DEUX (J-7)
La ville était en vue ; pas trop tôt, la voie était pleine à craquer pour arriver jusque-là.
J'observais Xoria, elle était entourée d'un dôme de xorton, le métal transparent le plus solide qu'il puisse exister. J'étais venue ici une centaine de fois et pourtant le spectacle m'éblouissait toujours autant. Des bâtisses énormes cohabitaient avec de petits lotissements et des maisons modestes. Dans tous les sens des rivières artificielles longeaient les routes et des arbres rares dans cette galaxie étaient plantés ici et là.
Les allées commerçantes étaient noires de monde comme à leurs habitudes.
Du coin de l'œil je vis que des enfants jouaient au ballon sur la grande place, certainement surveillés de près par leur parents depuis la terrasse d'un café. Au centre de tout ça, se dressait vaillamment l'immense QG. Je me décidais enfin à entrer dans la ville en passant par l'entrée sud pour rejoindre le quartier de V9. Elle m'attendait en bas de l'immeuble adossée contre le mur en verre. Ma meilleure amie me serra dans ses bras et nous montâmes au 146 ème étage où se trouvait son appartement. Nous nous affalâmes sur son lit avec deux tasses de thé. Elle se tourna vers moi;
-Alors ?
-Et bien je sais pas.
Le choix consistait à choisir ma mission de passage. La société était divisée en 4 catégories,
les membres du QG: les élites,
les médecins, infirmiers et métiers de la santé: les fidèles,
tous ceux qui travaillaient dans les bureaux et magasins: les rigoureux.
En général, ces trois catégories restaient en ville et menaient une vie plutôt calme. La dernière catégorie était celle des explorateurs, ceux qui dressaient les cartes, mais surtout, les seuls qui pouvaient se poser sur les planètes orphelines. Ils géraient les conflits entre chaque espèces et maintenaient l'ordre dans les villes. Leurs nom était simple, banal, mais respecté. Tout simplement car sans eux l'humanité n'était rien : les autres.
Ma famille en faisait partie. Ici, la mission la plus réussite nous calait dans une catégorie jusqu'à la fin de nos jours, bien-sûr, elles étaient toutes disponibles à part l'élite car cette catégorie fonctionnait uniquement par génération ; ton père était élite? Tu pourras être élite. Ton père était rigoureux ? Tu pourras être rigoureux mais aussi fidèle ou autre, jamais élite. La cérémonie se faisait normalement à 16 ans sauf dans des cas comme le mien où j'allais la faire à 17 ans.
J'avais déjà fait mon choix.
Depuis ma naissance j'allais de galaxies en galaxies, je découvrais des planètes, des peuples chaque année ; pour rien au monde je n'aurais arrêté ça. La famille de V9 était fidèle, elle n'avait donc jamais quitté Xoria mise à part la fois où nous étions allés dans une station balnéaire sur Venus pour les vacances. Même si la ville offrait une vie calme et vraiment très aisée je ne me voyais vraiment pas rester ici jusqu'à la fin de mes jours. J'avais vraiment hâte que le jour de la mission arrive, car celle-ci réussit, j'allais enfin être majeure et libre.
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Je sortais de mes pensées et regardais V9,
-Tu sais très bien que je vais choisir autre.
-Et imaginons que tu sois recalée ?
-Moi recalée ? Dis-je en feignant d'être outrée, tu dois te tromper de personne V9.
- Ouais... J'espère pour toi que tu as raison, dit-elle en grimaçant.
- J'ai toujours raison patate ! Dis-je sûre de mon coup.
-Ne m'appelle pas comme ça !
-Pataateuuh !! Criais-je en m'armant d'un coussin.
-Tu viens de déclarer la guerre L6!
Et nous partîmes dans une bataille d'oreillers, pliées de rire. Je crois bien qu'elle et moi nous ne grandirons jamais réellement.
***
Il était aux alentours de 22h00 lorsque je claquais enfin la porte de l'immeuble. Le froid paralysait mes membres. Je réajustai mon écharpe, J'avais tardé à quitter l'appartement de mon amie et je me retrouvais seule à une heure avancée sans avoir mangé.
V9 avait son appartement à elle toute seule ; elle entretenait une relation spéciale avec ses parents, ils travaillaient beaucoup et ils n'avaient pas beaucoup de temps pour leur fille unique. Ils n'avaient donc pas bronché lorsqu'elle leurs avaient annoncé qu'elle voulait quitter la maison familiale pour avoir son indépendance. Son logement était pris en charge par les aides aux étudiants -encore un privilège de Xoria- et elle travaillait à la bibliothèque pendant son temps libre pour subvenir à ses besoins. Elle ne se plaignait jamais de sa condition et elle ne vivait vraiment pas mal le fait que ses parents ne lui aient jamais prêté grande attention, question d'habitude je suppose.
La lumière des néons qui éclairaient la rue projetait mon ombre sur le sol lisse. Je sortis mon téléphone de ma veste, prenant conscience que mes parents devaient s'inquiéter pour moi.
"J'étais chez V9, je cherche un endroit où manger et je rentre."
La réponse arriva presque aussitôt,
"Ok mon cœur, tiens-nous au courant, on t'aime, bisous."
Je souris en lisant le message, je savais parfaitement que j'avais de la chance d'avoir des parents aussi cool, ils me faisaient entièrement confiance et je ne les avaient jamais trahis.
Mes pas se dirigeaient tout seuls dans la rue déserte; j'avais parcouru ce chemin un nombre incalculable de fois. Dans le silence ambiant, je perçu soudainement des bruits de pas derrière moi, ils étaient légers, discrets, presque imperceptibles. Instinctivement, je fis volte-face et observai la rue. Rien. Un certain malaise me serra la poitrine. Je continuai ma route malgré tout, et le sentiment dérangeant ne me lâcha pas une seconde, même lorsque je fus confortablement assise bien au chaud dans un café, sandwich à la main.
Il était 22h30 mais les tables étaient quasi-toutes pleines. C'était ça aussi que j'aimais à Xoria, on ne se sentais jamais seule, peu importait l'heure.
Je fus rassurée d'un coup. Je tournai la tête vers la droite et dévisageai un jeune couple, à peine plus âgé que moi. La fille avait l'air mal à l'aise, elle entortillait ses doigts nerveusement.
Je continuai mon observation en croquant machinalement dans mon pain jambon-beurre-salade. Le reste de la salle se composait essentiellement de rigoureux se plaignant de leur journée de travail interminable les yeux cernés par un manque de sommeil évident.
Je sentis des picotements sur ma nuque et tournai la tête vers le fond de la salle.
Là, décontracté, se tenait un garçon brun plutôt mignon sirotant un liquide inconnu dans un gobelet à l'emblème du café. Le plus perturbant était qu'il me dévisageait sans aucune gêne. Une feuille de salade choisit que c'était le moment opportun pour s'échapper de mon sandwich et tomber sur mon tee-shirt, emportant une noix de beurre avec elle. Je la pris et l'enfouis dans ma bouche, morte de honte. Je levai le regard priant pour que l'inconnu n'ai rien vu. Raté, il avait les deux yeux bien posés sur moi, ou plus précisément sur mon tee-shirt un demi sourire sur les lèvres.
Merde.
Je me levai non sans choper mon téléphone sur la table et l'enfouir dans ma poche, écouteurs branchés et je sortis du café la musique me perforant les tympans. Du coin de l'œil je vis le garçon au gobelet se lever et sortir sur mes pas. Je me dirigeai vers ma navette garée dans une impasse plus bas, pressant le pas. Mon téléphone bipa indiquant le message le plus énervant du monde: "batterie faible". Dépitée, je fourrai mes écouteurs dans ma poche également.
Clap. clap. clap.
Les pas étaient légers, mais plus forts que tout à l'heure.
Clap. clap. clap. clap.
Mon cœur se serra dans ma poitrine.
J'accélérai.
Clap clap clap clap clap clap clap clap clap clap
Les bruits suivaient mon rythme.
J'atteignis ma navette, enfin. Ma main chercha fébrilement mes clés
Clap clap clap CLAP CLAP CLAP.
Je refermais à peine la porte sur moi que le visage du jeune-homme du café apparu devant moi. Il cogna, me faisant comprendre que je devais ouvrir la vitre.
Après une seconde de réflexion, je me décidais à obéir, méfiante.
Il me fit un rapide sourire, avant d'ajouter nerveusement;
-Tu devrais faire plus attention à toi.
Il regarda dernière lui, l'air inquiet. Se retournant vers moi il ajouta ;
-Pars, vite!
Et il s'enfuit en courant.
Clap clap clap clap clap. clap clap clap clap. clap clap clap clap. clap clap CLAP CLAP.
Les pas n'avaient pas cessés, et ils se rapprochaient de plus en plus rapidement, prise de panique, je décollai d'un coup et rejoignis les autres navettes sur la voie.
En contrebas, je pus apercevoir une ombre pile la ou j'étais située quelques secondes plus tôt.
J'allumai la radio, soulagée. Je ne saisissais pas bien les paroles du jeune homme, il m'avait perturbée et les bruits restaient comme un bourdonnement dans ma tête. A présent je n'avais qu'une hâte, c'était de me poser sous ma couette et d'avoir une bonne nuit de sommeil...
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