~7~ L'enseignant héroique
Meng Yao est un peu confus. Non seulement l'alcool avalé plus tôt embrouille son champ de vision, mais l'agression qu'il vient de subir le fait trembler comme une feuille. Être ainsi la proie d'un pervers, c'est très effrayant. Il a l'habitude de subir des insultes ou des humiliations, mais jamais des mains baladeuses. Est-il voué au harcèlement?
Pourtant, cette fois, quelqu'un lui a tendu la main. Cette personne l'a défendu sans connaitre son nom, ni ses origines honteuses. Le bel homme s'est seulement interposé avec naturel, ne supportant pas de voir quelqu'un souffrir aux mains d'un fou. Réaliser que des gens peuvent posséder un bon cœur, c'est un soulagement pour Meng Yao qui a longtemps été désespéré par l'humanité.
-Est-ce que ça va?
La voix de cet ange est douce, pure et sincère. Même une phrase aussi courte met la victime à l'aise, aidant ses tremblements à cesser. Meng Yao n'a pas l'habitude de faire aveuglément confiance aux gens, principalement aux inconnus. Derrière chaque sourire se cache une sale intention. Ça, il l'a appris à ses dépens. Pourtant, ce jeune homme ne l'intimide pas. Peut-être est-ce la lueur de bonté qui brille dans ses yeux ou la douceur dans ses traits qui l'empêche de revêtir son continuel masque imperturbable.
Meng Yao se contente de hocher positivement la tête, incapable de prononcer une syllabe. En temps normal, il rassurerait les témoins, il mentirait et porterait un sourire factice. Cependant, il a froid. La tenue légère qu'il porte laisse passer trop d'air. Sans le réaliser, le nouveau passe ses mains sur ses bras, les yeux baissés. Il a le temps de ne dire aucun mot qu'une veste est posé sur ses épaules frêles.
-Va te changer, tu seras mieux, déclare Lan Xichen.
-Mais, l'initiation...
-Ne t'en fais pas pour ça. Je connais l'organisateur de tout ça. Wei WuXian est le fiancé de mon frère, donc il ne s'y opposera pas. Je crois que cette plaisanterie a suffisamment duré, tu ne crois pas?
Meng Yao acquiesce, puis ils partent en direction de la salle de bain, là où le garçon a laissé ses vêtements. En chemin, il serre la veste de son sauveur sur ses épaules. Cette dernière dégage une forte odeur de parfum pour homme, ce qui n'est pas pour déplaire aux voies nasales de la victime.
-Tu es Meng Yao, c'est ça? s'enquiert soudainement Lan Xichen.
-Oui. Comment vous-...
-Je connais très bien Nie Mingjue. En fait, je l'ai aidé à écrire sa lettre de recommandation et c'est moi qui l'ai livré. C'était la première fois qu'il faisait lui-même une recommandation pour l'école, donc tu as dû l'impressionner.
-Je n'ai rien fait de plus que mon travail de stagiaire.
Rester humble en toutes circonstances, c'est l'une des qualités de Meng Yao. Pourtant, au fond de lui, il est extrêmement fier de ses accomplissements. Après avoir été refusé trois années de suite à l'université Lan, il a dû trouver une autre solution. Cette école est celle de ses rêves, la destination qu'il a toujours visée. Malgré ses notes exemplaires, ses origines douteuses ont fait de lui un indésirable. Qui veut d'un fils de pute dans son prestigieux établissement scolaire?
Meng Yao a donc fait des recherches sur le conseil d'admission de l'université. Bien que cette dernière ait été créée par la famille Lan, certains investisseurs ont leur mot à dire sur les élèves et les décisions prises par l'école.
Les Jin, les Jiang, les Wen et les Nie.
Comme ils sont tous de grands noms de la société, approcher ces gens a demandé à l'étudiant des recherches approfondies. Il a finalement trouvé la société que possède le fils ainé Nie, Nie Mingjue, et il l'a introduite à titre de stagiaire. Si au début, distribuer le courrier et donner des cafés n'avait rien de prestigieux, il a réussi à se démarquer en un temps record, finissant aux ordres directs du patron. Être bon parleur, intelligent et travaillant a fait de Meng Yao le meilleur.
Un jour, il a trouvé l'occasion d'avouer au patron son désir d'étudier à l'université Lan et en un temps record, une lettre de recommandation a été écrite pour lui. Ce rêve qui semblait si inaccessible a finalement semblé possible, touchable du bout du doigt. Voilà où il en est.
Pendant que Lan Xichen attend de l'autre côté de la porte, Meng Yao enfile ses vêtements normaux, puis il sort rejoindre son sauveur à qui il tend timidement le déguisement. L'enseignant regarde brièvement la tenue avant de détourner les yeux, les oreilles rougies par la gêne. Tout ce qui concerne la vulgarité n'est pas sa tasse de thé. L'homme est quelqu'un de droit, presque saint. Le plus petit ne peut empêcher un faible sourire de naitre sur ses lèvres en voyant l'homme aussi embarrassé. Maintenant qu'il est changé, son calme est retrouvé.
-Au fait, le garçon plus tôt t'a appelé professeur. Est-ce vrai? l'interroge curieusement Meng Yao.
-Oui, c'est ma deuxième année à titre d'enseignant en littérature. Je sais que ça peut surprendre étant donné mon âge, mais si je n'avais pas les compétences, on ne m'aurait pas offert ce poste, et ce, malgré mon nom.
Lan Xichen se sent obligé de s'expliquer, habitué aux critiques muettes des élèves qui suivent ses cours. Pour certains, un jeune à peine sorti des études n'est pas digne d'enseigner dans une si prestigieuse école. Un homme de 25 ans ne peut pas connaitre autant de choses qu'un ancien qui en a vu de toutes les couleurs. Malgré le roman qu'il a publié, les prix qu'il a reçus et toutes ses connaissances, il a du mal à être pris au sérieux. Seul son nom force le respect.
-Je ne critique pas, s'empresse de le corriger Meng Yao. Je te crois. C'est seulement étonnant, mais si tu en as les compétences, pourquoi pas? Comment tu t'appelles? Tu connais mon nom, mais moi, j'ignore le tien. C'est un peu injuste, non?
-Je vois... J'ai l'habitude que les gens portent un jugement facile. Je m'appelle Lan Xichen.
En entendant le nom de son sauveur, une lumière s'allume dans la tête de Meng Yao. En plus d'être un enseignant, cet homme détient un grand pouvoir au sein de l'école. Il est le neveu du fondateur, l'héritier. S'entourer de personnes influentes, c'est l'une des choses que Meng Yao sait le mieux faire. Quand on n'est rien aux yeux du monde, il est possible de monter les échelons grâce à ceux qui sont bien nés. Il a appris ce fait très jeune et il n'a aucune honte à mettre sa théorie en pratique.
Meng Yao ne laisse rien paraitre, continuant de sourire. La veste de son héros trône toujours sur ses épaules et il l'a oubliée.
-Ne t'en fais pas, je ne juge jamais les gens sans les connaitre, réplique le garçon de petite taille. Les gens qui le font sont souvent malheureux de ce qu'ils sont eux-mêmes et ils sont incapables de voir les accomplissements des autres sans en être jaloux. Si tout le monde se mêlait de ses affaires, la vie serait surement mieux. Tu ne crois pas?
-Ce que tu dis est vrai. Bon, je vais aller remettre la tenue à Wei... Tu habites loin d'ici?
-Je loue une chambre dans un motel à quelques pâtés de maison d'ici en attendant le début des cours. Renouveler mon bail était trop cher et inutile pour seulement un mois.
-Je vois. Si tu veux, je peux t'y reconduire? Ça t'évitera d'appeler un taxi.
-Je ne veux pas déranger...
-J'insiste. Tu ne dérangeras pas. Les protégés de Nie Mingjue sont aussi mes protégés. De plus, je comptais partir. Je ne suis venu que faire une petite tournée pour m'assurer que tout va bien et que les limites n'ont pas été dépassées.
Il refusait d'abord par politesse, mais comme l'homme insiste, il accepte en conservant son expression embarrassée. Si au début, il lui faisait confiance uniquement à cause de son aura sincère, cette fois, il le suit par envie de faire bonne impression. Si Meng Yao a les bonnes grâces d'un enseignant- le neveu Lan par ailleurs-, alors ses études seront beaucoup plus simples.
Les garçons retrouvent rapidement Wei WuXian. Ce dernier, à moitié ivre, câline Lan WangJi dont le visage est stoïque. Malgré son sérieux, une lueur de tendresse brille dans ses yeux glacials alors qu'il force son amoureux à boire de l'eau. Le responsable de la fête est déçu de voir son initié arrêter sa conséquence, mais il ne cherche pas à le retenir.
-Frère Xichen! Je t'en prie, ne parle pas de cette fête à mon grand frère. S'il l'apprend, il me cassera les jambes! Tu ne me trahiras pas, pas vrai?
Nie Huaisang s'accroche au chandail de Lan Xichen comme si sa vie en dépendait, le visage décomposé par la peur et l'alcool. Ses membres mous indiquent son abus considérable d'eau de vie tandis qu'il peine à tenir debout. Habitué à ce comportement, l'enseignant tapote la tête du petit frère à son meilleur ami.
-Ne t'en fais pas, il ne saura rien, le rassure-t-il. Cependant, tu dois promettre de tout bien ramasser demain. D'accord?
-Promis!
Ne pouvant le laisser seul dans cet état, Lan Xichen remet le garçon à Wen Ning. Ce dernier joue le rôle d'agent de sécurité de la fête, droit et sérieux. Si quelqu'un est digne de confiance, c'est bien cette personne pour qui l'honneur et l'honnêteté prônent sur le reste. Malgré son intelligence parfois déficiente, Wen Ning est une perle, l'ami rêvé.
-J'espère que tout ira bien après mon départ, soupire Lan Xichen. Tu es prêt?
Meng Yao, qui est resté discret depuis, acquiesce en souriant. Il va tout faire pour se lier d'amitié avec cet enseignant.
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