Chapitre 39 - La diablerie du bijou
Autant étonné que soulagé, il défit rapidement les bouts de cuir qui pendaient encore à son poignet et projeta la lanière au sol avec toute la force qu'il pouvait mettre à se débarrasser de ce poison. Il était heureux de cette libération. Un sourire vainqueur vint se plaquer sur ses lèvres et illumina tout son visage.
Garrigue était enfin libre.
Frioul, qui épiait tous ses geste, avait bien vu ce qui venait de se passer. Il allait alors surement lui en parler. Elle s'attacha alors à répondre à sa question. D'une voix blanche et sans quitter le bracelet des yeux comme s'il s'agissait du mal en personne ; elle commença son monologue :
- Au moins quatre croissants de lune ont illuminé le ciel depuis ton départ du village. Ici des choses ont changé. Je t'ai dit que lorsque la lune serait bien ronde, j'aurai besoin du grimoire. C'est parce que ce sera la nuit du Cérémonial Féminin. C'est une coutume de chez nous. A chaque lune ronde qui suit l'annonce de l'arrivée d'un bébé dans le village, s'en suit cette fameuse cérémonie.
Garrigue écoutait distrait, tant la joie d'être libéré du bracelet avait pris toute la place. Le charme était rompu, il voulait oublier au plus vite, ne plus jamais entendre parler de ce charme diabolique.
Frioul craignait de n'avoir été, par association, la proie de l'envoûtement. Et comme Garrigue peinait à en parler...
En théorie, lorsque la boucle est rompue, le maléfice ne peut se régénérer. Frioul le savait. Mais elle voulait être sûr que la diablerie associée au bijou avait bien prit fin.
Ici, le bracelet avait cédé. Elle l'avait vu. La domination devait avoir pris fin. Mais, comment aborder un tel sujet avec Garrigue ? Elle connaissait ce type de colifichet et leurs conséquences, loin d'être bénignes. Il s'agissait d'un article diabolique que les sorciers utilisaient, il y a longtemps, pour maintenir leur emprise sur l'esprit qu'ils convoitent et dont ils veulent obtenir des faveurs, quelles qu'elles soient. Garrigue devait sûrement en ressentir les pouvoirs et il ne lui en avait jamais parlé, cela la rendait fébrile. Elle était encore plus amère, car à leur rencontre, lorsqu'ils étaient seuls et dépouillés de tous leurs effets, elle n'avait pas remarqué qu'il portait un objet d'allégeance.
Elle ne comprenait pas pourquoi elle ne l'avait pas remarqué et aussi pourquoi il ne lui en avait pas parlé, c'est bien qu'il cachait quelque chose. Et là, il venait de l'arracher. C'était à n'y rien comprendre.
Trop de questions se mêlaient dans sa tête. Pourquoi n'avait-il pas suffisamment confiance en elle pour évoquer ce sujet ou bien encore était-elle trop pressée et il n'avait peut être pas eu le temps de lui raconter son histoire.
Autant de questions que Frioul se posait et auxquelles il faudrait que Garrigue réponde si elle devait lui expliquer, plus en détail, ce que représentait pour elle, la cérémonie à venir. Et en quoi, lui, était concerné.
Les yeux de Garrigue étaient écarquillés. Frioul lui aurait parlé dans sa langue de sorcière, cela ne l'aurait pas plus surpris. Il ne comprenait rien à cette histoire de lune et de cérémonie que lui racontait Frioul et surtout il ne voyait pas en quoi leur cérémonial pouvait l'intéresser, lui, le chercheur de trésor.
Sans prendre ombrage de l'air détaché de Garrigue, Frioul poursuivit ses explications.
- Garrigue, tu as compris que notre village n'accepte pas les hommes, ils sont même, comment te dire, pas du tout les bienvenus chez nous. Tu dois alors comprendre qu'à ce type de cérémonies il n'est pas question qu'un homme y assiste, de plus, il y risquerait sa vie. Seules les femmes du village peuvent prendre part à cette messe.
- Je ne comptais pas te poser de problème, bien sûr que je ne te gênerai pas lors de ta cérémonie, je serai parti bien avant, répondit tristement Garrigue. Le jeune homme, blessé par la mystérieuse froideur de son amie, venait de comprendre que Frioul ne voulait plus de lui.
Mais elle cachait quelque chose et il devait savoir quoi avant de partir.
Frioul voulait protéger Garrigue, mais dans son empressement à chercher des solutions pour garder son enfant, elle n'avait pas tout expliqué au jeune aventurier. Elle, voulait surtout découvrir le secret qu'il cachait avant de lui avouer que la cérémonie était pour elle, puisque c'était elle qui attendait un enfant, son enfant.
Ils avaient du mal à se comprendre, chacun campant sur ses positions et peu enclin à dévoiler à l'autre les sentiments forts qui les réunissaient. Las, Garrigue éleva la voix :
- qu'est-ce qui te gêne ? J'ai ramené ton livre à temps avant ta cérémonie et j'aurais bien voulu te raconter mon voyage, mais tu sembles guère intéressée.
Surprise du ton impératif que le jeune homme employa, Frioul le coupa dans son élan d'un « non », sec et impératif, Garrigue ne savait plus s'il devait poursuivre. Elle enchaîna :
- Ecoute Garrigue, voilà encore un problème avec les hommes ! Ils n'ont de soucis que leur propre personne... Peux-tu un instant comprendre que cette cérémonie est réservée à celle ou celles qui attendent un enfant ! Et je suis concernée.
Aussitôt eut-elle lâché ces mots, qu'elle comprit qu'elle en avait trop dit. Garrigue dévoré par sa peine n'avait pas saisi.
- Euh, en tant que Chamane, je suis concernée. Lors de cette cérémonie tout le village participe avec moi à la magie que notre peuple maîtrise pour féminiser l'enfant à naître. Cela durera toute la nuit pour prendre fin seulement au petit matin. Ce sont des préparations éprouvantes. Le village s'y prépare déjà depuis quelques jours... A l'issue de cette messe, ou bien l'enfant sera une fille, ou bien... la prophétie aura fait son œuvre, acheva Frioul dans une voix trahissant toute sa tristesse.
Cette fois, Garrigue avait prêté attention à toutes les paroles de Frioul, cependant, il ne voyait pas en quoi la nuit à venir pouvait empêcher la jeune femme d'écouter son récit à lui. A nouveau, il réessaya de reprendre le cours de son récit.
- J'ai utilisé ton livre de sorts, mais je n'ai pas trouvé de trésor !, cracha Garrigue.
- Arrête ! cria-t-elle avant qu'un léger étourdissement pousse Frioul à s'asseoir. Elle porta sa main à son front et baissa la tête.
Aussitôt, Garrigue s'empressa de la retenir et l'aida à s'allonger sur le lit, leur lit.
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