Charlie les guide vers l'espoir, sans préciser comment. Tout semble donc se transformer en symbole : l'orphelinat est une prison plus psychologique que physique ; la discussion entre Charlie et Alizée devient une rencontre, et même un simple regard ; Charlie devient une lumière ; leur évasion se transforme en voyage vers la liberté. Chaque élément concret est désigné par l'idée abstraite qu'il symbolise.
Je suppose que l'effet recherché était le mystère – car oui, ce résumé est mystérieux. Il soulève de nombreuses questions, on cherche à comprendre ce qu'il se passe, ce que signifie tout cela. Et c'est un genre de mystère plutôt attractif ; j'étais personnellement assez curieuse de cette histoire. Alors oui, on a envie de découvrir la nouvelle... mais, c'est là tout le problème, l'histoire que cela donne envie de lire n'est pas celle que présente ton livre. Du moins... pas vraiment.
Car tout comme pour le titre, on s'interroge : pourquoi passer par le symbolique ? Pourquoi garder le mystère au sujet de ces ELLES ? Personnellement, trompée par ce symbolisme, je me suis imaginé qu'« ELLES » n'étaient pas humaines, qu'elles symbolisaient un concept abstrait ou que, comme dans une autre nouvelle du concours, on allait aborder les troubles dissociatifs de l'identité. Or « ELLES » étaient trois jeunes filles parfaitement humaines. En découvrant de quoi parlait effectivement l'histoire, je dois dire que j'ai été un peu déçue. Cela ne correspondait clairement pas aux attentes que j'en avais.
En remplaçant le concret par son pendant abstrait, tu nous envoies le message que ta nouvelle continuera dans la même veine, qu'on restera dans ce flou intrigant jusqu'à comprendre ce qu'il se passe, que la nouvelle entière se déroulera dans un monde tout aussi abstrait. Et ce n'est pas le cas. Alors certes, ton résumé a sans doute le mérite d'attirer les curieux ; mais c'est comme si tu essayais de vendre une voiture avec une pub pour un petit avion. Ceux qui aiment les avions vont sauter sur l'occasion alors qu'ils ne l'auraient pas fait si la pub avait parlé de voiture, oui, mais ils risquent de repartir très vite en réalisant qu'on les at trompés. Et ceux qui aiment les voitures risquent de passer à côté ! Bref, comparaison un peu nulle pour insister sur le conseil suivant : dans le résumé, la forme doit laisser deviner la nouvelle qu'on s'apprête à lire, elle est aussi importante que le fond. Je te conseille donc de le retravailler pour le rendre plus concret, ancré dans le réel, car c'est ainsi qu'il sera à l'image de ta nouvelle.
Au niveau de la forme, l'orthographe pure est très correcte (je crois n'avoir relevé qu'une seule faute), mais la grammaire pose vraiment problème. Il faudrait que tu regardes la conjugaison des verbes au passé simple, qui n'est pas du tout maîtrisée et, plus globalement, que tu te relises ou te fasses relire : il y avait trop de problèmes d'accord des adjectifs ou des verbes. Les tournures un peu complexes (passé et conditionnel au passé) n'étaient pas non plus maîtrisées, même si je t'accorde sans peine que certaines sont assez tordues.
Pour y remédier, je te conseille l'utilisation d'un correcteur. Si tu as Word, n'hésite pas à écrire ou copier/coller ton texte dedans ! Sinon, tu peux télécharger gratuitement des logiciels correcteurs sur Internet. Le correcteur de Word (et sans doute tous les correcteurs gratuits) n'est pas infaillible, lorsque les phrases sont trop complexes il peut t'indiquer de fausses erreurs ou ne pas en relever, c'est pourquoi cela ne te dispense pas d'apprendre les règles des accords et les conjugaisons (je te conseille pour cela le site francaisfacile qui est très pédagogique). Tu peux aussi demander à quelqu'un de te relire, naturellement ; mais je pense vraiment que tu gagnerais dans tous les cas à maîtriser la grammaire, même si cela ne t'empêche pas de faire des fautes d'inattention.
Pour les tournures plus compliquées, connaître la grammaire peut te servir à expliquer ton choix, mais l'idéal est d'acquérir un « instinct grammatical » qui te permettra de sentir la bonne réponse en te fiant à ce qui sonne le mieux. Par exemple quand je t'ai corrigée au début sur le « avoir beau », ce que j'ai expliqué n'est pas du tout ce qu'il s'est passé dans ma tête : en réalité, je me suis dit « "eut beau m'avoir expliqué" ça sonne pas très bien, ah oui tiens c'est pas correct... qu'est-ce qui sonnerait mieux ? » et j'ai fini par trouver les deux tournures que je t'ai suggérées, puis j'ai vérifié qu'elles étaient correctes. Pour acquérir cet « instinct », je n'ai qu'un conseil : lire des livres dont les auteurs maîtrisent ce genre de tournure (donc pas trop sur Wattpad, malheureusement).
Pour le reste, j'ai eu l'impression que tu coupais parfois un peu trop tes paragraphes, séparant deux groupes de phrases qui auraient aussi bien été ensemble. Cela rendait le texte un peu décousu.
De plus, la mise en forme des dialogues n'est pas correcte. Bon, ils sont très lisibles, même si je trouve que les mettre en gras agresse un peu trop l'œil, mais selon les règles typographiques, il faudrait soit enlever les guillemets, soit ne pas mettre de tiret après un guillemet.
Le texte reste néanmoins fluide et je pense que sans les fautes de conjugaison il aurait été vraiment agréable à lire. J'apprécie beaucoup les efforts que tu as faits sur la mise en forme, la présentation de l'histoire est très soignée et c'est vraiment bien fait. Les médias en début de chapitres étaient assez jolis même s'ils avaient peu de rapport avec l'histoire (idéalement une image qui réunirait les deux aspects serait bienvenue, je pense).
Je me suis beaucoup attardée sur la forme, désolée pour cela, mais même si ce n'est pas la partie la plus intéressante d'une histoire, elle n'est pas à négliger car trop de fautes empêche de se laisser porter par le texte.
Je dois dire que, sans ton explication, je n'aurais pas vu en quoi l'histoire correspondait au thème « Au gré du vent ». Pour moi cette expression traduisait plutôt une sorte de dérive sans but, quelque chose comme « se laisser porter ». C'est un thème assez vague que chacun entend à sa façon, si bien que sans explications, pour peu qu'on le voie un peu différemment, on ne distinguera pas le rapport... C'est pourquoi je pense qu'il aurait fallu que tu explicites le parallèle. L'une d'elle pourrait réfléchir à la liberté en s'imaginant vivre au gré du vent, sans avoir à suivre d'autres directives que les siennes. Il faudrait en tout cas que le lien soit plus clair.
La contrainte, quant à elle, est respectée : l'histoire est écrite de trois points de vue différents. Mais elle aurait pu être davantage exploitée. Cela n'apporte pas grand-chose à l'histoire d'avoir les points de vue des trois filles, tout écrire par les yeux de Charlie par exemple n'aurait pas changé grand-chose... Je pense qu'il aurait fallu l'exploiter plus en profondeur. Par exemple chacune pourrait profiter de son point de vue pour nous expliquer ce qu'elle pense de leur projet d'évasion. Si les trois avis sont tous différents, cela donnera alors autour du thème principal de l'histoire le développement de trois façons de penser complémentaires. Ce serait une bonne façon de répondre à ce thème, je trouve !
Enfin, pour la question de réflexion, je pense qu'elle n'a pas été suffisamment traitée. Certes tout le monde juge les autres – les enfants de l'orphelinat, Sasha, un peu Alizée et même Charlie –, on peut dire qu'ils interprètent faute de connaître (même si je pense que cette idée aurait mérité d'être énoncée plus clairement : on avait l'idée de jugement mais moins celle d'interprétation). On peut dire que tu as répondu « oui » à la question de réflexion. Mais à mon sens, cela ne suffit pas, il aurait fallu expliquer ce « oui ». Pourquoi tous ces gens interprètent-ils au lieu de connaître ? Est-ce la méfiance, la peur ou autre chose qui les pousse à cela ? Ici, il aurait fallu développer le processus qui pousse Charlie, Alizée et Sasha à interpréter d'abord et à connaître en plus. Puisque tu explores leurs trois points de vue, tu peux en profiter pour expliquer ce processus en détail !
Concernant l'histoire en elle-même, j'aime beaucoup le thème que tu as traité ! L'idée que Charlie soit le déclencheur de la libération de Sasha et Alizée était vraiment bien trouvée, je reviendrai dessus ! Malheureusement, quelques problèmes m'ont empêchée d'accrocher à l'histoire.
Le principal est pour moi l'orphelinat. Je pense qu'il aurait fallu expliquer davantage ce qu'il s'y passe.
Au début de l'histoire, pour peu qu'on ne regarde pas la date, on pourrait s'imaginer loin dans le passé, à une époque où le chauffage au gaz n'existe pas et où les orphelinats sont encore des lieux maltraitants à la Thénardier. De plus, les dialogues entre les filles lancent beaucoup de mystères : Azilée s'étonne que Charlie soit amenée aussi tard à l'orphelinat : cet orphelinat n'accepte donc habituellement que les jeunes enfants ? Pourtant, on peut devenir orphelin à n'importe quel âge... Cela intrigue, donc. D'autant que Charlie répond qu'elle a été adoptée par une famille, elle aussi morte, et qu'on ne comprend pas ce que ça vient faire ici.
On a finalement un orphelinat de notre époque, mais qui semble curieusement arriéré : les élèves coupent le bois pour se chauffer, aucun objet récent si ce n'est les comprimés de paracétamol n'est mentionné, et les élèves y sont maltraités à l'extrême. Un orphelinat qui semble également avoir des conditions d'admission assez étranges. Si le premier point s'explique en supposant que l'orphelinat est construit dans un endroit assez reculé, les autres sont pour le moins étranges, et on veut savoir le fin mot de l'histoire. Quel sombre complot se trame donc dans cet orphelinat ?
Mais la réponse se fait attendre et n'arrive pas. L'orphelinat reste un mystère jusqu'au dernier mot de l'histoire, et les incompréhensions deviennent des incohérences. Je pense vraiment qu'il faudrait justifier tout cela. Tu peux aussi, pour plus de simplicité, faire reculer ton orphelinat d'un ou deux siècles dans le temps, voire le déplacer dans l'espace (mais il resterait les conditions d'admission à expliquer).
De plus, la partie « trois ans plus tard » me pose aussi problème. Leur orphelinat transgressait un nombre assez effrayant de lois françaises modernes. (Déjà le fait qu'il puisse exister est assez difficile à croire. Ce genre d'établissement est inspecté, en général, et si on peut imaginer que l'on ferme les yeux sur deux ou trois « détails », à ce point-là je pense qu'un inspecteur ne se laisserait pas corrompre. Dans tous les cas, il aurait fallu expliquer comment l'orphelinat peut exister.) La réaction logique pour Alizée, Sasha et Charlie serait donc de foncer dans le premier commissariat venu et de dénoncer l'orphelinat. Certes, un mineur doit être adopté, mais à Lyon il n'y a pas qu'un établissement capable d'accueillir des mineurs.
Certes, on pourrait comprendre qu'elles soient un poil méfiante vis-à-vis des pouvoirs publics et préfèrent se cacher plutôt que de risquer d'être ré-enfermées, mais dans ce cas j'ai du mal à croire qu'elles aillent voir une assistante sociale ensuite. Parce qu'elles ont beau être majeures, étant donné que l'orphelinat va jusqu'à tuer ceux qui fuient, je doute qu'il se laisse arrêter par ce genre de considération. Dans leur situation, se cacher pour toujours semblerait plus logique.
Bref, je pense que tout ce qui a trait à l'orphelinat mériterait d'être mieux développé. Certes, ce n'est que le cadre de l'histoire, qu'un prétexte à l'expression du thème, mais ce prétexte et ce cadre sont importants. S'ils sont incohérents, l'histoire semble reposer sur des bases fragiles ; on ne peut pas y croire, se laisser emporter par le texte, si bien que le thème ne m'a pas touchée autant qu'il aurait pu. C'est pourquoi je te conseille de mieux visualiser ce que tu voulais faire avec cet orphelinat et de veiller à répondre à un moment donné aux questions qu'un lecteur pourrait se poser en lisant.
J'en profite pour une remarque un peu plus subjective mais qui pourrait peut-être t'aider : ton orphelinat n'a pas besoin d'être l'Enfer sur Terre pour être un lieu de privation de liberté. L'emprise exercée par la directrice sur les élèves pourrait être simplement psychologique, ce qui justifierait alors la plupart des incohérences du texte. En effet la maltraitance psychologique est encore trop ignorée dans nos sociétés. Un inspecteur un peu négligent ou volontairement aveugle pourrait ne pas remarquer l'état des enfants de l'orphelinat, par exemple, si la directrice cesse ses brimades le temps de l'inspection. Et l'on pourrait aisément comprendre que les filles refusent d'aller au commissariat, vu les chances qu'on leur rie au nez. Au bout de trois ans, il serait compréhensible que l'emprise de la directrice se soit dissipée et qu'elles osent espérer de l'aide.
Bien sûr, avec une maltraitance moins « spectaculaire », il serait un peu difficile d'effrayer les gens avec des idées comme celle de la fuyarde tuée par les chiens. Mais en t'y prenant bien, tu pourrais obtenir un effet identique voire supérieur en décrivant l'ambiance qui règne dans la salle de repos, l'influence de la directrice qui les tétanise même lorsqu'elle est absente...
J'ai également trouvé leur fuite un peu trop facile. On te l'a déjà fait remarquer mais je me permets d'y revenir car je pense avoir quelques explications à t'apporter. En soi, étant donné que la nouvelle reste assez métaphorique dans le sens où l'important est la signification des actions (elles ont retrouvé leur liberté) plutôt que les actions en elles-mêmes (elles ont fait ça, ça et ça pour s'échapper de l'orphelinat), ne pas expliciter tous les détails de leur fuite ne devrait pas poser problème.
Sauf que... Sauf que dans le premier chapitre, tu crées dans la tête du lecteur l'image d'un orphelinat d'où il est impossible physiquement de s'échapper. Or finalement, elles s'en enfuient très facilement : le coup du cheveu dans la porte est un classique, endormir les chiens aussi... Finalement, cela décrédibilise ce que tu as instauré dans le premier chapitre. D'où, selon mon interprétation – je me trompe peut-être complètement –, l'impression de trop grande facilité qu'on ressentie certains lecteurs.
C'est pourquoi je pense, encore une fois, que la maltraitance exercée par la directrice pourrait être moins spectaculaire. Plus insidieuse. L'histoire aurait, à mon avis, plus de sens vis-à-vis du thème et semblerait plus logique si les barrières n'étaient pas physiques (les chiens, les portes, etc.) mais mentales, si l'influence de la directrice avait été jusqu'à enlever de leur esprit l'idée de liberté (phénomène assez classique dans les relations abusives, d'ailleurs : la victime finit par être persuadée que quoi qu'elle face, elle n'échappera pas à l'emprise de son partenaire). L'influence de Charlie serait alors bel et bien de leur faire comprendre qu'en réalité rien ne les retient, les pousser à tenter de s'évader – et l'évasion en elle-même pourrait être traitée plus rapidement, sans la négliger totalement.
Cela serait sans doute plus complexe à écrire, il faudrait jouer beaucoup plus sur la dimension psychologique ce qui demande pas mal de réflexion au sujet des caractères des personnages. Mais je pense que cela pourrait améliorer l'histoire. En effet, ici, tu joues sur une sorte d'entre-deux : les barrières présentées sont principalement physiques, et elles ont créé des barrières mentales dans l'esprit d'Alizée et de Sasha. Ce sont ces barrières mentales que Charlie fait sauter, avec un peu trop de facilité ; et soudain, les barrières physiques n'existent presque plus. En l'état c'est assez incohérent ; mais cela se justifierait si on découvrait qu'en réalité, ces barrières physiques n'étaient pas si importantes et qu'Alizée et Sasha les avaient grossies dans leur esprit – ce qui se rapproche de ce que je te suggère.
Au niveau des personnages, ils m'ont semblé trop peu construits. Les idées de base que tu sembles avoir pour les trois filles étaient bonnes, mais je pense qu'il aurait fallu davantage les développer. Tu as Charlie qui est l'origine du changement et introduit de la différence dans le monde de l'orphelinat ; Alizée qui, bien que subissant comme tous les enfants l'emprise de la directrice, ne succombe pas à la méfiance des autres et rejoint Charlie ; Sasha, plus méfiante vis-à-vis de Charlie, mais qui finit par la rejoindre pour suivre sa sœur. C'est une bonne idée car cela peut entraîner des frictions entre les personnages, mais elle n'est pas assez exploitée.
Pour le personnage de Charlie, je pense qu'il faudrait qu'on ressente mieux sa différence. Là, on sait qu'elle l'est... parce qu'Alizée nous dit « elle n'est pas comme les autres ». On aimerait savoir pourquoi :qu'est-ce qui, dès le premier coup d'œil, permet de savoir qu'elle n'est pas comme les enfants de l'orphelinat ? Quelque chose dans son attitude ? Dans son apparence ? Nous le dire nous permettrait de nous impliquer dans l'histoire. Plutôt que de nous dire explicitement « elle est différente », tu peux la comparer aux autres et laisser le lecteur conclure par lui-même. Ainsi, on vivrait l'histoire au lieu de juste l'entendre. Une fois la discussion engagée avec Charlie, on remarque en effet sa différence : là où les enfants de l'orphelinat ont perdu espoir, elle veut se libérer. Mais c'est exécuté d'une manière assez maladroite. Charlie n'est pas très appréciable : elle est souvent agressive sans aucune raison (quand Alizée vient la voir, quand Sasha hésite parce qu'elle ne la connaît pas), et – ce qui rejoint mon paragraphe sur la facilité de leur évasion – ses envies d'évasion semblent moins la preuve de sa liberté que de sa naïveté et de son arrogance : Alizée lui dit clairement que la fille qui a tenté de s'évader est morte, et elle ne comprend pas que cela refroidit leurs ardeurs. Cela donne l'impression qu'elle est assez immature, qu'elle n'a pas conscience du danger... Sa liberté aurait plus d'impact si elle était consciente des risques et décidait d'essayer quand même, parce que rester enfermée lui était insupportable. Alors elle pourrait vraiment jouer son rôle de déclencheur, poussant Alizée et Sasha à établir un plan pour fuir, malgré les risques.
Pour Alizée, il faudrait je pense davantage décrire ses pensées vis-à-vis de Charlie : lorsqu'elle la voit, pourquoi lui semble-t-elle « cool » alors qu'elle a effrayé les autres enfants ? Ensuite, pendant la discussion, que pense-t-elle de la liberté de Charlie – en est-elle jalouse, la trouve-t-elle dangereuse, réalise-t-elle à quel point elle-même est enfermée ? C'est au cours de ces discussions qu'Alizée se libère psychologiquement, c'est donc dommage de ne pas développer ses émotions et ses pensées à ce moment.
Quant à Sasha, je l'ai trouvée un peu trop effacée. Il semble qu'elle se méfie davantage et se laisse prendre aux préjugés des autres (elle trouve Charlie étrange au début et ne la rejoint pas quand sa sœur le fait), mais une fois qu'elle rejoint Charlie, elle se laisse convaincre quasi-immédiatement. Il aurait été intéressant de développer le début de dispute que leur première discussion laisse poindre : cela permettrait de développer leurs caractères et, en orientant bien la dispute, de fournir une réflexion sur le thème. Au lieu de dire simplement qu'elle ne connaît pas Charlie – réserve très compréhensible qui rend la réplique de Charlie inutilement agressive – elle pourrait se montrer plus belliqueuse, dire qu'elle trouve cette idée inconsidérée, que les risques sont trop grands et qu'il vaudrait mieux se résigner et attendre. Alors on pourrait avoir une réflexion plus profonde sur le thème, en confrontant deux points de vue opposés, et l'utilité du personnage de Sasha serait plus marquée.
Plus classiquement, je pense que la relation entre Sasha et Alizée mériterait d'être mieux développée. Actuellement on a peu d'informations dessus, elles interagissent très peu ; elles pourraient être de vagues connaissances sans que ça ne change grand-chose. De même, l'histoire de Charlie mériterait d'être racontée plus en profondeur (si Charlie ne veut pas tout dire à Alizée et Sasha, elle peut raconter le reste en son for intérieur). En effet, tu fais monter le suspense à son sujet dans le premier chapitre en commençant à raconter puis en t'interrompant. On attend donc quelque chose de marquant, or elle est finalement racontée trop vite pour que ce soit le cas. De plus, j'ai trouvé qu'elle n'avait pas vraiment de rapport avec l'intrigue, elle semblait trop déconnectée du reste (mais cela rejoint en partie mon incompréhension sur les questions au sujet de son arrivée tardive). Charlie la raconte en réponse à la question de Sasha sur ses raisons, mais finalement ça n'explique pas grand-chose... L'histoire mériterait, pour moi, d'être mieux liée au reste.
Enfin, les émotions des trois filles mériteraient d'être mieux décrites. Par exemple, le passage où Sasha et Alizée réconfortaient Charlie était intéressant car il marquait un tournant dans leur relation, mais trop peu développé : j'aurais aimé savoir plus profondément ce qu'il évoquait en elle, j'aurais aimé sentir que cela la poussait à penser qu'elles étaient dignes de confiance, qu'elles étaient peut-être les seules à qui elle pouvait se raccrocher, et alors seulement la voir regretter de les avoir jugées trop vite...
Au niveau du style d'écriture je n'ai pas grand-chose à redire. Juste une petite remarque au sujet des mots que tu as inventés (case, grouf) : leur explication s'intègre assez mal au texte, les mettre ainsi entre parenthèses n'est pas très naturel et coupe de la lecture. Je pense qu'inventer « case » n'était pas très utile : il ne sert que deux fois, dans des contextes où l'on aurait pu s'en passer (dans le premier cas mettre juste « Rentre » aurait fait l'affaire, et dans le deuxième « Bienvenue à l'orphelinat » aurait convenu). « Groufs » pourrait être plus utile si Charlie l'utilisait au chapitre suivant, mais il est assez mal introduit. Lorsqu'on veut définir un mot inventé de façon plus subtile, on peut l'utiliser puis le reprendre en donnant la définition, par exemple « la première chose que je vis fut un groupe de groufs. Ces policiers des montagnes discutaient ». Ainsi on a la définition sans couper la lecture.
En soi, inventer ces mots étaient une bonne idée. Les orphelins ont ainsi un langage commun qui les isole du reste du monde, ce qui renforce l'immersion. Je trouve les mots bien choisis, ils semblent naturels ; on imagine bien les enfants discuter en les employant.
Dans le même genre que les mots inventés, les précisions sur le paracétamol coupaient un peu le texte. Je pense qu'elles auraient pu être fournies à la fin du chapitre.
Je pense que tu aurais pu travailler un peu plus le texte, avec des figures de style et des jeux sur la forme, pour accentuer les moments les plus importants. Cela aurait permis de s'immerger davantage dans l'histoire. Mais c'est ta première nouvelle donc je pense que c'est quelque chose qui te viendra au fil des textes, c'est normal que pour l'instant tu n'en utilises pas.
En revanche, j'ai trouvé le texte fluide, il se lit facilement !
Je trouve le rythme de l'histoire un peu trop déséquilibré. Cela donnait un peu l'impression que tu prenais ton temps au début comme si tu commençais un roman, puis que tu réalisais « oh merde c'est une nouvelle, il faut que je fasse court » et que tu abrégeais la suite.
Ainsi, j'ai trouvé la scène d'exposition très longue. Je pense que la scène dans les bois aurait pu être enlevée, elle n'est pas en rapport avec l'intrigue et, si l'histoire commençait au moment où Alizée entre dans la pièce commune où elle rencontre Charlie, on n'aurait pas de problème de compréhension. Je te conseille donc de supprimer cette scène ou de la remplacer par une scène qui montre l'emprise de la directrice sur les élèves, la privation de liberté. De plus, je pense que le moment où Alizée présente l'orphelinat à Charlie pourrait être écourté, connaître la disposition des lieux n'est pas très utile puisqu'on n'y revient pas ensuite.
À l'inverse, certaines scènes mériteraient d'être davantage développées, comme celles où tu expliques les émotions des filles, ainsi que la scène de leur libération (je ne parle pas ici des actions en elle-même mais de ce que pense Sasha, l'excitation, l'espoir et l'angoisse qu'elle doit ressentir).
Je pense que l'histoire se déroule en effet un peu vite, 4h pour se faire confiance et planifier une évasion c'est vraiment rapide... Tu aurais pu la faire se dérouler sur plusieurs jours, Charlie peut décider de rester un peu pour observer l'orphelinat et préparer son plan ; Alizée et Sasha, en la regardant faire, peuvent se laisser lentement convaincre. Ce serait ainsi, je pense, plus réaliste.
Je te conseille donc de faire attention au rythme de l'histoire, de considérer les évènements et de te demander : quelle place approximative prennent-ils dans l'histoire, en matière de temps de lecture ? Cette place correspond-elle vraiment à leur importance ?
J'aimerais aussi revenir sur l'ellipse dans le chapitre de Sasha. Tu précises « ellipse de temps », le « de temps » est un peu inutile car une ellipse est toujours temporelle. À vrai dire la précision entière est inutile à mes yeux puisque d'une part, la date nous renseigne, d'autre part le texte nous montre que du temps a passé. Comme cela a tendance à couper la lecture en rappelant qu'on est dans une histoire, je te conseille de le supprimer.
De plus, je dois dire que – subjectivement – je suis un peu dérangée par cette ellipse. Je me demande si ça n'aurait pas valu le coup de faire en sorte que le passage de 2023 occupe un chapitre entier. Isolé ainsi, il semble rajouté là à la va-vite pour ne pas abandonner les personnages. Je pense que, comme tes chapitres sont assez courts, tu aurais pu par exemple faire raconter la fuite à Charlie dans le deuxième chapitre (quitte à transférer une partie du chapitre de Charlie dans celui d'Alizée) et, dans le troisième chapitre, exposer le point de vue de Sasha trois ans plus tard. Faire en sorte que ce point de vue dure un chapitre entier te permettrait de le développer. Tu pourrais ainsi nous expliquer ce que pense Sasha de leur captivité, trois ans plus tard : sont-elles encore hantées par le souvenir de cet orphelinat, ou ont-elles réussi à s'en défaire ? Ont-elles pleinement retrouvé leur liberté ? Détailler ce qu'est cette « maison dans les bois » serait aussi utile : l'ont-elles construite elles-mêmes ou l'ont-elles trouvée ? Comment font-elles pour survivre ? Que pensent-elles de cette vie ? Bref, tu pourrais développer le passage de 2023 pour nous montrer vraiment ce qu'il se passerait pour elles une fois leur liberté retrouvée. Cela compléterait bien le traitement de ton thème, je pense.
Pour en revenir, donc, à ton thème, tu utilises le personnage de Charlie pour ranimer l'envie de liberté en Alizée et Sasha. C'est une très bonne idée car cela permet de montrer que la privation de liberté tient souvent à des barrières que l'on construit soi-même, et qu'en prendre conscience permet déjà de commencer à les abattre. Que Charlie, encore étrangère à ce monde, soit le déclencheur de cette prise de conscience est donc bien trouvé.
En revanche, je pense que ce n'était pas assez développé. Comme je l'ai mentionné en parlant des personnages, il aurait sans doute fallu que tu montres un peu plus ce qui se passait dans l'esprit de Sasha et Alizée au contact de Charlie. Comment leurs pensées évoluaient-elles pour les mener à retrouver leur liberté ?
Développer ce cheminement mental serait vraiment intéressant, je pense, pour explorer ton thème plus en profondeur.
Pour synthétiser cet avis trop long, tu as interprété le thème d'une façon intéressante, qui aurait pu être mieux exploitée en creusant davantage les personnages et en expliquant plus clairement l'intrigue. C'est une première nouvelle prometteuse, je t'encourage à en écrire d'autres : les défauts que j'y ai trouvés sont naturels lorsqu'on débute, et continuer à écrire te permettra de vraiment progresser. Il y a de bonnes idées dans cette nouvelle, qui ne demandent qu'à être exploitées !
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