Chapitre 14
Adelaide
Amasia
Je sortis rapidement, encore sonnée par ce qui venait de se passer...Je découvris Lola assise sur la basse estrade en bois du hall.
- Ça va ? S'enquiert-elle.
- C'est de ma faute...
Elle fronça les sourcils et s'empressa en ma direction.
- Je lui avais promis qu'elle ne risquait rien..
L'image de ses jambes pendant de son corps tournait en boucle dans mon esprit, me donnant envie de vomir.
- Mais c'est elle qui a choisi cela, elle avait probablement peur de ceux qui lui ont donné l'ordre. Dit-elle désolée.
- Lola, je...Je pense que c'est un meurtre.
Les lèvres de mon amie s'entre-ouvrirent mais elle ne dit rien pendant de longues secondes, essayant d'analyser ce qui s'est passé.
- Tu crois ? Finit-elle par dire.
Je hochai la tête, et la culpabilité envahit aussitôt mon esprit, ma gorge se serra.
J'avais causé sa mort...
- Je lui avais promis qu'elle retournerait à Eros...Dis-je en sentant le désespoir me gagner.
- Adelaide...Çe n'est pas de ta faute. Me rassura mon amie.
- Mais ton hypothèse est très grave si elle s'avère être réelle. Cela veut dire que l'une des domestiques l'a tué afin de supprimer toute preuve pouvant la condamner.
Je la regardai dans les yeux, elle poursuit :
- Çe qui veut dire qu'aucune des domestiques présentes dans le palais de marbre hier aurait pu faire le coup. On a fait fausse piste depuis le début. Ça doit être l'autre moitié des serviteurs qui ne sont pas partie assister au cours, donc des anciens.
Lola avait raison, j'avais appris que la formation des domestiques durait que les premiers mois et que seuls les nouveaux y avaient droit. C'était logique, ils n'allaient pas passer leur vie au château à faire des études. Çe sont en fait des cours d'adaptation à la vie royale qu'on leur inculque.
- Cela prouve que l'espion que l'on cherche est à la cour depuis longtemps maintenant, ou en tout cas avant l'arrivée de la nouvelle souche de domestiques. Conclus-je.
- Qui auraient très bien pu leur offrir des présents offerts par la couturière qui est venue.
Je hochai la tête en signe d'approbation. Mais soudain un événement me revînt en tête. Je fronçai les sourcils sans m'en rendre compte.
- Qu'y a-t-il ? Questionna mon amie.
- Quelque chose nous a échappé, pas toutes les domestiques qui étaient présentes dans le palais de marbre peuvent être innocentées.
Lola émit une moue interrogative.
- Erina. Elle était venue hier soir ici dans le carrosse avec nous.
L'expression de Lola changea lorsqu'elle devina à quoi je pensais.
- Tu veux dire...
- Elle aurait très bien pu simuler son mal afin qu'elle parvienne au château et qu'elle supprime le seul témoin qu'on avait.
- C'est insensé Adelaide ! C'est elle même qui nous a aider à trouver la courtisane. Sans elle, on n'y serait même pas parvenu.
- Peut-être qu'elle voulait se débarrasser d'elle et qu'elle nous a utilisé comme moyen pour parvenir jusqu'à elle. Elle n'avait peut-être pas assez confiance en sa complice pour la laisser en liberté.
- Elle aurait prit ce risque ?
- Qui sait de quoi est capable un traître.
- C'est d'Erina qu'on parle là, je veux bien me montrer objective mais j'avais fait la connaissance de cette jeune fille, et elle était la plus gentille et prévenante avec moi, dans le temps où toutes les autres me haïssaient.
- Elle voulait te mettre dans sa poche ! Et je vois qu'elle a réussi.
- Tout le monde n'est pas forcément ton ennemi Adelaide, parfois des gens nous veulent du bien sans arrières pensées. Je t'assure, si tu avais pris le temps de la connaître, tu serais persuadée comme moi qu'elle ne peut pas être le traître.
Je ne répondis rien, cela aurait été en vain connaissant mon amie, qu'elle pouvait être naïve parfois, elle s'imaginait être dans un monde fantastique ou mépris, haine et tromperie n'ont pas leur place.
J'aurai bien aimé cependant, ne pas avoir à traverser la mer pour venir ici revendiquer un trône qui pourrait me coûter la vie. Oui j'aurai bien aimé rester auprès des miens, auprès de mon père.... Mon père
J'aurai bien aimé pouvoir empêcher l'assassinat de ma mére, et qu'elle n'aie pas à subir la haine de ces suiveurs.
Oui j'aurai bien aimé un monde où la tolérance règne, où les suiveurs tolèrent les non-suiveurs. Où les pauvres tolèrent les riches. Où les hommes tolèrent les femmes. Où mon père tolère mon existence...
Oui j'aurai bien aimé un monde où mon père ne me reproche pas la mort de ma mère, un monde où je n'aurai pas à savoir que mon propre père aurait préféré que je ne sois jamais mise au monde
*****************
Le lendemain
Je me préparais afin d'assister à la cérémonie du feu dans le village le plus proche. Pour le plus grand désespoir de Mary et ses suivants.
Mais j'étais déterminée à faire acte de présence, surtout en présence du cardinal.
Je rencontrai le visage pensif de mon amie en face de moi.
- Qu'y a-t-il Lola ?
- Je me demande si ce fard à joue va bien avec ta toilette.
- Lola...Soufflai-je d'un ton désespéré.
- Quoi ? S'indigna-t-elle. Il faut que tu sois le plus présentable possible ! Afin de faire bonne impression auprès du peuple.
Je souris, puis me dirigeai vers le long miroir afin de me contempler une dernière fois.
J'avais laissé mes cheveux onduler librement jusqu'à ma taille, en prenant soin de les orner avec un serre-tête en or.
Quant au choix de ma tenue, j'avais arboré une robe en velours rouge, rebrodée au fil d'or de fleurs, feuilles et rameaux.
- Les couleurs d'Amasia ! S'écria Lola. Le peuple va pouvoir s'identifier à sa future reine !
J'appréhendais cette sortie, il ne s'agissait sans doute pas uniquement d'une simple cérémonie. Il s'agissait aussi d'un moyen pour les sujets de rencontrer leurs souverains, de le reconnaître, de prêter indirectement allégeance au roi.
Tout le monde sait que l'ère de Tristan V est révolue, son état n'échappe à personne, encore moins aux oreilles aiguisées qui n'attendent qu'un faux pas de la part de la royauté afin d'attaquer.
Mais que faire lorsque les membres de la royauté, qui sont censés amener paix et stabilité, sont eux-mêmes divisés ?
Cette situation permettra au plus fourbes d'en tirer profit afin de déchirer le royaume et de créer l'anarchie.
******************
Le carrosse commença à nous secouer un peu plus brutalement que tout à l'heure, ce qui signifiait qu'on roulait maintenant sur les chemins du village.
Deux voitures ont quitté le château ce matin-là, le premier comportait Mary et deux de ses favorites, Feyrüz et Lïa il me semble.
Ses hommes et le cardinal montaient quant à eux à cheval.
De mon côté, j'ai partagé un carrosse avec les deux princesses Yattaliennes. Un voyage particulièrement calme mais non sans tension.
Casania me faisait une conversation banale de temps en temps, tandis que Lucresa s'adressait uniquement à sa sœur en m'ignorant royalement, cela me convenait, discuter avec elle ne faisait pas partie de mes plans.
Le son des trompettes qui nous annonçaient me fit sortir de mes pensées.
Des janissaires étaient déjà sur place afin d'encadrer l'évènement, d'éviter des débordements, et de nous assurer un accueil spectaculaire, pour le bien du peuple bien évidemment.
- Le cardinal ! Tout juste venu du Vacôme pour rencontrer le peuple Amasien ! Annonça le crieur.
La foule s'excita, et un torrent d'applaudissements et de cris de joie se firent entendre depuis l'extérieur du carrosse.
- La fille de sa majesté le roi Tristan V, sa Grace Mary !
Les villageois acclamèrent ma cousine avec un peu moins d'enthousiasme que son prédécesseur.
J'écartai les petits rideaux afin de voir Mary descendre gracieusement de l'autre carrosse à l'aide du bras de Lord Howell, son long voile rouge voltigeant derrière elle, suivie par Lïa et Feyrüz qui avaient délaissé leur uniforme pour l'occasion.
Un sourire se forma sur mes lèvres lorsque je remarquai que le peuple n'était pas si gai à l'idée de rencontrer la bâtarde du roi. Peut-être que les choses vont s'avérer être plus simples que ce que je pensais.
- Ne vous réjouissez pas trop. Lança Lucresa, de la malveillance dans la voix.
Je lui lançai un regard curieux.
- Le peuple Amasien est très démonstratif. Vous en ferez l'expérience tôt ou tard.
- Vous sembliez bien connaître les amasiens.
- Bien sûr, cela fait plus d'un an que je suis ici. Les amasiens sont redoutables, s'ils ne sont pas satisfaits, ils pourront mener la tête de leur suzerain sur le billot.
- Tout comme les nomades vous ont fait exiler de Yattala ? Demandai-je sur un ton innocent.
Sa mâchoire se contracta et son regard s'assombrit.
- Nous sommes à Amasia afin de trouver une solution. M'informa Casania sur le ton de la défense. Nous allons utiliser la venue du cardinal à l'île afin de lui parler de notre problème.
Je lui souris :
- Vous croyez vraiment que le cardinal n'est pas au courant à propos de Yattala ?
- Il le devrait, nous lui avons envoyé plusieurs lettres afin de solliciter son aide. poursuit Casania sous le regard insistant de son aînée.
- J'ose deviner que c'est lui qui vous a proposé de venir vous installer ici.
Elle hocha la tête.
- Donc cela veut dire que tout ce qui concerne votre île doit d'abord passer par Amasia.
- Oui. Me répondit-elle. Qu'est ce que tu veux dire ?
- Le Vacôme et Amasia sont proches.
- Le Vacôme est proche avec tous les pays de l'alliance. Me contra-t-elle.
- Imaginez si le mal qui est arrivé à Yattala ou les menaces qu'encoure Amalia s'abattent sur Amasia. Vous croyez que le Vacôme réagirait de la même manière ?
- Fille de paysanne ! Cria un villageois un l'encontre de Mary.
Mon sourire s'élargit.
- Vous avez raison Lucresa, les amasiens ont un franc-parler qui me fascine. D'ailleurs si je ne vous connaissais pas j'aurai pensé que vous étiez l'une des leurs.
- Leurs Altesses la princesse Lucresa et la princesse Casania de Yattala ! Annonça le crieur.
- C'est votre tour ! Dis-je malicieusement en observant Lucresa quitter le carrosse de mauvaise humeur.
Casania souriait poliment aux paysans tandis que Lucresa les fusillait du regard. Elles s'avancèrent lentement pour se placer à côté de Mary, Lord Nîhad et le cardinal.
Les battements de mon cœur accélèrent brutalement lorsque je me rendis compte que la prochaine à être annoncée était moi.
Je me recoiffai rapidement, lissai le tissu de ma robe, et essayai de réguler ma respiration.
Les applaudissements commencèrent à se calmer progressivement, agrandissant la boule dans mon ventre.
- Son Altesse, la princesse Adelaide d'Amalia ! Hurla le crieur.
Un des janissaires m'ouvrit la portière, et je descendis les petites estrades mises en place pour nous.
Dès que mon pied se posa sur le sol, la foule s'excita : des cris, des acclamations, des applaudissements éclatèrent.
Mon regard parcourut les visages heureux des villageois, tous acclamaient mon nom avec ferveur.
J'arpentai le chemin en pierre, tout juste caréné, l'air fier.
L'allée était longée des deux côtés par la foule euphorique séparée de nous par une rang de fonctionnaires royaux, se tenant la main afin de former une barrière.
Ils étaient tous vêtus d'une tunique et d'un sarouel bleu. Et leur tête était couverte d'un turban blanc.
- Vive la princesse Adelaide !
- Longue vie à la princesse !
- Adelaide, notre future reine !
Je m'arrêtai net après ce dernier appel, je tournai la tête lentement vers le vieil homme qui venait de prononcer ces mots.
Après l'avoir entendu, l'ardeur des autres sujets décupla, et leurs éloges devinrent de plus en plus assourdissants.
Leur cris résonnaient fort dans ma poitrine, me donnant un certain sentiment de pouvoir.
J'adoptai un sourire et me tournai pour faire face à Mary et à Lord Nîhad dont le visage s'était décomposé.
Je les narguai du regard, puis continuai ma marche jusqu'à eux sans manquer de saluer les sujets d'un geste de la main le long de ma route.
Arrivée à leur niveau, je m'avançai pour me mettre à côté de la princesse Casania avant que le cardinal ne m'arrête et me propose de venir au milieu entre Lord Nîhad et Mary.
J'acquiesçai avec joie, comprenant qu'après la démonstration des villageois, le cardinal voulait faire de moi la vedette de la cérémonie.
Peut-être que le cardinal était de mon côté
Ce dernier s'avança vers une longue estrade en bois afin de prendre la parole.
- Cher sujets ! C'est avec grande joie que j'ai parcouru l'outre mer pour vous rendre visite ! Et j'ai l'immense honneur d'être présent à l'une des cérémonies les plus importantes chez les amasiens suiveurs ! Amasia est l'une des îles phare de l'Union ! Nous ne pouvons imaginer l'alliance sans elle, Amasia et le Vacôme entretiennent une amitié de longue date ! C'est pour cela que je ne souhaite que le meilleur pour ce royaume ! Bien évidemment je tenais à offrir une mention spéciale pour les représentants d'autres Nations de l'alliance aujourd'hui ! Yattala et Amalia.
- Eh beh, heureusement qu'il s'est souvenu de nous....Entendis-je Lucresa souffler.
- Je déclare la cérémonie ouverte ! Annonce-t-il finalement avant d'être acclamé par un tonnerre d'applaudissements.
Soudain, un son se fit entendre, plus précisément un bâton donna trois coups distincts contre l'estrade en bois, avant de plonger l'assemblée en un silence absolu.
Nous pouvions à présent entendre les mouches voler. Le chef du village, tenant toujours son long bâton, s'avança vers la cour centrale du bourg.
Les royaux et fonctionnaires haut placés le suivirent en priorité, suivis du reste des sujets.
Nous nous rangâmes derrière lui et lui emboîtions le pas lentement jusqu'à arriver à une large cour ronde, toute de pierre.
Nous étions en plein centre du village, entourés par les simples maisons en bois des habitants.
Après un signe du chef du village, nous formions un grand cercle autour du centre où était placée une grande quantité de hêtre.
Les musiciens apparurent parmis la foule, et se placèrent sur une plateforme suspendue en haut des poutres, de façon à nous surplomber.
Une douce mélodie se fit entendre, un air triste et morose, qui nous priait de fermer les paupières, nous laissant bercés uniquement par les notes mélancoliques de l'air joué.
Mais ce n'était pas de la musique ordinaire, celle-ci était enjouée.
Le son qui y émanait ensorcelait notre âme et se jouait de notre esprit.
Le rythme se faisait de plus en plus vif et rapide, se jouant de celui de nos cœurs.
La musique s'endiabla, et le volume augmentait progressivement, faisant accroître l'emprise de la magie sur nous, elle était là, elle est présente, elle nous entourait.
Soudain la musique cessa brutalement, laissant place à un bruit strident de détonation. Signe qu'il fallait rouvrir les yeux pour voir les flûtes, luthes et violons prendre feu entre les mains des musiciens puis s'estomper jusqu'à y laisser que des cendres qui s'envolèrent au ciel.
Le bleu du ciel laissa place à un nuage de corbeaux juste au-dessus de nous, attirés par la mélodie des musiciens, assombrissant la scène.
Certes, nous ne pouvons plus entendre le son des instruments, mais leur effet était encore présent, nous avions l'impression d'être dans une bulle, ne sachant pas différencier l'imaginaire du réel.
Le chef du village s'avança vers nous, et s'incrusta parmi les autres sujets faisant lui aussi partie du cercle. Il offrit sa main à la personne à côté de lui, nous invitant à faire de même.
Lorsque tout le monde l'imita. Il fit heurter son bâton contre le sol, la deuxième fois de la cérémonie.
Des pleureuses se firent entendre parmi la foule, leur voix s'éleva au ciel, alourdissant par la même occasion l'atmosphère déjà chargée de la cérémonie.
L'écho de leur voix chantante résonnait sur les parois en pierre tandis que nous tenions la main de notre suivant.
Puis le chant des Yusnas commença, c'était une mélopée ancienne, récitée chaque année à l'occasion de la cérémonie du feu.
Quelques amaliens, les plus anciens, la connaissent aussi, pas étonnant vu que Amasia et Amalia faisaient partie du même pays, de la même culture avant l'indépendance de ma nation.
Je ne pris pas part au chant, contrairement à la plupart des sujets, je ne la connaissais pas.
Mary et ses suivants ne se prêtaient pas au jeu non plus apparemment, mais faisaient l'effort d'adopter une expression sérieuse et respectueuse.
Les voix s'élevèrent, laissant un frisson me parcourir violemment le corps. Les effets de la magie commençaient à se faire ressentir.
Je sentais mon sang bouillir à l'intérieur de moi, tellement que j'en eu des bouffées de chaleur. Un curieux sentiment de bien-être profond baignait mon âme tandis que je sentais la magie couler à flots dans mes veines au fur et à mesure que le chant évoluait.
Nos mains se serrèrent davantage, renforçant la puissance du sort lancé.
De la fumée grisâtre commença à se dissiper du hêtre sur le sol.
Elle s'épaississait au fur et à mesure que le chant évoluait et doublait de puissance.
Les voix des pleureuses se mélangaient harmonieusement à celles des autres sujets.
La première flamme jaillissa brutalement du hêtre lorsque les villageois montèrent dans les aigus.
De la chaleur commença à chatouiller notre peau à distance, enveloppant petit à petit notre corps.
D'autres flammes suivirent la première, densifiant le feu de la cérémonie, le rendant plus majestueux qu'il ne l'était déjà.
Elles paraissaient se trémousser avec ferveur au rythme du chant, et s'agrandir tandis que l'écho des villageois transperçait nos cœurs, faisant exploser une multitude de sensations dans notre estomac.
Leur voix angélique fut très vite accompagnée par le crépitement du feu, formant une harmonie troublante.
La chaleur qui émanait du centre ne cessait d'accroître, nous réchauffant jusqu'à la sueur. Soudain j'avais envie d'enlever cette lourde robe que je porte.
La lumière orange se reflétait sur nos visages rougis par la température. Pendant que nos mains encore enlacées les unes aux autres, devenaient moites.
Un spectacle envoûtant était dressé devant nous, les flammes s'étaient tellement agrandie qu'on penserait presque qu'elles communiquaient avec les nuages du ciel.
Des étincelles commencèrent à gicler de l'immense flambée. Signe que le feu allait bientôt s'éteindre.
- Ç'est le temps Christian, choisissez quelqu'un à jeter au bûcher. Entendis-je Lord Nîhad blaguer.
Je levai les yeux au ciel, comment cet homme ne peut-il pas être sérieux dans un événement aussi important.
Cependant Christian se tendit soudain et sa mâchoire se crispa.
- Vous. Lui répondit alors ce dernier essayant d'adopter un air blasé.
Je réprimai un sourire, mais quelque chose m'échappait, Cette remarque a particulièrement dérangé Christian qui, d'habitude, ne manquait pas à plaisanter...
Les pleureuses et villageois arrivèrent enfin à leur dernière note, qu'ils durent aller chercher dans les aigus. Ils conclurent ce cantique à l'unisson, laissant les frissons me parcourir une énième fois la peau, contrastant violemment avec la chaleur que je ressentais.
Nous regardâmes les flammes s'échouer avec la même grâce que lorsqu'elles s'élevaient.
Elle rétrécissait tel un adversaire devenu trop faible pour combattre et courbant l'échine en une révérence appliquée à notre égard, jusqu'à devenir braises, puis étincelles, puis fumée.
Un vent chaud provenant de la flambée nous fouetta la figure, faisant voltiger mes cheveux en arrière.
S'ensuivit une minute de silence parmi les présents, attendant le moment le plus significatif de la fête des Yusnas : Les cendres.
Nous pouvions tout de même encore ressentir l'ambiance pesante, et les voix des pleureuses tintaient fortement dans notre poitrine.
La lourde fumée grise commença à se dissiper peu à peu, non sans refroidir les environs, laissant place aux cendres des flammes meurtries quelques instants plus tôt.
Lorsqu'ils les virent, les villageois hurlaient de joie, et tout le monde se confondait en acclamation et cris satisfaits, se dirigeant vers les restes du hêtre.
Les cendres grises, presque noir, commençaient à voltiger dans les airs en un tourbillon de paillettes sombres.
Les gens couraient et sautillaient afin d'en attraper une poignée et de la jeter les uns sur les autres afin de célébrer cet heureux événement.
Presque tout le monde à présent se jetait cette poudre grise, et l'on pouvait voir leur visages repeints aux couleurs de l'espoir.
Je me retournai vers Mary et ses fidèles acolytes. Ils souriaient en observant la scène.
Christian se dirigea vers un tourbillon de cendre et en prit une poignée, puis se redirigea vers nous.
Je fus choquée lorsque ce dernier en jeta une grande quantité sur moi.
Ma toilette fut recouverte de cette poudre âcre, au même titre que mon visage que je sentis se réchauffer, mais je ne sais pas s'il s'agissait des cendres ou de la colère.
Christian réprima un sourire avant d'adopter une mine faussement désolée :
- Oh, Princesse ! Je suis sincèrement navré, je croyais qu'il s'agissait de mon ami Louis.
Ç'EST ÇA MOQUE TOI BIEN DE MOI...
Mary et Nîhad, qui ne paraissaient pas surpris de ce geste, semblaient au contraire amusés de la situation.
Mais avant que je puisse riposter à quoi que ce soit, j'entendis la voix du cardinal derrièrem moi.
- Princesse Adelaide ! Vous vous prêtez au jeu à ce que je vois.
Un sourire remplaça la mine offusquée que j'avais avant de me retourner complètement vers lui.
- Oui, en effet, j'ai demandé à Christian de me saupoudrer de cendres. Je me suis dis que les sujets auront besoin de quelqu'un qui partagera les mêmes traditions qu'eux, ils se senteront plus proche de la royauté, et ils sauront qu'ils comptent beaucoup pour nous aussi.
Il sembla émerveillé par mon discours et me felicita d'un hochement de tête.
- C'est remarquable, les autres devraient prendre exemple sur toi.
- Ç'est le stricte minimum à faire, voyons monsieur le cardinal. Réponds-je sur un ton hypocrite.
Il m'offrit un large sourire chaleureux de ses livres fines.
Les autres sujets s'étaient excités de me voir aussi couverte par les cendres.
Ils commencèrent à acclamer mon nom :
- Princesse, Adelaide ! Princesse, Adelaide !
- Vive la princesse Adelaide !
- Dieu protège la princesse !
Je leur offris un sourire chaleureux, les voir aussi réceptifs me mettait de bonne humeur.
Un jeune villageois attrapa une quantité de poudre et me le jeta violemment dessus avant d'éclater de rire.
Les autres villageois firent de même, et étaient contents que je le prenne bien.
Je pris sur moi pour ne pas ordonner qu'on l'enferme pour manque de respect, et me contenta de lui sourire alors que je bouillais à l'intérieur.
Le cardinal riait jusqu'aux oreilles, il aimait voir que le peuple était satisfait, mais pas parce qu'il se souciait d'eux, mais plutôt parce que cela signifiait qu'ils ne lui poseront pas de problèmes.
- Nous avons plus qu'à attendre quelques semaines avant la récolte des Yusnas, le temps que l'air transporte les cendres et les dispersent sur les terres fertiles de l'île. M'informa le cardinal.
Je hochai la tête puis me retournai discrètement vers Mary et les autres.
Leurs moues avaient viré de l'amusement au dégoût, et les yeux de Nîhad étaient injectés de sang pendant qu'il fusillait Christian du regard, sa remarque de tout à l'heure est bien plus proche de se réaliser à présent, et n'a plus le goût de la plaisanterie.
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