~3~ Scandale chez les Lan
Au cœur de la ville de Québec, à quelques pas de la prestigieuse université Lan se trouve une maison romanesque.
De la grosseur d'un manoir, bien que cette dernière soit reculée de la route principale, les curieux n'hésitent pas à faire un détour pour l'observer, fascinés par cette architecture traditionnelle et élégante qui attise l'imagination. Des fleurs diverses poussent toutes l'été sur le terrain, donnant vie au lac artificiel que les locataires ont fait creuser pour se sentir en campagne et non en ville. Un petit pont en bois artisanal passe par-dessus l'étendue d'eau, créant un lieu idéal pour se reposer ou méditer.
Un jeune homme au physique gracieux pénètre les imposantes portes de la maison, le visage grave et les sourcils froncés. Mince, mais musclé, Lan WangJi est l'exemple même de la droiture. Ses longs cheveux sombres sont raides, sans une mèche de travers. Leur teinte foncée met en avant la pâleur hypnotisant de ses yeux dorés.
La femme de ménage le salue et par politesse, Lan WangJi lui répond d'un geste de tête, sans qu'aucun mot inutile franchisse ses lèvres délicates. Le bras dans son dos droit, il marche d'un pas résolu le long de l'allée centrale dont le sol en bois de santal reluit. Bien que l'homme soit pressé, il fait tout de même un arrêt devant la porte fermée qu'il a comme destination, refusant d'y pénétrer sans d'abord cogner. Rester convenable dans toute circonstance, c'est la base de l'éducation Lan.
Après en avoir reçu l'accord verbal, Lan WangJi pénètre dans le bureau spacieux, là où un homme âgé trône derrière une pile de papiers, le menton garni par une longue barbe étroite. Malgré son âge avancé, Lan Qiren reste bien conservé. Seules les rides au coin de ses yeux froids et les mèches blanches qui tachent ses cheveux couleur corbeau indiquent sa vieillesse.
Près du bureau, le frère ainé de Lan WangJi dont le physique est le reflet de celui de son cadet lui sourit chaleureusement. Seule la couleur plus foncée de ses yeux de phénix différencie Lan Xichen de son jeune frère, ainsi que l'aura jovial qu'il dégage. Le voir suffit à l'aimer.
Les mains jointes devant lui, Lan WangJi salue ses ainés.
-Oncle, grand frère...
-WangJi? s'étonne Lan Qiren d'une voix grincheuse. Que nous vaut ta venue?
-Oncle, j'ai appris la nouvelle... par rapport à l'étudiant dont vous avez annulé sa candidature. Je viens plaider en sa faveur. Une personne qui a subi ce qu'il a vécu devrait se faire tendre la main, non se faire rejeter.
Lan WangJi n'est pas quelqu'un qui aime parler, mais lorsque la situation le demande, il ne craint pas de donner son avis de manière direct, sans jamais utiliser de mots superflus. Il y a quelques jours, tous les médias sociaux ont parlé d'un cas d'agression survenu dans un village, là où deux jeunes adultes ont été maintenus en otage et menacés par un fou furieux. L'un d'eux serait devenu aveugle, mais ils s'en sont sortie vivants, sans que l'agresseur puisse être retrouvé. Ce dernier est encore en liberté.
Il s'est avéré que les victimes étaient deux étudiants admis à l'université Lan. Comme l'école est connue pour sa rigidité et les difficultés pour y être acceptée, la nouvelle n'a pas tardé à faire jaser. Cependant, plutôt que de montrer ouvertement son soutien aux jeunes ayant frôlé la mort, Lan Qiren a pris une sévère décision en tant que recteur en chef : annuler l'inscription de celui devenu aveugle. Dans son annonce, l'homme d'âge mûr a expliqué que l'école ne peut pas se permettre de s'adapter à un handicap et qu'elle ne dispose pas des ressources nécessaires pour le prendre en charge. D'ailleurs, comme la victime n'a perdu la vue que récemment, il ne maitrise pas encore sa déficience et serait donc un boulet académique.
Ce choix a fait scandale, mais malgré l'assaut de nombreux manifestants mécontents, personne n'a réussi à convaincre le vieux Lan de changer d'idée. Qu'il soit traité d'homme sans cœur ou de monstre, aucun mot ne parvient à l'affecter. Le recteur est dur comme le fer, entouré d'un bouclier impénétrable.
-Je crois avoir déjà expliqué mon opinion aux journalistes, crache Lan Qiren. Ton frère aussi est venu pour la même raison et malgré tous ses arguments, je refuse de changer d'idée. Quel genre d'école serions-nous si nous acceptions n'importe qui? Ce jeune Xiao Xingcheng avait peut-être du talent lors de son entretien, mais il est maintenant inapte à étudier dans notre établissement. Si je commence aujourd'hui à admettre des personnes handicapées par pitié, ne serait-ce pas une ouverture pour tout ceux qui veulent la même chose? Tous ceux qui auront des histoires dramatiques n'auront pas le droit d'être rejetés, car ils souffrent? Balivernes.
-Oncle... La réputation de l'école souffre de ce cas. N'est-ce pas mauvais pour nous?
-Ce n'est qu'une broutille. L'important, c'est que sa réputation stricte et académique n'en soit pas affectée. C'est tout ce qui compte. De nos jours, les gens ont peur de la sévérité et ils s'offusquent pour un rien. Si c'est tout ce que tu souhaitais me dire, tu peux disposer.
Réalisant son échec lamentable, Lan WangJi salue son oncle, les mains jointes devant lui, puis il tourne les talons pour se rendre à sa chambre. L'injustice le dégoute, mais il doit admettre comprendre l'opinion de son oncle. Cet homme est une personne logique et rationnelle à qui il doit un respect incommensurable.
La chambre du cadet est très grande, à quelques pas de celle de son frère. Les murs d'un blanc nacrés semblent luire sous le soleil qui plombe par l'imposante fenêtre. Quelques plantes vertes sont disposées dans la pièce, donnant vie à ce lieu décoré simplement par une bibliothèque et une table basse faite de bois. Un petit encensoir diffuse une exquise odeur de bois de santal, la même qui imprègne les vêtements du propriétaire.
Sur la table, un ordinateur sonne, annonçant que quelqu'un tente de rejoindre Lan WangJi en appel vidéo. Le garçon s'installe sur un tatami beige, puis il accepte la demande. Aussitôt, le visage enjoué d'un jeune homme apparait à l'écran. Ses longs cheveux sombres sont attachés au sommet de sa tête à l'aide d'un ruban rouge tandis qu'un sourire espiègle domine ses lèvres séduisantes. Du haut de ses 22 ans, Wei WuXian est doté d'une beauté ravageuse qui fait chavirer le cœur de Lan WangJi.
-Lan Zhan! s'exclame joyeusement Wei en voyant que ce dernier a répondu à son appel. C'est la troisième fois que j'appelle... Ah, j'imagine que t'es allé voir le vieux La--... Je veux dire, ton oncle, pour parler de son choix vis-à-vis le nouveau? C'est quoi le verdict?
-Négatif.
-Négatif ?! Franchement, ton oncle manque de cœur! Comment peut-il bien dormir après avoir bousillé le futur d'un garçon devenu aveugle suite à une agression. Ce n'est pas comme s'il avait choisi de s'arracher lui-même les yeux pour attirer la pitié!
-Hum.
Se rappelant que Lan WangJi ne veut pas parler en mal de son oncle, l'homme qui l'a élevé, Wei WuXian se tait en frappant sa bouche pour montrer son embarras. Parfois, il est préférable de seulement penser du mal de sa belle famille et d'éviter de le dire à voix haute devant son petit ami.
Lan WangJi et Wei WuXian se sont rencontrés en première année de secondaire alors qu'ils partageaient la plupart de leurs cours. Tandis que le Lan était premier de classe, toujours droit et le favori des enseignants, l'autre était un bout-en-train indomptable, toujours prêt à déranger le cours ou a faire des blagues. Leurs personnalités contradictoires ont d'abord fait des flammèches, surtout lorsque le bavard tentait désespérément de se lier d'amitié avec le sérieux. Qui aurait cru que derrière sa froideur, le cœur de Lan WangJi était tombé sous le charme de cet être énergique et drôle?
Tout le monde aimait Wei WuXian.
Il était toujours entouré d'un groupe de gens en admiration devant son audace tandis que Lan WangJi préférait passer son temps à la bibliothèque, incapable de se lier d'amitié avec qui que ce soit. Chaque fois que Wei WuXian tentait de lui parler, il le repoussait telle une mouche agaçante, forgeant une carapace impénétrable. WangJi refusait d'accepter les sentiments qui grandissaient dans son cœur. Comment assumer que l'élève le plus dérangeant de l'école l'avait fait chavirer, lui, le garçon sérieux et dénué de défaut?
Après avoir refoulé son amour des années, la fin du secondaire les a séparés pendant deux ans. Lan WangJi n'avait plus de nouvelles de Wei WuXian et ce manque le torturait tandis qu'il suivait sans envie ses cours au cégep. Il ne pouvait cesser de se demander à quoi aurait ressemblé sa vie s'il avait trouvé la force de se déclarer, s'il avait cessé de le repousser inlassablement. Son cœur ne pouvait l'oublier.
Lorsqu'il est entré à l'université de son oncle, Lan WangJi a peu la plus belle surprise en découvrant Wei WuXian dans son dortoir. Le boute-en-train du secondaire, l'homme de son cœur avait été admis. C'est à cet instant que WangJi a décidé de s'assumer, de se dévouer à Wei pour lui faire comprendre son amour plus qu'amical. À la fin de leur première année de collocation, les choses se sont enflammées et leur couple est né. Depuis, ils forment un duo fusionnel au grand désarroi de l'oncle Lan qui refuse d'accepter Wei WuXian comme un membre de la famille. À ses yeux, ce dernier est une mauvaise influence pour son neveu adoré.
-Au fait, je voulais te dire que l'initiation des bleus aura lieu ce vendredi, affirme joyeusement Wei WuXian. J'ai pu faire toutes mes invitations grâce à la liste de noms que tu m'as fournis. Comme le frère de Huaisang est absent, ça aura lieu chez lui. Tu viendras, n'est-ce pas?
-Les initiations sont interdites à l'université Lan, réplique WangJi.
-Je le sais, c'est pour ça que je l'organise avant le début des cours. Ne vois-tu pas que tu as affaire à un génie? Donc, tu viens?
-Hum... On verra.
-Venant de toi, la réponse me convient. Je dois quitter, à plus et je t'aime.
-Je t'aime aussi.
Wei WuXian envoie un baiser soufflé avant d'éteindre l'écran, laissant Lan Wangji seul. Son cœur bat si vite qu'il pourrait exploser. Jamais il ne se lassera de cet amour.
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