♟️🌺 Prologue
Le pays entier brûlait. Tout le monde hurlait et courait en tous sens pour tenter d'échapper aux monstrueuses bêtes de feu. Elles ravageaient tout, absolument tout sur leur passage. La fumée était si dense que l'on n'y voyait rien. Une femme, son capuchon rabattu sur sa tête, courait à perdre haleine jusqu'à la rive. Les flammes s'élevant des maisons derrière elle se reflétaient dans l'eau.
La femme repoussa son capuchon d'un geste brusque. Elle savait ce qu'elle devait faire. Ensuite, il se produirait ce qui devait se passer. L'eau lui avait confié sa terrible destinée, ainsi que celle du royaume tout entier. Certains périraient, mais d'autre verraient. Le miracle.
La femme passa une main derrière sa nuque et, dans un petit cliquètement, une pierre de cristal tomba dans sa paume ouverte. Ensuite, elle posa la pierre dans le drap qui entourait son paquet et posa ce dernier sur le sable de la rive.
— Certaines choses doivent arriver. Tu seras le miracle, et tu accompliras ton devoir envers les tiens. Ton destin est tracé. Tu nous sauveras tous, mais plus tard...
Avec une tendresse que l'on devinait rare sur ce visage aux arêtes abruptes, la femme retira le drap qui entourait son mystérieux paquet, révélant le visage endormi d'un nourrisson.
— Je suis tellement désolée que ton destin doive être si lourd à porter. Mais, poursuivit-elle d'une voix dure en se redressant, ce qui est dans la prophétie doit être fait. Pour le bien de tous.
A ces mots puissants, un monstre de flammes surgit soudain par derrière la femme qui se retourna brusquement, les mains levées. De la brume argentée sortit de ses mains quand elle le repoussa. On ne combattait les flammes qu'avec l'eau. Les yeux dorés de la femme étincelèrent à la lumière des flammes.
Alors qu'elle combattait le monstre enflammé, le bébé ouvrit les yeux. Des yeux singuliers, inconnus de tous les royaumes réunis. Un enfant né d'une relation interdite. Aucun Traité ne le protégerait jamais de la cruauté et de la mort.
La femme était prête à tout pour sauver l'enfant.
Même à mourir.
La femme aux yeux dorés tomba soudain sur le champ de bataille. Autour d'elle, à quelques dizaines de mètres, les gens hurlaient, les gens couraient... Les gens mouraient. Son royaume périrait, elle le savait. L'eau lui avait révélé bien des secrets, et celui-ci en faisait partie.
Dans un râle, alors que le monstre de feu se dirigeait vers l'enfant, elle leva une main. Elle savait que c'était le dernier geste qu'elle accomplirait.
Elle devait sauver l'enfant qui devait tous les sauver.
De l'eau sortit en flots abondants des mains de la femme en direction du bébé. Ce dernier était si près de l'eau qu'il glissa lentement vers la mer.
Le monstre se rapprochait.
La femme puisa dans ses dernières forces et le bébé sombra dans la mer.
Le monstre hurla, si fort que le sol sableux trembla. La femme ferma les yeux alors qu'un tremblement de terre craquelait le sol du royaume entier.
Un homme sortit de la brume. La femme ouvrit les yeux dans un dernier effort. Était-ce un rêve ? Elle se sentait perdre pied...
C'était la fin.
L'homme la regarda, entouré de volutes de fumée. Le monstre disparut sur un claquement de doigts.
— Où est-il ? prononça-t-il à l'intention de la femme.
Celle-ci trembla sous l'intonation dure. Jamais il ne lui avait adressé la parole ainsi. Pourtant, elle parvint à esquisser un sourire. Si froid qu'il n'éclaira pas ses yeux dorés lorsqu'elle déclara :
— Je l'ai tué...
L'homme plissa les yeux.
— Tu mens.
La femme toussa, crachant du sang.
— Tu n'en as plus pour longtemps, cracha-t-il avec mépris.
Le regard doré de la femme commença à se voiler.
— Tu ne le retrouveras pas. Peut-être qu'il est déjà mort...
— Comment as-tu osé ?
La femme tenta de se redresser sur les coudes, mais s'effondra à terre. Il lui adressa un sourire narquois.
— En tous cas, tu mourras bientôt. Je le retrouverais, sois en certaine.
Elle cracha encore du sang. Il s'agenouilla devant elle et lui redressa le menton pour qu'elle le regarde.
— J'ai bien peur que tes beaux yeux dorés ne s'ouvrent plus jamais. Je vais détruire ton royaume.
— Il accomplira ce qu'il doit accomplir...
— Je n'en doute pas, ma chère, je n'en doute pas...
— Je suis heureuse de ne pas être là pour voir ça. Pour ne plus le voir.
Il se figea.
— Tu ne l'aimes pas ?
— Comment pourrais-je l'aimer ? dit-elle avec hargne malgré le sang qui coulait le long de son menton.
Il se redressa lentement et la toisa.
— Alors pourquoi...
— Je protège mon royaume. Mais ne crois pas que c'est parce que je l'aime. Je hais cette...chose. Mais c'est grâce à lui que mon royaume pourra être sauvé.
— Ton royaume n'existera plus. Personne ne se souviendra de son existence, ni de la tienne. Je te le promets, susurra-t-il.
— Toi, tu te souviendras de moi. Quoi qu'il arrive, je sais que tu reverras mon visage dans ta mémoire.
Un dernier sourire éclaira son visage.
— C'est ta punition. J'ai déjà reçu la mienne, pour avoir osé croire en ton amour....
Elle lui attrapa la main et il ne se déroba pas. La haine flamboya dans leurs deux paires d'yeux et pourtant, ils ne se lâchèrent pas.
— On se retrouvera...
Elle ne termina pas sa phrase. Son regard fut attiré par les étoiles qu'on entrevoyait à travers la fumée et ne les quitta plus.
— ... en Enfer, termina-t-il pour elle avec un dernier sourire.
Il resta assis près d'elle, sa main dans la sienne, jusqu'à ce que son corps soit suffisamment refroidi. Puis, des soldats en uniforme sombre surgirent derrière lui et il se leva lentement, se frottant les mains.
— Nous attendons vos ordres, sire, prononcèrent-ils.
Il ne les regarda pas, son regard rivé sur la femme étendue à terre, les yeux vitreux. Il se pencha pour inscrire le doré singulier dans sa mémoire et abaissa les paupières de la femme pour cacher cette couleur qu'il avait autrefois aimée.
— Ramenez-là avec nous. Je veux conserver son corps.
Si les soldats furent surpris par cette annonce, ils n'en laissèrent rien paraître.
— Très bien, sire, dirent-ils, au garde à vous.
L'homme les regarda emmener la femme qu'il avait autrefois aimée, la femme qu'il avait tuée au lieu de continuer à l'aimer. Sa haine avait été plus forte que tout. Mais il ne regretterait jamais sa décision. Ce royaume ne devait plus exister. Pour le plus grand bien.
— Tu vois, tu m'as dit que je serai hanté par ton souvenir. Tu n'as pas envisagé que je puisse le faire volontairement en t'emmenant avec moi. Tu resteras à mes côtés, même en étant morte.
L'homme se détourna et resta à regarder la mer depuis la plage. Derrière lui, le royaume n'était plus que sang et fumée.
— Où que tu sois, je te retrouverai, prononça-t-il en serrant le poing.
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J'espère que ce prologue vous a plu 😊
Chapitre 1 : Vendredi 22 novembre à 18 heures.
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