Chap 16 : La rose et le farfadet

- Un farfadet ? demanda Augustin.

- C'est exact, jeune homme, répondit la créature en question.

Le petit bonhomme, court sur pattes et vêtu d'une tunique bleu marine, arborait un air fier tout en pointant ses oreilles longues et biscornues vers les trois amis.

- Que... Comment est-ce possible ? demanda Charlotte.

- Voyons, ton père ne t'a jamais raconté ? Je suis le résultat du plus grand projet jamais imaginé par l'homme.

- Quel projet ? demanda Augustin.

- Créer la vie ! s'exclama le farfadet. Et mieux encore, créer la vie imaginaire !

- Tu veux dire la vie fantastique, non ?

- Ah, la la, grogna le farfadet. Fantastique, imaginaire, c'est du pareil au même ! Ne jouons pas avec les mots, la littérature n'a jamais été mon fort.

- Très bien, très bien, sourit le jeune homme, l'air amusée par cette petite créature. Donc le projet était de créer des créatures légendaires, celle qui n'existent que dans les contes de fée, n'est-ce pas ?

- Absolument ! S'exclama le petit être en redressant ses oreilles, fier d'avoir été compris.

Emma l'examina attentivement. La peau blanchâtre du petit bonhomme faisait ressortir l'intensité de ses yeux bleus, qui brillaient d'une vivacité d'esprit incroyable. Le farfadet représentait bien plus que des animaux génétiquement modifiés. En fabriquant cette créature, Marvel et Johnson avaient non seulement inventé un être vivant, mais ils avaient aussi façonné un être intelligent, doté de langage, de réflexion et d'émotions.

- Quand as-tu été créé ?

- Je suis un jeune farfadet, seulement âgé de deux ans.

- Parce qu'il y en a d'autres ?

- Oh oui ! Nous sommes des milliers dans le parc. Notre chef, le Farfadet Premier, est bien âgé d'une quinzaine d'années. Mais la plupart ont été créés il y a cinq ou six ans, pas plus.

- Le Farfadet Premier, répéta Augustin, amusé.

- C'est le premier à avoir été réussi. Les scientifiques ont fait beaucoup d'erreurs avant d'obtenir un farfadet viable.

- Mais... demanda Emma, comment vous ont-ils fabriqués ?

- Oh ! C'est un secret que je ne peux dévoiler ! Vous n'êtes même pas censé être au courant de notre existence ! Je suis venu à vous simplement pour guérir vos blessures, surtout les tiennes, Emma.

La jeune fille retint son souffle :

- Comment connais-tu mon nom ?

- Petits comme nous sommes, il nous est facile d'observer les nouveaux venus de la forêt.

Ainsi, les farfadets les espionnaient depuis le début ! Un souvenir survint à l'esprit d'Emma :

- Mon livre de Platon que j'avais perdu dans les arbres...

- Nous l'avons pris. Excuse-nous, les farfadets sont de nature un peu voleuse...

Emma lui lança un regard de colère, mais Augustin la retint par le bras avant qu'elle ne s'énerve.

- Guéris vite nos blessures, demanda Charlotte avant que le farfadet ne change d'avis.

Alors le farfadet extrayit de sa tunique bleue trois minuscules seringues, chacune mesurant à peu près la taille d'un ongle.

- Approchez vos bras, ordonna-t-il. Vous ne sentirez rien, l'aiguille est trop fine pour des humains géants comme vous.

Effectivement, aucun des trois amis ne ressentit le moindre picotement.

- Chaque sérum a été élaboré selon votre gabarit et vos blessures. Pour Emma, par exemple, nous avons pris en compte la bave irritante de l'escargot géant, la piqûre de l'abeille au venin toxique à long terme, ainsi que les griffures du Phœnix, certainement infestées de bactéries.

- De vrais médecins, ces farfadets, félicita Charlotte.

- Nous avons volé beaucoup de manuels scientifiques au laboratoire, avoua-t-il.

*

Après avoir quitté la salle de recherches d'un pas décidé, Gaspard Johnson s'arrêta au milieu du couloir. Où pouvait-il bien aller, maintenant ? La solution de rentrer à la maison ne le tentait guère. En effet, il n'avait pas encore le courage d'affronter la tristesse de sa mère et de sa sœur, Louise. Devant elles, il devait paraître fort, c'est pourquoi il viendrait les consoler plus tard, quand lui-même se sera remis de la perte tragique de son père.

Maudit Marvel ! Lui qui était un ami si cher à son père, le voilà qui le trahissait en s'alliant avec cette femme exécrable.

Sa seule excuse ? "J'avais si peur !"

Peur... Voilà comment Marvel s'était fait avoir. En se laissant dominer par la peur. A présent, le brillant laboratoire de recherche allait passer sous les ordres de l'autre femme. Adieu les magnifiques projets de son père...

Envahi par la colère, Gaspard décida de se diriger vers le bureau d'Harold Marvel. Après tout, peut-être qu'il y dénicherait quelques informations intéressantes... Et puis, il avait toujours rêvé de fouiller dans des affaires importantes. 

*

- Y a-t-il d'autres créatures fantastiques dans le parc ? demanda Emma.

- Assez de questions ! proclama le farfadet. Il est l'heure pour moi de m'en aller.

- Mais non ! déplora Charlotte. Reste, s'il te plaît !

- Vous me reverrez, moi ou l'un de mes camarades. Mais pour cela, il faudra suivre mes instructions. Attendez-moi une seconde, je reviens.

Là-dessus, il se mit à grimper habilement le long de la tige de la rose géante, jusqu'à atteindre des feuilles inaccessibles pour les trois jeunes gens.

- Attrapez-ça ! lança-t-il soudain.

Aussitôt, une boîte carrée tomba vers eux. Augustin la saisit en vol.

- Bon réflexe, félicita Emma.

- Tout ça pour impressionner la galerie, soupira Charlotte, jalouse de n'avoir pas rattrapé l'objet avant son frère.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda Emma en observant la petite boîte.

Les faces du cube étaient en bois, soudées par des arêtes dorées. Le côté supérieur était incrusté de minuscules pierres vertes, et une ouverture apparaissait le long de la boîte. Le tout ne mesurait pas plus de cinq centimètres. Augustin l'ouvrit, et aperçut une petite clochette à l'intérieure, calée dans son écrin gris souris.

- À quoi ça sert ?

- À nous appeler, expliqua le farfadet du haut de la feuille de rose. Aussitôt que vous ferez tinter la clochette, un farfadet apparaîtra et vous aidera. Mais attention, vous n'aurez le droit qu'à trois utilisations. Après le troisième appel, les farfadets ne seront plus jamais à votre disposition.

- Mais comment faire pour sortir de ce parc ? cria Augustin.

Mais hélas, c'était trop tard. Le farfadet avait disparu au sommet de la rose géante.

- Il est tout en haut, vous croyez ? Demanda-t-il.

- N'envisage même pas d'escalader cette rose, riposta sa sœur. Elle est bien trop belle pour être brisée par son poids.

- Il faudra donc se contenter de nos trois appels, conclut Emma.

*

Arrivé au bureau de Marvel, Gaspard jeta immédiatement son regard sur les vidéos de surveillance du parc. Sur l'une d'elles, trois jeunes gens discutaient sous l'immense rose rouge.

A sa grande surprise, il reconnut deux d'entre eux.

Augustin et Charlotte Marvel ! Que faisaient-il là ? Et qui était cette jeune fille avec eux ?

Gaspard connaissait très bien Augustin et Charlotte. Avec Louise, sa petite sœur de seize ans, ils allaient souvent leur rendre visite, et cela depuis qu'ils était tout petits. De plus, la famille Marvel était régulièrement invitée à dîner par les Johnson, et vice-versa.

A cet instant, Gaspard se souvint de ce qu'avait expliqué Marvel, avant de s'enfuire en claquant la porte.

"Irina menaçait mes enfants."

Était-ce donc à cause de cette femme diabolique, nommée Irina, qu' Augustin et Charlotte se trouvait prisonniers du parc, à la merci de centaines de prédateurs génétiquement modifiés ?

Il fallait les aider. Évidemment, le parc était bien trop grand pour venir les chercher, et le réseau téléphonique ne couvrait certainement pas cette zone. Mais Gaspard, qui travaillait depuis quelques années dans le laboratoire de son père, eut une petite idée...

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