~ Walter Dick Memorial Park, Brookville, USA, 3 Novembre 1972 ~ 

    Je suis toujours repliée sur moi-même, les yeux fermés. Je suis envahie par mes démons intérieurs qui ne cessent de me tourmenter. De vieux souvenirs qui remontent aussi en moi dans mes nuits de cauchemars. Mais les paroles de Bill me perturbent aussi. Un tremblement de terre ? De quoi parle-t-il ? Je devrai le sentir s'il y avait un tremblement de terre. Je me concentre sur ce qui se passe en ce moment. Un bruit résonne près de mon oreille gauche et me fait sursauter. Il faut que je sache ce qui se passe. Il faut que j'ouvre les yeux. Je me concentre totalement sur mon corps et sur mes faits et gestes. Mes yeux s'entre ouvrent puis s'habituent petit à petit à la lumière de la pièce. Je vois la lampe posée sur la table basculer et tomber par terre tandis que le lit tremble. C'est à ce moment que je me rend compte qu'ils ont raison. Il y a bien un tremblement de terre. Et je sens que c'est moi qui en suis responsable. J'en ressens enfin les secousses. Il faut que me calme. J'essaie d'oublier les souvenirs de mon enfance qui resurgissent en moi et fais le vide dans mon esprit. les tremblements de la pièce décroissent au fur et à mesure que mon esprit se calme, puis disparaissent totalement. C'est bon, j'ai réussi à tout arrêter. Je me retourne en cherchant du regard Bill et Hélène. Ils sont sous le pas-de-porte de la chambre qu'ils m'ont prêté, et me regardent apeurés. Ça y est. Eux aussi vont me détester. Et moi qui voulais aller les remercier pour leur gentillesse. J'ai encore tout fichu en l'air.C'est toujours comme ça. A chaque fois je finis par tout gâcher.  Il ne me reste plus qu'à partir le plus vite possible.

"- Oh Lucy, est-ce que ça va ? Tu ne t'es pas fais mal, me demande Hélène en se précipitant vers moi."

    Je ne comprends pas ce qui se passe. Je pensais qu'ils aillaient me haïr mais au lieu de ça je sens les bras d'Hélène m'enserrer et me redresser pour me mettre en position assise. Ma tête repose sur son épaule. Je ne dis rien. En fait, je ne sais pas quoi dire tellement sa réaction est opposée à celle que j'attendais de sa part. Alors je me contente de rester contre elle pendant qu'elle caresse mes cheveux pour me calmer. Nous restons ainsi pendant plusieurs minutes et je dois avouée que ses gestes, et l'affection qu'elle montre envers moi arrivent à m'apaiser. Puis Bill m'aide à me relever et m'emmène jusqu'à mon lit. Il s'assit sur l'un des bords de celui-ci, et Hélène sur l'autre. Hélène me prend la main tandis qu'elle et son mari me fixent, peut-être en attente d'une parole de ma part.

"- Tu es une mutante n'est-ce pas ? me demande Hélène d'une voix douce."

    J'arrête de la regarder, et baisse les yeux. Je regarde tout sauf leurs yeux. Je ne veux pas être confrontée au jugement que je lirai dans ceux-ci. Je ne sais plus quoi faire. Encore fuir ? Depuis que les pouvoirs des mutants ont été révélés sur la plage de Cuba, les humains font tout pour les éviter. Seulement, l'attitude de Bill et Hélène me fait penser qu'ils n'ont pas de mauvaises intentions envers les mutants, mais cette question me met vraiment mal à l'aise. Je n'ose pas répondre et espère qu'ils vont changer de conversations en me demandant si je ne me suis pas blessée, ou en allant voir les dégâts dans la maison par exemple. Mais ça n'est pas le cas, et ils ne disent toujours rien. J'entends Hélène pousser un petit soupir.

"-Moi aussi je suis une mutante, me dit-elle avec un faible sourire."