TROISIEME PARTIE : chapitre 31 - Voyage au pays de l'irréel


La curiosité de Garrigue était à son comble. Ce qu'il venait de se passer était magique. L'avait-il réellement vécu ou bien était-ce une illusion ? Comment savoir. Mais c'était tellement merveilleux, comme dans un rêve duquel on n'a pas envie de s'extraire.

Et à ce moment précis, tout ce qui lui importait était de partir tambour battant à l'assaut de cette tour et de son coffre. Enfin sa quête prenait réellement vie et surtout une tournure qui semblait virer à son avantage.
Mû par cette envie irrépressible, ce sentiment, cette fougue, cet élan, cette effervescence. Pareil à ce qu'il avait déjà ressenti et qui l'avait poussé à s'aventurer à la fontaine aux mille incantations.

Sa première expérience, pour le moins cuisante, lui avait servi de leçon. Aussi, il essaya de retenir son emballement pour ne pas se retrouver dans une impasse similaire. Mais, plus facile à dire qu'à faire, le pas léger de Panache d'Or ne lui suffisait pas, il lança sa monture au galop.

Le trajet fut d'une facilité qui l'étonna. Il est vrai aussi que depuis son départ du château, Garrigue avait acquis de nouvelles capacités. Il se reconnaissait à peine lui même. Il était devenu «quelqu'un d'autre».

C'est ainsi qu'il parvint à rejoindre le bord d'un lac, semblable en tout point à celui de sa vision. L'endroit était charmant. Quelques arbres épars, séculaires mettaient en valeur un étang de toute beauté, dont les eaux limpides étaient cernées par de hautes haies et frangées de roseaux aux pointes ourlées de velours sombre. La surface laissait s'épanouir de fabuleux nénuphars qui agrémentaient encore ce petit coin de paradis de leurs larges feuilles vertes sur lesquelles avaient éclos de grosses fleurs roses et blanches.

C'est au centre de ce lac, sur une petite île que se dressait une belle tour bien droite. Dissimulée sous une végétation qui en avait fait son alliée, elle semblait attendre Garrigue. La formidable architecture florale s'envolait vers le ciel, entrainée par toutes sortes de plantes grimpantes qui s'entremêlaient de la base jusqu'au faîte.

Garrigue s'était arrêté et appréciait les beautés de cette bâtisse, loin de lui, ignorant alors l'effrayante étendue d'eau qu'il devrait traverser pour rejoindre l'autre rive.

Garrigue était enfin fier de lui, de tout le chemin qu'il avait été capable de parcourir tout seul. Ou presque. Il ne fallait quand même pas négliger l'aide de la magie des Maldia.

Alors que son cheval donnait des signes d'agitation, ses yeux cherchèrent une embarcation qui aurait pu être abandonnée sur une berge. Il parcourut rapidement les bordures accessibles à son regard, mais en vain. Il allait devoir trouver une solution. Garrigue n'était pas un bricoleur, alors l'idée de fabriquer un radeau fut aussi vite abandonnée qu'elle lui avait traversé l'esprit.

Il fallait se rendre à l'évidence, il devrait nager jusqu'à l'autre rive. Facile !

Garrigue n'avait jamais appris à nager. Cela lui aurait demandé de la volonté, et son éducation, beaucoup trop permissive et laxiste n'était pas orientée en ce sens. De plus, nager pour quoi faire ? Seuls les paysans avaient ce type de connaissance, les rois ne se mettaient pas à l'eau, ou rarement, et dans ces cas là, c'était dans les baignoires. Les mois où ils se lavaient...

Alors qu'il touchait au but, et que finalement son expédition s'était révélée plutôt facile, cet énorme problème venait lui pomper toute son énergie. Comment affronter cette étendue d'eau ?

Il repensa immédiatement que chaque fois qu'il avait rencontré un problème, la magie l'avait aidé. Chaque fois, la chouette était apparue et l'homme en noir avait pu lui apporter une parfaite assistance. Il pensa donc tout naturellement que s'il faisait rouler sa bague entre ses doigts, certainement qu'une chouette divine lui apparaîtrait. Aussitôt dit, aussitôt fait !

Mais point de parfum fleuri pour embaumer ses narines, pas de brise légère qui soulève les feuilles, et aucune apparition. La magie n'opérait pas. Il n'avait donc pas la clé.

Sans cette aide, Garrigue ne voyait pas de solution, ou plutôt si, il y en avait bien une qui s'imposait à lui mais il ne se sentait pas apte, car il lui faudrait entrer dans l'eau et marcher pour regagner la rive d'en face. Et cela à condition qu'il ait pied partout, ce qui n'était pas certain du tout. Il s'assit au bord du lac, contempla l'étendue d'eau et prit un instant pour étudier cette situation pour le moins inextricable.

Comment se rendre de l'autre côté ? Il pouvait faire le tour de l'étendue d'eau pour peut être découvrir un pont qui lui permettrait de rejoindre la tour. Version plus qu'improbable. L'île était déserte. Voici que le chemin de Garrigue allait s'arrêter là, aussi près du but. C'était vraiment trop bête.

Il pensait bien au manuel de Frioul, mais il n'osait trop l'utiliser car il pensait ensuite à la facture que la magie ne tarderait pas à lui présenter.

Comment se résigner aussi près du but ?

Capituler ou supporter encore la brûlure au poignet. Il souleva sa manche et dégagea un peu son pansement de fortune pour découvrir un poignet rubicond, légèrement boursouflé de quelques cloques cramoisies. La douleur était presque plus supportable que la vue.

C'est ainsi qu'il attrapa le recueil de sorts...

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