Chapitre 12

Mary
Amasia

- Et là, elle souffle sur la bougie, me plongeant dans l'obscurité, prend mon dîner me laissant sans, et...BOIT MON VIN !

Je gloussai en entendant les plaintes de Kyle.

- Elle est vraiment...Je n'arrive pas à trouver le terme exacte.

- Insupportable ? Proposa Christian.

- Insolente ? Tenta Louis.

Il secoua la tête d'un air dubitatif.

- Désagréable ? Teigne ? Une vraie vipère ? Énonçai-je à mon tour.

Ils se retournèrent vers moi sans pour autant me contrer.

- Oui, peut-être. Finit par dire le principal intéressé.

- Pourquoi a-t-elle prit ton dîner ? Demanda Christian d'un ton amusé.

- Elle n'a pas apprécié le fait que je ne lui fasse pas la conversation, elle a sûrement été vexée par le fait que je préfère dormir plutôt que de lui parler. Alors quand j'ai fait semblant de me retourner, elle a vu le dîner encore fumant, et en a conclut que je voulais juste m'affranchir de sa compagnie.

- Elle a vraiment un comportement mesquin. Avouai-je.

- Je suis sûre que ce qui a énervé le plus Kyle ç'est qu'elle lui a bu son vin. Gloussa Louis.

- Mais oui ! Affirma le chevalier énergiquement avant de gémir de douleur oubliant qu'il ne devait pas faire de geste brusque.

- D'ailleurs comment tu as pu te le procurer . Questionnai-je curieuse. Le docteur Jonas et nous trois sommes sur tes trousses quant à ça. Pas de vin avant ta guérison totale.

- J'ai du soudoyer un garde pour qu'il le ramène discrètement des cuisines. Je suis vraiment maudit, le jour où je réussis enfin à me procurer un verre, l'amalienne apparait de nul part et me le boit.

Christian gloussa.

- Au moins, nous savons maintenant qu'elle est facile à empoisonner, elle ne fait pas attention au verre dans lequel elle boit. Remarqua Louis, faisant cesser les gloussements de Christian.

Un silence s'installa dans l'infirmerie aprés la remarque du soldat, personne n'osait répondre à cela.

- Louis ou l'art de plomber l'ambiance, encore...
Se lamenta Christian en poussant un soupire las.

Lord Howell leva les yeux au ciel avant de rétorquer.

- Ç'est vrai ! Arrêtez d'être dans le déni, nous devrions bien l'éliminer un jour ou l'autre, et quand ce jour viendra, nous devons y être préparés.

Je me penchai en arrière de ma chaise pour voir en direction de la porte si il y avait quelqu'un avant de me retourner vers mon interlocuteur.

- Parle doucement, on pourrait nous entendre. Lui intimai-je.

- Bien sûr, cela si elle ne quitte pas Amasia et s'obstine à s'emparer du trône. Mais si dans le cas contraire, elle fait ses petits bagages, et rejoint son père bien aimé dans son pays, elle aura la vie saine et sauve.

Je me contentai de le regarder, je ne savais pas quoi penser de cela maintenant. Ses mots étaient-ils véridiques ? Était-ce cela le prix a payer pour accéder au trône ? Me tâcher les mains du sang de ma rivale ? Ç'est sûrement comment cela marche.

Je fus sortie de mes pensées par le son de tocs sur la porte, je me retournai et vis Docteur Jonas pénétrer la pièce, Ç'était un homme d'une trentaine d'années, et cela en faisait cinq qu'il travaillait pour le château, comme médecin de famille, il a été gradé en dirigeant des guérisseurs royaux peu avant que mon père tombe malade.

Il avait le teint mat, des yeux aussi foncés que ses boucles, et des lèvres tout aussi fines que sa moustache.

Il s'avança vers nous, faisant danser sa blouse blanche, trop grande pour lui.

- Bonjour messieurs, madame. Salue-t-il en faisant un hochement de tête à chacun d'entre nous.

- Alors Lord Kyle ? Comment vous sentez vous aujourd'hui ? Bien reposé ?

Kyle hocha la tête en affichant un sourire chaleureux pendant que docteur Jonas lui tapotait amicalement l'épaule. Lorsque celui se retourna pour prendre quelque chose de sa boîte, Kyle nous supplia du regard en effectuant de grand gestes, nous demandant de ne pas lui rapporter l'histoire du vin.

Docteur Jonas se retourna pendant que Kyle faisait son cirque silencieusement, ce dernier fit immédiatement mine de se gratter la tête et de regarder ailleurs.

Le docteur gloussa puis dit :

- Vous sembliez de bonne humeur aujourd'hui, Le traitement que je vous ai prescrit semble fonctionner

- Oh oui, ç'est vrai que aujourd'hui je me sens particulièrement mieux, hormis le fait que j'ai un peu faim.

Le médecin fronça les sourcils en soulevant la chemise en lin de Kyle, dévoilant sa plaie bandée.

- Et pourquoi donc ? On ne vous nourrit pas assez ? J'ai pourtant été assez clair au prés des cuisiniers quant au fait de bien respecter le régime.

- Non, Kyle s'est mal comporté, et on l'a privé de dîner. Répondit Christian d'un ton sarcastique.

Le docteur arrêta ses mouvements et le fixa d'un air dépité.

Christian balaya son regard d'un geste de la main tendis que Kyle prit la parole :

- Ç'est long à expliquer. Dit ce dernier en levant les yeux au ciel.

Le médecin haussa les épaules, puis revînt à son travail, et enleva délicatement le bandage du ventre de son patient.

- Mes soupçons se sont confirmés, la flèche qui a blessé le chevalier était bel et bien empoisonnée, si la flèche avait touché le foie et si je n'avais pas réussi à empêcher le poison de se propager, il serait déjà décédé à cet instant-ci.

J'acquiesçai en me rendant compte de la dangerosité de la blessure de Kyle, cela aurait pu lui coûter la vie, et même si il ne manque pas de soldats ni de chevaliers à Amasia, jamais quelqu'un ne réussira à prendre sa place.

Son courage, son dévouement, son agilité, sa stratégie, sa sagesse ont séduit le roi qui l'a nommé dirigeant des janissaires, et qui suis-je pour le dégrader une fois sur le trône ? Je ne trouverai plus loyal que lui.

Mon regard se porta sur Lord Howell, qui semblait communiquer silencieusement avec Christian, je me retournai vers ce dernier et une lueur de malice traversa ses iris noisettes élargissant son sourire, et faisant apparaître ses fossettes.

Louis acquiesça puis adopta une posture nonchalante, et commença à jouer avec sa bague rubis.

- Dis moi Kyle, comment tu as trouvé le vin d'hier soir ?

Docteur Jonas arrêta ses mouvements et se retourna vers Lord Howell en fronçant les sourcils.

Je levai les yeux au ciel, et souris lorsque je compris ce qu'ils faisaient.

- Oui, moi et Lord Howell, voulons déguster un verre ce soir, et nous voulions être sûrs de sa qualité. Qui de mieux pour nous éclairer qu'un spécialiste du vin comme toi. Renchérit Christian d'un air innocent.

Mon regard dériva vers le blessé qui fusillait ses confrères du regard menaçant de les étriper à distance.

- Qu'est ce que j'entends ? Dit Le médecin en se retournant vers le patient. Kyle ? Avez vous bu ?

- Non ! Non ! Se défendit ce dernier.

Il prit le coton sur la table haute, et l'imbiba d'Alcool avant de l'écraser brutalement sur le ventre de Kyle qui serra les dents.

Il commença à désinfecter énergiquement la plaie sans prendre en compte la douleur infligée au chevalier.

- J'ai pourtant été assez clair quant à ça. N'est ce pas Kyle ? Demanda-t-il en pressant le coton.

- Oui. Grinça son interlocuteur en plissant les yeux de douleur.

- Veux-tu que je refasse mon discours à propos de ton régime alim

- Je crois que ç'est bo-

- Non, non, il me semble que je doive encore me répéter. Rétorqua le docteur d'un ton énervé.

Lord Howell gloussa discrètement et regarda en direction de Christian qui lui offrit un clin d'œil complice.

- Bon, je crois qu'il faut qu'on prenne congé. Annonçai-je en me levant. Nous allons vous laisser tranquillement expliquer à Kyle les dangers du vin.

- Oui, bonne idée. Affirma Christian en se levant à son tour, suivi de Lord Howell qui ne manqua pas le regard noir que leur offrait Kyle.

Une fois sortis de l'infirmerie, Louis et Christian explosèrent de rire.

- Le pauvre, il ne va pas le lâcher de la journée. Ria Christian.

- Le pire, ç'est qu'il n'a même pas goûté à la boisson. Remarqua Louis, faisant repartir leur fou rire de plus bel.

Je ne pus m'empêcher de rire à mon tour en voyant leur bonne humeur, j'étais tellement absorbée par leur ambiance joviale que je ne me souvins de Cássia que lorsque je passai devant la pension des domestiques.

- Attendez, il faut que je rende visite à Cássia. Leur informai-je.

- Elle est encore à la pension ?Demanda Lord Howell.

- Elle va sortir aujourd'hui. Répondis-je en ouvrant la porte à double battants, puis en pénétrant à l'intérieur.

On voyait immédiatement la différence entre la pension et l'infirmerie principale.

Celle prévue pour les domestiques était moins grande et moins équipée, il y avait une dizaine de lit contre les quatre murs de la pièce. Et une sorte de meuble en bois prés de l'entrée qui contenait le stricte nécessaire.

Lorsque Cássia nous vit entrer, un sourire s'afficha sur son visage. Je remarquai qu'elle avait déjà enfiler l'uniforme des domestiques.
Car oui, ici, une fois capable d'assurer le service, les domestiques ont l'obligation de retourner travailler, pas de pause incluse.

- Cássia....La saluai-je d'une voix chaleureuse en m'avançant vers elle.

- Votre Grace. Dit-elle en effectuant une légère révérence.

Je lui souris et lui tapotait l'épaule tendis qu'elle se rassit pour mettre ses bas.

- Tu vas mieux ?

Elle hocha la tête.

- Mes pieds sont comme neufs. Gloussa-t-elle.

- J'avais offert quelques pièces à la guérisseuse pour qu'elle s'occupe mieux de toi ces derniers jours.

- Ah, ç'est pour ça qu'on me traitait comme une princesse.

Je riai en l'observant enfiler ses chaussures.

Quelques instants passèrent avant que la porte de la pension ne s'ouvre, je me retournai et vis les deux princesses Yattaliennes entrer.

Elles saluèrent mes deux hommes d'un signe de tête et ses derniers leur répondirent en une révérence.

- Mary, nous ne pensions pas te trouver ici. Me dit Casania qui arborait une toilette rose pâle qui illuminait son teint légèrement mat similaire à celui de sa sœur, elles avaient toutes les deux rangé leur cheveux bouclés en une demie queue de cheval qui leur descendait jusqu'au milieu du dos.

- Tu vas mieux Cássia ? Demanda Casania d'une voix douce.

- Oui, ne vous inquiétez pas je n'ai besoin de la pitié de personne. Rétorqua Cássia.

Je connaissais le tempérament de la jeune domestique, elle n'aimait pas qu'on s'apitoie sur son sort. Elle a de la fierté et fait tout pour la préserver, et je comprenais que la punition infligée par la princesse amalienne, ne lui a pas causé uniquement de la douleur physique, mais aussi une blessure morale et une humiliation publique. Je savais aussi bien qu'elle était rancunière, et ç'est pour cela que j'avais peur qu'elle fasse quelque chose de regrettable.

- On constate déjà les dégâts de l'amalienne. Soupira Lucresa en croisant les bras.

Les doigts de Cássia se crispèrent sur sa chaussure et elle ferma les paupières.

- Elle a vraiment dépassé les bornes en s'attaquant à ta favorite. Renchérit Lucresa.

J'espérais qu'elle se taise, je savais qu'elle faisait qu'ajouter de l'huile au feu qui brulait déjà en Cássia en cet instant-ci.

- Oui. Fit la principale intéressée. Elle ne s'est pas seulement attaqué à moi, mais à toi Mary, indirectement, elle t'a appelé Bâtarde, devant tout l'aile des domestiques. Elle marqua une pause quelques instants avant de poursuivre : Elle veut ton trône Mary ! Elle s'est déjà autoproclamée reine d'Amasia avant même que le roi Tristan meurt, j'imagine ce qu'il en sera lorsque ce dernier rendra l'âme.

Un rire rauque se fit entendre derrière moi, un rire que je ne connaissais que trop bien :

- Bien sûr mon enfant, que croyait vous ? Qu'elle est venue jusqu'ici pour rendre visite à sa cousine bien aimée ? Dit Nîhad en avançant vers nous.

- Lord Nîhad quel plaisir de vous voir ! Railla Christian.

Le noble ne prit même pas la peine de répondre et son regard croisa le mien.

- Vous avez entendu de vos propres oreilles votre grâce. Dit ce dernier.

Je détourna mon regard et celui ci dériva vers Cássia qui avait fini de se préparer. Elle m'offrait un regard sérieux, un regard qui ne me plaisait pas.

- Je vous fait la promesse qu'elle regrettera son geste. Dit-elle, le ton grave.

- Cássia, ne fais pas quelque chose que tu pourrait regretter. Répondis-je.

- Et surtout ne fais pas quelque chose que tu ne pourra plus regretter. Précisa Christian.

Les sous-entendus du jeune homme ne découragèrent pas Cássia, dont les iris marrons avaient gagné une teinte plus foncée.

- Elle payera ! Dit-elle, de la détermination dans la voix.

- Je suis tout à fait d'accord avec vous mademoiselle. Lança Lord Nîhad d'un ton innocent. Elle mérite une leçon, pour lui apprendre à ne pas se mêler de ce qui ne la regarde pas.

Je le fusilla du regard tandis qu'il voulait continuer à parler.

- Mais moi je ne comprends pas Cássia, pourquoi tu as abîmé les affaires de sa domestique ? Demanda Casania. Tu sais très bien que la princesse est impulsive.

- Lola était hautaine avec les autres, et je voulais juste leur montrer que les Amaliennes ne sont pas les bienvenues à la cour d'Amasia.

- La prochaine fois, mêle toi de ce qui te regarde Cássia. Réprimanda Louis.

Cássia lui lança un regard noir.

- Depuis qu'elle est arrivée à la cour, je savais qu'elle allait nous apporter que des problèmes, il faut l'arrêter avant qu'il ne soit trop tard. Suggéra Lucresa d'un air dépité.

Lord Christian soupira :

- Je ne vois pas pourquoi vous en fait tout un plat, vous ne vous êtes pas dit que peut-être ç'était une princesse impulsive et avec beaucoup de fierté, qui a puni une domestique pour lui avoir manqué de respect ? Bien que ce soit quelque chose de mal, ç'est ce que font tous les rois, reines et princesses s'ils se sentent blessé dans leur égo.

- Ça ne change en rien le fait qu'elle est dangereuse, et ce geste seul, nous prouve qu'elle veut imposer son autorité à la cour. Rétorqua Lord Nîhad avant de prendre congé quelques instants plus-tard, non sans me faire silencieusement signe de le suivre.

Je m'excusai, et sortis de la pièce, le suivant à contre cœur, une fois dehors, je refermai la porte derrière moi, et m'avançai vers Lord Nîhad qui était à présent au bout du couloir, loin des regards.

- Lord Nîhad, Que me voulez vous ?

- Lucresa a raison. Me dit-il.

- À propos de quoi ?

- Ne faîtes pas l'innocente Mary.

Je fronçai les sourcils, et me forçai à rester ici, pour moi chaque discussion avec Nîhad était de la torture.

- Vous voulez ce trône ? Me demande-t-il.

Je fus choquée par son audace, et ne savait pas quoi répondre à ceci.

- Je veux le bien d'Amasia, et je veux assurer un futur gouverneur à l'île pour qu'elle ne tombe pas entre les mains de l'ennemi.

- Oh ! Parfait, ç'est exactement ce que je souhaite aussi, nous ne sommes pas si différents l'un l'autre finalement.

Je soupirai, lasse.

- Et par ennemi, vous désignez Adelaide ? Me questionne-t-il.

Ce n'est pas la seule malheureusement

Je hochai la tête.

- Vous voulez ce trône ?

Je le regardai, confuse.

- Répondez. S'impatiente-t-il.

- Oui, évidemment que je le veux ce trône, Nîhad ! Le trône de mon père, le roi Tristan, je le veux ! Rétorquai-je.

- Ç'est ce que je voulais entendre, votre Grace. Dit-il, un sourire satisfait collé aux lèvres.

- Mais... Voyez vous, nous avons un obstacle, qui nous empêchera d'obtenir ce que nous voulons. Dit-il d'un air évasif.

Je plissai les paupières attendant de lui de développer.

- Votre cousine, Adelaide.

- J'avais remarqué Lord Nîhad. Rétorquai-je

- Ç'est pour cela, qu'après moult réflexion, j'avais décidai que le mieux à faire était... de l'éliminer.

J'écarquillai les yeux.

- Tu veux qu'on la tue ? Demandai-je.

- Non, pas nous, le destin s'en occupera. Affirme-t-il en balayant ma question d'un geste de la main.

- Le destin ? Répétai-je, alors que la colère commençait à monter en moi, je haïssais qu'on me prenne pour une enfant, ou pire, une débile.

- Oui, mais on pourra tout de même le forcer un peu, pour qu'il aille dans le sens que nous voulons.

- Donc, vous êtes en train de me suggérer d'assassiner la princesse amalienne ? Chuchotai-je, en me retournant de temps en temps pour m'assurer que personne nous entends.

- Ne vous voilez pas la face Mary, ç'est de toute façon la destinée d'une reine qui réclame ce qui n'est pas sien.

- Vous savez très bien que si les nobles, le Vacôme, le peuple, découvre qu'on l'a assassinée, nos têtes s'envoleront. Grinçai-je.

Voyant ma résignation, ses yeux se voilèrent d'une teinte plus foncée, et sa mâchoire se contracta.

- Ça sera de toute façon vous ou elle. Lança-t-il furieux.

Il approcha son visage du mien et grinça avant de me dépasser :

- Alors, faîtes en sorte que ça soit elle !

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