48- "Repas"
~ Westchester, New York, USA, 7 Novembre 1972 ~
Après m'avoir fait céder, Charles et Hank m'ont fait reprendre l'ascenseur, à mon plus grand désespoir. Ensuite, ils m'ont conduit à l'étage dans une grande salle au milieu de laquelle trône une longue table en bois. Je suppose qu'il s'agit de la salle à manger.En entrant dans cette pièce je constate que le sol est lui aussi fait en bois, même si une grande partie est recouverte d'une tapisserie démesurée qui couvre quasiment toute la surface du plancher. Je fixe cette oeuvre monumentale, et me mets à avancer de quelques pas pour voir ce qu'elle représente. Je distingue en premier des hommes avec dans leurs mains toutes sortes d'armes, telles que des lances et des arcs. Ceux-ci sont représentés sur environ les trois quarts de l'oeuvre, avec en fond, la forêt. Ci et là je parviens à discerner quelques petits animaux, comme des lièvres et chevreuils qui se cachent parmi les plantes pour ne pas être repérés par les chasseurs. Mais ça n'est pas cela qui m'intrigue. Non, ce qui attire mon attention, c'est la position de ces hommes. En effet, ils sont tous tournés dans la même direction. Je reprends donc ma progression vers le fond de la salle pour découvrir ce qu'ils fixent. Après seulement quelques secondes, je peux le distinguer. Un cerf. Il possède de grands et magnifiques bois. C'est certainement cela la seule raison pour laquelle ces hommes veulent le tuer. En voyant cette scène je suis prise d'un haut-le-cœur, et sens la bile remonter jusqu'à ma bouche. Heureusement je réussis à me retenir, et ne vomis pas en plein milieu de la salle à manger. Pourtant j'avais toutes les raisons pour. En effet, j'ai l'impression que c'est moi qui suis représentée dans cette scène. L'impression que je suis le cerf et que mes pouvoirs sont les bois tandis que les hommes du complexe sont les chasseurs. Une chasse à l'homme. C'est exactement ce que j'ai vécu il y a 9 ans. Ces souvenirs font remonter en moi la peur, mais surtout la colère. Celle-ci me fait serrer les poings.
"- Lucy, tu te sens bien ? me demande Charles visiblement inquiet.
- Pardon ? Euh...oui, bafouillai-je encore perdue dans mes souvenirs."
Ce n'est qu'en me retournant pour questionner Charles sur cette tapisserie que je m'aperçois de sa proximité. En effet, pendant que je rêvassais il a dû s'approcher de moi sans que je ne m'en rende compte. Maintenant il se trouve juste à mes côtés, et plus exactement à ma droite. J'ai un petit mouvement de recul dû à la surprise, ce qui étonne d'ailleurs Charles, mais après s'être ressaisit il n'en fait pas fi et ne dit rien dessus.
"- Hank est parti nous préparer à manger, m'annonce Charles."
A cette réflexion je tourne ma tête pour observer toute la pièce, et me rends compte qu'il a, en effet, disparu. Je devais vraiment être à l'ouest pour ne pas le voir partir. Je crois aussi que j'étais trop absorbée par les sensations que me procuraient ces mauvais souvenirs. Souvenirs que j'aurai d'ailleurs préféré ne pas me remémorer.
"- Tu veux venir t'asseoir ? me propose Charles en désignant une chaise située derrière lui.
- Oui, dis-je faiblement."
En fait je n'avais qu'une seule envie à ce moment précis : me ruer sur une chaise. En effet, à cause de l'utilisation du cerebro, et de tous ces mauvais souvenirs, je sens depuis quelques secondes mes jambes faiblir. Et je suis bien consciente qu'elles ne me porteront plus longtemps. Je décide donc de m'avancer, en essayant de tituber le moins possible, vers la chaise qui est la plus proche de moi. Malheureusement je ne dois pas être très bonne comédienne puisque je sens le regard pesant de Charles observer chacun de mes mouvements. Toutefois, j'atteins l'objet de mes convoitises, et tire celui-ci de sous la table pour enfin m'y asseoir. A ce geste, je pousse un soupir de soulagement. Tant pis si Charles s'en rend compte. De toute façon il a bien remarqué que je n'étais pas dans mon assiette. Celui-ci écarte d'ailleurs sur le côté le siège qui se trouve à ma gauche, pour pouvoir glisser son fauteuil roulant à côté. Mais contrairement à ce que je m'attendais, il ne s'arrête pas là. Non, il prend appuie sur les accoudoirs de sa chaise pour réussir s'installer sur le siège normal qui se trouve maintenant collé au mien. Il est vrai que sur son fauteuil il aurait été bas pour la table, mais je ne m'attendais pas à ce qu'il s'installe avec une si grande facilité sur cette chaise. J'ignore si c'est le cas, mais j'ai l'impression qu'il a fait ce mouvement toute sa vie. Peut-être qu'il est né comme cela, sans l'usage de ses jambes. Je suppose que ce serait préférable. Avoir quelque chose en moins de tous les autres c'est déjà dur, mais l'avoir eu et ensuite le perdre, c'est encore pire...Seulement je suis bien trop consciente de la souffrance que peuvent procurer les souvenirs douloureux pour lui poser des questions. Soudain j'entends un bruit de porte, et tourne donc la tête pour me rendre compte de ce dont il s'agit. Ainsi, je vois Hank arriver avec trois assiettes et trois couverts dans les mains. Il a vraiment de la chance d'être habile de ses mains parce que si j'étais à sa place, les plats seraient déjà par terre. Il en pose une devant moi, une autre devant Charles, et met la dernière à la place qui se trouve en face de nous.
"- J'ai faits des boulettes de viande et des pâtes, j'espère que ça vous conviendra, je n'ai pas vraiment eu le temps de faire mieux, s'excuse Hank un peu gêné.
- C'est parfait Hank, comme toujours ! s'exclame Charles, ravi.
- Je suis sûre que c'est très bon, merci, dis-je, moi aussi gênée."
Nous commençons tous les trois à manger, dans le silence complet. Je m'attaque en premier à la viande, et j'avoue que celle-ci est très bonne, Hank est un vrai cordon bleu ! Seulement j'aimerai bien que nous en revenions au problème qui m'intéresse vraiment. Ainsi, je décide de me lancer la première.
"- Alors, comment allons-nous procéder demain ? les interrogeai-je dans un soudain élan.
- Eh bien, avant d'établir un plan ce serait bien que tu nous dises tout ce que tu sais sur cet endroit, et sur les habitudes du personnel, me demande Charles après quelques secondes de réflexion.
- J'étais la plupart du temps inconsciente malheureusement...Mais je peux quand même vous donner quelques informations, expliquai-je. Déjà, dans les laboratoires il n'y avait que les laborantins qui étaient autorisés à rentrer, tandis que des vigiles surveillés toutes les salles grâce à des caméras. Ensuite, il y avaient d'autres gardes qui faisaient des roulements pour patrouiller dans tous les couloirs et inspecter les portes. Mais j'ignore à quelle fréquence ils le faisait. Désolé, mais je n'en sais pas plus, finis-je en baissant la tête.
- C'est parfait ! déclare Hank.
- Ah bon ? lui demandai-je, étonnée, en même temps que Charles.
- Oui, Charles ne peut pas contrôler les esprits de toutes les personnes qui se trouvent là-bas, mais il pourra au moins contrôler ceux des vigiles. Pendant ce temps-là nous deux nous irons délivrer les autres. Ces scientifiques ne se rendront au début pas compte qu'il y a un problème, et ne seront pas très difficiles à neutraliser, énonce Hank avec un grand sourire aux lèvres.
- Mais je peux très bien me tromper Hank ! J'ai détruit le dernier bâtiment alors ils ont sûrement dû en trouver un autre dans la précipitation. Et puis ce mutant Avogadron, sait que je vais venir délivrer les autres mutants. Lorsqu'ils ont été enlevés, ils ne m'ont pas capturé car ils ignoraient que j'étais là, sûrement parce qu'Avogadron était encore inconscient. Mais maintenant ils doivent m'attendre de pied ferme, dis-je, désolé de ne pas être plus utile. Et il y a peut-être là-bas d'autres mutants qui tenteront de nous arrêter.
- S'il y en avait tu les as peut-être pour la plupart tués la dernière fois, tente Charles. Avogadron devait simplement être ailleurs lorsque tu t'es enfuie.
- Je ne suis pas convaincue...Mais de toute façon nous n'avons pas le choix, soufflai-je.
- En effet. Le temps presse, s'exclame gravement Charles.
- La seule question qui reste c'est : quand y allons-nous ? leur demandai-je sans avoir de réponse moi-même. Si nous y allons la nuit, nous pourrons les surprendre.
- Mais nous serons surement gênés par le manque de luminosité, objecte Hank.
- Nous n'aurons qu'à prendre des lampes ? proposai-je immédiatement.
- Je ne pense pas que ce sera nécessaire, ça pourrait nous gêner s'ils nous ont réservé un accueil chargé, proteste Charles."
Je réfléchis quelques secondes. C'est vrai que cela pourrait nous handicaper si des mutants comme Avogadron nous attendent. Seulement cela les affaiblira aussi. S'il n'y avait que moi qui doive intervenir j'irai le soir, puisqu'avec mes pouvoirs télépathiques je pourrais déterminer où se trouvent mes ennemis. Mais puisqu'il y a Hank, je suppose que je ferai mieux d'écouter leur avis.
"- Très bien, ça ne sera pas le soir, acceptai-je, légèrement à regret.
- Je pense que le midi serait le meilleur moment. Avec un peu de chance certains seront occupés à manger, et ils seront ainsi moins bien organisés, explique Charles."
Je me contente d'acquiescer à cette suggestion pour montrer que je l'approuve. Après cela nous restons sans parler jusqu'à ce que nous ayons tous finit de manger. Puis Hank repart avec toutes les assiettes et couverts. Je suppose qu'il va aller les déposer dans la cuisine pour les laver. Pendant ce temps, Charles se replace sur son fauteuil roulant.
"- Viens, je vais te montrer ta chambre, me dit-il en me montrant de la main le couloir qui se trouve derrière moi."
Je me lève donc, et emprunte le chemin que nous avions déjà pris à l'aller. J'espère que cette chambre n'est pas trop loin parce que je sens de nouveau mes jambes flageolantes, ainsi que des vertiges envahir ma tête. Heureusement pour moi, Charles s'arrête devant une salle qui se trouve juste au fond du couloir. Je suis tellement dans le gaz, que je n'ai pas réalisé le trajet que nous venions de faire. Charles m'ouvre la porte, et je m'avance, tel un fantôme, vers le lit qui se trouve en face de moi. Je ne fais même pas attention à l'intérieur de celle-ci. En ce moment je suis juste capable de m'allonger, ou plutôt, de m'affaler, sur le lit. J'ai à peine le temps d'entendre la porte se fermer, avant de sombrer dans un profond sommeil.
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