50- "Départ"
~ Westchester, New York, USA, 8 Novembre 1972 ~
Cela fait bien longtemps que je n'avais plus repensé à cette après-midi. Seulement je préfère que cela reste ainsi, ça m'évite de trop souffrir. Pour ne plus réfléchir à tout cela, je décide de basculer mes jambes en dehors du lit, et de prendre appuie sur mes pieds pour me remettre debout. Ce n'est qu'en faisant cela que je me rends compte que la porte de la chambre est complètement ouverte. A cette découverte je plisse les yeux. J'étais pourtant sûre de l'avoir entendue se fermer avant de sombrer dans le sommeil. Je reste pendant plusieurs secondes sans bouger à regarder ce battant, puis je décide de ne pas m'en formaliser. Après tout ça n'est qu'une porte, si cela se trouve c'est un chat qui l'a ouvert, ou bien quelqu'un qui s'est trompé et n'a pas voulu me réveiller en la refermant. Je commence donc à avancer vers le seuil, lentement, puisque mon corps n'est pas tout à fait sorti de sa léthargie. Après seulement quelques pas, j'ai la désagréable surprise de me cogner les orteils contre le pied du lit, ce qui m'arrache un cri d'étonnement. Immédiatement je le réprime en pestant intérieurement. Malgré tout je me remets à marcher vers la sortie, puis m'engage dans le couloir. Je tourne la tête, pour regarder les alentours, mais n'aperçois rien, si ce n'est quelques meubles, et les portes d'autres pièces. En tout cas une chose est sûre : il n'y a personne aux alentours. Tant pis, de toute façon je sais bien que je ne pourrais plus me rendormir.
Je décide donc de retourner dans la salle à manger pour attendre. En effet, c'est la seule pièce dont je connaisse l'emplacement, ce qui n'est pas très dur puisqu'elle se situe juste en face de l'endroit où je me trouve. Je m'avance donc dans ce couloir, en passant devant un tas de portes fermées. J'ai quasiment atteint ma destination, quand je passe tout à coup devant une porte à moitié ouverte. Je m'approche donc de celle-ci, et tente de voir ce qui se trouve à l'intérieur. C'est alors que j'aperçois Charles, assis sur son fauteuil roulant, les coudes appuyés sur un bureau. Il a l'air très concentré sur ce qui est sur le meuble en question. En observant la pièce dans laquelle il se trouve, je remarque derrière lui deux étagères contenant un grand nombre de livres, ainsi qu'une horloge accrochée au mur en face de moi. Je tente alors de distinguer l'heure indiquée sur celle-ci, et pour ce faire je dois plisser les yeux. Je m'avance encore légèrement pour y avoir plus clair, mais en faisant cela le plancher se met à grincer sous mon poids. J'arrive tout de même, après quelques instants de concentration, à lire qu'il est 5h30. Seulement, lorsque les lattes ont émis du bruit, Charles s'est rendu compte de ma présence, et a donc tourné la tête vers moi.
"- Désolé, je ne voulais pas te déranger, j'essayais simplement de voir l'heure, m'excusai-je immédiatement en baissant la tête.
- Je t'en prie, entre, s'exclame Charles, l'air enjoué."
Je fais ce qu'il me dit, et me rends compte que ce sont des papiers qui se trouvent posés sur le bureau, et qu'il observait avec tant d'assiduité. Charles me tire une chaise qui se trouve à côté de lui, mais étrangement, ce mouvement lui arrache une grimace. Toutefois je ne dis rien, et m'assois sur celle-ci. Pendant ce temps, Charles prend précipitamment le verre d'eau posé sur son bureau, ainsi qu'un cachet blanc. Je le regarde faire, mais une fois encore, je ne pose pas de question. Je décide d'ailleurs de lui parler d'autre chose pour éviter qu'il ne soit mal à l'aise par rapport à cela.
"- Tu es debout de bonne heure ! m'exclamai-je avec un entrain feint."
Malheureusement cette réplique n'a pas l'effet escompté. Au contraire, Charles baisse même la tête suite à celle-ci. Immédiatement après, il semble se ressaisir, et empoigne toutes les feuilles posées sur son bureau, pour les rassembler en tas. Il les tasse, jusqu'à ce qu'elles soient parfaitement alignées, et là encore, il continue.
"- C'est à cause de la douleur, lance-t-il très rapidement, comme pour se débarrasser de quelque chose qui lui brûlerait la langue."
Seulement cette information ne m'aide pas vraiment, et je suis toujours dans le flou. J'ai bien compris que le cachet qu'il venait de prendre, était sans doute un médicament pour le soulager d'une douleur quelconque. Mais quelle douleur ? Celle de ses jambes ? Il est apparemment incapable de marcher, donc il ne doit pas non plus être capable de ressentir la douleur.
"- C'est pour mon dos, continue-t-il, d'une voix remplie de tristesse."
Je comprends mieux, il n'a peut-être plus les sensations de ses jambes, mais il garde celles de son dos. En plus rester assis aussi longtemps ne doit vraiment pas l'aider, ni alléger la souffrance qu'il ressent. En voyant l'abattement sur son visage je m'en veux de l'avoir incité à parler de cela. Mais Charles ne semble, une nouvelle fois, pas s'en formaliser puisqu'il repose les feuilles dont il s'occupait depuis quelques secondes, et reprend l'air serein qui le caractérise si bien.
"- Tu te sens prête ? m'interroge-t-il soudain.
- Pas vraiment, répondis-je directement, mais toutefois gênée par cet aveu."
J'ai bien trop peur de ce qui peut se passer pour me sentir actuellement confiante. Je suis inquiète à propos de ce que je pourrai trouver là-bas, et surtout je crains de blesser les mutants que je tenterai de sauver. Pendant les minutes qui suivent, aucun de nous ne prononce mot, et même en réfléchissant, je ne vois pas vraiment de quoi parler.
"- Qu'est-ce que tu pense des agissements d'Erik ? me demande soudainement Charles, avec un relent de colère dans la voix.
- Je ne suis pas pour l'extermination des humains. Il ne se rend pas compte qu'il refait les erreurs que d'autres ont commises auparavant sur lui. Il n'a pas conscience de l'hérésie de ses désirs, expliquai-je.
- Erik aurait pu être un homme bon s'il n'était pas aveuglé par les souvenirs qui le hantent. Ceux-ci lui font oublier les bons moments qu'il a vécus, et l'empêche d'en vivre d'autres, développe encore Charles."
Soudain Hank entre dans la pièce, et se précipite immédiatement vers l'endroit où nous nous trouvons.
"- Désolé de vous déranger, mais est-ce que vous comptez venir manger maintenant ? s'enquit-il. Parce qu'il faut que nous nous dépêchions de petit-déjeuner pour partir au plus vite.
- Alors nous allons y aller de suite, déclare Charles, soudain très sérieux."
Nous nous mettons donc en route vers la cuisine. Toutefois, je me contente de les suivre puisque j'ignore totalement l'emplacement de celle-ci. Au début nous prenons la direction de la salle à manger, mais au lieu de rentrer dans celle-ci, nous bifurquons à droite.
"- Charles, je pense qu'il serait bon que nous remettions les combinaisons de la plage, lance Hank, visiblement stressé, pour une raison que j'ignore.
- Pas question, répond immédiatement Charles, d'une voix calme mais sans appel.
- J'ai réparé la tienne, et j'en ai faits une nouvelle pour Lucy, commence Hank. Je sais que cela te rappelle de mauvais souvenirs mais...
- Vous n'avez qu'à les mettre, vous, le coupe Charles d'une voix plus dure qu'auparavant. Moi je n'en ai pas besoin, je ne quitterai pas le jet."
Hank souffle faiblement à cette remarque, mais se résigne apparemment à l'accepter. Soudain, celui-ci s'arrête, et ouvre à Charles la porte qui se trouve au milieu du couloir dans lequel nous sommes. Je suis la dernière à entrer dans cette pièce qui est sans doute la cuisine. Une fois le battant de la porte passé, je me rends compte que le jeune homme d'hier, Scott, est déjà assis devant la table qui trône au milieu de la salle. De plus, comme je m'y attendais, les ustensiles, et aménagements tels que la gazinière, le lavabo et le lave-vaisselle, me confirment que nous sommes dans la cuisine.
"- Bonjour professeur ! s'exclame Scott. Hank, continue-t-il en lui faisant un signe de tête, et ...
- Lucy, complète Charles dans la foulée."
Je lui fais moi aussi un signe de tête pour lui dire bonjour, puis prends place sur l'un des tabourets qui se trouvent autour de la table. Immédiatement après, Hank pose devant moi un bol avec des céréales, ainsi que du pain et différentes confitures. Je me mets alors à manger.
"- Tu es bien matinal Scott, s'exclame Charles, surpris.
- Oui, j'ai été réveillé par une porte qui n'arrêtait pas de claquer, s'explique-t-il. J'ignore d'où ça venait, mais ensuite je n'ai plus été capable de me rendormir."
Je baisse aussitôt la tête, gênée en réalisant que c'est de ma faute. C'est sans doute pour cela que la porte était ouverte ce matin lorsque je me suis levée. J'ai dû créer des courants d'airs durant mon sommeil, sans m'en rendre compte...Mais Charles n'est pas dupe, et il tourne la tête vers moi, le regard plus interrogateur qu'accusateur.
"- Je crois que c'est ma faute, dis-je d'une petite voix. Désolé.
- Ce n'est pas grave, me répond Scott avec un sourire contrits. De toute façon je n'avais plus sommeil."
Hank revient alors dans la cuisine, avec dans ses mains une combinaison bleu et jaune. Il me la tend pour que j'aille l'enfiler. Pour ce faire je repars dans ma chambre, puis une fois chose faite, reviens dans la cuisine. Hank porte une combinaison comme la mienne, tandis que Charles a gardé les mêmes habits. Dès mon retour, nous nous mettons en route vers le jet qui se trouve toujours dans la cour devant l'institut. Une fois devant, je monte une nouvelle fois dans l'avion, en pensant que je vais finir par savoir moi aussi piloter au vu du temps que je passe dans ces engins. Toutefois, l'inquiétude et l'appréhension reprennent vite le dessus sur moi, et je peine à cacher ces émotions.
"- Nous les sauverons, me dit Charles, confiant, en remarquant mes préoccupations."
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