Chapitre 28 - Esprit trop cartésien

Quelle déception !

La première page ne dissimulait aucune formule magique, aucune incantation. Rien. Elle était blanche. Aucune écriture, aucune recette ensorcelée, pas même un dessin, un signe étrange, quelque chose qui laisserait supposer que le livre était bien magique. Il tourna rapidement encore quelques pages, toujours rien, toutes les pages du manuel des sorcières étaient vierges !

Garrigue, chagriné et déçu, claqua nerveusement la grosse couverture. Pourquoi l'homme en noir lui avait-il dit qu'il devait se procurer ce manuel, s'il ne contenait rien. A moins que ce ne soit Frioul qui lui aurait remis un faux grimoire. Après tout, il est difficile de croire que la Chamane d'un village fasse confiance les yeux fermés à un inconnu sortit de nulle part.

Une douleur cuisante au poignet ajoutait à sa déception et alors qu'il voulait frotter l'endroit pour se soulager, en déplaçant le bracelet il vit une belle trace de brûlure juste au même emplacement. Tout le temps passé dans le village des sorcières, il n'avait pensé une seule seconde à ce fichu bracelet et voilà que maintenant il se réveillait et lui carbonisait la peau.

La magie, les potions, les sorts, tout cela commençait à casser les pieds de Garrigue, s'en était trop pour lui. Machinalement, il écarta nerveusement de sa vue le grimoire, d'un coup de pied en signe de rébellion. Le manuel fut projeté à quelques mètres de lui et, aussitôt, sa douleur au poignet diminua. Stupéfait de cette constatation, il se releva pour ramener l'objet près de lui. Et en tout premier lieu, parce qu’il devait en prendre soin, ce livre était tout de même son sauf conduit, le garant de sa vie.

La douleur reprit instantanément alors que ses doigts ramassaient l'ouvrage précieux pour le ramener en sécurité. Un instant, il semblât à Garrigue que le bracelet réagissait au contact du grimoire.

C'est un léger parfum fleuri qui exempta Garrigue à son analyse concernant le bracelet et sa possible interaction avec le grimoire. Cette douce odeur qui attendrissait ses narines, il la connaissait bien.
Il se retourna tout autour de lui pour tenter de voir apparaître l'oiseau ou l'homme en noir. Car enfin l'homme en noir allait venir à son secours et lui apporter, en tout cas il l'espérait, des réponses à ses questions et notamment sur le fameux bouquin.

Il avait beau se tourner et se retourner, dans tous les sens il ne voyait pas l'ombre d'une plume. Pourquoi alors avait-il senti ce parfum, ce signe distinctif toujours attaché au moment de l'apparition de l’oiseau ? Personne autour de lui, tout était calme, il avait beau écarquiller ses yeux et surveiller tous les alentours, pas la moindre présence, seul Panache d'Or paissait tranquillement.

Frustré, il baissa les yeux et regarda ses mains : une bague magique, un bracelet ensorcelé et l'obligation de veiller sur un livre de magie vide de recettes et de le rapporter à ses sorcières de propriétaires s'il voulait rester en vie.

Mais dans quoi était-il embarqué ?

Il avait là tous les ingrédients pour perdre courage et se mettre à pleurer. Et pour ça, Garrigue était très fort.
Toute son éducation ressortait dans sa lâcheté et son manque de force de caractère. Sa peine s’en trouvait décuplée tout comme sa colère d'être un si piètre prince.

Cependant, au fur et à mesure qu’il sentait monter sa colère, de ne pas être plus valeureux, sa bague devenait de plus en plus brillante.

— Bonsoir jeune Prince ! fit la voix de l'homme en noir.

— Mais vous étiez où ? Je vous ai cherché, je ne vous voyais pas, lança Garrigue, agacé.

— Écoute jeune prince, tu sembles encore devoir apprendre pas mal de choses. D'abord ce n'est pas en me cherchant que l'on me trouve. Je n'apparais que lorsque tu m'appelles, rappelle-toi de cela ! Il semble que tu n'aies pas encore compris le fonctionnement de ta bague, tu vas pourtant devoir le découvrir et rapidement si tu veux arriver à tes fins.

La magie et la sorcellerie ne doivent pas être utilisées à tort, car il y a toujours un prix à payer lorsque l'on pratique l'une ou l'autre et selon les utilisations, les prix à payer sont plus ou moins élevés.

Si tu utilises la magie par curiosité, tu n'obtiendras rien, ou en tout cas pas ce que tu espères.

Tu n'as rien trouvé dans le livre des Maldia ? C'est cela ? Rajouta tranquillement l'homme en noir, sûr de lui.

— Comment vous le savez ? C’est ça, vous étiez au courant qu’il ne contenait rien… s'écria Garrigue en colère.

— Ne crois pas ça, il est vide pour les curieux, avides ou inquisiteurs. Quand viendra le moment, quand tu auras besoin de lui, il ne sera pas vide et il te rendra de grands services qu'aujourd'hui tu ne peux pas imaginer. Ton esprit est encore trop faible, trop cartésien, tu vas devoir ouvrir ton âme et ton cœur et y laisser entrer les croyances. Elles te montreront toutes les choses qui t'entourent et que tu ne vois pas, parce que délibérément tu t'empêches de les voir.

— Ah ! Il y a une chose que vous ne savez peut être pas, s’écria Garrigue, fier.

— Je crois que lorsque j'ouvre ce grimoire, le bracelet offert à la fontaine devient incandescent, il m'a brûlé le poignet. La douleur s'estompe lorsque je tiens le livre à distance.

L’homme en noir, qui s’était déjà retourné, prêt à repartir, fit volte face.

— C'est normal, la magie noire de ton jeteur de sort s'affronte à la magie blanche du grimoire Maldia. Je t'ai dit que chaque utilisation de la magie devait se payer. Tu en as ici une toute petite démonstration... Tu devrais maintenant te reposer, ta journée de demain sera difficile.

Ce furent les derniers mots de l'homme en noir qui se fondit dans la nuit aussi soudainement qu'il était apparu.

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