Les pieds sur l'herbe chaude et sèche, elle marche. Elle court un peu, parfois. Mais surtout, elle marche. Elle réfléchit.

"Où allons-nous ?" pense-t-elle.

Et elle, où va-t-elle ?

Elle marche sans but, sans envie, vers un éternel lointain. Elle même ne sait pas si son trajet à une fin.

Elle s'arrête, elle s'assoit.

Elle arrache une petite fleur violette.

Et elle pense à sa vie en enlevant les pétales.

Pourquoi n'a-t-elle pas connu tous ses frères et sœurs avant ses dix-sept ans ? Pourquoi est-ce qu' "Il" avait besoin de les séparer ? Ça n'avait pas de sens. Elle aurait très bien pu essayer de faire une lecture consciente, mais elle avait peur des conséquences. Et si "Il" prenait son esprit ?

Géorgie contempla le ciel bleu.

"Trop bleu" se plaignit-elle en pensée.

Elle en était sûre. Une nouvelle ère se préparait, et personne n'était prêt. Il y allait avoir des révélations et des révolutions. Elle avait senti le changement.

"Depuis (t/p)." se dit-elle.

Oui, tout avait changé à partir de là.

Des gens étaient morts, et des esprits étaient  brisés. Elle avait dû effacer la mémoire d'ASEAN... mon dieu. Elle s'en souviendrait toujours. Ses joues sèches et en même temps humides, son esprit complètement cassé, vide et mort de partout... et cette phrase qu'il avait prononcée :

- S'il te plaît... je le vois... tue-moi, que je puisse le toucher...

Elle frissonna.

Oui, personne n'était prêt à ce qui allait arriver. Même pas elle. Elle savait, pourtant. Mais la pensée n'égalerait pas le réel.

Allait-ce avoir des répercussions sur le monde qu'elle ne connaissait pas, celui d'où (t/p) venait ?

Elle se releva.

Et elle réfléchit.

Puis elle avança un pied.

Avant, maintenant, toujours, elle marche pour annoncer le changement du monde. Dans l'herbe chaude et sèche, presque jaune, qui craque quand on marche dessus, elle marche en se brulant les pieds.

Mais c'est pour prévenir tout le monde, partout.

La passeuse se fait prophète.

Et elle marche.