Chapitre 4

Adelaide
Amasia

Je sortis rapidement de la baignoire et attrapai une serviette avant de m'enrouler dedans. Je quittai la salle de bain rythmée par le clapotis des gouttes d'eau sur le sol, je manquai d'ailleurs de glisser, mais je me rattrapa au dernier moment au meuble en bois.

- Bonsoir bonsoir. Chantonna Lola en faisant irruption dans ma chambre.

Je lui souris.

- Le soleil va bientôt se coucher, cela signifie qu'il nous reste peu de temps pour nous préparer avant le banquet.

- Je n'ai pas prévu de me pouponner ce soir Lola, ce n'est qu'une fête faite par des gens hypocrites pour une raison toute aussi hypocrite.

- Oh la la, que tu peux être rabat-joie ! Allez assis toi, laisse moi sécher tes cheveux.

Je m'exécutai, et elle se mit derrière l'ottoman de ma coiffeuse.

Elle commença à frotter énergiquement ma tête.

- Doucement! Me plaignis-je d'une voix aigue.

- Vos cheveux sont très compliqués à sécher mademoiselle Adelaide.

- Oui je sais, merci de le prendre en compte.

Elle finit de sécher mes cheveux à la serviette avant de prendre le fer à lisser du récipient où il était en train de chauffer.

- Le charbon est encore allumé, fait attention.

- Ne t'inquiète pas.

Elle mit des gants, et le ramassa avec précaution, elle patienta quelques minutes avant de commencer à sélectionner mes mèches une à une.

- Ne bouge pas. M'intime-t-elle avant de s'appliquer sur son travail en tirant légerement la langue.

- Ils ne m'ont toujours pas permis l'accès aux appartements de mon oncle.

- Il est sûrement très malade, et ne pourra de tout façon pas discuter avec toi.

- J'ai l'impression qu'ils me soupçonnent.

- De quoi ?

- Ils ont peut-être peur que.....je le tue.

- Tu penses ?

- Je pense qu'ils ne me font absolument pas confiance, ils imaginent peut-être que mon intention est d'usurper leur trône, quelques soient les conséquences, même le fait de tuer le roi. Or ç'est tout à fait contre mes plans, si je le voulais vraiment, je serai venue avec une armée, mais ce trône ç'est le mien, il me revient de droit!

- Je sais, Princesse. Dit cette dernière en restant très concentrée sur sa tâche.

Puis elle poursuis :

- Mais je suppose que parfois, il faut savoir user de la force, ils semblent prêts à tout eux.

- On ne les connaît pas encore assez bien, mais... tu as raison il faut nous méfier Lola.

Une heure plus-tard.

- Ouf, je suis exténuée, tes mèches ondulées semblent faciles à dompter, mais la réalité est tout autre.

Je me relevai de l'ottoman sur laquelle j'étais restée assise pendant un bon bout de temps maintenant , des fourmillements me parcouraient les jambes, je m'étirai essayant de chasser la fatigue.

- Tu sais que tu es la seule à bien manier mes cheveux, aucune servante ne sais le faire mieux que toi.

- Ah parce que je suis considérée comme une servante maintenant!

Je ris.

- Non, non, bien sûr que non

- Je suis -

- Mon amie, ma meilleur amie.

- Ta seule amie aussi. Ajoutz Lola d'un ton railleur.

- Aussi, gloussai-je.

- Bon, le moment est venue de voir ta...Robe! S'extasia Lola.

Elle se faufila derrière le paravent en bois. Et revînt quelques instants plus tard une magnifique robe à la main

- Tadaa !

- Wow, elle est belle, Lola.

La toilette était bleue fumé, brodée de petites fleur rouges et vertes, avec des manches longues, bouffante au niveau des épaule. Et évasée à partir de la taille, elle était simple mais élégante.

- Je l'ai fait ramenée spécialement pour toi d'Amalia. Mais d'abord laisse moi t'aider à mettre ton corset.

Les préparatifs durèrent encore une demi-heure avant que le soleil ne commence lentement à décliner.

- Tu es resplendissante, j'ai fais du bon travail.

Je me regardai dans le miroir; ç'est vrai que Lola avait cela dans la peau.

- Bon, il ne faut pas qu'on soit en retard, sortons, dit elle en reposant la bouteille du parfum qu'elle venait de mettre.

Nous sortîmes de la chambre et marchâmes dans le couloir principal.

- On ne t'a encore pas dédié d'appartements à ton nom ?

- Pas encore, l'autre débile de Feyrüz dit que je dois encore patienter, mais je parie qu'ils font cela pour éviter qu'on soit proches toutes les deux.

- Probablement.

Lorsque nous franchisâmes la porte principale, une douce brise vînt caresser nos visages, et une odeur sucrée de fleur chatouilla nos narines, à vue d'œil, on dirait qu'ils ont utilisé toutes les fleurs des jardins pour décorer les bancs, tables et chaises. Qui étaient blancs de bases. Le ciel orangé entrait en parfait harmonie avec ce paysage printanier.

- Mhm, ils ont assuré quand même. Dit Lola entre ses dents.

- Oui, mais ça aurait été mieux sans les principaux intéressés, je préfèrerais mille fois mieux la compagnie des servants. Répondis-je de la même manière qu'elle.

Le chemin de gravier était parsemé de pétales blanches et roses, et au bords de ce derniers étaient disposés beaucoup de bougies qui serviront de source de lumière lorsque le soleil disparaîtra totalement.

Il y avait de l'agitation, les domestiques se précipitaient dans tous les sens, ramenaient des plateaux de sucreries et de boisson, allumaient les dernières bougies, ajustaient les nappes blanches, et remplaçaient d'autres déjà salies.

Deux adolescents au loin se couraient après, la fille poursuivait le garçon une tourte à la main.

- Reviens ici

- Attrape moi si tu peux.

La jeune fille commença à s'essouffler et décida de lancer la tourte de toute ses forces sur le garçon qui se pencha et la manqua, cette dernière fonça droit vers nous, j'eu un mouvement de recul avec Lola qui était tout aussi attentive que moi à la scène, mais heureusement le plat retomba pile à nos pieds.

La jeune fille devînt rouge de honte et s'enfuit immédiatement, suivi du jeune homme qui était mort de rire.

- Oooh, quel bandes de mal-élevés. Râla Lola.

J'esquissai un sourire malgré moi.

- Il manque une tourte à cette table, qui ç'est qui est responsable de cette table ? S'écriai une demoiselle aux cheveux blonds tombant sur les épaules.

Elle portait l'uniforme des domestiques, une robe et des jupes blanches, avec pars dessus un corset beige et un tablier de la même couleur.

- Lola ramassa le peu qu'il en reste par terre et se dirigea vers la jeune femme qui criait.

- Vous cherchez peut-être ceci?

- Oh ! Ciel! Ma tourte.

Je m'avançai vers elles.

- Oh votre majes... euh.. Votre Altesse! Bredouilla la jeune femme en effectuant une révérence maladroite. Toutes mes excuses je ne vous ai pas vue.

Je lui souris.

- Je suis la cuisinière du château.

- Et vous vous appelez? Demandai-je.

- Mathilda votre Altesse. Répondit-elle avec tendresse avant de froncer les sourcils et de poursuivre, ces mômes ont détruit ma tourte aux myrtilles, je vais me faire réprimander s'il manque quelque chose au banquet de ce soir.

- Ne vous inquiétez pas Mathilda, je ne mange pas de myrtilles, j'en suis allergique, dîtes que c'est ma part qui est partie. La rassura mon amie.

Mathilda sourit, gênée.

- Mais vous ne mangeriez pas une tourte à vous toute seule quand même.

- Oh que si ! M'écriai-je en me tournant vers elle, elle le ferait.

Lola pouffa de rire , suivie de moi. Puis je me retournai vers la jeune demoiselle.

- De toute façon, vous préparez plus que nécessaire, vous finirez par gaspiller. Ne vous inquiétez pas! Une tourte ou deux ne changeront rien.  Affirma Lola avant d'ajouter :

- Et puis j'aperçois plein d'autres délices. Dit Lola en se léchant la bouche.

- Et beh, on dirait bien que vous avez déjà trouvé votre place au palais, princesse . S'écria une voix derrière moi.

Je me retournai pour découvrir Lucresa, elle croisa les bras avant de poursuivre :

- Au moins les domestiques n'oseront pas t'ignorer.

- Au moins elle en a trouvé une à l'intérieur de ce château, et vous princesse ? C'est quoi votre place, Dîtes-moi? Ou tu sers de meuble ?

Les yeux de Lucresa glissa vers le visage de mon amie qui venait de prononcer ces mots, et elle la dévisagea avec mépris.

- Et regardez qui s'en mêle?! La servante! T'as pas des vitres à polir ?

- Non, en revanche je ne me ferai pas prier pour polir ta face! S'exclama Lola d'un ton sec.

Le visage de Lucresa se décomposa, et par excès de rage attrapa le bras de Lola et la tira vers elle, je m'y oppose en plaquant ma main sur le bras de cette dernière.

- Poses tes mains encore une seule fois sur ma demoiselle de compagnie, et tu le regrettera Lucresa !

- Oh! Tu me menaces Princesse ?

- Lucresa ! Surgit la voix de Mary de derrière moi. Lâche là.

Avant que Cette dernière s'exécute Lola retira sèchement son bras.

Casania vînt calmer sa sœur qui la repoussa d'un geste d'épaule.

- Ne t'avises plus jamais de me parler de cette manière Lola! Menaça La princesse en la pointant du doigt, Tu dois me respecter, nous n'appartenons définitivement pas à la même caste!

- Et c'est quoi ta caste? S'écria Lola qui commençai visiblement à perdre son sang froid, c'est quoi ta caste exactement? Princesse ? Princesse de quoi? Vous êtes retenue prisonnière d'Amasia, vous n'avez même pas le contrôle de votre propre île, vous pensez que si vous retournez à Yattala, ils vont vous accueillir à bras ouverts?

Lola émit un gloussement mesquin puis repris : tu te trompes!

- Comment oses-tu ? S'exclama Lucresa avant de s'avancer dangereusement vers mon amie, heureusement sa sœur la retînt.

- Ça suffit Lucresa! Tenta Casania

- Arrêtez! Ordonna Mary.

Je me tournai vers cette dernière :

- Dis à ton invitée d'honneur de respecter mes amis! Ou sinon elle aura affaire à moi, et je ne vais pas me montrer clémente!

Ma cousine observa longuement Lucresa derrière moi, avant de me regarder et dire à voix basse :

- Elle est invitée au même titre que toi Adelaide, alors fait toi petite! Et arrête de te comporter ainsi.

Mon visage se décomposa, j'expirai bruyamment avant de me tourner vers Lucresa

Et de lui cracher au visage :

- Si tu veux que notre cohabitation dans ce château fonctionne, tu ne me parles pas, tu ne m'adresses pas la parole et tu ne t'approches ni de moi ni de ma demoiselle de compagnie! Est ce bien clair ?

À ce point là de la dispute, tous les yeux étaient braqués sur nous, les domestiques s'étaient tous immobilisés pour nous regarder, les nobles invités qui arrivaient un à un, nous regardaient et chuchotaient entre eux, et les hommes de Mary qui l'entouraient la dernière fois étaient aussi présents.

- Adelaide? Je te conseille de changer de ton la prochaine fois que tu t'adresse à moi!

- Sinon quoi ? Grinçai-je

- Je préfère en rester là.

Je lui offrit un sourire insolent.

- C'est pourquoi tu restera toujours là de toute façon. La prochaine fois penses à user de tes mots au lieu d'attaquer les gens telle une sauvage! Ne t'avises surtout pas de recommencer.

Lord Howell vînt attraper Lucresa par les épaules et la dirigea loin de nous avant que la dispute ne dégénère, Mary la suivi et m'offrit un regard noir lorsqu'elle passa devant moi, un regard que je lui rendis.

- Viens Lola, ne restons pas ici. Dis je en
L'attrapant par le bras, nous dirigeant vers le table principale où nous prenons place.

*************

Le soleil avait complétement décliné à présent laissant place à une demi-lune qui se reflétait sur l'eau de la fontaine un peu plus loin devant nous, la brise qui soufflait dans ma nuque me provoquant des frissons, un groupe de musiciens installés à l'arrière jouait de la luth, Ils avaient commencé par une douce mélodie, au début du repas, puis au fur et à mesure , décidèrent de jouer des aires de plus en plus joviales et festives, je fus impressionnée par leur maîtrise de l'instrument et leur capacité à jouer des aires si différent à partir d'un seul.

Nous étions éclairés à partir de plusieurs bougies au sol, de chandelles et photophores sur les longues tables.

Le repas quant à lui était délicieux, on pourrait le deviner rien qu'à l'odeur alléchante qui nous chatouillait les narines toutes au long, on nous a servit plusieurs types de viandes, et des accompagnements de légumes tout aussi savoureux, sans oublier la boisson à bases de liqueur et de raisins, je devrais d'ailleurs peut-être m'arrêter au troisième verre.

Par malchance Lucresa était à côté de moi et Lola sur le plan de table. Nous n'avons pas pu profiter correctement de la fête maintenant que l'ambiance était tendue.

Alors que nous allions entamer le dessert, Mary sortit tout le monde de conversation en tapant sa cuillère dans son verre.

Les invités présents se turent et demeuraient attentifs à ma cousine.
La musique aussi s'arrêta laissant place à la stridulation des grillons.

- Merci pour votre attention. Comme vous le savez tous, La princesse Adelaide d'Amalia est arrivée hier à la cour d'Amasia, j'ai donc décidé d'honorer ce buffet pour sa présence ici au château, présence qui nous ravit tous. Elle marqua une pause, Levons nos verres comme signe de bienvenue ! Dit elle en levant sa coupe.

Les autres l'imitèrent sans trop de conviction apparemment, nous nous regardâmes avec Lola, et finîmes par lever les notre aussi, une grimace qui sert de sourire au lèvres.

Après cette intervention, tous le monde revînt à leur conversations sûrement dirigés vers moi à présent. Je bus une grosse gorgée de liqueur d'une traite, et ma jambe droite commença à bouger nerveusement, Lola le remarqua et déposa sa main dessus en m'offrant un sourire.

- Cette coiffure te va à merveille, j'ai fait du bon travail. Chuchota t-elle.

J'esquissa un sourire, et pressa ma main contre la sienne. Tout en retournant à mon plat.

Lucresa, assise à côté de Lola, ne m'avait pas adresser la parole de la soirée, ni même Mary qui était occupée à discuter avec ses hommes.

J'avais terminé mon assiette et jouait à présent avec la fourchette, lorsque je sentis une légère pression sur mes épaules, je me retournai alors pour voir Casania avec un large sourire, tenir une boîte en satin rouge dans ses mains.

- Lorsque j'ai su que tu allais venir à la cour, j'ai pensé à t'offrir un présent de bienvenu.

Elle sortit un collier de pierre que je n'avais encore jamais vu. Elles étaient petites et d'un rouge orangés.

- C'est des cornalines, des pierres précieuses qu'on vient de découvrir à Yattalla, elles sont rares apparemment.

- Merci beaucoup Casania, dis-je en prenant le collier dans mes mains pour mieux l'observer.

- Je voulais te l'offrir hier, mais quand j'ai vu que tu étais venue accompagnée j'ai préféré attendre que les bijoutiers du château en fabriquent un nouveau pour Lola.

Lola émit une mine surprise, et souris bêtement en me regardant.

Casania prit la deuxième boîte des mains d'une servante à côté, et l'ouvrit en dévoilant un collier identique au mien puis le tendis vers Lola.

La princesse m'aida à l'enfiler, et malgré son aspect simple, sa couleur entrait en harmonie avec les broderies de ma toilette.

Lorsque Casania revînt à sa place, je ne manquai pas le roulement d'œil de sa sœur, et le regard inexpliqué de Mary à mon égard, mais je décidai de les ignorer.

Mathilda et d'autres servants vinrent déposer des boules de glace de différents parfums sur la table, quand un messager vînt chuchoter quelque chose à l'oreille de Mary, elle et Louis se regardèrent d'un œil complice, puis s'excusèrent et se levèrent de table.

Tous les regards étaient braqués sur elle, et des chuchotements s'élevèrent.
- Qu'est ce qui se passe ? Chuchota Lola en se penchant.

- Je ne sais pas, Espérons qu'il ne soit rien arrivé à mon oncle.

- Mangez vite vos boules de glaces mes seigneurs, il risqueront de fondre, je n'ai pas passé toute l'après midi dessus pour les gaspiller quand même. Dit Mathilda de sa voix grave.

Je pouffai, et entamai mon dessert.
Mais les autres étaient concentrés sur l'absence soudaine de la princesse, qui mine de rien commençait à me peser sur la conscience.

Quelques minutes plus tard elle mit fin à nos interrogations et revînt au côtés...... du cardinal ?!

Elle était en plein conversation avec lui, un sourire niais plaqué au lèvres. Ses autres hommes restés à tables se regardaient surpris, eux aussi ne s'y attendaient pas visiblement, comme le reste des invités d'ailleurs.

- C'est qui ? Demanda Lola.

- Le cardinal. Grinçai-je

- Qu'est ce qu'il vient faire ici?

- Je n'en ai aucune idée, mais je sens que la réponse ne va pas me plaire.

Tout le monde se tût et les regarda.

- Votre attention! Commença Mary, le cardinal vient d'accoster sur nos bords ce soir, il va passer un séjour ici à l'île, elle se tourna vers lui toujours ce même sourire aux lèvres, et poursuivit , on vous souhaite la bienvenue à la cour d'Amasia.

- Ç'est bien pour toi qu'il soit là non? Interrogea Lola.

- Je compte bien tourner cela à mon avantage....

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