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Fils du Diable


- Non mais elle est complétement cinglée, pensais-je, alors qu'elle courait en direction des arbres.

Je secouais la tête. Non, je m'en fichais. Je n'en avais rien à foutre de cette fille. Je gonflais ma poitrine d'air bien frais et levais les yeux au ciel.

- Douleur, haine et souffrance, essayais-je de me concentrer.

Je fis aller ma nuque et je serrais les poings. Cet orage arrivait à point nommé car la chaleur était vraiment devenue étouffante ces derniers jours.

- Je m'en fiche, me répétais-je à plusieurs reprises, alors que mon propre corps me trahissait.

Mon regard était comme absorber par sa présence et je la regardais à nouveau. De ma cachette, je ne pouvais pas voire grand-chose, surtout avec le rideau de pluie qui venait de s'intensifier.

Depuis qu'elle était arrivée, j'avais vainement tout essayé pour penser à autre chose, mais il devenait évident qu'elle hantait mon putain d'esprit.

- Bordel, grommelais-je en essayant de me contenir. DOULEUR, HAINE ET SOUFFRANCE, hurlais-je à l'intérieur de mon être.

Pourquoi avais-je posé les yeux sur elle? La question tournait en boucle dans ma tête, au point que j'en avais mal. Cela me faisait même plus mal, que les coups que me donnaient les monstres qui me servaient de grands-parents, ce qui était complètement ridicule.

Je me frottais le visage et me revoyais au bord de la route ce jour-là. Le bus était passé et une chevelure rousse et bouclée avait attiré mon regard, puis son sourire. Son putain de sourire. Pourquoi était-il aussi énigmatique pour moi, alors que j'arrivais à lire en n'importe qui, sauf en elle. Je serrais les poings et inspirais profondément à plusieurs reprises.

L'orage se déchainait autour et à l'intérieur de moi. Jamais je n'avais ressenti un truc aussi incontrôlable. Je voulais hurler. Déchirer la moindre parcelle de mon être et tout faire, absolument tout pour penser à autre chose. Je voulais retrouver ma vie et ma liberté. Je voulais redevenir l'être que j'étais avant qu'elle ne débarque dans ma putain d'existence de merde.

Le sol vibrait et je serrais les dents pour contenir une vague de haine pure qui me menaçait. J'avais brusquement chaud. Tellement chaud que j'avais l'impression de suffoquer. Mon regard se perdit et évidemment la retrouvait.

Je me figeais sur place et écarquillais les yeux, alors qu'elle serrait sa veste en cuir au niveau du cœur. Une partie infime de mon être se demandait si elle faisait une crise cardiaque, mais elle était beaucoup trop jeune pour ça. Même si cela abrègerait considérablement mes souffrances. Je la vis légèrement s'affaisser, ce qui donner l'impression qu'elle faisait un malaise, comme la fois où elle m'avait surprise en train de l'observer, alors que personne ne me remarquait jamais.

- Non mais putain... pourquoi je pense à elle... laisse-moi tranquille, suppliais-je alors mon esprit.

Je luttais de toutes mes forces pour détourner mon regard, mais c'était peine perdue. Un coup de tonnerre se répercutait brutalement dans tout le vallon, suivit d'un éclair qui fracassait un vieux sapin non loin de l'endroit où elle se trouvait. Je vis son corps se plaquait contre l'arbre qui la protégeait et elle posait à nouveau sa main sur sa poitrine.

Jamais. Jamais en 14 ans d'existence, je n'avais perdu le control de mon propre corps et de ce fait, je ne compris même pas comment je me retrouvais au milieu de ce champ. Mon cœur, organe de la trahison, se mit à frapper mon être avec une frénésie ridicule. J'avais les mains moites et décidais de les planquer dans mes poches. Mais bordel, qu'est-ce que je foutais?

Son regard croisait soudain le mien et puis elle jetait un œil au reste du sapin, absorber par je ne sais trop quoi, je suivais son regard. Depuis quand étais-je devenu aussi ridicule?

La pluie faiblissait, un rayon de soleil me surprit et je regardais le ciel. Était-il sérieux? Alors si même la nature se mettait à faire n'importe quoi, je ne voyais plus trop ce que je devais faire. Un arc-en ciel s'empressait de compléter ce tableau aussi embarrassant que grotesque.

Je fermais les yeux et essayais d'être rationnel au moins deux minutes. J'avais ma capuche sur la tête, il y avait peu de chance qu'elle me reconnaisse, de plus j'étais trempé de la tête au pied, alors pourquoi bon sang la seule chose qui m'interrogeait été si elle allait bien? J'ouvrais les yeux et je vis sa bouche former un o, je fronçais les sourcilles, en sentant une chaleur très étrange se propager en moi.

L'orage grondait à nouveau et je frissonnais, incapable de bouger alors que les éclairs frappaient le sol en continue. Elle se penchait légèrement en avant et se couvrait les oreilles. Je me détendis aussitôt, d'ailleurs, depuis quand étais-je tendu? Elle avait enfin une réaction normale et elle semblait aller bien. Je réalisais enfin que je devais bouger. M'éloigner d'elle le plus rapidement possible.

- Bouge, m'intimais-je. Bordel de corps de merde... BOUGE, m'ordonnais-je.

Enfin je m'écoutais et courrais en direction de la forêt. Mon cœur refusait de ralentir, alors que j'haletais.

- Elle va me consumer, pensais-je.

J'avançais et m'éloignais. Je retrouvais mon vieux vélo, montais dessus et pédalais. Une fois de plus, je fis de mon mieux pour penser à autre chose et une fois de plus, mon corps me ramenait vers elle, car j'avais bêtement fait le tour du bois.

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