Chapitre 48 - Retrouvailles



Enfin la grille du château des Hauts de Galante bloqua la progression de Panache d'Or. Sans un mot, Garrigue se laissa glisser doucement à terre, laissant Frioul installée sur la selle. Alors que sa main gauche se saisit du mors, sa main droite vint se poser sur le fer glacé du portail. La grande porte de métal rouillé résista à la pression. Les ronces avaient poussées enchevêtrées dans les volutes du fer forgé et la rouille déposée sur les gonds avaient scellé le grand portail dans un passé pourtant pas si lointain. Garrigue dut s'y prendre à deux mains pour pousser de toutes ses forces la lourde porte qui bougea doucement dans un grincement lugubre.
Cette intrusion était bizarre. Garrigue foulait le sol de l'enceinte du château comme il l'avait fait mille fois. Mais cette fois, c'était différent. D'une part, il n'y avait pas de vie dans cette cour qu'il avait connu bruyante et assourdissante des cris des marchands et des roulottes débordantes et d'autre part ce silence pesant ajoutait à l'angoisse qu’il traînait depuis le moment où il s'était reconnu.
Il tira le licol pour emmener leur monture jusque dans l’écurie.
Les pierres des murs effondrés croulaient sur le sol, les portes au bois pourri ne tenaient plus fermées, les mauvaises herbes et les ronces avaient pris possession du domaine. Derrière ce qu'il restait des portes, l'étable était là. Il tira le cheval jusqu'à l'intérieur et fit descendre Frioul. Elle garda serré contre elle son précieux sac, et Garrigue enferma son cheval dans son ancien box.

Main dans la main, ils se dirigèrent alors vers l'intérieur du château, dans les dernières pièces où il avait vécu avant de partir pour sa quête de trésor.
L'inquiétude était maintenant à son comble. Allait-il retrouver quelqu'un ?
Ils grimpèrent les escaliers qui menaient à la pièce principale. La porte était fermée. Garrigue posa son oreille contre le bois dépigmenté qui les séparait de l'intérieur. Il n'entendait rien. Il toqua trois fois à la porte, leva les yeux au ciel comme pour mieux écouter une hypothétique voix qui viendrait de l'intérieur. Il tapa un peu plus fort une seconde fois. Et cette fois, sans attendre de réponse, il posa sa main sur la poignée et appuya délicatement en poussant la porte.
L'intérieur semblait habité. Une grande table entourée de six chaises trônait au centre de la pièce. La cheminée protégeait un petit tas de bois où des braises encore rouges fournissaient une légère chaleur. Quelqu'un vivait ici.
Il proposa à Frioul de s'approcher de l'âtre pour se réchauffer un peu et délasser son corps endolori par la selle.
Lorsqu'il se retourna, une vieille femme appuyée sur une canne les observait. Elle avait le visage serein et calme des gens qui ont eu une vie qui ne les a pas épargnés. Garrigue s'approcha pour la saluer et s'excuser d'être entré de la sorte dans la demeure, mais au fur et à mesure qu'il approchait ses traits lui semblaient de plus en plus familiers.
La vieille femme aussi avait amorcé un sourire et des larmes apparurent dans le coins de ses yeux fanés. C'était Mélisande. Elle venait de reconnaître son fils et déjà ouvrait les bras pour accueillir son retour.
Garrigue aussi se souvenait de ce visage. Mais il était partagé entre l'envie de se jeter dans ses bras et une certaine retenue. Cette vieille femme, cette inconnue, cette mère allait-elle vraiment l'accepter contre son sein.

Il se retourna vers Frioul pour qu'elle lui communique un peu de force comme elle savait si bien le faire. Le sourire que lui retourna la jeune femme lui donna le feu vert et dans un élan soudain, il se jeta aux pieds de cette femme, la vision brouillée par de grosses larmes et priant de tout son cœur pour qu'elle lui pardonne de rentrer les mains vides.
La vieille femme esquissa un geste pour qu'il se relève et qu'elle puisse serrer ce grand gaillard entre ses maigres bras.
—Mère, il faut que je vous présente Frioul, mon amie.
Mélisande n'avait plus rien de la femme au caractère austère qu'elle avait été. Elle se dirigea lentement vers la cheminée pour saluer la jeune femme qui se leva péniblement.
Mélisande comprit l'état de santé de Frioul et prenant la jeune épouse par la taille elle se retourna en direction de Garrigue.
— Mes enfants, je suis si contente que vous soyez là.
Tout en disant ces mots, un éclair de tristesse traversa ses pupilles vitreuses. Elle s’attarda un instant sur le visage de Garrigue qui comprit ce qu’elle voulait dire.
—Non, Garrigue, ton père n'est plus. Il n'a pas supporté de voir son royaume ainsi dilapidé sous ses yeux. Il était trop faible et ne s'alimentait plus. Ça a été très vite. Il est mort peu de temps après ton départ. Heureusement quelques paysans sont venus pour m'aider à l'enterrer, on l'a mis juste à côté des étables en attendant que peut être un jour on puisse lui offrir une vraie sépulture comme dernière demeure.
Garrigue baissa la tête. Les larmes affluaient à ses yeux et il ne voulait pas le montrer.
—Ne t'inquiète pas. Je suis revenu et je vais rester. Et nous offrirons au plus grand roi des Hauts de Galante une tombe digne qui abritera son repos. Mais d'abord nous devons remettre cette demeure en état.
—Tu sais depuis quelques temps déjà des paysans sont revenus s'installer sur nos terres. Ils ont labouré, retourné, sarclé la terre et à nouveau celle-ci est redevenue fertile. Je crois que la malédiction a pris fin. Et puis maintenant que vous êtes là...
—Oui, la malédiction est terminée, rajouta Garrigue, tenant toujours la main de sa mère dans la sienne. Et comme tu dis maintenant, nous sommes là, tous les trois...
Mélisande sourit, les yeux fixés sur le ventre légèrement rebondi de Frioul.

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