6. Inception (3)

Bon OK, j'ai un peu menti.

J'avais des amis, ou plutôt, une bande de trois blaireaux avec qui je m'amusais comme une dingue secrètement, sous mon masque de bécasse arrogante. À leurs côtés, j'étais le plus près possible de mon vrai moi, à croire que je n'étais pas aussi repoussante que ça.

On était une fraternité de couleurs, faite de je-m'enfoutisme et de succulentes injures collectives. Comme une bande de poissonniers tous aussi différents les uns que les autres, unis dans la beauferie et l'amour vulgaire.

J'avais même peut-être ce que l'on pourrait appeler de meilleure amie, dont j'étais le plus proche, avec qui je passais le plus clair du temps où je ne souhaitais pas être seule et en qui je plaçais une confiance dont j'étais la première surprise. Mona.

Le comble du chic, c'est qu'ils n'étaient pas avec moi en classe, cette année. J'étais encore plus dégoûtée.

Me frayant un passage entre les tables de la cantine diaphane vers eux, un sourire pénible à retenir sur les lèvres, je sentis l'excitation me nouer les entrailles tandis que je me ruais vers mes trois camarades.

— Salut les moches, les saluais-je en m'asseyant à ma place habituelle avec mon plateau.

— Tiens, qui voilà... fit Cruz, joueur à son habitude.

— La truite ! s'exclama Mona, elle nous fait même pas la bise.

— T'as vu ça, affirma le seul mâle du groupe.

Sydney le foudroya aussitôt du regard, et je mis un long moment à comprendre que c'était parce qu'il voulait une bisette. Ah, les gamins.

— Mona, on a passé l'été ensemble. Et puis allez chier, c'est pas mon truc, et vous le savez. En plus, je suis pas d'humeur.

— J'allais te dire qu'on y étaient habitués quand je me suis souvenu qu'on t'a foutu toute seule à la classe T avec Quincy, ricana-t-il.

— Aïe, commenta Sydney en baissant les yeux sur son déjeuner de misère.

Mes trois amis gloussèrent ensemble à mon sort, et je me renfrognai dans ma chaise en plastique rouge.

Quincy Field. La pseudo-diva de chaque lycée respectif. Un sac à linchages gratuit.

Je ne l'aimais pas, et ce n'était en aucun réciproque. Pourquoi ?

Eh bien... parce que de voir une réflection de soi-même dans quelqu'un d'autre était un tableau des plus moches. En d'autres mots; Je n'aimais pas qu'on traite les gens comme de la merde, alors que je me permettais de le faire.

Incorrigible. Voilà ce que j'étais.

— Me dites même pas que vous vous êtes retrouvés ensemble... me lamentais-je.

— C'est bien ça, dit Sydney avant de glousser à nouveau, mais toute seule cette fois-ci.

— Fais chier, ce portable, roucoula aussitôt Cruz, les deux yeux froncés vers l'écran de son téléphone délabré entre ses deux pouces bruns. Faudra vraiment que j'économise pour avoir le nouvel iPhone...

— Pour que les filles puissent t'ignorer dans une meilleure résolution ? ricana Mona. C'est bien tenté, Cruz.

Sydney et moi éclatâmes d'un rire collectif tandis que celui-ci virait à un rouge hilarant, qui contrastait assez bien sur sa peau foncée. Il ne voulait probablement pas que Sydney entende ceci.

— Va donc te faire foutre, Alfarez.

Celle-ci se contenta de l'observer de deux yeux verts rieurs en sirotant son jus de fruits.

— T'es fauché, mon vieux, rétorquai-je en mastiquant un morceau de pomme.

— Peut-être, mais Mona me doit toujours une putain de blinde de notre dernier pari.

Je l'interrogeai des yeux.

— Ben.. il pouffa puis reprit : On a parié sur les deux mecs, là-bas, m'indiqua-t-il vers deux nanas gothiques.

— Mais attends, ça, c'est Chaï et Nora, je crois.

— Mais non, putain, je parle de ces deux mecs, là, sur ta gauche. Tu peux pas les louper, c'est deux cascades de muscles.

Je me retournai vers mon ami, mêlée entre amusement et intrigue.

— Cruz, j'aurais pas loupé ton coming-out, si ?

— Non, non, je suis sûr d'être hétéro pure souche, rit mon ami aux cheveux bouclés tels un ensemble de ressorts aux éclats châtains, non sans jeter un œil oblique vers Sydney. Tiens, regarde, ils sont si beaux que cette imbécile de Mona a cru qu'ils étaient un couple gay quand on était en classe.

— Miss Oldeli a du m'interpeller pour que j'arrête de les fixer comme une dérangée, gloussa la concernée. C'était super gênant.

— Ça ne m'étonne vraiment pas de toi, en fait... m'amusais-je en me retournant voir de qui il s'agissait.

Oh. Je pense que je les voyais à présent, en effet.

Et je ne démentis pas mon ami; c'était réellement une cascade de muscles qui tapissait les larges épaules retournées de l'un deux. Ils étaient deux molosses bruns absolument imposants, qui happaient les regards. Celui aux dos tourné avait de longs cheveux châtains, mais je ne discernais que le haut de son buste. Je me tortillai sur place, tentant d'élargir mon champ de vue grotesque tout en m'efforçant de demeurer subtile devant mes copains, qui malgré tout étaient sûrement déjà loin dans leurs spéculations débiles. Mais... l'intrigue me terrassait.

— Eh, attends, je t'ai même vue aller leur parler, en fait ! s'exclama soudain Syd' à l'intention d'Alfarez, semblant se rappeler subitement de ce détail perdu dans les nimbes de ses pensées lunatiques, interrompant mes précieuses œillades.

Exaspérée, Mona soupira.

— Même pas, maugréa celle-ci, le visage sculpté en une grimace familière; regard menaçant et coin gauche de la lèvre supérieure légèrement haussé. Brock Basson s'est incrusté au moment même où j'allais m'expliquer, parlant d'une de leurs nouvelles fêtes débiles. Je vous jure, ce gland est toujours là où il ne faut pas.

Mais cette moue se fit vite remplacer par une attitude que je connaissais encore mieux quand elle ronronna à nous :

— Oh mais, en tout cas, vous aurez dû voir leurs yeux, les gars... fit Ramona dans une attitude énamourée hypra kitsch. Leur sex-appeal a bien failli m'avoir...

Et c'est la que ma funeste curiosité doubla de puissance, envahissant toute notion de raisonnement cheminant ma tête. Eh merde, je voulais voir, moi aussi, ces soit-disant anges-déchus.

Évidemment, seule ma meilleure amie ne put rater la lueur d'avidité qui dut probablement fleurir dans mon regard en pensant à eux, que je regrettai amèrement lorsque Mona élargit un grand sourire brillant de malice qui mangea son visage coquin. Je vis ses iris exotiques rivés aux miens pétiller, et me renfrognai lorsque je devinai instantanément ses intentions, dû à notre lien mental farfelu.

Elle se tourna vers Cruz, qui jusque là, était scotché à son portable, et lui pinça l'oreille. Celui-ci lui flanqua une tape à l'épaule et elle gloussa :

— Prépare le fric, poussin, le pari est tout sauf perdu, affirma-t-elle avant de se lever, m'entraînant avec elle en prenant ma main de force.

⚡️⚡️
Alors, cette suite? 😏

Désolé de ne pas avoir posté hier, j'étais malade.
N'hésitez pas à donner des avis! ;)

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