60- "Erik"
~ Westchester, New York, USA, 17 Novembre 1972 ~
A la suite de ma question, Hank fixe Erik pendant plusieurs secondes. Il semble hésiter, et inspecte une nouvelle fois les signaux vitaux du mutant inconscient. Je suppose qu'il veut être sûr de son résultat, mais pour moi l'attente est de plus en plus interminable. J'ai l'impression que la réponse tant attendue ne sortira jamais de sa bouche. Mais il se décide finalement à m'accorder cette dernière.
"- C'est peu probable qu'il se réveille, me dit-il, l'air désolé, en baissant la tête."
A ces mots je suis complètement désemparée. Je sens mon rythme cardiaque se saccader une nouvelle fois, et mes jambes faiblir d'un coup. De plus, j'ai les mains engourdies et ma vision se trouble petit à petit. J'éprouve cette nouvelle qui s'abat sur moi comme un poids qui s'affaisse sur mes épaules, et qui me fait sombrer de plus en plus. Celui-ci exerce son action sur moi pendant quelques secondes, jusqu'à ce que mes jambes lâchent et que je me retrouve au sol.Je sens à peine mes genoux heurter le plancher. Puis c'est au tour de l'ensemble du côté droit de mon corps. C'est ma tête qui est la dernière à rencontrer le sol. Mes yeux ne se ferment pas, au contraire, ils restent étrangement ouverts, comme si mon corps était arrêté sur image, comme s'il refusait d'assimiler cette information. Je ne vois plus distinctement ce qui se trouve devant moi, seulement je suis toujours capable de discerner une ombre qui s'approche rapidement de moi. C'est surement Hank. J'en suis sûre lorsque j'entends sa voix, mais sans parvenir à comprendre ce qu'il me dit. C'est comme si j'étais dans une bulle, et que tout le reste était à l'extérieur de celle-ci. Je ne ressens ce monde, qui m'est maintenant étranger, qu'avec une certaine distance entre lui en moi. Nous sommes actuellement deux objets dissociés et incompatibles. Seulement je sens que je ne me rendrais bientôt plus compte de cette différence, puisque je m'aperçois que mon esprit est lui aussi en train de me quitter. Il sombre de plus en plus dans les méandres du néant, jusqu'à s'y engouffrer totalement, jusqu'à ce que le noir ait rempli mon âme.
L'air. C'est la première chose que je ressens de nouveau. C'est comme si mon corps pouvait le palper. Je le perçois qui s'insinue dans les moindres recoins de mon être, pour ensuite en ressortir. J'ai l'impression que c'est une course sans fin qui s'effectue à l'intérieur de moi. Puis ce sont les sensations du toucher qui me reviennent. Je commence d'abord par faire bouger mes doigts, puis à les frotter les uns contre les autres. Enfin, j'entends de nouveau un bruit qui m'est familier depuis quelques jours. C'est le bip de l'oxymètre de pouls qui est relié à l'un des doigts d'Erik. Le seul qui puisse m'assurer qu'il est encore bien vivant, alors que son état semble me dire le contraire. Finalement j'ouvre lentement mes paupières, et la première chose que je vois, est Hank. Il me semble très proche de moi, et je comprends rapidement qu'il est penché au-dessus de moi. Lorsqu'il s'aperçoit que j'ai repris conscience, il s'écarte un peu de moi. Je redresse légèrement mon buste pour regarder où je me trouve. Je n'ai pas bougé, et suis toujours à la même place, dans la chambre d'Erik. Seulement je ne suis plus debout, mais allongée par terre, sur le côté droit.
"- Qu'est-ce qui s'est passé ? demandai-je, encore un peu confuse.
- Tu es tombée dans les pommes. Comment te sens-tu ? m'interroge immédiatement Hank, l'air très inquiet."
Je ne réponds rien, et repose ma tête par terre. Les souvenirs de ce qui vient de se passer me reviennent rapidement en mémoire, et je repense alors à l'état d'Erik. Et surtout à ses chances de sortir de celui-ci. Je me demande bien comment tout a pu basculer aussi vite. Il y a à peine quelques jours Erik se sentait littéralement intouchable, et n'aurait jamais cru qu'une chose pareille puisse lui arriver. Il avait beau être rempli de haine, il était aussi plein de vie, alors que maintenant je suis incapable de dire s'il reste quoi que ce soit en lui. Depuis son arrivée dans l'institut, il n'a fait que dépérir de jour en jour. Ce phénomène est si accru chez lui, qu'il est notable à l'œil nu, ce qui ne fait qu'accentuer mon sentiment d'impuissance. Sa peau devient plus pâle chaque jour, ses bras s'amaigrissent au fil du temps, et Hank est obligé de le nourrir par transfusion. Ses os, comme les maxillaires ou les clavicules, sont de plus en plus saillants, et cela me fait du mal de le voir ainsi.
"- Tu ne peux vraiment rien faire de plus pour lui ? me renseignai-je, préoccupée par l'état d'Erik. Aucun de nos pouvoirs ne peut servir ?
- J'y ai déjà réfléchi, il est plausible qu'il y ait un moyen...mais ça peut être dangereux, et avoir de lourdes conséquences, reprit-il, très agité."
Je me redresse en position assise, immédiatement intéressée par ses propos, même si la fin de sa phrase me laisse un peu dubitative, et ralentit mon entrain. Cette nouvelle me met un peu de baume au cœur. Si nous avons une chance de ramener Erik parmi nous, il faut essayer. De toute façon, même s'il y a des dangers, si nous n'agissons pas il ne se réveillera probablement jamais. Et ce sort, empli d'incertitude, et d'espérance, est peut-être pire encore que la mort elle-même.
"- Dis-moi de quel moyen il s'agit, lui demandai-je la voix suppliante."
Je vois clairement dans son attitude qu'il est retissant à l'idée de me dévoiler ce à quoi il a pensé. En effet, il fixe obstinément Erik, comme s'il pouvait lire une quelconque réponse de sa part, et son front est ridé par l'incertitude. Seulement je sens bien qu'il cède à mesure que le temps passe. Il a sans doute conscience que c'est notre dernière chance de lui venir en aide. Et même s'il ne semble pas apprécier Erik, Hank à avant tout un cœur qui lui dicte ses actes, et qui lui conjure de donner une chance à ce nouveau plan.
"- La seule solution que j'ai trouvée serait d'utiliser tes pouvoirs télépathiques ou ceux d'Emma. Peut-être que cela fera sortir cette dernière de son grand silence, explique-t-il, peu sûr de lui. Il faudrait renter dans l'esprit d'Erik pour tenter de débloquer celui-ci.
- Tu es sûr que c'est un problème dans son cerveau, et non par rapport à ses blessures, où à ce qu'on a pu lui faire durant sa détention ? le questionnai-je peu convaincu du résultat de cette initiative.
- Physiquement il s'est plutôt bien rétabli jusque-là, si ce qui le maintient dans le coma n'était pas psychologique, il serait déjà réveillé, ou aurait au moins des prises de consciences semblables à celles d'Azazel, m'explique-t-il, plus confiant de ses affirmations qu'auparavant.
- Qu'est-ce que j'aurai à faire si j'essaie ? m'enquis-je, sans toutefois être sûre d'être capable de pouvoir le faire.
- Je ne sais pas exactement, je n'ai pas vraiment eu l'occasion d'étudier les limites des pouvoirs télépathiques, et le temps presse. Je pense qu'il faut que tu trouves son inconscient, et que tu le pousses à sortir de sa léthargie, m'annonce-t-il d'un ton très scientifique. Mais si tu n'y parviens pas, nous n'aurons plus aucun espoir de le sauver.
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