DIX-NEUF



J'avais fais part de mon idée de monter un campement et elle avait bien été reçue. Nous avions donc passé la matinée à dans un premier temps trier nos objets encore en bon état et à faire sécher nos affaires. Ensuite, nous nous étions construit chacun une petite hutte en bois.

Je posai la dernière branche sur le toit de la cabane de Z4. Avec C7, M3 et son frère nous l'avions faite pour lui, encore épuisé par sa blessure. Mon estomac grogna. En essuyant une goutte de sueur sur mon front, je pris la parole la voix rouillée par ma bouche sèche,

-On ne tiendra pas longtemps sans provisions.

Nous avions déjà essayé de boire la mer mais nous avions vite laissé tombé en constatant qu'elle accentuait notre soif au lieu de l'étancher.

Un constat s'était alors imposé ; Nous étions entourés d'eau mais il nous était impossible de la boire.

M3B prit la parole à son tour,

-On devrait aller voir si on ne trouve rien à manger.

-Je viens avec toi, lui dit C7.

J'observai mes camarades ; ils étaient mal en point. Leurs vêtements avaient séché sur leurs peaux et leurs égratignures étaient pleines de sable tout comme leurs cheveux poisseux. De grand cernes bleues trônaient sous leurs yeux. Je jetai un coup d'œil aux pants de ma robe déchirés, je ne devait pas être en meilleur état.

-Vous venez les filles?

La rousse répondit à son frère d'une voix fatiguée,

-Je reste ici voir où en sont les autres.

-Je vais m'occuper de Z4. Partez sans nous les gars, répondis-je à mon tour.

Sans s'attarder, ils ramassèrent leurs sacs et s'en firent trouver quelque chose à nous mettre sous la dent. Après un signe de tête mon amie s'éloigna à son tour vers les autres huttes. Je tendis une main à mon ami semi-comateux.

-Viens à l'intérieur, il y fait meilleur.

Sans me répondre il me la prit et se leva avec difficultés. Nous nous baissâmes pour passer la basse ouverture et il s'assit dans un coin en fermant les yeux.

-Ça fais du bien un peu de fraicheur non? Lui dis-je en souriant.

Il hocha la tête et murmura un petit remerciement.

-Je reviens dans quelques minutes, dis-je en ressortant de la hutte.

Je me mis en quête de paille pour lui aménager une petite natte, il y en avait partout dans les arbres et donc pas mal au sol. J'en ramassai suffisamment et ramenai le tout à l'intérieur. Je m'assis auprès de mon ami et je commençai a tresser la paille.

-Merci L6.

Z4 avait entrouvert un œil et ses lèvres s'étaient retroussées en un minuscule sourire.

-C'est normal. Tu va mieux ?

-J'ai moins mal, mais je suis fatigué.

-J'aurai fini ta natte dans trente minutes à peu près.

Il hocha la tête,

-Ce sera plus confortable je pense.

Je lui répondit par un sourire franc et je me reconcentrai sur mon tissage. Un silence s'installa, je crus qu'il s'était rendormis jusqu'à ce qu'il me lance d'une petite voix ;

-Je suis désolé de ne pas t'avoir parlé de ma mission tout de suite. J'avais peur de ta réaction, et j'ai eus mal quand tu as dis ne plus vouloir me parler.

Je sentais son regard posé sur moi. Il attendait que je réponde. 

-Ca m'a déçue cette histoire. Enfin je sais que ce n'est pas de ta faute mais je me disais qu'en ne te parlant plus je souffrirai moins à mon départ.

Il souffla doucement.

-Et tu a raison.

-C'est possible. -je me tournai pour poser mon regard dans le siens- Mais si j'arrête de t'adresser la parole je sens qu'on raterai une belle histoire toi et moi.

Je déglutis bruyamment, qu'est-ce qui me prenais de dire ça ?

-Je le pense aussi. Et je préfère souffrir de te quitter que souffrir de remords.

Mes joues s'empourprèrent lorsque je vis que ses pupilles s'étaient dilatées. Je détournai aussi tôt le regard, gênée par la situation. Le souffle court je me remis à la confection de sa natte en chassant toute pensée un peu trop réfléchie. Derrière moi, je l'entendis rire doucement mais je préférais l'ignorer.

Je restai là à ses côté trois quarts d'heure le temps de finir son petit lit. Une fois la tâche terminée, je le réveillai avec délicatesse pour l'aider à s'installer plus confortablement sur la paille. Je le quittai après ça en refermant la petite porte de bois, peu solide, mais qui le tiendrai dans la pénombre.

Je m'étirai lentement sous les rayons chauds de l'astre de jour en essayant de maîtriser mon mal de tête. Il devait être au alentours de quinze heure. Les huttes avaient été disposées en cercle et nous avions déjà préparé l'emplacement du feu de camp au milieu ; le campement prenait forme.

Je partis m'asseoir sur un rondin de bois à l'ombre. Une fille vint se poser à coter de moi, elle était petite et menue et ses cheveux ressemblaient à présent à un tas de nœuds. Elle redressa ses lunettes qui avaient survécu à l'accident, me sourit et me demanda,

-Tu as chopé une insolation toi aussi ?

-Je sais pas si s'en est une mais ma tête tourne énormément.

-En tout cas tes épaules son rouges.

Je haussais les sourcils en me découvrant un énorme coup de soleil sur le torse.

Elle rit doucement.

-J'ai faim. Et soif. Je crois bien que cette mission nous perdra.

-J'ai des amis qui sont partis chercher de la nourriture.

-J'ai vu un autre groupe y aller aussi.

Je hochai la tête, avec tout ce monde on aurait bien quelque chose à manger non ?

-Au fait, tu t'appelles comment ?

-I1, et toi L6 c'est ça ?

-Oui c'est ça. C'était bien toi qui avait dit s'y connaitre en soins non ?

-Oui c'est ça, ma sœur est un grand médecin à Xoria et elle m'a appris quelques trucs. Tu as besoin de moi ?

-Pour le moment ça va. Mon ami à manqué de se noyer en arrivant mais il a l'air d'aller un peu mieux, il se repose là.

Elle hocha la tête et tapa dans ses mains tout en se levant. Elle posa un pied sur le rondin pour se surélever et désigna le campement.

-Ça rend bien non ? Si on trouve de quoi manger et qu'on rétablit la communication pour que le Quartier Général nous rapprovisionne, la mission de passage pourrait finalement t se dérouler comme prévu. L'endroit est parfaitement calme, ce serait presque comme des vacances ! 

-Comme tu le dis il faudrait déjà se nourrir et rétablir la communication. D'autant plus que le matériel est foutu dans l'eau.

Elle se rassit à mes côtés et ferma les yeux une seconde. Quand elle les rouvrit ils fixèrent de sol sableux sans se relever.

-Je sais. J'essaie de positiver mais je commence à me dire que la possibilité que nous ne rentrerons jamais n'est pas à écarter.

Je posai une main dans son dos sans répondre et nous restâmes un long moment dans le silence. En contrebas les vagues qui s'écrasaient doucement sur la plage nous berçaient de leur bruit. Tout comme le souffle du vent dans les palmiers. L'espace d'un instant j'oubliai la douleur de mon corps pour humer le parfum marin et admirer le calme sacré que nous avions brisé en arrivant ici.

-On a trouvé à mangé !

Une voix puissante venait de crier ces mots. En l'espace de quelques secondes, le camp était passé d'un silence mortel à un brouhaha infernal. Un groupe s'était rassemblé à l'entrée du bois. I1 m'aida à me lever et elle se dirigea vers l'attroupement. Mes amis étaient de retour avec un autre groupe et un petit blond plutôt baraqué tenait sur son dos un grand drap ramené en baluchon . I1 s'approcha de lui et l'enlaça furtivement.

-L6, je te présentes Od, un ami.

Le concerné me salua brièvement, il avait l'air épuisé. Je répondis par un sourire et les quittai pour rejoindre C7 et M3B.

Les sacs de mes deux amis avaient doublé de volume et ils s'affaissaient sous le poids de ceux-ci. Je les aidai à s'en débarrasser.

-Il y a un ruisseau à quarante minutes de marche. On a ramené ce qu'on a pu mais ça tiendra juste la soirée, demain il faudra y retourner en groupe pour que chacun fasse ses réserves.

Je hochai la tête.

-Et la nourriture ?

-L'autre groupe à trouvé des fruits, on s'est croisé sur le retour et on a fini le chemin ensemble. Comment va Z4 ?

-Il se repose dans sa hutte, je lui ai fait une natte. Je suis heureuse que vous ayez trouver quelque chose, ici tous le monde commençait à perdre espoir.

Ils me sourirent et ensemble nous ramenâmes l'eau avec la nourriture auprès du feu que quelqu'un venait d'allumer. Ils avaient rempli 12 gourdes pleines, tout ce que leurs sacs leurs permettait d'apporter. I1 et d'autres filles s'étaient attaqué à la construction d'une petite table pour poser les fruits qui avaient pour le moment été mis à l'ombre. Après m'être assurée qu'ils n'avaient pas besoin d'aide je me retirai sur la plage.

Mes pieds nus s'enfonçaient dans le sable chaud et le sel marin venait cristalliser ma peau. Je m'approchai de l'eau et m'assis de manière à ce que les vagues viennent caresser mes orteils. Là, je me laissai une nouvelle fois aller par le calme de l'endroit en fermant les paupières.

Une main se posa sur mon épaule. Je sursautai et me retournai pour voir Z4 s'asseoir à côté de moi.

- Tu fais quoi ici ?

-Je prends l'air. C'est agité au camp, je ne peux pas dormir.

Nous restâmes là, côte à côte sans parler. Le ciel commençai à rosir et le soleil descendait lentement vers l'horizon.

-Merci d'avoir pris le temps de m'apprendre tout ça avant le départ. Merci aussi de m'avoir soutenu quand ça n'allait pas. Merci pour tout.

Je venais de briser le silence.

Il haussa les épaules avec un demi-sourire et plongea ses yeux dans les miens. Z4 était mignon sans pour autant être du genre à attirer toutes les filles. Sa peau était légèrement halée et ses cheveux brun partaient dans tous les sens. Ses pupilles brunes me fixaient sans retenue.

-Tu m'as toujours pas expliqué le délire avec tes yeux, me dit-il

Je les levaient au ciel avant de répondre.

-Ils sont de quelles couleurs là ?

-Vert et jaune pipi.

Je me les cachai avec les mains, jaune pipi ? À travers mes doigts je le vis pouffer de rire.    

-Ils sont très beaux ne t'en fais pas ! Alors, ça viens d'où ?

-Je n'en sais rien, mon médecin m'a dit que c'était une histoire de génétique mais ni ma mère ni mon père avaient déjà vu ça dans leurs familles. Après, la plupart du temps ils restent gris, donc peu de gens remarquent leurs particularité.

Il avait penché la tête sur le côté en éloignant son dos pour mieux m'observer.

-Et à quels moments ils changent de couleurs au juste ?

-En général c'est quand mes émotions sont trop fortes. Mais les couleurs sont aléatoires et jamais significatives, ajoutais-je.

-Et quelle émotion est trop forte en ce moment ?

Il souriait de toutes ses dents. Je levai les yeux au ciel et répondais sur un ton que je voulais neutre,

-Je n'en sais rien. Trop de choses.

-Comme ?

-La peur de ce qui nous attends, le stress, la tristesse, la colère envers le QG... Enfin tu vois quoi.

Il hocha la tête mais ne se défit pas de son sourire.

-C'est tout ?

Non, il y a aussi un certain garçon qui me fait un peu d'effet à côté de moi.

Je chassai cette pensée agaçante. Z4 ne m'attirait pas... Je crois.

-Tu es rouge pivoine L6, et tes yeux on virés au rouge. Il se passe quoi ?

Je décelais une pointe d'amusement dans sa voix. Il se foutait de moi. J'allai répliquer lorsque la voix d'M3 s'éleva derrière nous, me tirant ce cette situation gênante.

-On sert le repas avant qu'il fasse noir, vous venez ?

-Tout de suite ! Répondis-je en me levant avec difficultés.

Je la rejoignis, Z4 à mes trousse. Lorsque je fus à sa hauteur elle fronça les sourcils.

-Tes yeux...

-Z4 t'expliquera ! La coupai-je. 

Nous nous dirigeâmes vers la table pleine de fruits. Je saisis une banane et me dirigeai vers Od qui gérait les rations d'eau.

Il me tendit une longue feuille pliée de manière à former un demi-tube. Voyant mon air perdu il précisa ;

-Tu la porte à ta bouche et je verse de l'eau dedans.

Je fis ce qu'il me disait et je manquai de pousser un cri de joie en sentant le liquide traverser ma gorge. Je le remerciai d'un signe de tête et je parti m'asseoir à côté d'M3 en épluchant ma banane.

-Ça fait du bien ! Me dit-elle.

Je hochai la tête en croquant dans mon fruit. Les saveurs envahirent ma bouche, titillèrent mon palais et ma langue avant de disparaître dans ma gorge. Je fermai les yeux un instant et lorsque je les rouvris je tombai sur le visage de C7. Je reculai soudainement, surprise. Il fondit de rire et s'assit à nos côtés.

-La nuit tombe vite, d'ici dix minutes il fera totalement noir, nous dit-il après avoir observé le soleil descendre vers la mer.

-Il y a quelques heures on était sur le vaisseau, vous y croyez à ça ? Dit M3 dans un souffle.

-J'ai peine à y croire ouais, répondis-je.

Je piquai un morceau de coco à C7 et commençai à le manger en cherchant Z4 du regard. Je le trouvai assis avec X8, Y7 et ses deux autres amis près du feu.

Une bourrasque glacée sorti soudainement d'on-ne-sait où et me provoqua des frissons. L'air se refroidissait et des nuages trônaient au dessus de nos têtes. L'entrée du bois formait à présent un tunnel obscur peu rassurant. Je tournai la tête vers la mer mais elle aussi semblait peu accueillante dans son voile de brume et son eau devenue noire. Je me massai la tempe en détournant le regard, la nuit qui arrivait avait l'air beaucoup moins sympa que son ami le jour. Mal alaise, je saluai mes amis en décidant de rentrer dans ma hutte pour dormir. Plusieurs personnes eurent certainement la même idée puisque la petite place perdît en monde rapidement. Je me cloîtrai dans ma petite cabane en me roulant dans un coin de ma natte pour me réchauffer. Pourquoi je n'avais pas pensé à prendre une couverture dans ce putain de sac. La faible porte de bois s'ouvrit soudainement en laissant entrer un courant d'air, une ombre se dessina dans l'entrée et je poussai un petit cri.

-Du calme c'est juste moi !

Z4. Je soufflai bruyamment avant de lui répondre.

-Désolé, l'obscurité me rend nerveuse.

-Tu as peur ?

-Un peu oui, murmurai-je.

-Si tu veux je dors ici ?

Je secouai la tête énergiquement. Dans ses rêves !  

-Non, on serait beaucoup trop serrés. Ça va aller t'en fait pas !

-Sûre ?

-Oui !

-Bon ok, À demain !

Il s'apprêtait à sortir mais je l'arrêtai,

-Tu es venu pour me dire quoi ?

-Pour te dire bonne nuit.

-Bonne nuit Z4.

-Bonne nuit L6.

Et il sorti en laissant de nouveau un courant d'air chatouiller ma peau. Et dire qu'on mourrait de chaud aujourd'hui, comment le temps pouvait être aussi contradictoire? Je rapprochai mes jambes sur mon torse et j'enfoui ma tête entre celles-ci. Maman, papa. Est-ce qu'au moins ils savaient où j'étais en ce moment ? Je fermai les yeux en sentant des larmes pointer leurs bout du nez et finis par m'endormir dans un sommeil agité.

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Je me réveillai en sursaut, un cri strident venait de me tirer de mes songes. Dehors, le vent secouait violemment ma hutte et brisai à lui seul le silence religieux de la nuit. Je tâtai le sol à la recherche de mon sac et une fois trouvé j'en sortis ma lampe de poche. J'allai l'allumer lorsque je perçu une sorte de murmure devant ma porte. Je renonçai donc en pressant l'objet contre ma poitrine et je tendis l'oreille. Les murmures étaient incompréhensibles et heureusement , ils semblaient s'éloigner. Le cri résonnait encore dans ma tête, qu'est-ce qu'il s'était passé ? Le jour je serai sorti voir mais là, dans l'obscurité de la nuit mon corps semblait incapable de bouger. Alors je restai là tétanisée, à attendre ce qui arriverait.

Un frisson secoua mon corps, les murmures se rapprochaient de nouveau, de plus en plus bruyants, inquiétants, toujours incompréhensibles. Je reculai contre le mur du fond les yeux fixés sur la porte qui semblait sur le point de s'ouvrir. Et là, trois coups puissants la secouèrent. Je fermai les yeux, elle allait s'ouvrir, elle allait s'ouvrir. Les murmures s'intensifièrent encore et se modifièrent dans un bruit repoussant.

Ouvres.

Je pleurai de peur à présent.

C'est chez nous ici, chez nous, vous ne pouvez pas rester.

La voix stoppa un instant, attendant que j'obtempère.

OUVRES !

Un nouveau coup la secoua, elle ne tiendra pas.

Pourtant, les bruits cessèrent et ni la voix ni les chuchotements ne reprirent, me replongeant ainsi dans un silence encore plus effrayant. Alors que je commençai à souffler en me disant que je ne risquais rien, la porte s'ouvrit violemment et une forte lumière m'éblouit.

Des spasmes me secouèrent et tout devint noir.

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