37- "Peur"
~ Position inconnue, USA, 6 Novembre 1972 ~
Mais qu'est-ce qui lui prend ? Je suis toujours énervée à cause des révélations que m'a faite Avogadron, et je n'ai pas du tout la tête à subir les remontrances d'Erik. Et puis de quel droit m'en fait-il d'ailleurs ? J'ai utilisé les mêmes méthodes que lui, disons que j'ai juste été un peu plus...persuasive. Seulement Erik ne semble pas le voir de la même façon, et a l'air, lui aussi, en colère. A tel point qu'il serre fort mes épaules sur lesquelles il a posé, ou plutôt agrippé, ses mains. Nous nous fixons avec le même regard échauffé, et j'ai l'impression qu'aucun de nous deux ne cédera. Malgré le fait que je ne me trouve pas en tort, je ne suis plus une enfant, alors je décide de répondre à sa question...sans vraiment y répondre.
"- Tu ne peux pas comprendre, dis-je irritée."
A ma remarque son regard change. Il ne s'adoucit pas, non, il a l'air plus chagriné qu'autre chose.
"- Regardes-toi Lucy, dit-il désolé. Tu es comme une bête enragée, et on ne peut pas t'arrêter quand tu es comme cela.
- Et j'ai la rage de quoi ? demandai-je sur un ton moqueur.
- La rage de vivre, me répondit-il gravement."
Je baisse la tête, et des larmes se mettent lentement à couler le long de mon visage. J'essaie de les cacher d'abord en les essuyant, puis en mettant mes mains sur mon visage, mais je suis bien consciente qu'Erik n'est pas dupe. Il a raison, j'ai vu ma vie s'envoler tellement de fois que je sens quand celle-ci est en danger, quand la fin approche, c'est pour cela que j'ai immédiatement paniqué. Parce que j'ai peur. Les hommes du complexe ne pourront pas m'attraper si je me fais discrète, et que je bouge souvent d'endroit, mais s'ils retrouvent Avogadron, alors ils auront toutes les chances de me retrouver, et surtout de me capturer. C'est pour cela que ce qu'Erik vient de me dire m'a touché. Parce qu'il a tiré en plein dans le mile, il a tout à fait raison sur moi. J'ai l'impression d'être toujours prisonnière de mes peurs, que ce sont elles qui me contrôlent. C'est d'ailleurs assez déstabilisant qu'il ait réussi à me cerner aussi bien alors qu'on ne se connaît pas pour ainsi dire, mis à part les événements que nous nous sommes montrés bien sûr.
Erik pose ses mains sur les miennes, et écarte celles-ci. Seulement je n'ose pas le regarder, je ne le veux pas parce que j'ai trop honte de me montrer aussi faible devant lui. Je n'ai pas eu beaucoup de contact avec les autres, mais je me suis toujours efforcée de me faire discrète, et de cacher ce que je pouvais ressentir ou penser. J'essayais de passer dans la vie des gens tel un fantôme, comme quelque chose dont on se souvient vaguement, mais qui n'a pas d'importance, qui ne marque pas les consciences. Mon attitude fait souffler Erik, et je vois du coin de l'œil qu'il se passe la main sur le visage en même temps qu'il expire. Après ce mouvement, il passe lentement ses bras autour de moi et pose une de ses mains sur ma nuque et l'autre dans le milieu de mon dos. Je ne réponds pas à son étreinte. Non, je reste complètement immobile sans savoir comment réagir, interloquée par son geste. Je constate tout de même que la présence d'Erik contre moi me fait du bien. Ainsi, même si j'ai toujours peur, je suis bizarrement plus rassurée qu'auparavant. Malgré cela, je me décolle de lui, sans regret, en le repoussant avec mes mains. Je n'ai pas l'habitude d'être aussi proche des gens, et je ne veux surtout pas devenir dépendante d'eux, surtout s'il s'agit d'Erik.
"- Tu as confiance en moi ? me demande-t-il les yeux pleins d'espoir, en repositionnant ses mains sur mes épaules.
- Non, lui répondis-je immédiatement, sans hésiter."
Je vois dans ses yeux que je l'ai blessé, mais je ne pouvais pas lui mentir, je déteste les mensonges. Et je suis lassée de faire semblant. Les bras lui en tombent, et j'ai l'impression que quelque chose s'est brisé en lui. Mais contrairement à ce que je m'attendais, il ne se referme pas sur lui-même. Non, il continue à me fixer avec ce regard triste, et cela me fait mal de le voir ainsi. Surtout en sachant que c'est moi la responsable de sa douleur.
"- J'ai besoin que tu me fasses confiance, me dit Erik d'un ton suppliant.
- Si c'est ça que tu attends de moi, je ferai mieux de partir maintenant, m'exclamai-je froidement en m'avançant déjà vers la sortie.
Seulement je n'ai que le temps de faire quelques pas qu'Erik me rattrape, et se saisit de mon bras gauche. Mais contrairement à ce que je m'attendais, il ne me retourne pas pour que je sois face à lui. Il garde cette main sur mon bras, tandis que son autre main glisse du côté de mon ventre jusqu'au milieu de celui-ci. Il m'enserre fort, et pose sa tête sur mon épaule gauche. Comme tout à l'heure je ne bouge pas, mais ma respiration s'accélère sans que je comprenne pourquoi, même si j'essaie de la contrôler pour qu'Erik ne le remarque pas.
"- Non, restes, me demande Erik avec un air implorant à mon oreille."
Je soupire, il m'énerve. Il a d'abord cette capacité à lire en moi, mais il possède surtout celle de me faire céder. Seulement il n'y a peut-être qu'avec lui que j'arriverai à sortir de l'endroit où je suis confinée avec toutes mes peurs. C'est peut-être Erik qui m'aidera à gravir les échelons qui me mèneront à une vie dans laquelle je ne serai pas contrôlée par mes frayeurs. Grâce à Erik je vois enfin une lueur au bout de ce gouffre, même si je préférerai être loin de lui.
"- Tu as raison, dis-je d'une voix faible.
- Pardon ? s'exclame-t-il en ne comprenant pas ma réponse."
Je sens bien que ma remarque le trouble, mais je me demande si c'est parce que je ne réplique pas à ce qu'il vient de me dire, ou alors parce qu'il n'arrive pas à croire le fait que je puisse lui donner raison. Dans le premier cas, il ferait mieux de s'y habituer car je réponds souvent de la sorte. Mais dans le second, il devrait en profiter immédiatement puisque c'est bien une première que je donne raison à quelqu'un.
"- J'ai peur de mourir, lui confiai-je dans un murmure.
- Tu es en sécurité ici, ils ne te trouveront jamais dans cet endroit, m'assure-t-il d'une voix qui se veut confiante, et rassurante."
Je me tourne pour me retrouver face à lui, et essaie en même temps de sortir de son étreinte, mais il ne me laisse pas faire. Il a maintenant l'une de ses mains posée dans mon dos, tandis que l'autre tient toujours mon bras gauche. Erik souhaite que je me laisse faire, seulement je ne veux pas rester dans ses bras. De plus, ça n'est pas certainement pas lui qui va décider pour moi. Alors je le repousse encore, mais violemment cette fois. Suite à mon geste il a un mouvement de recul, puis reprend son attitude habituelle, l'air de rien. Je le fixe ensuite pendant plusieurs secondes avant de me décider à parler.
"- Ce n'est pas cet endroit qui me met en danger, c'est toi, lui dis-je sans aucune émotion."
Erik est d'abord interloqué par mon accusation, puis il redevient encore une fois triste, et baisse le regard, blessé.
"- Pourquoi dis-tu ça ? m'interroge-t-il, dépité en me regardant de nouveau.
- J'ai vu les plans d'un avion dans une pièce où Emma ne souhaitait pas que je me rende. Je ne sais pas ce que vous comptez faire, mais je t'ai assez observé pour savoir que rien ne sortira de bon de tout cela, et surtout que tout le monde ne s'en sortira pas vivant, lui expliquai-je, froide.
- Tu ne peux pas comprendre, tu ne sais pas ce que nous nous apprêtons à faire, me répond Erik, contrit.
- Alors explique-moi, lui demandai-je intriguée, en penchant légèrement la tête sur le côté."
Le regard d'Erik semble se perdre dans le vide, tandis qu'il réfléchit à ma demande. J'espère qu'il acceptera, c'est le seul qui peut m'aider à comprendre ce qui se passe ici.
"- D'accord, je vais tout te raconter, concède-t-il enfin.
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