7. Inception (4)

— Bien le bonjour, s'exclama la nana la plus perchée que je pus connaître en l'instant précis où quartes yeux métèques saisissants se levèrent vers nous.

Ou plutôt, vers elle. Même en étant incroyablement révulsée d'être amenée de force en cette situation plus débile qu'autre chose, je ne pus que plaindre mon amie maintenant. De sa bêtise, elle allait se coltiner l'explication gênante et probablement laborieuse qu'elle ne tardera pas à fournir aux deux mâles imposants qui la scrutaient tel un putain d'ovni de Saturne.

Ah oui, ajoutais-je à cela la multitude d'yeux avides de ragots qui se retournaient les uns après les autres dans plusieurs tables du réfectoire, en un mouvement synchronisé hilarant; Un peu comme une chaîne de dominos, sauf qu'à la place il y avait des têtes d'imbéciles coites.

Mais la situation était tout sauf drôle, en ce moment ci. Et oui, debout et droite comme un piquet, les doigts entortillés et humides, le souffle court et les joues incandescentes, je sentis mon cœur frileux ricocher violemment contre ses parois exiguës. Cette réaction épique ne me subjugua que très peu, ne m'énerva que trop. Mon anxiété sociale reflua en montée de lave, elle s'époumonait à me persuader que tout cela était absurde. Et je ne pouvais nier l'évidence.

Mona, elle, ne semblait pourtant pas le moins du monde déroutée par l'oeillade réprobatrice que lui servait les deux inconnus.

Leur aspect était des moins anodin. Leur beauté était un contraste total avec ce que j'avais pu voir en cette ville. Mais ils ne se ressemblaient pas. Alors là, pas le moins du monde.

Celui de droite en face, que j'ai à peine pu apercevoir de ma table, était un brun bien, bien battu. Il avait des traits prononcés, des sourcils épais et un regard profond. Je le scrutai longuement, sans retenue. Un long nez qui harmonisait avec son visage, des lèvres retroussées. Des grains de beauté ponctuant ici et là sa peau basanée. J'analysai religieusement chaque trait de son visage, un peu bêtement. Je m'en fichais tout de même, je n'allais quand même pas l'épouser, ni même lui parler, d'ailleurs. Mona menait parfaitement la discussion, à mon grand étonnement, mais celle-ci me semblait si lointaine, je n'avais juste pas envie d'être ici.

— Long Island, fit-la voix du brun. On vient de Long Island. Cool, non ?

— Carrément ! s'extasia mon amie. Rah, ça me passionne, tout ça. Voyez-vous, j'aime écouter la vie des gens, surtout les nouveaux, c'est si rare, bordel ! rit-elle avec le brun, tandis que l'autre restait hors de portée de mon champ de vision, dos à moi. Et donc, qu'est-ce qui vous amène ici, jeunes hommes ?

Jeunes hommes. Je me retins de lever les yeux au ciel. Mona déblatérait sans réfléchir, débitant toutes sortes de conneries, saupoudrées de quelques questions indiscrètes. Le problème n'était pas juste qu'elle était très peu subtile, c'était qu'elle ne s'en rendait même pas compte elle même.

— Toutes sortes de circonstances, je suppose, prononça pour la première fois la voix du mec retourné, grave et qui retint l'attention, moi comprise.

— Un bon gros merdier, ouais, affirma l'autre, la mine pensive.

Celui-ci biaisa le retourné d'un regard bref, puis se retrouva vers Mona. Elle rit joyeusement, dans un naturel qui me déconcerta. Un peu comme si elle avait compris le sens corsé de leurs mots-clés, comme si elle saisit le sens de l'univers entier. Comment faisait-elle pour mimer une expression aussi convaincante ? J'en étais incapable, captive de ma moue renfrognée.

— C'est drôle, j'aurais vraiment juré que vous en avez traversé, des merdiers, ensemble.

— Bonne remarque, ironisa Le Brun, dans un demi sourire.

— Bien sûr que oui, faut le dire, ça crève les yeux. Vous êtes pas mal, un peu trop, pour ce lycée. Un artefact qui intrigue les fouineuses telles que moi, fit-elle dans un sourire coquin, qui creusa deux fossettes sous sa lèvre.

Je ne pus réprimer un soupir exaspéré. Je ne pouvais pas me détendre et me sentais telle une boule d'anxiété sociale en crise d'allergie.

Était-ce normal si je ne voulais que prendre mes jambes à mon cou ? Après avoir étranglé Mona ? Merde, je ne pouvais juste plus être normale. Mon amie, elle, ne semblait même pas se démener à leur poser la fameuse question, et maniait la discussion à sa guise et confort, finalement. Elle parlait certes beaucoup, mais ne dérangeait pas dans son aise. Comme si tout était naturel. Incroyable, c'était un sport olympique.

Et j'étais anti-sport. 

Le bruit qu'émit le mec retourné m'extirpa de ma torpeur noire, soudain. Un bruit que je ne déterminai mi agacé, mi amusé.

— Va droit au but, sérieux. Tu nous prends pour un couple de surfers homo qui pue le cliché, charismatiques et charitables. Et complètement cons, qui plus est, en tournant autour du pot pendant de plus de dix minutes. Rien de plus évident. Tu viens de perdre un pari.

Cette soudaine perspicacité me subjugua d'un gloussement franc. Ce type n'était pas une cruche, donc. Maintenant que j'y pensais, j'avais bien envie de voir son visage, mais j'étais là, tel un foutu poteau, inconfortable et éreintée d'être debout depuis plus de dix longues minutes de merde.

Le Brun se contenta de sourire, mon amie referma sa bouche. Mais elle ne laissa pas pour autant faire.

Ce fut la douche froide quand je remarquai que personne ne me prêtait attention. Bon...

— Ça, c'est intelligent, comme réflexion. Je rends les armes, c'est vrai. Mes espoirs s'effondrent soudainement, plaisanta-t-elle, vibrante de charisme. Mais mon temps est mérité, je suis enchantée, fit-elle dans un clin d'œil avant de se lever en tendant une main manucurée au mec retourné en la serrant à la sienne.

Super gênant.

— Qu'ils sont mignons, s'extasia-t-elle, les mains jointes et un sourire radieux sur son visage, ne pouvant retenir une désastreuse et ultime remarque déplacée et embrassante, tout en m'entraînant avec elle, entre les dizaines de regards qui nous dévisageaient, encombrant désagréablement mon sixième sens.

Je me retournai une dernière fois, à mes dépens.

La vision des deux individus retournés me retourna l'estomac. Une vision particulière et captivante.

Le mec dos à moi jusque là était à découvert, et j'inspirai gauchement quand une réalité absurde et farfelue me fouetta l'esprit. N'était-ce donc pas la carrure, les mêmes cheveux longs, fournis et soyeux, les mêmes bras... d'un quelqu'un ?

Ah oui, merde. Oui, oui, oui ! The mist boy, c'est vraiment lui !

Pantoise, fascinée et intriguée, les secondes semblaient s'égrener tandis que je scrutais l'individu. Mais pas assez pour le voir vraiment, quand tout claqua, telle une planche de battant sur ma face. La vision de moi, crasseuse et piteuse de la veille, me revint en tête. Pourrait-il me reconnaître, s'il m'avait vu ?

Pas vraiment, conclus-je en remarquant que les deux mecs ne me portaient toujours aucun intérêt. Non, ils regardaient mon amie à mes côtés s'éloigner qui leur fit un signe de main. Tout sourires.

⚡️⚡️⚡️

Salut, salut.
Alors, ce nouveau chapitre?
Et surtout, nos fameux voisins qui font leur entrée!

Rah, c'est l'un de mes préférés. J'adore, et vous?

Ne faites pas les lecteurs fantômes. Exprimez vous, bon sang.

Hehe.

Bonne soirée!
🖤

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