51- "Le complexe"
~ Westchester, New York, USA, 8 Novembre 1972 ~
J'acquiesce à sa remarque, même si je sais que nous ne pouvons avoir aucune certitude. Seulement moi aussi je préfère me dire que nous arriverons à les sauver, quitte à me voiler la face.
"- Où est-ce que nous allons ? me demande Hank.
- Dans les montagnes d'Hunter. Je suppose que la dernière fois où nous les avons vu, ils étaient en route vers cet endroit, expliquai-je en commençant à stresser."
Immédiatement après, je me place sur l'un des sièges de la soute, tandis que Charles s'installe près de Hank. Il ne faut plus que quelques secondes avant que le jet ne s'envole. Le voyage se passe tranquillement, sans encombre, et je suis même moins angoissée qu'auparavant de prendre ce moyen de transport. Toutefois je reste stressée car je sais que plus le temps passe, plus nous nous approchons de ces êtres sans vergogne. Il nous faut à peine environ deux heures pour arriver devant le bâtiment dans lequel je les ai localisés hier. Hank se pose à quelques centaines de mètres, derrière le versant de la montagne, pour éviter que nous soyons repérés de suite. Après tout, ils ont dû s'installer précipitamment alors ils n'ont surement pas eu le temps de mettre en place des caméras. Sauf s'ils avaient cet endroit en réserve depuis longtemps, bien sûr. A ma droite, la soute s'ouvre soudainement, et j'enlève alors ma ceinture pour m'élancer dehors. Je reste aux aguets, en essayant de sentir d'autres esprits que nous, mais n'en trouve aucun. Je me retourne vers Charles pour savoir s'il est dans la même position que moi, et comprends à son expression grave que c'est bien le cas.
"- Avogadron doit nous empêcher de trouver leur esprit. Continue d'essayer, peut-être qu'il sera perturbé lorsque nous l'attaquerons, et qu'il ne pourra plus t'empêcher d'utiliser tes pouvoirs télépathiques, lui dis-je, tout de même contrariée que cela ne se déroule pas comme prévu.
- Et comment feras-tu s'il continue d'exercer ses pouvoirs ? me demande Charles. Dans cette optique, tu es aussi affaiblie que moi.
- Je me chargerai d'eux, s'exclame Hank en serrant les poings après s'être déchaussé."
Mais ça n'est pas la seule chose qu'il fait. Non, juste après qu'il ait prononcé ces mots, les veines de son visage deviennent plus saillantes, et des poils bleus se mettent à pousser sur celui-ci. J'en vois d'ailleurs apparaître sur toutes les autres parties de son corps qui me sont visibles. Durant sa transformation, qui n'a pris que quelques secondes, j'ai un mouvement de recul dû à la surprise, que je regrette immédiatement. Je n'ai pas peur de Hank, il a, jusque-là, toujours été gentil avec moi, et je ne veux surtout pas qu'il interprète mal mon vacillement qui traduisait juste le saisissement momentané qui m'a pris. Malheureusement je crains qu'il n'ait vu ma réaction puisqu'il baisse de suite la tête pour fixer ses pieds.
"- Voilà mon "pouvoir", dit-il gênée, en insistant sur le dernier mot.
- Et qu'est-ce qu'il te...permet de faire ? le questionnai-je, en hésitant sur la formulation appropriée."
Mon interlocuteur ne me répond pas, et je prends alors peur, pensant que ma question s'est avérée trop indiscrète. Je réfléchis donc à quelque chose à dire pour changer de sujet, seulement je ne suis vraiment pas doué, que ce soit en diplomatie, ou en relations humaines.
"- Hank a une vitesse, une force et une intelligence extraordinaires, m'explique Charles. Malheureusement, malgré tous mes efforts, il peine à s'en trouver fier, ce que je déplore chaque jour passé à ses côtés."
Cette fois, Hank émet un petit rire, et penche la tête sur le côté pour regarder le télépathe. Il n'a plus l'air gênée, ni triste, mais simplement amusé par la réaction de Charles. Réaction digne d'un enfant qui n'est pas d'accord avec son ami. Quoi qu'il en soit, nous nous mettons, Hank et moi, en route vers le nouveau complexe. Nous essayons d'être le plus discret possible, ce qui nous force à progresser lentement. Heureusement pour nous, la végétation est assez dense, et il nous est alors possible de nous cacher entre les fourrés ou derrière les différents arbres. Au bout d'à peine quelques minutes comme cela, je commence à distinguer entre les branches, les murs et fenêtres du bâtiment. Nous nous arrêtons alors, pour tenter de savoir s'il y a des gardes à l'extérieur.
"- Reste là, je vais faire le tour pour repérer les entrées, et les éventuels vigiles, me chuchote Hank."
Je fais ce qu'il me dit, et ne bouge pas de l'endroit où je me trouve. Pendant ce temps, je me concentre, et essaie de trouver les esprits des personnes qui se trouvent dans le bâtiment, mais n'en capte aucun. J'arrive seulement à repérer l'esprit de Charles et de Hank. Je suppose que pour camoufler ceux de tous les individus de l'édifice, Avogadron a dû limiter ses pouvoirs à l'intérieur de celui-ci. Soudain, Hank réapparaît à mes côtés. Je suis extrêmement étonnée qu'il soit déjà là. Il est si rapide, tout à l'heure il a dû avoir l'impression de reculer lorsque nous marchions très lentement.
"- Il n'y a personne à l'extérieur, m'indique-t-il immédiatement, sans être le moins du monde essoufflé. Et je n'ai vu que deux portes d'entrée. Une ici, me dit-il en montrant celle qui se trouve devant nous, et une autre sur le côté gauche du bâtiment. De plus, à côté de cette dernière se trouve une énorme ouverte qui est sans doute prévue pour laisser passer un camion."
Cette dernière remarque me fait tilter, je ne vois pas l'utilité qu'ils pourraient faire d'un camion. Surtout que ce bâtiment n'est pas si grand que cela. Toutefois, ça n'est pas important en ce moment, et nous commençons alors notre progression vers ce bâtiment, vers ceux que nous sommes venu sauver. Nous continuons à marcher d'un pas lent, et à nous camoufler. Plus je m'approche, et plus je me rends compte que le bâtiment est délabré, et semble même désaffecté. Je suis alors sûre et certaine qu'ils ont choisi cet endroit dans la précipitation, suite à la destruction du premier. J'avoue être à cet instant plutôt fière de moi, et de l'affaiblissement que je leur ai causé. En effet, ils ont sûrement moins de personnel et leur sécurité doit, de ce fait, en être altérée. Seulement tout n'est pas encore gagné, nous ne sommes que deux après tout. Et tant qu'Avogadron ne sera pas neutralisé, je ne serai pas très utile. Hank est seul sur ce coup.
Nous arrivons sans encombre devant la porte du bâtiment. Je tente de l'ouvrir, mais sans succès. Hank me décale alors gentiment de la main, et pose celle-ci sur la poignée. Il la tire vers lui, jusqu'à ce que celle-ci cède sous sa force. Cela n'a même pas l'air de lui demander le moindre effort. Charles ne m'avait pas menti, il est vraiment impressionnant ! Hank se précipite alors à l'intérieur, et je le suis dans la foulée. Seulement je m'arrête vite pour refermer la porte derrière moi, même si elle ne se ferme plus totalement à cause de l'absence de poignée. Mais au moins quelqu'un qui passera sans faire attention, ne le remarquera peut-être pas. En me retournant vers le couloir, je m'aperçois qu'il est très long, mais ne contient que quelques salles, dont la dernière est en face de moi. De plus il y a deux autres couloirs qui sont directement à ma gauche, et à ma droite. Hank s'engage dans la première salle qui se trouve un peu plus loin devant moi, sur ma gauche. Seulement il ressort immédiatement après, sans doute n'a-t-il rien trouvé. Il tente alors d'ouvrir la deuxième, mais il réapparaît aussitôt. Je m'élance donc vers les salles qui se trouvent vers la droite pour en inspecter le contenu. Je pose ma main sur la poignée, et celle-ci tourne tout de suite, sans opposer de résistance. Je suis alors en mesure de discerner l'intérieur de la salle. La première chose que je remarque est une chaise qui se trouve en plein milieu de la pièce. Sur ce fauteuil de métal se trouvent des sangles au niveau des accoudoirs, et des deux pieds avant. De plus, je peux apercevoir de l'endroit où je suis plusieurs tables métalliques alignées le long du mur, et sur lesquelles se trouvent des seringues, pinces, scalpels, et autres objets contondants. Je suis directement prise d'un haut-le-cœur, en pensant à toutes les atrocités qu'ils ont dû leur faire subir. C'est en remarquant les taches de sang qui jalonnent le sol que je sens mes jambes faiblir sous moi. Je suis obligée de sortir de la pièce à reculons, n'étant plus capable de faire quoi que ce soit d'autre.
"- Lucy, viens, il n'y a rien dans les autres salles mise à part leurs...ustensiles. Par contre, j'entends un bruit venant de là, me dit Hank en s'apprêtant à pénétrer dans la salle au bout du couloir.
- Tu en es sûr ? lui demandai-je, n'entendant pas le moindre son.
- J'ai une meilleure ouïe que toi, m'explique-t-il en faisant un sourire en coin."
Je me ressaisis alors en essayant de ne plus penser à ce qu'ils leur ont fait, mais à ce que nous devons éviter qu'ils leur fassent. Jusque-là nous n'avons trouvé personne, mais peut-être que cela va enfin changer. Je m'avance donc à grandes enjambées vers la pièce du fond. Hank est déjà dans celle-ci, et je le rejoins vite. Lorsque j'entre dans la salle, je ne vois d'abord que des bâches en plastique, accrochées aux barres métalliques qui jalonnent le plafond. Seulement j'arrive ensuite à percevoir la forme d'Hank derrière les morceaux de plastique. Je décide donc de passer à mon tour en arrière de ceux-ci. D'un seul coup, je ne perçois plus rien. Je suis obnubilée par ce qui se trouve en face de moi, et ne suis plus capable de penser à autre chose. Mon cœur bondit dans ma poitrine tandis que mes jambes flageolent. Ce que je vois me dresse les poils le long des bras et des jambes, et m'arrache plusieurs frissons. La pièce se met à tourner autour de moi, et je vois sans cesse les mêmes choses réapparaître devant mes yeux. Maintenant je comprends mieux pourquoi je ne ressentais la présence d'aucun esprit. Les chaines, les sangles, les seringues, les plaies et le sang sont tant d'images qui m'obnubilent. J'observe son corps, quasiment dénudé, comme à son habitude. Elle est debout, mais ne tient pas toute seule. Seules les chaines qui se trouvent au niveau de ses bras la retiennent de tomber, ainsi que la sangle autour de son front qui maintient sa tête et la relie à la table métallique debout. Son corps est strié de plaies, et je peux discerner d'ici des dizaines de traces de piqûres. Elle a la mâchoire qui pend, après avoir été brisée, tandis que sa pomme d'Adam a été littéralement arrachée. Plusieurs de ses veines ont été, elles-aussi, lacérées. Toutes ces choses je les connais bien. Je les aie vécues.
"- Angel ! souffle Hank, les yeux exorbités, avant de tomber à genoux."
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