~ Westchester, New York, USA, 8 Novembre 1972 ~   

    Nous arrivons à l'institut après quelques heures de vol qui se sont passées dans un silence de plomb. Celui-ci était vraiment pesant, et durant toute la durée du voyage, la mort était avec nous. Elle planait au-dessus de nos têtes, telle une menace invisible qui peut faire résonner son glas à chaque instant. Dès que le jet se pose, je me détache, et me remets debout. J'ai les jambes engourdies par la position assise que j'ai gardée pendant un long moment, mais je n'y prête pas attention. En me redressant je m'aperçois qu'il y a dans la soute une caisse à laquelle je n'avais pas prêté attention auparavant. Je me demande d'où elle sort puisque c'est la première fois que je la vois. Je décide donc de m'approcher de celle-ci pour savoir de quoi il s'agit. Une fois que je suis à côté, je suis écœurée par ce qui se trouve devant mes yeux. La bouche m'en tombe, et je sens la nausée me monter. Je n'aurai jamais cru les revoir, et surtout pas de cette façon. Depuis hier, c'est l'image de leur absence qui hante mon esprit. L'image des ailes d'Angel. Je reste ainsi interloquée pendant plusieurs minutes, jusqu'à ce qu'Hank me rejoigne, après avoir quitté le cockpit.

« - Elles étaient au fond du deuxième camion, sur le côté, comme un trophée, m'explique Hank, le dégoût dans la voix. »

    A ces mots je me sens encore plus mal qu'auparavant. Les laborantins du complexe sont vraiment ignobles. Ils voulaient seulement avoir ses ailes, ils n'en avaient rien à faire d'elle. Dès qu'ils l'ont pu, ils se sont débarrassés d'elle, l'ont abandonnée comme un vulgaire déchet.

« - Ne pense pas à ça, il y a encore d'autres personnes qui ont besoin de nous, me dit Hank d'une voix à la fois compatissante, et sérieuse. »

    Je hoche la tête, et me détourne des ailes d'Angel, pour me concentrer sur les mutants qui sont assis de part et d'autre de l'avion. Azazel est le plus touché, et Hank se dirige donc directement vers lui pour l'amener à l'intérieur du manoir. Je vois que Charles est toujours aux soins de Mystique. Il la couve toujours des yeux, chose qu'il a faite durant toute la durée du vol. Je m'approche lentement de lui, et pose ma main sur son épaule pour lui signifier ma présence, et ma considération. Cela le fait sursauter. Il n'avait pas dû se rendre compte que je m'approchais de lui. Il tourne lentement sa tête sur le côté pour me montrer qu'il m'écoute, mais en gardant toujours un œil sur Mystique.

« - Je vais l'emmener à l'intérieur pour qu'on puisse s'occuper d'elle, lui dis-je doucement. »

    Il ne réagit d'abord pas, et semble réfléchir durant plusieurs secondes. Puis hoche la tête pour me signifier son accord. Seulement il n'a pas l'air bien, il agit comme un automate, comme s'il n'était pas vraiment là. Je ne vois qu'une seule solution pour qu'il aille mieux : il faut s'occuper de Mystique. Je me rapproche donc d'elle pour enlever les sangles qui retiennent son corps. Puis passe un bras derrière son dos, et l'autre derrière ses genoux. Je prends légèrement mon élan, puis la ramène contre mon propre corps pour la sortir de l'avion. Au début je peine un peu à marcher ainsi, surtout étant donné le peu de forces qui me restent, puis je m'accommode et arrive tranquillement à l'institut. Seulement Hank, qui est parti en même temps que moi avec le corps d'Azazel a été plus rapide que moi, et lorsque je rentre dans le manoir, je m'aperçois qu'il n'est plus là. A la place, se tient le jeune que j'ai rencontré lors de ma première visite, Scott. Il semble nerveux, mais n'a pourtant pas l'air surpris de ma présence, avec dans mes bras un corps inanimé.

"- Hank m'a demandé de t'attendre pour t'emmener dans la salle de soins, me dit Scott, d'une petite voix, l'air intimidé. Suis-moi, rajoute-t-il après un moment, avec plus d'assurance cette fois."

    Il me fait aussi signe de la main pour me montrer la direction à prendre, et commence à avancer. Je lui emboîte le pas, et le suis comme son ombre. Après avoir slalomé dans les entrailles souterraines de l'institut, nous arrivons dans un couloir, comme celui qui mène au cerebro, mais dans lequel il y a de nombreuses salles. Scott regarde à l'intérieur de la première pièce qui se trouve à gauche, puis continue son chemin vers celle d'après. En passant moi-même devant la porte, je me rends compte qu'Hank est déjà dedans, et qu'Azazel est posé sur une table renforcée en mousse. Le premier mutant a l'air de s'assurer des signes vitaux du second, et de prendre connaissance de ses blessures. Je reprends moi aussi ma route, et ai juste le temps de voir Scott rentrer dans la pièce suivante. Je retrouve la même table que dans la première salle, ainsi qu'une grande armoire en verre. Je dépose de suite Mystique sur la table, et ne sais alors que faire. Mais Scott semble plus avisé que moi puisqu'il se saisit immédiatement d'électrodes qui se trouvaient dans le seul meuble de la salle. Il les pose sur le front de Mystique, et les connectes à une machine qu'il sort du bas de l'armoire. Il prend aussi une pince avec un faisceau rouge, qu'il met sur le bout d'un des doigts de la mutante. Il connecte celle-ci au même appareil que les électrodes, et un bruit se fait alors entendre. Il est régulier, et sa tonalité garde la même intensité. Scott semble satisfait de celui-ci, je suppose donc que c'est un bon présage.

"- Ses signes vitaux sont bons, mais il faut attendre qu'Hank vienne vérifier si elle n'a aucun problème interne, m'explique-t-il tout en continuant de scruter l'appareil qui se trouve devant ses yeux.

- Je vais aller voir comment Azazel s'en sort, dis-je juste avant de passer le pas de la porte pour rejoindre l'autre pièce."

    Seulement, lorsque j'arrive, je ne trouve pas Hank. Azazel est toujours allongé sur la table, inconscient. A sa droite se trouve une machine comme celle à côté, qui contrôle les signaux vitaux de Mystique. Le rythme qu'elle indique est le même que celui de la pièce d'à côté. Toutefois il n'est pas seul, puisque Charles est maintenant à ses côtés. Il reste immobile, à fixer Azazel. Ce dernier n'a pas l'air plus mal en point que tout à l'heure, et j'ai l'impression que ses hémorragies se sont arrêtées, au vu des pansements sans sang qui couvrent son corps. Charles est de côté par rapport à moi, et je peux aisément voir qu'il est triste et démoralisé. Seulement je pense savoir comment le rassurer.

"- Charles, Mystique est dans la pièce d'à côté, et d'après Scott elle va bien, déclarai-je en souriant."

    Il ne réagit à ma remarque qu'après un temps de réaction de plusieurs secondes. Il tourne alors la tête vers moi, et me regarde avec des yeux remplis d'émotions, mais dans lesquels j'ai l'impression de ne pas voir Charles. C'est comme s'il était ailleurs. De plus, il a été ainsi durant tout le voyage. Toutefois, il pose tout de même ses mains sur les roues de son fauteuil, et se précipite vers la sortie. Je le laisse s'avancer, puis regarde où il va, en passant la tête par la fenêtre. Il part bel et bien vers la salle où se trouve Mystique. Je ne le suis pas, et reste sur le pas-de-porte, sans bouger durant plusieurs minutes. Puis d'un coup je vois du coin de l'œil qu'il y a du mouvement à ma droite. Je tourne donc la tête vers l'origine de celui-ci, et m'aperçois qu'il s'agit de Hank. Il se trouve dans la salle en face de celle où je suis. J'ignore ce qui lui prend, mais il a l'air très stressé, et marche dans tous les sens. Le stress s'empare alors de moi, et j'ai peur de ce qui est en train de se passer. Je me demande ce qui se passe en face. Est-ce que l'un des mutants va mal ? Emma ? Erik ? Riptide ? Je me précipite donc vers cette salle, et me rends compte qu'Hank s'affaire autour du corps d'Erik, posé sur une table. Je me sens encore plus mal qu'avant. J'ai l'impression que le sol s'effondre sous moi, et que mon cœur s'apprête à quitter mon corps. Je n'ose pas rentrer dans la pièce de peur de gêner Hank. Je me rends compte que le signal qui passe sur la machine est beaucoup plus faible que celui que j'ai vu chez les deux autres mutants. J'attends ainsi pendant quelques minutes qui me semblent interminables. Seulement Hank ne me dit rien, et me tenir à l'écart devient de plus en plus difficile à supporter. Au bout d'un moment, je décide donc d'intervenir. Il faut que je sache ce qui se passe.

"- Qu'est-ce qu'il y a, Hank ? Quel est le problème avec Erik ? explosai-je en essayant toutefois d'être la moins agressive possible."

    Hank se fige immédiatement, et tourne la tête vers moi, l'air interloqué. Il ne semblait pas s'attendre à une telle irruption de ma part, et n'avait peut-être même pas remarqué ma présence tellement il était concentré. Seulement il ne dit toujours rien, et mes nerfs sont de plus en plus à vif au fil que le temps passe. Tellement que je sens qu'ils vont bien lâcher. J'ai l'impression d'attendre la sentence d'un verdict qui décidera le reste de ma vie.

"- Erik est dans le coma, me dit Hank, la voix blanche."