Chapitre 1
-Zack! Explique-moi! je hurle à mon interlocuteur.
-Non. Tu dois venir me voir au plus vite.
-Je suis au travail là. Encore une erreur de comportement et il me vire mec, je peux pas venir avant ce soir! Je m'énerve.
- Débrouille toi, ça ne peut plus attendre.
Il a raccroché avant que je lui réponde... Comment je suis censé faire? Je suis trop souvent absent au taff en ce moment. J'ai déjà reçu un avertissement et je sais qu'il ne rigole pas. Mon travail, c'est mon seul moyen pour que je paie mon loyer...
-Alex! Ta pause est finie! Appelle Louise, ma collègue.
Je soupire, comment faire?
-Tu peux venir voir?
Rapidement, elle me rejoint affolée.
-Tout va bien? Tu es tout pâle, remarque-t-elle.
-Je crois que je vais pas pouvoir assurer la fin de la journée... J'ai dû choper la gastro.
-Oh non, elle recule, je préfère ne pas m'approcher. Tu peux partir et reviens-nous vite et en pleine forme. J'expliquerai ça à la direction.
-Merci beaucoup.
Je lui envoie une baiser de loin. Elle fait comme si elle l'attrapait et retourne à la réception.
Louise et moi, on se connait depuis deux ans. Nous sommes arrivés ici en même temps. Elle aussi, elle fait partie des classes 1. Elle vit à quelques pâtés de maison de chez moi. C'est vrai qu'elle est très attirante. Toujours souriante et pétillante, ses cheveux bruns qui retombent en cascade sur ses épaules et ses yeux marron qui ont le don de vous envoûter, elle a tout pour elle. Nous nous tournons autour depuis longtemps mais nous n'avons jamais vraiment essayer d'aller plus loin.
Je sors par la porte des vestiaires et me dirige vers la carcasse qui me sert de voiture. Au bout de six mois d'économie, mon salaire de 25$ par jour m'a permis d'acheter une voiture qui partait à la casse. Je continue encore de la rénover. C'est vrai, je ne reçois que 750$ à la fin du mois pour 66 heures de travail par semaine mais d'après la Novaetterae c'est ça pour les classe 1, les "incultes" ...
Etant donné l'affolement de Zack au téléphone, j'écrase la pédale de l'accélérateur. Monsieur et moi nous nous connaissons depuis douze ans. La société nous a toujours éloigné. D'ailleurs on s'est toujours demandé si c'était volontaire ou pas. On a été dans la même classe seulement un an, nos emplois du temps étaient les opposés. Mais il ne pouvait rien faire contre notre amitié. On vivait dans le même quartier, on arrivait à faire les meilleures conneries contre les tuteurs. Le jour où on a reçu notre placement, on était à l'opposé l'un de l'autre. Heureusement nos horaires sont plus ou moins compatibles. On essaie de se voir le plus souvent possible.
Le hurlement de la sirène Prafinibus me rappelle à l'ordre. Je n'avais pas remarqué que j'allais à 130 km/h sur une route limitée à 90... Mais je ne peux pas me rendre, déjà je dois aller voir Zack et je ne peux pas perdre mon temps à du travail forcé. Après tout, j'ai appris comment gagner une course poursuite. Peut-être que les seules leçons qui me serviront dans la vie seront celle du gang clandestin de ma rue.
Je continue d'accélérer tout en slalomant entre les voitures. Mon coeur bat aussi vite que la vitesse de ma voiture tellement l'adrénaline monte en moi. Je cherche une sortie. Mais je n'en trouve pas. Sans le savoir, je viens de me rendre car je viens de rentrer dans une voie sans issue.
Aujourd'hui:
Je me tiens droit, le regard baissé. C'est la première fois que je me fais arrêter. Avant, dans chacune des situations que j'ai connu, j'y ai échappé. Je savais que je n'aurais pas dû y aller, je le savais!
Le juge m'appelle, blasé. Toute la journée il règle des affaires comme ça, des excès de vitesse et il met les mêmes peines à tout le monde. Les avocats n'essaient pas de défendre quiconque, c'est du travail à la chaîne, on pourrait se croire dans une usine. Ils répètent les mêmes gestes, les mêmes paroles et les mêmes peines tout les jours. Et pourtant, ils font partie des plus rémunérés du pays.
J'ajuste ma chemise et m'assois sur le banc devant lui.
-Alex Waze, pris en plein excès de vitesse et de fuite sera condamnée à faire du travail forcé après sa justification, répète le juge lasse.
C'est la même phrase pour tout le monde, juste le nom change. Concernant la justification, je dois justifier mon acte. De ce que je sais, avant c'était ce que faisait les avocats. Maintenant les avocats se chargent juste de vérifier l'identité du criminel. On se défend seul, c'est comme ça. Mais les plus intelligents sont ceux qui ont compris que dans la société on ne peut compter que sur soi-même, personne d'autre. Et ça malgré que la Novaeterrae veut qu'on soit fidèle à elle.
Je me lève. t regarde le juge dans ses yeux bruns.
-C'est pour moi la première fois. La première fois que je commets une aussi grosse erreur, la première fois que je me retrouve face à vous. Ce jour là, je me suis emporté. J'ai eu peur, j'ai accéléré. Au final, vous m'avez eu alors le résultat est le même. Je vais payer mon erreur comme il le faut. Je n'ai rien d'autre à ajouter.
Je me rassois, sachant très bien que rien ne va changer. Il nous demande cette précieuse justification alors qu'il ne l'écoute pas. Il rêvasse, chercher une issue de secours grâce à ses pensées. Maintenant, il doit tirer un nom et ensuite il me dira où je vais.
-Alex Waze, pour votre excès de vitesse et délit de fuite, vous êtes condamné à cinq mois de travail forcé chez Valentine Landry.
La sentence du juge tombe. Cinq mois loin de tout. Bien entendu, chez l'un des noms les plus puissants du territoire... Je savais très bien que cela serait cinq mois, j'ai eu un mois pour m'y préparer, mais je ne suis pas prêt. Loin de là.
"Vous avez une journée pour prendre des affaires, placer vos animaux si vous en possédez, prévenir vos amis et démissionner de votre travail. Votre logement sera remis en attente pour un nouveau locataire. Vous débutez le travail demain matin à neuf heures chez mademoiselle Landry."
Le juge annonce la fin de l'audience. Je jette un coup d'œil à ma mère. Elle est assise dans le fond et elle pleure. Ça fait mal de voir ma mère dans cet état. Depuis que je suis petit elle se tue pour m'offrir une éducation et un avenir potable et voilà ce que je fais. Heureusement, je sais qu'elle pourra compter sur ma grande sœur.
Un homme plutôt petit s'approche de moi. Il porte un uniforme Prafinibus (il s'agit de la police de notre fabuleuse société).
-Bonjour, je suis l'agent Sirachez. Je m'occuperais de vous surveiller aujourd'hui, m'annonce-t-il.
Il me met un bracelet électronique au pied. Je comprends que je ne pourrais pas échapper à ma sentence... Il me tend différents papiers que je dois signer. Ils parlent des règles que je dois respecter. Je survole tout ça et signe pour pouvoir aller voir ma mère au plus vite. Je m'en veux tellement de l'avoir blessée comme ça. En réalité je ne suis pas vraiment un criminel mais ce jour là, je me suis emporté ...
-Vous pouvez rentrer chez vous Monsieur Waze, conclu le juge lorsque je lui rends ses papiers.
Je cours vers ma mère. La tristesse ne fait qu'accentuer ses rides et lui ajoute une dizaine d'années. Elle est venue habillée comme pour un enterrement, robe noire, chapeau avec un petit voile en dentelle qui cache ses yeux de loin.
-Je suis désolé, ne pleure pas tu sais que je reviendrais encore plus fort après tout ça maman.
Elle me prend le visage entre ses mains.
-Oh mon fils, le second cadeau que la vie m'a offert. Tu es encore trop immature pour ce monde. La vie n'est pas un jeu vidéo auquel tu as pu jouer. Ici, tu dois respecter les règles ou tu es puni, comme quand tu avais sept ou huit ans et que tu faisais une bêtise. Sauf qu'à ce moment là, c'était moi qui te punissais. Aujourd'hui, je ne peux plus te protéger. Si je suis si triste, c'est que je sais que pendant six mois, je ne pourrais presque plus te voir. Mais j'ai confiance en toi, je sais que cette épreuve te rendra plus fort et tu grandiras. Je t'attendrai à ta sortie. Je t'aime fort mon fils, plus fort que je ne peux aimer quiconque sur cette terre. Je sais que c'est en partie de ma faute si tu es comme ça aujourd'hui. Ton père a toujours été absent pour toi, et désormais tu me le fais comprendre en t'embarquant dans des causes qui te font du mal. Mais j'ai confiance, je sais que cela t'embellira de vivre ça, et tu deviendras un grand homme. Promet-moi une chose Alex. Rappelle toi ce que je t'apprends depuis que tu es né, ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. N'oublie pas que tu seras toujours entouré et aimé malgré les actes que tu feras dans ta vie, je serais toujours là pour toi mon fils. Ne l'oublie pas.
Après m'avoir dit tout ça, ma mère s'en va, me laissant en larmes face à la déclaration qu'elle vient de me faire. Ma mère a toujours été une battante. Les valeurs qu'elle m'a transmises sont très importantes pour moi. Elle sait qu'il n'y a qu'elle qui peut réussir à me faire culpabiliser dans la vie. Jamais je n'ai laissé quelqu'un insulter ma mère. A chaque fois que cela arrivait je le frappais. Je ne pouvais me contenir, les coups partaient d'eux même. Et malgré ça, ma mère me disait qu'il ne fallait pas taper les autres même s'ils insultent quelqu'un qui nous ait très chère. La voir comme cela aujourd'hui me fais tellement de mal. Ses boucles blondes habituellement nouées en une très belle tresse, sont la entourées d'un élastique. Son allure toujours si parfaite, si admirable, est tellement brisée. Oh, qu'est ce que je m'en veux...
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