Chapitre 87

« Le général : Vivre ce que l'on considère comme le plus beau moment de notre vie est une chose, voir quelqu'un à qui l'on tient vivre le sien est plus incroyable et émouvant encore. »

– Moon Sungpio, La dame de la lune.


La générale Choi évoqua un long moment les conséquences de cette importante décision auprès de Kai, qui de toute façon demeura catégorique : il voulait devenir messager. Non seulement cette mission l'intéressait, mais en plus elle lui permettrait de soutenir ses amis. Il peinait à dissimuler son émotion, qui se lisait dans le voile de larmes qu'il retint avec courage.

Comme promis, Jimin et Yoongi le raccompagnèrent jusqu'à la rue où ils s'étaient retrouvés. Le garçon garda la tête baissée tout le long du trajet, muré dans un silence qui ne lui ressemblait pas. Quand ils l'entendirent renifler une première fois en essayant de cacher le tremblement de ses épaules, ils comprirent sans oser intervenir. Lorsqu'ils s'arrêtèrent là où ils avaient offert de le ramener, en revanche, ils lui demandèrent s'il se sentait capable de rentrer seul auprès des siens.

Kai se tourna et leva enfin les yeux vers eux. Sans surprise, ils le découvrirent ému aux larmes, son beau sourire ensoleillant son visage. Ils le lui rendirent, touchés.

« Oui, tout ira bien, ne vous inquiétez pas, affirma-t-il. Je suis heureux, voilà tout. Nous nous entraidons tous depuis bien longtemps déjà, nous luttons ensemble au quotidien, et... vous êtes arrivés comme deux divinités capables de m'offrir tout ce dont j'avais rêvé. Jamais je ne pourrai vous exprimer l'étendue de ma reconnaissance. Je pensais qu'espérer ne serait-ce que la moitié de ce que vous m'avez donné, c'était déjà bien trop pour moi, c'était stupide, inenvisageable, un rêve inaccessible, mais... vous voilà, et soudain tout va mieux.

— Il ne faut pas exagérer, rit Jimin avec tendresse, nous avons simplement eu la chance de contacter les bonnes personnes. Tu sais, celui qui a eu l'idée de t'offrir ce travail, c'est Beomgyu.

— Beomgyu... est-ce que l'on parle bien du lieutenant qui passe la moitié de son temps avec un air boudeur ?

— Oui, lui-même.

— Oh, je... je l'ignorais.

— Je pense qu'il sera très heureux que tu proposes d'entrer au service de son unité. De ce qu'il m'a dit, à l'instant où il t'a vu courir pour la première fois, il a su qu'il voulait que tu occupes ce poste, et puisqu'il te formera auprès de ses troupes au sein de l'armée sawaï, je pense que tu y seras la bienvenue. Il te voit tel que tu es à l'intérieur, Kai, pas comme le petit voleur qui lui chapardait des pommes. Je pense que malgré son air boudeur, comme tu le dis si bien, il a lu en toi toute la vaillance dont tu es capable de faire preuve, et cela l'a touché.

— Merci pour tous ces compliments, général Park. Je ferai de mon mieux. »

Après s'être essuyé les yeux, il disparut à la manière d'un fantôme, aussi discret et rapide qu'une ombre. Yoongi et Jimin échangèrent un regard satisfait en retournant sur leurs pas. L'après-midi avançait, si bien que de retour à la caserne, ils décidèrent de se rendre auprès de la médecin qui y officiait et qui avait en partie suivi la convalescence de Yoongi. Elle accueillit les deux hommes avec entrain.

« Je suis heureuse de voir que vous semblez vous porter comme un charme, Min Yoongi. Installez-vous, je vous prie. »

Elle lui désignait la table d'auscultation au milieu de la pièce. L'endroit, plus étriqué que l'infirmerie arixienne du camp de Jimin, n'en demeurait pas moins agréable au premier coup d'œil : bon nombre d'étagères et de placards s'alignaient le long des murs, tous rangés de façon exemplaire, un lavabo était installé sur un long plan de travail où l'on remarquait des objets aussi basiques qu'une boîte contenant des rouleaux de gaze, ou bien une de compresses. Les ustensiles susceptibles d'inquiéter étaient gardés là où le regard des patients ne risquait pas de se poser, à l'intérieur des meubles. Les médecins militaires en effet pouvaient être amenés à s'occuper de civils blessés dans des combats qui ne les concernaient pas, si bien qu'il fallait ménager les âmes les plus jeunes ainsi que les plus sensibles.

Yoongi s'installa. Elle vérifia son pouls tout en lui demandant comment il se sentait depuis le jour où il s'était réveillé ici.

« Bien, répondit-il sans savoir quoi ajouter.

— Pas d'anxiété ? Aucun trouble du sommeil ? Je sais que pour vous plus que pour les Arixiens... eh bien, disons qu'il vous reste encore beaucoup à faire. Vous ne ressentez pas une trop grosse pression ?

— Une pression, oui, c'est certain, admit-il en baissant la tête. J'y pense souvent, je me demande ce que nous deviendrons, et... c'est angoissant, j'en conviens, mais je continue de dormir correctement. Mes interrogations me poursuivent un long moment après que j'ai fermé les paupières, mais mes nuits n'en sont pas agitées pour autant, à quelques rares exceptions.

— Est-ce que vous estimez manger correctement ?

— Plus en tout cas qu'avant tous ces évènements.

— Très bien, c'est l'essentiel. Il est normal, dans votre situation, d'éprouver des incertitudes, des inquiétudes, l'important est qu'elles ne vous rongent pas de manière excessive. D'ailleurs, si je peux vous rassurer, les Sawaï avec qui j'ai eu l'occasion de discuter autour de moi sont tous du même avis : les Phénix ne représentent aucun danger pour les Élémentaires, et il serait temps que nous vivions en paix. Ils vous ont vu combattre aux côtés de toutes ces nations réunies, et je crois que cela les a convaincus que vous étiez une bonne personne. Et puis, j'ai cru comprendre que de toute façon, la dangerosité des pouvoirs des Éthéréens n'était plus quelque chose susceptible d'inquiéter, n'est-ce pas ?

— En effet, sourit tristement Yoongi. Les miens ont perdu l'essentiel de leurs capacités lorsque l'œil a été brisé. Nous pourchasser maintenant ne rimerait plus à rien, d'autant que je pense compter parmi les plus âgés de mon peuple à présent.

— Je n'ai encore entendu personne affirmer vous vouloir le moindre mal. Je pense sincèrement que le pire est derrière vous. »

Elle lui sourit, encourageante, et poursuivit son examen. Quelques minutes plus tard et sans surprise, elle donna aux deux hommes son verdict : « Je ne vois rien susceptible de vous empêcher de vous remettre à l'exercice physique. Si cependant vous éprouvez une gêne quelconque au moment de l'effort, n'hésitez pas à revenir m'en parler. Pour ce qui est de vos pouvoirs, je ne suis pas assez renseignée sur le sujet, mais je vous conseillerais de ne pas trop en user. Profitez de l'accalmie qui suit la guerre pour prendre votre temps avant d'utiliser de nouveau vos capacités. Vous avez bien mérité de vous reposer, Min Yoongi.

— Merci beaucoup. »

Il salua la médecin, imité par Jimin, puis ils quittèrent son cabinet. Après quelques pas, Jimin lança un regard en coin à son compagnon avant de pousser un soupir.

« Et dire que tu t'es amusé à fabriquer une maquette d'ombre ce matin et que tu as détourné cet après-midi tous les regards des soldats sur Kai. Est-ce que tu sais au moins ce que signifie le verbe "se ménager" ?

— Se nettoyer ? proposa Yoongi avec humour.

— Bien tenté, rit Jimin. Plus sérieusement : fais attention à toi.

— Je n'ai ressenti aucune fatigue particulière, aucun mal de crâne, rassure-toi.

— Alors que tu as joué pendant quoi... au moins une demi-heure avec ton ombre ce matin. N'as-tu rien ressenti ?

— Un peu de nostalgie, peut-être, mais rien de plus.

— Je n'en reviens pas... tu es une personne exceptionnelle.

— Tout autant que toi. »

Ils échangèrent un sourire, et une fois la porte de leur chambre verrouillée derrière eux, ils n'hésitèrent qu'un instant avant de se rapprocher l'un de l'autre pour partager une étreinte. Yoongi éprouvait chaque fois la sensation d'abandonner tous ses tracas dès lors que son amant le serrait contre lui. La fermeté de ses muscles, la chaleur de sa peau, la douceur de son souffle ; aucune incertitude ne survivait au cercle des bras de Jimin autour de son corps. Il s'y perdait sans crainte, il s'y ressourçait avec joie, il se nourrissait de cette béatitude parfaite qui lui provoquait des fourmillements délicieux dans le bas-ventre.

Jimin profita d'avoir posé les mains dans son dos pour le lui caresser, et Yoongi, qui s'accrochait pour sa part à sa nuque, joua avec les cheveux qui s'y trouvaient.

« Je vais finir par décider de ne pas les couper si tu aimes tant t'amuser avec, plaisanta l'Arixien.

— Je suis curieux de te voir avec les cheveux longs.

— Malheureusement, dans l'armée, ce n'est pas toléré, et de toute façon, je te l'ai dit, ils me gênent déjà. Je n'ai qu'une hâte, c'est les couper un peu.

— Tu garderas quand même au moins un peu de longueur, n'est-ce pas ?

— Oui, ne t'en fais pas, je ne suis pas obligé de les avoir trop courts. L'essentiel est qu'ils ne me dérangent pas en combat et que je ne risque rien du point de vue de l'hygiène.

— Je comprends.

— Je t'aime, Yoongi.

— Moi aussi, de tout mon cœur. »

D'un commun accord muet, ils s'écartèrent afin de contempler l'autre un instant. Yoongi savoura l'amour qui émanait de l'expression de son cadet, qui pour sa part fut touché par la beauté de ses traits, la candeur de son regard. Jimin ne se lassait pas d'admirer son fiancé quand, les matins, il se réveillait avant lui. Il adorait son visage endormi, la paix qui se dégageait de lui, la constance de sa tranquillité.

Yoongi lui sourit, puis il s'avança, réclamant sans un mot le baiser dont il rêvait. Jimin le lui accorda, plaçant la dextre dans sa nuque pour le garder tout contre lui. Leurs deux souffles se mêlèrent, ils baladèrent leurs mains sur le corps de l'autre en soupirant, amoureux transis. Il ne s'agissait que de leurs lèvres, contact chaste et délicat. La chaleur et la moiteur de cette chair si fine contre la leur les ravirent. Yoongi se sentit sur un nuage. Les bras de Jimin lui semblaient plus doux encore que son matelas après un long entraînement. Il s'y complaisait comme nulle part ailleurs. Il aimait plus que tout quand son fiancé le touchait, quand sa peau entrait en contact avec la sienne.

Il n'osa toutefois pas demander à Jimin de lui retirer tout de suite sa tunique, préférant d'abord profiter de la tendresse qui émanait des premières minutes de leur échange. Le militaire par chance commençait à connaître son compagnon : il glissa les doigts sous son haut pour effleurer son corps sans plus se soucier du tissu entre eux. Yoongi poussa un lourd soupir, enivré par un plaisir sans borne. Il posa le front contre son épaule alors qu'il se mettait à frissonner, envahi par la volupté. Il frotta son bassin contre le sien de façon lascive, et Jimin passa les mains sur ses côtes, ses hanches, tout en lui grignotant le creux du cou.

« Tu es si sensible, murmura le général en descendant jusque sur son ventre pour remonter en douceur ensuite. Un rien te met dans un tel état, si tu savais comme cela m'excite...

— J'aime vraiment quand tu me touches... Jimin, j'adore... »

Heureux d'entendre un tel désir alourdir sa voix, Jimin atteignit son pectoral. Il frôla ses mamelons de ses pouces, ce qui lui valut aussitôt un geignement discret de son compagnon qui s'agrippa à ses épaules en se cambrant, comme s'il lui en réclamait plus. Jimin toutefois ne le stimula pas davantage, replaçant les mains dans son dos tandis qu'il lui murmurait des mots doux. Ils échangèrent pléthores d'innocents baisers, jusqu'à ce que le militaire propose qu'ils s'allongent. Yoongi approuva et s'écarta ; ils grimpèrent sur le lit, sur lequel ils s'étendirent côte à côte. D'un même mouvement, ils se tournèrent tous deux sur le flanc, face à face, pour s'étreindre de plus belle en s'embrassant.

Jimin osa s'approcher, quelques centimètres lui suffirent pour réussir ensuite à enrouler ses jambes à celles de son aîné, qui posa la sénestre sur sa cuisse pour la frotter avec tendresse. Yoongi se délectait de leur baiser. Chaque contact était devenu vital pour lui, vital au sens propre, car lui qui avait vu mourir son bien-aimé, il éprouvait l'ardent besoin de le sentir vivre tout contre lui pour surmonter le traumatisme que sa perte lui avait causé. Ce cœur qui battait en rythme avec le sien, cette peau toujours brûlante, ces lèvres qui bougeaient, innocentes et taquines.

Tout son monde s'était écroulé au décès de son fiancé. L'avoir regardé expirer devant lui, l'avoir regardé se vider de son sang sans pouvoir réagir, avoir surpris l'étincelle de vie qui s'éteignait... il ne l'oublierait jamais. À présent que Jimin acceptait de nouveau qu'ils couchent ensemble, Yoongi voulait éprouver sa présence jusqu'aux tréfonds de son être, tout autant qu'il voulait se faufiler dans son corps aimant.

Jimin s'écarta de lui en sentant quelque chose contre sa joue alors qu'ils s'embrassaient. Il fronça les sourcils.

« Tu pleures, remarqua-t-il en passant le pouce sur la pommette de son compagnon.

— Parce que je suis heureux, souffla Yoongi.

— Avais-tu à ce point hâte que nous nous donnions de nouveau l'un à l'autre ? plaisanta-t-il.

— Non, je suis heureux parce que tu es vivant. »

Alors Jimin comprit, et il esquissa un sourire qui traduisait son émotion. Il embrassa le front de son aîné puis s'écarta, déliant leurs jambes. Yoongi, circonspect, le regarda retirer sa tunique. Il ne chercha pas à dissimuler son émerveillement, toujours abasourdi par le physique de son amant. Ses muscles qui se mouvaient à chacun de ses gestes, sa peau marquée par les combats et qui semblait pourtant aussi agréable que la moire...

Jimin jeta au sol son vêtement. Désormais torse nu, il s'allongea sur le dos, tout près de son compagnon sur la nuque de qui il fit pression pour l'inciter à étendre son buste sur le sien. Yoongi se laissa manipuler, et il comprit le but de son cadet quand ce dernier appuya la main à l'arrière de son crâne pour l'enjoindre à poser la tête contre son pectoral, à l'endroit exact de son cœur. Son oreille en contact direct avec sa peau, il retint son souffle une courte seconde avant d'entendre une pulsation à peine audible, si discrète qu'il faillit la manquer.

Jimin demeura muet, et Yoongi écouta son cœur battre, se rassura avec la sensation de son torse qui se soulevait et s'abaissait de façon régulière. Il versa des larmes silencieuses à la gloire de ce miracle qu'il avait pourtant lui-même rendu possible. Il se remémora cette scène tragique, cette douleur inénarrable, puis il tenta de les remplacer par la joie que lui inspirait cet instant hors du temps.

Secondes puis minutes s'écoulèrent. Le militaire avait fermé les yeux, profitant de toutes les émotions que provoquait en lui cette simple position. Yoongi, paupières closes lui aussi, ne bougeait plus, concentré sur ce bruit qui le réconfortait plus encore que des mots. Jimin ne comptait pas le presser : ils disposaient de toute la nuit pour s'aimer. Il ne repousserait pas Yoongi, il ne l'inciterait pas à s'écarter. Il attendrait autant de temps qu'il faudrait pour que le Phénix décide lui-même qu'il n'éprouvait plus le besoin de se complaire ainsi contre sa cage thoracique.

Et puis... il adorait l'osmose délicate qui saturait l'atmosphère de la chambre.

« Sais-tu, Yoongi, ce qu'il y a de plus doux au sujet de ce cœur que tu écoutes ?

— Non, dis-moi.

— Il ne bat pas seulement pour toi, mais aussi grâce à toi. »

Le mage esquissa un sourire ému, et Jimin avança la main pour essuyer ses larmes. Yoongi resta muet, se repaissant de ce rythme paisible duquel il ne se lassait pas.

« Je pourrais rester ainsi pendant des heures, souffla-t-il, je me sens si apaisé...

— Si nous dormions de cette façon, peut-être cela éloignerait-il tes cauchemars.

— Je n'y avais pas pensé. C'est possible, en effet.

— Nous essaierons. J'ai très envie de dormir torse nu, ton corps affalé sur le mien.

— Je n'en doute pas une seconde.

— Et je serais heureux que tu réussisses à dormir correctement.

— Ah quand même.

— Tu sais bien que oui.

— J'avais juste envie de te l'entendre dire. »

Jimin ne répliqua pas. Un bras en travers de sa poitrine, une jambe par-dessus les siennes, Yoongi restait fasciné par le bruit de son cœur. Cela risquait vite de devenir une drogue pour lui, une preuve de vie dont il voulait qu'elle envahisse tous ses sens : ces battements graves, la chaleur de sa peau, l'odeur naturelle qui en émanait, son regard débordant d'énergie et d'amour, la saveur de ses baisers.

Distrait, Yoongi entama de légères caresses sur les côtes de son compagnon qui cajolait sa chevelure d'un geste paisible.

« Yoongi ?

— Oui ?

— Une question m'est venue : nous sommes fiancés, n'est-ce pas ?

— Oui.

— Comment se déroule, aujourd'hui, un mariage au sein des Phénix ? J'imagine que cela a changé depuis les quelques récits qui ont été faits de la cérémonie.

— En effet, mais essentiellement à cause de nos conditions météorologiques qui ne nous permettent plus, à quelques exceptions près, le déroulé classique. Nous nous sommes adaptés : à présent, les fiancés et leurs proches se rendent auprès du chef. Il faut que chaque fiancé apporte un long ruban de laine blanc qui sera noué autour de son poignet et dont le bout sera attaché à celui de son âme sœur. Puis, pour sceller leur amour auprès des dieux, ils devront couper le ruban du poignet de l'autre, déposer les deux toujours noués dans une coupelle et y mettre le feu. Les cendres mêlées de leurs deux promesses sont dispersées quand tout le monde quitte la demeure du chef, et on se rend ensuite chez l'un ou l'autre des nouveaux époux afin de célébrer le mariage avec un petit buffet, des chants, des danses, etc.

— Cela m'a l'air très beau. Y a-t-il des vêtements particuliers à porter pour les mariés ?

— Non, nous ne jouissons pas du luxe d'une garde-robe très fournie, il ne serait pas envisageable de posséder une tenue qui ne servirait que pour une journée. Nous essayons juste de porter des tenues assorties et les moins abîmées possibles. Si nous devons nous en procurer une nouvelle pour l'occasion, elle nous servira des années durant dans notre vie quotidienne.

— Je vois.

— Et pour les Aigles ? Comment se déroule un mariage ? Je n'ai jamais lu de témoignages à ce sujet.

— Nous avons perdu la portée divine du mariage : chez nous, il ne s'agit plus que d'aller signer des documents dans un des bureaux du bâtiment de l'Assemblée. Il est assez grand pour accueillir une trentaine de personnes qui assisteront aux vœux que les fiancés échangeront à cet instant. S'ensuit une fête qui se déroule soit chez un des époux, s'il possède une maison assez grande pour se le permettre, soit dans une salle dédiée aux célébrations et disponible à la location. Nous la décorons, un buffet conséquent y est offert aux invités, et on fait en général venir un groupe de musique, voire pour les plus riches une troupe de théâtre qui jouera de petites scènes pendant le repas.

— Cela semble grandiose... et pour ce qui est des tenues, que portez-vous ?

— Nous faisons faire des habits spécialement pour l'occasion, affirma Jimin qui lui caressait désormais la nuque. Il s'agit d'un hanbok d'un bleu plus clair que celui d'Arixium, afin de célébrer l'innocence et la pureté de l'amour, souvent avec de beaux bijoux.

— Cela semble si doux, songea le Phénix.

— T'es-tu demandé à quoi ressemblera notre mariage ?

— Auparavant, non. Maintenant, oui.

— As-tu une préférence pour l'une ou l'autre des cérémonies dont nous avons discuté ?

— Je l'ignore... j'aime le côté traditionnel de celle des Phénix, mais la fête à la façon des Arixiens me plaît beaucoup, et j'aimerais porter autre chose qu'une tenue basique pour l'occasion. Et toi ?

— Je me faisais la même réflexion... peut-être pourrions-nous mêler les deux cérémonies, après tout. Qu'est-ce qui nous en empêche ? Ainsi nous aurions le mariage de nos rêves.

— J'adorerais. »

La simple idée d'épouser celui qu'il aimait tant, de brûler cette laine pour que Hiemis elle-même soit informée de leur promesse d'éternité, voilà qui provoquait des papillons dans le ventre de Yoongi. Lui qui était resté si longtemps contre le torse de son compagnon se redressa pour l'embrasser. Jimin le lui rendit avec plaisir, le cœur gonflé d'allégresse alors qu'il s'imaginait déjà marié à celui qu'il chérissait.

Yoongi lui caressait les pectoraux, envoûté par leur baiser, tandis que son fiancé avait pour sa part passé les mains sous son haut pour lui effleurer les reins de sorte à y semer d'agréables frissons. Ils taquinaient, mordillaient, léchaient avec délicatesse les lèvres de l'autre : l'échange s'approfondit, gagna en sensualité. Yoongi se détendit contre Jimin qui le renversa en douceur afin de l'allonger sur le dos pour se placer à quatre pattes au-dessus de lui. Les iris embrasés, il tritura le bas de sa tunique en lui demandant d'un regard inquisiteur le droit de la lui retirer. Yoongi approuva d'un murmure en se pinçant sans même s'en apercevoir la lèvre inférieure.

Le militaire souleva son habit sans brutalité, il aimait prendre son temps pour révéler une à une les parties du corps de son compagnon : d'abord son ventre pâle sur lequel apparaissaient des abdominaux fins mais bien tracés, puis sa taille qu'il adorait enlacer, ses pectoraux dont il rêvait de s'occuper de sa bouche, et enfin il délivra ses bras. Yoongi frémissait d'impatience ; chaque fois que les doigts de Jimin frôlaient son buste, ils paraissaient lui brûler la peau. Sa respiration, devenue plus lourde, lui pesait, et il ne souhaitait que soupirer son plaisir au creux de l'oreille de celui qui le provoquerait.

« Tu es magnifique, souffla Jimin en dessinant de l'index la ligne délicate qui séparait ses pectoraux. Comme j'aime constater à quel point tu as pris du muscle auprès de nous, tu sembles tellement moins fragile que le jour de notre rencontre.

— Je le suis, et de loin.

— C'est juste. Tu es sans doute devenu un des hommes les plus puissants que je connaisse. Je doute moi-même avoir la moindre chance contre toi en combat.

— Nous verrons bien à l'entraînement. »

Jimin tiqua mais préféra ne pas relever : pourquoi Yoongi s'entraînerait-il avec lui à l'avenir ? Il chassa cette pensée de son esprit, désireux de se concentrer sur l'instant présent. Le gardien pour sa part comprit trop tard son erreur sans pour autant la rectifier ; il n'envisageait pas de quitter celui qu'il comptait épouser.

Le baiser reprit, plus pressé cette fois, comme une promesse d'amour, d'éternité, une promesse dont tous deux ressentaient le besoin urgent. Yoongi enroula les bras autour du dos de son fiancé qui entama de langoureux mouvements du bassin afin de stimuler davantage leur libido. Le Phénix retint son souffle, le contact gagna en sensualité, les langues s'échinaient à tanguer l'une contre l'autre alors que les deux hommes se sentaient sombrer dans un abîme de luxure.

Jimin ne s'écarta que pour s'abaisser sur le torse de son compagnon qu'il picora de ses lèvres, au plus grand bonheur de Yoongi qui se régalait de cette chaleur moite contre sa peau. Les yeux clos, chaque nouveau baiser lui provoquait une décharge de plaisir, à la manière d'un éclair qui scindait son corps en deux tout en le réchauffant. Jimin s'attarda sur son sternum, descendit vers ses abdominaux, couvrit d'amour ses hanches et sa taille, puis remonta en direction de ses pectoraux.

Yoongi enroula les jambes autour de son bassin pour mieux ressentir ses mouvements contre le sien. Il se cambra quand leurs deux érections se touchèrent à travers le tissu qui les séparait encore. Jimin choisit cet instant pour s'attaquer à un de ses tétons ; Yoongi serra le poing, griffant sans s'en rendre compte les omoplates de son compagnon qui se surprit à apprécier la douleur que ce geste lui provoqua. En réponse, il mordilla la chair de l'Éthéréen qui, cette fois, poussa un profond gémissement alors qu'il lui semblait expulser tout l'air contenu dans ses poumons.

Jimin continua de torturer sa peau fragile, tirant dessus en douceur à l'aide de ses dents tandis qu'il y passait la langue. Yoongi se cramponnait à lui de façon moins sauvage, il effectuait de tendres caresses dans son dos qu'il ne stoppait que quand le plaisir le foudroyait. La main de Jimin notamment faisait des miracles sur son téton délaissé, de sorte qu'il se sentait stimulé partout à la fois. Il frissonnait, ravi de ces gestes, se cambrait de plus en plus, et au premier de ses gémissements, l'Arixien crut qu'il allait craquer et les déshabiller sur le champ pour le posséder sans plus attendre. Un désir ardent lui griffait les entrailles à la manière d'un monstre avide ; il retint sa sauvagerie, trop attendri par les yeux emplis de détresse de son compagnon qu'il souhaitait avant tout choyer.

« Jimin...

— Oui ? »

Mais le Phénix ne répondit pas, son regard fixé sur son amant. Jimin y lisait une léthargie lourde provoquée par la luxure. Yoongi se sentait incapable de poursuivre sa phrase, incapable de reprendre tout à fait contact avec la réalité. Son beau militaire s'étendit à ses côtés et l'enlaça, l'incitant ainsi à se lover contre lui. Il lui caressa aussitôt le dos pour lui apporter amour et réconfort, ce que Yoongi parut apprécier puisqu'il soupira en ondulant des hanches contre lui.

Jimin savourait cet épiderme délicat sous la pulpe de ses doigts. Malgré quelques cicatrices laissées par les bourreaux qui l'avaient gardé captif un mois durant, il était convaincu que jamais il n'avait connu tissu plus doux que sa peau.

Lui qui lui effleurait les omoplates, il suivit le tracé de sa colonne vertébrale pour descendre peu à peu. Yoongi se tordait contre lui, en constante recherche d'un contact plus appuyé. Ils s'embrassaient de manière tantôt surfacique, tantôt plus approfondie, toutefois Yoongi s'écarta à la sensation de l'index de Jimin à un endroit bien particulier de ses reins. Des souvenirs lui revinrent alors qu'il se recroquevillait contre lui, le cœur douloureux.

« Elles ne disparaîtront jamais, murmura-t-il, je suis sûr qu'elles sont si laides...

— Tu ne dois avoir honte d'aucune de tes cicatrices, elles prouvent que tu t'es battu, que tu n'as jamais baissé les bras.

— Au troisième stylet, mes bras, je n'osais même plus les bouger...

— Tu as subi de terribles sévices, mais tout cela se trouve à présent derrière toi.

— Dans les deux sens du terme, répliqua Yoongi en se tordant le cou pour essayer d'apercevoir les trois points au bas de son dos.

— Elles ne me gênent pas, on les sent à peine si cela peut te rassurer. Ta peau est un peu différente à cet endroit, voilà tout. Si je ne m'étais pas rappelé ce qu'il s'y trouvait, je n'aurais même pas arrêté mon index ici.

— Vraiment ?

— Oh ça non, j'étais parti pour descendre encore... bien plus bas.

— Plus bas... à quel point ? susurra Yoongi d'un ton rendu grave par l'envie.

— Au point que je risquerais de passer sous ce maudit élastique, répondit Jimin en appuyant sur la ceinture de son pantalon. Portes-tu quelque chose en dessous ?

— Pas aujourd'hui.

— Le savoir me donne encore plus envie de promener mes mains partout sous ton pantalon...

— Et qu'est-ce qui t'en empêche ?

— Question très pertinente... rien, en effet.

— Alors qu'est-ce que tu attends ?

— Je vais finir par te croire plus impatient que moi, le taquina son cadet.

— C'est peut-être bien le cas, admit-il en frottant de plus belle son bassin contre le sien – et Jimin s'aperçut que l'érection de Yoongi se développait en effet plus vite que la sienne, sans doute du fait de son expérience quasi inexistante dans ce domaine.

— J'ai envie que nous y allions en douceur, lui murmura-t-il en lui embrassant la tempe. Après tout ce que nous avons traversé, j'aimerais que nous profitions du temps à notre disposition pour nous retrouver, nous aimer correctement.

— Est-ce qu'on n'y va pas encore assez doucement pour toi ? se plaignit Yoongi en posant le front contre son épaule.

— Quand je t'ai dit que je voulais que nous fassions l'amour toute la nuit, je ne plaisantais pas, j'espère vraiment que tu tiendras jusqu'au lever du soleil.

— Attends, es-tu vraiment sérieux ?

— Des heures et des heures à se caresser, s'embrasser, se pénétrer... je suis tout ce qu'il y a de plus sérieux, mon amour.

— J'ai aussi un peu besoin de dormir.

— Tu peux faire des micro siestes, le taquina Jimin. Vingt minutes par-ci par-là, pendant que je te masse ou que je te caresse le corps.

— Tu es beaucoup trop endurant pour moi...

— Je t'entraînerai, ne t'inquiète surtout pas pour cela.

— Oh crois-moi, je ne m'en fais pas. Avec toi, j'ai appris que tout était possible.

— Bien dit, mon amour. »

Yoongi regagna la bouche de son compagnon qu'il grignota. Jimin attrapa l'une de ses lèvres entre ses dents pour la tirer sans brutalité, y glisser sa langue, et il en profita en même temps pour saisir les hanches de Yoongi qu'il incita de nouveau à se frotter contre lui. Le Phénix ne se lassait pas de ces contacts, et quand il sentit les mains de son cadet descendre peu à peu, effleurer le cordon qui maintenait son pantalon... un nouveau lourd soupir lui échappa.

« Vas-y, souffla-t-il. J'en ai besoin. »

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