Chapitre 57 🎵
« Plus jamais les Phénix n'auront à craindre l'un d'entre eux. Je suis abattu à l'idée de ce qu'a provoqué mon mentor, mais si tant des nôtres l'ont suivi, cela signifie qu'il exprimait la pensée et les désirs de tous. Ne perdons pas notre chemin dans un abîme de regrets, tournons-nous vers l'avenir en tirant des leçons de notre passé. Nous voilà en sécurité, rien d'autre ne saurait compter. »
– Kwon Yeonsu, discours du 13 octobre 728 devant le peuple Phénix.
Jimin ne parvenait plus à quitter du regard la pierre sacrée du peuple Phénix – ou du moins un infime morceau. Trop de questions se bousculaient à présent en lui. Il cligna des paupières quand le bijou retrouva sa couleur bleue. Yoongi le laissa retomber dans l'ombre, toujours soucieux lorsqu'il l'en sortait.
« Je vous écoute, affirma le général, j'ose espérer que vous ne me laisserez pas sur ma faim.
— Pour tout vous avouer, je ne sais même pas par où commencer.
— Peut-être par la façon dont vous avez réussi à briser une pierre réputée indestructible.
— Elle est bel et bien indestructible, seule Hiemis elle-même peut la détruire. Voilà ce que dit la légende.
— Attendez... essayez-vous de me dire qu'un phénix mythique est apparu un jour pour détruire sa pierre et vous en offrir un fragment ?
— Non, sourit Yoongi, cela s'est produit d'une manière... encore plus inattendue. »
Jimin l'encouragea à poursuivre d'un simple mouvement de tête. Le mage se mordit la lèvre inférieure, s'en arrachant un petit morceau de peau tandis qu'il réfléchissait à toute allure à ce qu'il pouvait ou non révéler. Une pensée s'imposa à lui une nouvelle fois : il ne voulait plus mentir à Jimin, et ce dernier l'aiderait peut-être de façon plus adéquate en apprenant tout ce qui s'était passé.
« Environ deux semaines avant l'attaque du village, le sommeil de Yua a été troublé par une vision cauchemardesque dont il me semble vous avoir parlé. Elle a vu du sang sur la neige, elle n'a rien entendu d'autre qu'un silence de mort dans notre vallée.
— Oui, opina Jimin, elle s'était réveillée si paniquée que vous aviez décidé de vivre avec elle, ce qui a provoqué une confusion chez les soldats ennemis, qui vous avaient pris pour un simple garde du corps.
— Exactement. Eh bien... sa vision ne s'était pas arrêtée là. Elle a vu Hiemis se poser dans cette neige empourprée, et la déesse lui a affirmé que l'œil allait être découvert, volé. Elle a tendu à Yua une pierre minuscule et lui a demandé de la donner à la personne en laquelle elle vouait une confiance aveugle, une confiance sans pareil. Quand ma sœur a ouvert les yeux, elle serrait dans son poing ce qu'elle a aussitôt reconnu comme étant un morceau de l'œil. Elle est sortie en trombe de sa maison pour aller vérifier la pierre sacrée et l'a découverte bel et bien ébréchée. C'est pourquoi elle a paniqué : elle a aussitôt su que quelque chose d'atroce allait advenir. Jamais la déesse n'aurait brisé son œil dans d'autres circonstances, et jamais il n'avait été brisé avant malgré notre lourde histoire.
« Yua n'a pas réfléchi une seconde : elle est venue chez moi, m'a tout raconté, et m'a confié l'éclat en me suppliant de le protéger, puisque bientôt il s'agirait peut-être de la dernière relique de Hiemis, voire de la dernière preuve que notre peuple avait existé – car tous deux nous envisagions la disparition totale des nôtres, je l'admets. Ni ma sœur ni moi n'avons réussi à fermer les paupières dans les jours qui ont suivi tant la peur nous étouffait. J'ai essayé de la rassurer de mon mieux, mais je me portais moi-même de plus en plus mal.
— L'angoisse ? hasarda Jimin.
— Non... la pierre. Je vous l'ai dit : aucun Phénix ne peut approcher l'œil sans en souffrir voire, s'il reste trop longtemps près d'elle, sans en mourir. Même dans l'ombre, la pierre exerce une influence certes moindre mais toujours importante sur nous. Lors de nos célébrations, elle est toujours tenue à distance respectable. Or, après en avoir changé la couleur de manière définitive, j'avais placé la pierre à la place de celle que je portais à l'oreille, et... il suffisait que je sois fatigué ou bien que j'utilise un peu mes pouvoirs pour en ressentir aussitôt d'atroces maux de tête.
— Des maux de tête ? Alors... quand vous êtes arrivé dans le camp arixien...
— Oui, mon ombre est un prolongement de moi-même, je ressens son pouvoir même quand la pierre s'y trouve. Voilà la véritable raison de mes maux de tête. J'ignore pourquoi, mais en améliorant ma maîtrise de la magie, j'ai fini par ne plus ressentir les douleurs provoquées par la pierre. Peut-être l'habitude de la porter avec moi constamment, ou bien... peut-être cela s'expliquait-il par le fait que je réussissais à maîtriser son pouvoir au lieu de le laisser me consumer. Toujours est-il que lorsque l'armée Scorpion a attaqué, j'ai aussitôt dissimulé le bijou dans mon ombre, de peur que si l'on me capturait, on me l'arrache pour le revendre. Je devais protéger ce bijou, Yua me l'a laissé parce que Hiemis le lui avait demandé, et que je déçoive l'une ou l'autre, je ne m'en serais jamais remis.
— Et... quel est donc le rapport avec ce dont nous parlions, vos pouvoirs... quelle influence la pierre exerce-t-elle dessus ?
— Je l'avais sortie de mon ombre et la tenais dans ma main lorsque j'ai tué le général et son lieutenant peu après notre rencontre, et lors du combat dans le ravin.
— Je ne suis pas sûr de comprendre...
— Moi non plus, admit le Phénix, mais je crois... enfin, il s'agit juste d'une hypothèse bien sûr, mais il me semble que lorsque je suis en contact direct avec la pierre, je contrôle mieux mon pouvoir. L'œil après tout a été créé pour nous aider à nous maîtriser, à contenir nos dons. Je pense sincèrement que c'est ce qu'il se produit : ma magie devient plus sensible, en cela je la ressens mieux, et l'utiliser devient moins... aléatoire, si je puis dire.
« En revanche, quand je la laisse dans mon ombre, son pouvoir est beaucoup moins palpable, et... j'éprouve la sensation de me laisser dominer par mes émotions, au point que je ne parviens même plus à réfléchir par moi-même. Ma magie agit à ma place, elle s'empare de moi. Quand je suis poussé dans mes retranchements, quand j'arrive au point de rupture, je ne suis plus maître de moi-même, si bien qu'il ne me viendrait même pas à l'esprit de prendre la pierre pour réguler ce qui se passe en moi.
— Alors votre pouvoir, d'une certaine manière, vous dévore. Votre corps est malmené par la magie qui l'habite et que la pierre ne parvient pas à contrôler, et vous voilà à déchaîner une puissance incroyable qui, en plus, grandit de jour en jour. Je comprends mieux...
— Je suis désolé de vous avoir caché tout cela si longtemps, mais comprenez je vous prie que cette pierre est d'une importance capitale pour mon peuple.
— Je le comprends, et je comprends aussi que si vous m'en parlez à présent, c'est que vous me faites entièrement confiance : sachez que cela m'honore. Je tâcherai de m'en montrer digne et vous aiderai de mon mieux à protéger votre trésor, je le jure. »
Son ton solennel convainquit Yoongi qui hocha la tête, soulagé. Jimin néanmoins fit la moue, soudain pensif.
« Yoongi, puisque la pierre se contente de vous aider à maîtriser votre pouvoir... est-ce que cela signifie que vous ne savez réellement pas d'où vient cette puissance que vous avez si vite développée ces deux derniers mois ?
— En effet, soupira le Phénix, je me pose toujours la question. Nous naissons tous avec un certain potentiel, bien sûr, mais... pas si puissant, et surtout pas capable de se développer si vite. J'ignore encore à quoi tout cela rime, et je vous avoue que je m'en inquiète de plus en plus. Pour l'instant, je ne puis vous fournir la moindre explication à ce sujet.
— Je vois.
— Tout est si étrange depuis cette vision de Yua, je... le monde me semble avoir basculé, je ne me reconnais plus, et mes propres pouvoirs m'effraient. Ils ne cessent de croître, et je m'inquiète d'un jour peut-être ne plus réussir à les canaliser. C'est déjà le cas d'une certaine façon : quand je ne tiens pas l'œil, alors qu'il devrait continuer de faire effet, mon pouvoir parvient quand même à m'engloutir. Si je continue de le développer... je crains de blesser ceux qui me sont chers aussi, de ne plus réussir à différencier ceux à qui je tiens et ceux que je veux voir mourir.
— Je suis convaincu que tout se passera bien, le rassura Jimin, il vous suffit de travailler davantage, peut-être qu'en vous entraînant vous réussiriez mieux à gérer votre puissance.
— Au contraire, plus elle sera développée, plus elle risque de l'emporter. Je ne me contrôle pas. J'essaie, mais dès lors que de trop fortes émotions m'accablent... je ne suis plus maître de moi.
— Et pourtant j'ai toute confiance en vous, Min Yoongi. »
https://youtu.be/8IVd8LY6N4w
Il posa la main sur celle de son aîné, qui sous l'effet de l'anxiété l'avait portée à sa bouche pour se ronger l'ongle du pouce. Les yeux jusqu'à présent rivés sur l'ombre entre ses jambes, le mage s'immobilisa pour ensuite tourner la tête vers son ami qu'il découvrit arborant un sourire encourageant.
« Je ne sais pas si je dois vous remercier ou vous mettre en garde, souffla Yoongi dans ce qui ressembla presque à un ricanement mélancolique. Et si je vous tuais dans un accès de folie ?
— Je ne vous en crois pas capable, même dominé par votre pouvoir.
— Vous n'en savez rien.
— Non, effectivement. En revanche, je sais une chose : si je devais bientôt mourir d'un de vos « accès de folie », j'aimerais d'avance vous le rendre. Permettez-moi, je vous prie... d'être un peu fou moi aussi. »
Sur ces mots, serrant entre ces doigts délicats le poignet de Yoongi, Jimin tira dessus sans brutalité, de sorte que le Phénix se penche. Il approcha son visage du sien tout en lui renouvelant sa supplique, à laquelle l'autre céda dans un murmure d'approbation. Jimin alors s'humecta les lèvres, et enfin il les posa contre les siennes. Yoongi, qui avait attendu ce geste en comptant les secondes, le cœur palpitant au creux de sa cage thoracique, poussa un soupir en se détendant. Quel bonheur de retrouver cette sensation !
Le général ne rompit leur baiser que pour quitter sa couche afin de rejoindre son aîné sur les cuisses de qui il s'installa sans hésiter, jetant ses bras autour de sa nuque pour replonger aussitôt sur sa bouche. Le Phénix, stupéfait, ne refusa pas pour autant ce savoureux contact. Il le prolongerait toute la nuit s'il le pouvait. Goûter ces lèvres charnues le remplissaient de désir, il découvrait des émotions qu'il n'avait jamais pensé éprouver un jour, des émotions d'une force telle qu'elles ravageaient son esprit au moins autant que son pouvoir lorsqu'il le submergeait. Or, quand il s'agissait de Jimin, Yoongi ne craignait pas de perdre la tête, au contraire il n'attendait que cet instant, celui où plus rien d'autre que l'homme de ses rêves n'existerait, où il oublierait tout le reste, y compris ses pires tracas.
Et que l'éphèbe s'installe ainsi sur lui, que leurs deux corps soient soudain si proches... cela enflammait l'imagination de Yoongi, qui lui enlaça la taille, comblé par leur échange qui tendait déjà à s'approfondir. Jimin en effet posa la sénestre sur la joue de son amant – comme il raffolait de la douceur de sa peau ! – et commença à lui picorer les lèvres, à les mordiller, puis il y glissa sa langue de façon si aérienne, l'effleurant à peine, que le Phénix sentit presque un frisson s'emparer de lui et titiller d'autant plus son bas-ventre. Il ne retint pas son gémissement, dont Jimin profita pour intensifier le baiser.
Malgré la nature sauvage de ce contact, il s'en dégageait une sensualité doublée de tendresse qui fit flancher le cœur de Yoongi. Sa sensibilité exacerbée lui permettait de mettre un mot sur – ou du moins de comprendre – tout ce que Jimin cherchait à lui dire à travers les actes. Leurs deux langues qui se taquinaient, qui s'adaptaient au rythme l'une de l'autre, qui se chamaillaient sans se bousculer, il y lisait une affection qui le bouleversait autant qu'elle le réjouissait. Jimin envahissait ses sens : qu'il s'agisse de la fragrance ténue de sa transpiration, du velouté de sa peau contre la sienne, du bruit de ses soupirs, de la saveur de sa langue chaude et décidée, ou bien de la beauté de son regard, Yoongi ne vivait à présent plus que pour ce moment.
L'Aigle, après de longues secondes de volupté, repoussa son amant d'un geste malicieux.
« Dites-moi, est-ce que cela vous choquerait si je vous disais... que j'aimerais retirer ma tunique et vous retirer la vôtre ? tenta-t-il.
— Oui, cela me choquerait.
— Refuseriez-vous pour autant ?
— Non, au contraire je vous y encouragerais.
— Puis-je ? s'enquit-il en soulevant un pan de son propre haut.
— Allez-y. »
Jimin s'exécuta : d'un seul mouvement, il se débarrassa de sa tunique de nuit qu'il envoya promener sur son lit vide. Yoongi ne cacha pas son admiration pour son corps sculpté, dont il contempla chaque muscle sans s'apercevoir de l'avidité qui dilatait ses pupilles. Amusé, le militaire lui offrit de se repaître de ce spectacle alors qu'un regard sur la bougie qui les éclairait lui laissa deviner qu'ils pourraient profiter l'un de l'autre encore longtemps.
« Vous êtes magnifique, lâcha Yoongi, puis-je... vous toucher ?
— Avec plaisir. »
D'un geste hésitant malgré le désir qui le grignotait, Yoongi tendit une main tremblante vers son cadet. Il la posa entre ses pectoraux, la descendit jusque sur ses abdominaux, puis la remonta en douceur, hypnotisé par ces reliefs qui couraient sous la pulpe de ses doigts. Cette force brute le fascinait, il avait toujours admiré ceux qui s'entraînaient sans relâche. Ce corps l'intéressait depuis leur rencontre.
Il se rappelait les premiers contacts avec ce général espiègle et provocateur, ces joutes verbales qui les avaient incités à se rapprocher, à se connaître davantage, à apprendre du caractère l'un de l'autre. Yoongi s'était attaché à chaque aspect de sa personnalité, il ne lui trouvait aucun défaut, et sa silhouette le faisait saliver depuis des lustres.
Il s'avança pour appuyer des baisers sur les épaules du beau militaire qui lui caressa les cheveux, touché de le voir le découvrir d'une façon si chaste. Jamais il n'avait éprouvé la sensation d'une relation si pure. Yoongi lui inspirait une douceur inédite qu'il adorait. Cette fragilité qu'il dégageait affolait ses sens, d'autant qu'il le savait bien assez fort pour le tuer d'un regard. Il aspirait à le protéger autant qu'à être dominé par lui. Cette dualité l'émerveillait.
« Puis-je vous la retirer ? » demanda Jimin en attrapant le bas de son vêtement.
Yoongi approuva, et il se laissa faire tandis que son amant soulevait l'habit et lui faisait à son tour rejoindre le matelas inoccupé. De constitution beaucoup plus frêle que lui, Yoongi s'avérait bien plus mince. Un mois de détention l'avait beaucoup amaigri, par chance son séjour chez les Aigles lui avait permis de retrouver un poids décent et une silhouette plus forte. Sa peau liliale avait bronzé, et avec ses cheveux courts colorés à l'anthracite, il ressemblait de plus en plus à un jeune soldat arixien.
« Je vous trouve chaque jour mieux portant que la veille, affirma Jimin en posant la dextre sur son épaule pour ensuite descendre le long de son buste jusqu'à son ventre dont on commençait à apercevoir les muscles. Si vous saviez tout ce qui me passe en ce moment même par la tête...
— À ce point ?
— Je ne pense pas m'être caché de vous désirer. Votre corps me plaît, du moins de ce que j'en ai vu, et je vous avoue que parfois, j'ai... disons quelque envie qui me traverse à votre sujet.
— Est-ce que... je peux savoir ?
— Êtes-vous bien certain de le vouloir ?
— Oui. »
Jimin esquissa un rictus, et du bout de l'index, il s'amusa à lui tracer des formes imprécises sur le torse.
« Hum, par où commencer ? réfléchit-il à voix haute. Eh bien, la plupart du temps, je vous rêve allongé face à moi. Nous serions tous les deux nus, et je tiendrais vos jambes écartées pour m'immiscer entre. Dans ces cas-là, je m'imagine vous caresser partout pour vous entendre gémir et me murmurer à quel point vous en voulez plus. D'autres fois cependant, je m'imagine à califourchon sur vous, appréciant vos coups de reins les yeux clos pour ressentir au mieux tout ce que vous pouvez m'offrir. Et en de plus rares occasions, je me figure des ébats soit beaucoup plus doux, soit beaucoup plus sauvages. Dans tous les cas en revanche, je me vois contraint de m'occuper moi-même du petit souci que me provoquent ces visions impudiques.
— J'ignorais que vous me désiriez à ce point...
— Je le sais. Je suis supposé garder mes émotions pour moi, je vous rappelle. Les émotions les plus fortes sont celles qu'il nous est plus que toutes autres interdit de ressentir. La haine, la peur... l'amour.
— Jimin...
— Je suis désolé, j'imagine que vous ne souhaitez pas entendre parler de ce genre de sentiments entre nous. Moi-même je vous avoue que face à vous, je me dis que si vous deviez m'appartenir, je peinerais à suivre mes propres règles et à cacher notre relation à mes soldats. Je serais si heureux que vous acceptiez d'être mien... et en même temps je crains la suite de cette aventure, si je devais la passer auprès de vous.
— Je... j-j'ignore ce que j'éprouve, avoua Yoongi. Mettre des mots sur quelque chose de si fort me paraît impossible, si ce n'est injuste. Les émotions sont-elles faites pour être dites ? Les milliers de mots que nous possédons ne me semblent jamais assez exacts pour décrire ce qui se joue en moi quand je vous regarde... mais... mais cela me plaît énormément, pour la première fois ne pas savoir me plaît, et... e-et... »
Il semblait si perdu, si perturbé, que Jimin pressa un baiser sur son front avant d'y appuyer le sien pour croiser son regard.
« Je vous aime, Yoongi, et puisqu'il est établi désormais que nous nous disons tout, je tenais simplement à vous avouer ce que je ressens pour vous.
— Je suis un Phénix.
— Ce qui tombe bien, car j'adore vos cheveux blancs.
— Nous venons de peuples ennemis.
— Nous venons de deux peuples qui n'ont pas guerroyé depuis plus de cinq siècles.
— Je repartirai une fois les miens sauvés.
— Alors permettez-moi de vous aimer jusqu'à ce que les évènements nous séparent.
— Jimin, je voudrais tant vous aimer librement.
— Qu'est-ce qui vous en retient, là, sous cette tente ? Seuls nous deux saurons. »
Il l'embrassa, lui effleura le torse, et Yoongi se laissa submerger par son émotion : il aimait Jimin, oui, de tout son cœur il le chérissait, il désirait avec ardeur s'abandonner à ses tendres caresses. Or, il ne se sentait pas le courage d'entamer une relation qu'il savait vouée à l'échec. Ses sentiments l'en faisaient souffrir d'avance.
« Je ne supporterais pas que nous soyons séparés ensuite, admit-il. Si je devais céder à mes pulsions, si je devais accepter vos sentiments et vous donner mon cœur... Jimin, vous savez à quel point je suis sensible, et je ne parviendrais pas à endurer votre absence.
— Mais vous m'aimez, comprit Jimin avec un regard triste alors qu'il s'écartait pour le contempler.
— Mais je vous aime comme je n'ai jamais aimé avant, acquiesça-t-il.
— Et si nous pouvions nous revoir malgré tout après la fin de ce périple ?
— Jimin, je vous en supplie... il est si difficile de m'imaginer loin de vous. »
Le guerrier vit son amant pousser un soupir qui traduisait sa lassitude et sa douleur.
« Pourquoi m'imaginer si loin quand nous sommes si proches ? lui demanda-t-il. Êtes-vous bien certain de ne pas vouloir profiter de ce que nous pouvons vivre ?
— J'en meurs d'envie, si vous saviez... mais j'ai si peur de souffrir, j'ai déjà si mal rien qu'à envisager que nous ne nous reverrons plus. »
Son cœur l'élançait comme si l'on y avait planté un stylet, or voilà bien une douleur qu'une nuit de sommeil ne risquait pas d'effacer. La souffrance lui lacérait la poitrine, et quand Jimin se pencha pour lui embrasser le front de plus belle, Yoongi ne se sentit plus en mesure de refréner son chagrin : fragilisé par son récent combat, abîmé par des sentiments qu'il ne connaissait pas, qui l'engloutissaient, mais qu'il s'échinait à repousser depuis des semaines, il s'abandonna au désespoir.
Quand Jimin vit les premières larmes rouler sur les joues de celui qu'il chérissait, il ne put résister. Il l'étreignit, le serra de toutes ses forces contre lui pour lui procurer la chaleur d'une promesse tacite, et tandis qu'il lui caressait les cheveux d'une main, il lui caressait le dos de l'autre. Bien qu'éduqué à ne rien laisser paraître de ses états d'âme, il ressentait avec la même puissance que son aîné la douleur que lui provoquait ce dilemme. Lui-même souhaitait posséder le beau Phénix mais ignorait comment il réagirait si Yoongi devait ensuite choisir son peuple plutôt que lui.
Jamais il ne s'était à ce point ouvert à qui que ce soit, surtout pas à propos de ses émotions. Sa mère elle-même n'avait plus entendu les mots « je t'aime » depuis des années, quant à Huyeon, sa meilleure amie, il lui montrait son affection plus qu'il ne la lui disait. Yoongi en revanche lui inspirait des sentiments si forts, si tendres, qu'il voulait prendre soin de lui plus que de quiconque : il savait que le mage verbalisait son amour, qu'il adorait la douceur, l'attention, et à lui seul Jimin désirait offrir tout cela, tout ce qu'il avait jusqu'à présent rejeté, considérant ces petits riens comme de la faiblesse.
Pourtant, même le combat ne faisait pas palpiter son cœur aussi vite que lorsqu'il avait osé avouer ses émotions à Yoongi. Il ignorait quand il s'était pour la dernière fois senti si excité à la simple vu d'une personne torse nu – et il jurerait que cela n'était jamais advenu auparavant. Il ne se souvenait plus, enfin, si un jour il avait tant apprécié des conversations que celles qu'il partageait avec lui, ni s'il avait jadis tant admiré quiconque capable de s'émouvoir de manière si brutale. Yoongi lui semblait habité par une véritable fourmilière de passions, et plus il apprenait à le connaître, plus la faculté du mage à tout ressentir de façon si vive en faisait sans doute l'homme le plus fort qu'il ait jamais rencontré.
Car qui, sinon Yoongi, pouvait vivre tant d'horreurs sans les refouler ? Jimin les enterrait au fond de son cœur, il les dissimulait aux autres comme à lui-même. Des faux-semblants, rien de plus.
L'Arixien incita son amant à s'allonger, et il les enveloppa ensemble dans la couverture avant de passer un bras autour du corps tremblant du Phénix, qui enfouit son visage contre son torse.
« Jimin, j-j'ai besoin de retrouver les miens. Ils sont... ils sont toute ma vie... m-mais... je voudrais tant rester auprès de vous aussi. Je vous aime, susurra-t-il, je vous aime, je vous aime.
— Je trouverai un moyen, promit Jimin en lui cajolant le dos. Je refuse de vivre dans un monde où nous ne pourrions pas nous aimer. »
Il attrapa à l'aide du pouce et de l'index le menton de son aîné, qu'il incita à le regarder. Yoongi se laissa faire, et Jimin fondit sur ses lèvres. Ils s'embrassèrent en s'enlaçant. Pour la première fois le général échangeait un baiser qui traduisait non du désir, mais de la détresse. Il en fut retourné, et il serra un peu plus fort son bien-aimé.
« Calmez-vous, je vous en prie.
— Je suis si heureux que vous m'aimiez... pourtant c'est aussi si douloureux...
— J'aimerais tant que vous n'en voyiez que les bons côtés pour l'instant. Ne pensez pas à l'avenir.
— Je n'y arriverais pas, je suis désolé, je ne peux pas accepter une relation entre nous.
— Bien, comme il vous siéra. »
Jimin sentit sa gorge se nouer : il ressentait enfin l'amour dans tout ce qu'il avait de plus doux, et voilà qu'une banale discussion rendait ce sentiment insoutenable. L'échange de quelques baisers ne lui suffisait pas, il voulait toucher Yoongi, le caresser, lui faire l'amour – oh comme il brûlait à la simple idée que leurs corps soient liés ! –, il voulait tout découvrir de lui, il voulait tout partager avec lui !
« Dormez avec moi, s'il vous plaît, murmura le Phénix.
— N'ayez crainte, je vous garde dans mes bras.
— Je suis désolé...
— Ne vous excusez pas, je comprends ce que vous ressentez. Vous avez raison de vous protéger. Si je devais vous aimer de tout mon cœur puis vous perdre pour toujours, j'ignore même comment je réagirais. Cela me briserait le cœur.
— Merci pour votre compréhension. »
Yoongi savait que le beau militaire respectait sa décision, même si pour sa part il aurait préféré jouir de leur amour tant que l'occasion se présentait. Il comprenait cet état d'esprit, or une fois séparés, Yoongi était convaincu qu'il ne pourrait plus rien vivre avec quiconque sans repenser sans cesse à sa brève relation avec l'Arixien. Jimin lui avait déjà offert son premier baiser, mais il était inenvisageable que le Phénix lui cède davantage. Il l'avait désiré, bien sûr qu'il l'avait désiré, mais chaque fois qu'il songeait à concrétiser, il se retrouvait face à sa conscience qui lui répétait que plus il s'aventurerait loin avec le général, plus la désillusion le briserait.
Quelques instants plus tard, tous deux enlacés, serrés l'un contre l'autre, ils s'embrassaient comme si leur vie en dépendait, et il coulait encore sur les joues de Yoongi des larmes d'appréhension auxquelles se mêlait celles du bonheur de savoir son amour réciproque.
Il lui semblait qu'aucun problème n'existait que Jimin ne puisse résoudre en l'étreignant. Et même s'il souffrait de s'abîmer dans ces bras affectueux, Yoongi s'y complaisait, enveloppé par un nuage de douceur perdu dans la tempête. L'épiderme brûlant et velouté de son amant le comblait, il ne se lassait pas de la sensation de son torse contre le sien, il adorait les effleurements de ses doigts le long de sa colonne vertébrale où ils semaient une galaxie de frissons. Yoongi donc ferma les paupières. Chacun se repaissait de la présence de l'autre, et malgré la violence des émotions contradictoires qui luttaient en eux, tous deux trouvèrent un peu de répit dans ces gestes tendres qu'ils firent durer.
Quand il sentit son aîné plus serein, après une vingtaine de minutes, Jimin l'allongea sur le dos et, la couverture toujours sur lui, bascula à califourchon sur ses cuisses, les coudes de part et d'autre de son visage afin de ne pas peser sur lui de tout son poids. Ils échangèrent un regard, et l'Arixien s'avança pour frotter le bout de son nez contre celui du Phénix.
« Si vous refusez, je le comprendrai, souffla-t-il, mais ce soir, je souhaiterais prendre soin de vous.
— Qu'entendez-vous par là ? soupira Yoongi qui peinait à contenir son envie.
— Je veux vous embrasser tout mon content, vous caresser, vous chérir. Rien de plus, je le jure. Le voulez-vous ?
— Oui. »
Et plutôt que de poser les lèvres sur les siennes, Jimin recula pour lui embrasser la gorge. Sa langue se faufila jusque sur ses pectoraux, dont il évita soigneusement la chair, et il poursuivit son chemin sur son ventre dont il mordilla la peau avec amour. Yoongi, tremblant de désir, frissonnait, et très vite il l'incita à revenir à sa bouche alors qu'à son tour il passait les mains sur son corps.
« Si vous continuez, je sens que... enfin, mieux vaut que vous ne continuiez pas, susurra-t-il en guise d'explications.
— Oups, pardonnez-moi, ricana Jimin, je n'en fais qu'à ma tête. »
Il fut décidé qu'à partir de maintenant, il ne s'agirait plus que de baisers. Malgré tout la frustration les envahit. Ils la calmèrent en se murmurant leur affection à la manière d'un serment : ils avaient beau ne pas souhaiter s'engager, comment résister dans de pareilles circonstances ? Ils s'aimaient, et il n'existait rien de plus puissant que l'amour, sentiment contre lequel on avait mis Jimin en garde, mais dont il se régalait à présent. Tant pis si Yoongi refusait une relation sérieuse, au moins il acceptait de s'abandonner à ses bras, à ses lèvres, et le militaire tentait de relativiser, songeant qu'il valait mieux une passion vécue dans l'urgence qu'une passion que l'on ne ressentirait jamais. À partir de maintenant, quoi qu'il advienne, Jimin pourrait l'affirmer : il avait éprouvé l'émotion la plus belle qui soit, la plus bouleversante, la plus sincère, la plus dévastatrice. En rencontrant Yoongi, il avait rencontré l'amour.
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Je sais que ces paroles sont pas exceptionnelles, mais j'ai tout écrit en 1h un soir alors que j'étais trop crevée pour faire quoi que ce soit d'autre, et après j'ai trouvé que la chanson rendait bien quand même, alors pourquoi pas la poster. XD
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