Chapitre 25 - Un trésor inattendu
Les rayons du soleil vinrent déranger Garrigue qui voulait garder les yeux clos le plus longtemps possible et sentir Frioul tout contre lui pendant le peu de temps qu'il lui restait encore à passer avec elle. Bientôt, il allait devoir quitter le village. Les prochaines heures s'en allaient déjà trop vite. Frioul à son tour se retourna vers lui, lui sourit en découvrant ses belles dents et lui dit doucement :
— C'est aujourd'hui que tu dois partir, mais n'oublies pas une seule parole de ce que je t'ai enseigné hier, tu le paierais de ta vie, et ce n'est pas ce que je souhaite.
Garrigue connaissait peu de choses de Frioul, mais ce qu'il savait c'est que c'était une femme de tête qui parlait d'une voie forte et imposante. Là, elle susurrait doucement et délicatement dans le creux de son cou et semblait extrêmement triste. Elle soupira un instant, comme pour se donner du courage puis quitta la couche et s'empressa d'enfiler ses vêtements.
Garrigue s'imprégnait tant qu'il pouvait de cette dernière vision du corps de son amante. Il se tourna et à son tour pour s'habiller prestement. La journée qui s'annonçait allait être difficile, il devait reprendre la route, quitter ce village et trouver son trésor, avec ce fameux livre qui devait l'y aider. Comme un automate, il s'approcha de l'autel lentement, fixa le grimoire posé au centre et l'examina avec un peu plus d'attention.
C'est vrai que d'un premier abord il ressemblait à une boîte, mais à y regarder de plus près, de nombreux détails laissaient penser que ce manuel avait quelque chose de magique. Il approcha sa main délicatement jusqu'à toucher l'ouvrage étrange. A peine son index eut-il effleuré la couverture qu'immédiatement toutes les bougies s'embrasèrent. Surpris, il retira sa main d’un geste vif et recula d'un pas. Comment cela s'était-il produit ? La magie était elle réelle à ce point que le grimoire serait envoûté ? L'embrasement des bougies se produisait sans doute lorsqu'une main étrangère approchait de l'ouvrage. Il se retourna, Frioul se tenait debout derrière lui sans mot dire. Il l'interrogea des yeux lorsqu'elle éclata de rire.
— Tu croyais quoi, Garrigue ? Ce livre a été écrit par nos ancêtres grâce à qui aujourd'hui nous sommes libres. Il est l'élément le plus précieux de notre village. Seule la Chamane du village peut le manipuler, aucun étranger ne peut, ne serait-ce que le toucher du doigt sans qu'un système de défense ne se mette en œuvre pour signaler l'intrusion.
— Je te jure, Frioul, je ne voulais pas le voler, paniqua Garrigue.
— Je n'ai pas peur que tu le voles ! Tu ne le pourrais pas, rajouta-t-elle, riant de plus belle.
— Je suis la seule du village à pouvoir toucher le Grand Livre. Et puis, tu te rappelles que je t'ai dit que je te le prêterai ?
Il faut seulement que tu sois prudent ce matin, car au réveil, toutes les femmes t'auront oublié, tu seras donc rapidement en danger ici, il vaut mieux que l'on te remarque le moins possible. Tu dois donc te préparer pour partir, le soleil est déjà haut il te reste peu de temps.
— Sais-tu comment ton grimoire pourra m'aider dans ma quête ?
— C'est le grimoire seul qui t'aidera, il te suffira de l'ouvrir au moment opportun.
Garrigue fit mine de se suffire de cette réponse énigmatique. Frioul s'approcha de Garrigue et lui pris la tête entre ses mains, ses pouces savamment apposés au centre de son front, elle ferma les yeux un instant.
Garrigue sentit la chaleur de ses mains sur sa tête. Puis elle reprit sa phrase, expliquant que pour arracher le grimoire à son socle, il faut un lien avec une sorcière ; maintenant il possédait ce lien.
Garrigue ne comprenait pas grand chose.
— Maintenant tu peux te saisir du livre et le conserver avec toi, il te guidera le temps de ta quête. Mais n'oublies pas, tu dois me ramener cet ouvrage.
Garrigue s'approcha lentement de l'autel et tendit les mains vers le grimoire, pour cette fois s'en saisir sous les yeux attentifs de Frioul. Les bougies étaient toujours allumées, ses doigts agrippèrent le livre fermement et le soulevèrent. Garrigue fut étonné du poids du livre, car de taille relativement imposante, il n'en était pas moins extrêmement léger.
Alors qu'il tenait enfin le grimoire entre les mains, il regarda Frioul qui lui souriait et en un éclair, les dires de l'homme à la cape noire lui revinrent en mémoire, « dès que tu as le grimoire en ta possession, quitte le village ». Tout en répondant au sourire de Frioul, il glissa le livre dans son sac. Il s'approcha de Frioul jusqu'à la toucher, partagé entre l'envie de la prendre dans ses bras et l'envie de fuir avec le livre.
Garrigue ne s'était jamais beaucoup posé de questions. Aux antipodes des préoccupations matérielles, il fallut cette pauvreté pour que des inquiétudes enfin le tourmentent tant pour trouver de la nourriture que pour se cacher de la vérité : il était responsable de tout le malheur qui s'abattait sur les Hauts de Galante. En faisant la connaissance de Frioul, il avait gagné en maturité. Son mental avait pris une toute autre tournure et surtout il ne pensait qu'à Elle. Plus petit il ne cherchait qu'à rencontrer des enfants sans s'occuper de la différence entre garçons et filles. Aujourd'hui, il avait mal lorsqu'il pensait qu'il devait quitter cette femme, et petit à petit, son objectif déviait légèrement. Plus qu'à trouver son trésor, il pensait plutôt au jour où il reverrait Frioul pour lui rendre son grimoire...
Le moment de se dire au revoir arriva. Il ouvrit grand ses bras et enserra Frioul pendant un long moment, comme s’il voulait se charger de la force qu'elle dégageait. Enlacés, l'un contre l'autre, pour peut être une dernière étreinte, ils se détachèrent à regret, Garrigue saisit son sac où était enfoui le grimoire et franchit les peaux, dernier rempart avec l'extérieur. Le soleil n'était pas tout à fait au zénith. Mais le temps pressait. Car passé midi, l'effet de la potion sur tout le village se serait dissipé, et il serait alors en danger.
Il remarqua que Panache d'Or était près de la hutte centrale, prêt à l'emmener aussi loin que possible. Il se dirigea vers lui et machinalement se hissa sur la croupe de l'animal. Frioul marchait derrière lui. Lorsqu’il fut en selle, elle lui tendit une besace de cuir dans laquelle elle avait pris soin de glisser de la nourriture. Garrigue remercia chaleureusement la jeune femme. Ses yeux grands ouverts photographiaient son doux visage pour mieux l'immortaliser. Gravé dans sa mémoire, le portrait de cette femme forte ne pourrait qu’être un atout dans la quête vers laquelle il se dirigeait.
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