Chap 17 : La colombe argentée
Dans le couloir, Gaspard se précipita vers une porte indiquant :
"VOLIÈRE EXPÉRIMENTALE. ACCÈS RÉSERVÉ".
Après avoir présenté sa carte et sa clef, il pénétra dans une salle très haute, surplombée d'une immense coupole de verre. La serre débordait d'arbres et de perchoirs en tous genre, occupés par d'extravagants oiseaux. Des perroquets géants aux canaris fluorescents, la diversité de ces espèces dépassait tout ce qu'un seul homme aurait pu imaginer.
Gaspard connaissait très bien la volière. Lorsqu'il avait commencé à travailler pour son père deux ans plus tôt, il avait été affecté au poste de soigneur d'oiseaux. Puis, quand Carl l'avait enfin autorisé à participé aux travaux de modification génétique, Gaspard avait choisi de travailler sur les colombes, oiseaux de paix. Sa première création avait été une sublime colombe aux plumes gris métallisé, baptisée Mélodie. L'animal avait aussi été génétiquement modifié de façon à agir comme un pigeon voyageur. Son cerveau avait été entraîné à comprendre le langage humain à la manière des perroquets, et avait été doté d'un extraordinaire sens de l'orientation.
Gaspard rédigea un petit message sur une feuille blanche, qu'il glissa dans la bague scellée autour de la patte. Après quoi, il saisit délicatement l'oiseau entre ses mains et s'approcha de la fenêtre en chuchotant :
- Vole à la Rose géante, trouve Charlotte et Augustin. Tu comprends ? Charlotte et Augustin. Tu les connais, tu t'en souviens ? Allez ma belle, vole !
Là-dessus, il la propulsa vers l'extérieur, espérant qu'elle ne se fasse pas attaquer. Il tenait à cette colombe autant qu'une maître pouvait avoir de l'affection pour son chien.
*
-Bon et bien, nous voilà repartis, décréta Charlotte.
- Attend une minute... songea Emma. J'ai une petite idée.
- Oui ?
- Regardez les épines de cette rose. Elle sont immenses ! On dirait presque...
- Des petites épées ! réalisa Augustin. Ou des grands poignards, comme on veut. Mais elles doivent être très fragiles non ?
Emma s'approcha et palpa l'une des épines, larges et aplaties, longues d'une cinquantaine de centimètres.
- Elles sont solides. Et très tranchantes, ajouta-t-elle en effleurant le bord.
La jeune fille sortit de son sac une paire de ciseaux, et entreprit de scier la base de l'épine.
- Je reviens, dit soudain Charlotte en se dirigeant vers un bosquet.
- Tu vas où ? s'enquit son frère.
- Pisser.
- Quelle élégance... Se moqua-t-il.
- Même les princesses ont des besoins naturels, fit-elle en passant sa main dans ses longs cheveux dorés.
Emma sourit devant ces chamailleries et continua à scier.
- Besoin d'aide ? demanda Augustin quand Charlotte eut disparu derrière d'épais buissons.
- Ça ira, merci.
- J'insiste, je me sens ridicule à te laisser travailler alors que je ne fais rien.
- Si Charlotte t'entendait, elle rigolerait bien, remarqua Emma en lui tendant la paire de ciseaux.
Augustin se mit à couper énergiquement l'épine de rose.
- Et sinon, ta famille ne te manque pas trop ? demanda-t-il pour briser le silence.
- Un peu. Mais j'ai surtout peur qu'ils s'inquiètent...
- C'est normal. Et tes amis ? Tu es censée être en cours non ?
- Ils vont sûrement penser que je suis malade, tout simplement. On n'est coincés ici que depuis hier je te rappelle.
- C'est vrai, acquiesça Augustin. Mais si jamais tu as un copain, il va s'inquiéter que tu ne lui répondes pas, non ?
Emma ne put réprimer un sourire. Augustin venait-il de lui demander indirectement si elle était en couple ou non ?
- Ça ne risque pas, répondit-elle. Je n'ai plus de copain.
- Oh ! Je suis désolé ! Ça faisait longtemps ?
- Un mois seulement, on a rompu avant hier. Ce n'est pas très grave. Je sentais bien que ce n'était pas le grand amour entre nous.
- Il s'appelait comment ?
- Antoine, mais cet abruti voulait qu'on l'appelle Anthony, ou même Tony.
Augustin s'arrêta alors de scier l'épine de rose.
- Ce ne serait pas Antoine Malo par hasard ?
- Si ! Confirma Emma, très surprise. Tu le connais ?
- C'est notre voisin, et il est...
- Il est quoi ?
- Ne le prend pas mal, mais il est très bizarre.
- Tu peux l'insulter autant que tu veux, il m'a larguée par sms donc je ne peux qu'approuver !
Augustin eut un petit rire, puis reprit un air sérieux et compatissant :
- Ne t'en fais pas. Il ne te méritait pas de toute manière.
*
En quittant la volière, Gaspard décida de faire un détour par le laboratoire des plantes. Si cette femme, Irina, avait décidé de prendre possession du centre de recherches, il fallait à tout prix prévenir les autres scientifiques ! Gaspard s'en voulut terriblement de ne pas y avoir pensé plus tôt. Il avait eu l'esprit préoccupé par Marvel au lieu de penser à la sécurité du centre. Maudit Marvel. Infoutu de gérer des crises comme celles-là...
En arrivant devant la porte du labo des plantes, Gaspard croisa un garde, mais ne le remarqua que lorsque celui-ci l'interpela :
- Halte ! Où allez-vous ?
- Au labo des plantes.
- Vous avez un laissez-passer ?
- Vous plaisantez ? Je suis Gaspard Johnson, le fils du directeur ! J'ai toujours eu accès au labo des plantes.
- J'obéis aux ordres, c'est tout. Donnez-moi votre carte magnétique, ordonna le garde en pointant son arme vers le jeune homme.
- Vous vous foutez de moi ? C'est mon père qui donnait les ordres ici. Je sais très bien que j'ai le droit de passer !
- Le directeur est mort, je vous rappelle. Ce n'est plus à lui que nous obéissons.
Gaspard s'énerva alors :
- Je sais bien qu'il a eu un accident, pas besoin de me le rappeler ! Alors c'est à qui que t'obéis ?
- A Octavia et Irina Spalanzani. j'ai ordre de tirer sur tous les scientifiques un peu trop rebelles.
Là-dessus, il désactiva la sécurité de son arme. Gaspard eut un instant de panique et leva les mains.
- C'est qui ces deux-là ? demanda-t-il, inquiet.
- Octavia s'occupe du labo des plantes, Irina des animaux. Tu as bien compris ? Le centre Johnson leur appartient. Maintenant suis-moi.
Gaspard blêmit et passa devant le garde.
- Ne t'arrête pas ! ordonna ce dernier.
- Je dois refaire mes lacets, justifia le jeune homme en se baissant.
Soudain, il attrapa la jambe d'appui du garde et la releva d'un coup sec. L'homme armé chuta net et Gaspard détala, remerciant son père de l'avoir entraîné aux arts martiaux.
*
- Et toi ? demanda finalement Emma.
- Pas de copain non plus, répondit Augustin avec un clin d'oeil.
- Ça aurait pu, remarqua Emma.
- Non sérieux, j'ai personne. Ni copain, ni copine. Et je ne suis pas gay, du moins pas à ma connaissance.
A cet instant un oiseau fonça vers eux.
- Attention ! cria Emma.
- Mais non ! C'est Melodie, la colombe argentée de Gaspard !
- C'est qui eux ?
- Mélodie c'est la colombe, expliqua Augustin en saisissant délicatement le papier accroché à la bague. Et Gaspard, c'est le fils de Carl Johnson. Il a vingt ou vingt-et-un ans, je ne sais plus exactement. Il travaille dans le centre et c'est l'un de nos meilleurs amis, à Charlotte et moi. Il nous a écrit un message. Appelle Charlotte !
Emma s'exécuta, mais aucune réponse ne lui parvint.
- Chaarlooootte ! répéta son frère.
Ils se dirigèrent vers le buisson dans lequel elle était allée, mais rien. Aucune trace de la jeune fille aux cheveux d'or.
A cet instant, Augustin changea d'attitude, et se mit à paniquer.
- Charlotte ! hurla-t-il. Charlotte répond !
- Calme-toi, lui dit Emma. Elle doit être dans le coin, elle a peut-être vu un animal ou...
Mais Augustin ne se calma pas. Des larmes lui coulèrent aux yeux tandis qu'il appelait désespérément sa petite soeur, terrifié de ne pas l'avoir suffisemment protégée.
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